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Popeye
Année : 1982
Système : Arcade ...
Développeur : Nintendo
Éditeur : Nintendo
Genre : Arcade / Plate-forme
Par JPB (23 février 2010)
Le flyer. Cliquez sur une image pour une version plus grande.
Merci au site Arcade Flyer Archive !

"I'm Popeye the sailor man !" - Tôôt tôôt !
Si vous entendez la musique de Popeye, vous ferez immédiatement l'association avec le marin borgne, à la voix rauque et aux manières un peu rugueuses... Si votre culture le permet, vous associerez également immédiatement à tout ceci les épinards, et savoir si vous aimez ça ou pas fera l'objet d'un autre débat.

Un peu d'histoire...

Popeye est le nom d'un personnage de bande dessinée et de dessins animés, créé par Elzie Crisler Segar en 1929.
À l'origine, Popeye est un personnage secondaire.

Il faut savoir que Segar créa le Thimble Theater (Théâtre du dé à coudre) pour le King Features Syndicates en 1919 : il y dessinait les aventures de Harold Hamgravy, de sa petite amie Olive Oyl et du frère de celle-ci, Castor Oyl. Ce fut un succès qui, en 1924, obtint une page supplémentaire en couleur dans le journal. Le problème était que, malgré des histoires intéressantes, il n'y avait pas vraiment de personnages principaux dans cette bande dessinée.

Les personnages d'origine.

Dans le Thimble Theater du 17 janvier 1929, Ham et Castor décident d'embaucher un équipage pour naviguer à la recherche de la légendaire Whiffle Hen (une poule dotée de pouvoirs magiques). Se dirigeant vers un marin borgne sur un quai, Castor lui demande: "Êtes-vous un marin ?" Popeye rétorque : "J'ai l'air d'un cow-boy ?"

Pendant quelques mois, Popeye (qui doit sa force herculéenne à Whiffle Hen, la poule magique !) écume les mers avec ses passagers, et prend petit à petit de l'importance.
Lorsqu'à la fin de l'aventure, Segar tenta de faire prendre sa retraite au marin, les fans hurlèrent et demandèrent que Popeye restât présent. Segar les écouta, et en 1931 Popeye remplaça Ham dans le cœur d'Olive, tandis que le titre de la bande dessinée devint : "Thimble Theater, starring Popeye".

Segar mourut en 1938 d'une leucémie. De nombreux dessinateurs prirent le relais pour dessiner les aventures du marin : Tom Sims, Ralph Stein, Dic Winer, Joe Musialet, Bill Zaboly... L'ancien assistant de Segar, Bud Sagendorf, fut le dessinateur de Popeye à partir de 1958 ; en 1986, il ne dessinait plus que la page du dimanche et laissa le bande dessinée journalière à Bobby London. En 1992, à sa mort, c'est Hy Eisman qui reprit à son tour le flambeau.

De nombreux personnages furent progressivement ajoutés, comme Brutus - l'ennemi juré de Popeye, Gontran et ses hamburgers, Mimosa... même l'animal extra-terrestre Eugene the Jeep (Pilou-Pilou en français) qui, paraît-il, aurait donné son nom à... oui, la voiture, la Jeep !

Le petit monde de Popeye au grand complet.
Cliquez sur l'image pour une version plus grande.

Apprenez pour finir que Popeye est sorti en France en 1935, au début sous le nom de Mathurin !

Mais on ne parle ici que des bandes dessinées. Il faut quand même souligner que Popeye est le personnage de dessins animés réalisés par Max Fleisher, et ce dès 1933 ; c'est dans ces cartoons qu'est créé le mythe des épinards, qui donnent sa super-force à Popeye. De très nombreux cartoons (environ 400 en tout !) virent le jour dès cette époque, avec des pointes autour des années 60 et entre 1978 et 1980 (Hannah-Barbera). Un long-métrage en 3D est réalisé en 2004 : Le Voyage de Popeye - À la recherche de Papy.

Un film a même été réalisé en 1980, par Robert Altman (M.A.S.H.) sous la licence Walt Disney, avec Robin Williams dans le rôle de Popeye, et Shelley Duvall dans celui d'Olive.

Le thème musical de Popeye, "I'm Popeye The Sailor Man", a été composé par Sammy Lerner en 1933.

Depuis le 1er janvier 2009, le personnage de Popeye est entré dans le domaine public en Union Européenne.

Pôpa explique qu'il ne comprend pas pourquoi Popeye s'accroche à cette grande asperge d'Olive...
Ça provoque des bagarres, notamment quand un client entre dans un restaurant et accroche son imperméable
sur le nez d'Olive, pensant que c'était un porte-manteau !

Des liens :
- Le site officiel : http://www.popeye.com/ ;
- Une page hommage : http://www.bdzoom.com/spip.php?article3702 ;
- La chronique du film Popeye de Robert Altman, sur Nanarland.

L'affiche du film Disney, réalisé par R. Altman.
Le nouveau dessin animé en 3D.

Et bien sûr plein d'infos en tous genres sur Wikipedia.

Et le jeu dans tout ça ?

Popeye a une histoire assez exceptionnelle... Figurez-vous qu'un jour, le Président de Nintendo chargea un jeune designer de concevoir un jeu d'arcade. Ce jeune homme accepta, et se basa sur ses propres goûts pour proposer un concept de jeu de plateformes : dans ce jeu, Popeye devait secourir Olive, tandis que Brutus lui lançait des projectiles pour l'en empêcher.
Ça vous dit quelque chose ?
Finalement, King Features Syndicate refusa que Nintendo se serve de ses personnages, aussi le jeune designer décida d'en créer de nouveaux : Brutus devient un gorille, Olive se transforme en jeune fille, et Popeye en brave charpentier, sans nom défini au début, mais qui finira par s'appeler... Mario.

Et là, vous avez reconnu Donkey Kong, créé par le designer devenu le légendaire Shigeru Miyamoto.

L'écran titre.

Au vu du succès récolté par Donkey Kong, King Features Syndicate revit sa copie et accorda la licence de Popeye à Nintendo. Un nouveau jeu d'arcade fut alors mis en chantier, et en attendant Nintendo sortit un jeu électronique Game & Watch mettant en scène le marin, Olive et Brutus. Vous aurez plus de détails sur ce sujet à la fin de l'article.

ÔôÔôÔôhhhh, PôÔôpêÊêye !

Revenons au jeu d'arcade, sorti en 1982. On y dirige Popeye qui, dans trois tableaux distincts, doit ramasser les objets lancés par Olive.

Le premier niveau. Il faut attraper les cœurs.

Dans le premier tableau ("Oh my Sweetheart !"), Olive lance des cœurs. Popeye doit en attraper 24, chaque cœur ramassé s'inscrit dans la petite maison en haut à gauche de l'écran. Plus vous arrivez vite à les toucher, c'est à dire en haut de l'écran, plus ils rapportent de points. Si le principe est donc des plus simples (collecter les cœurs qui tombent doucement), vous vous doutez bien que ce n'est pas aussi facile.

Déjà, si un cœur touche la surface de l'eau, il se met à clignoter, et vous n'avez que 10 secondes pour le récupérer. Rassurez-vous : si vous vous retrouvez dans cette situation, la mélodie d'accompagnement change du tout au tout, il est impossible de ne pas vous rendre compte immédiatement qu'un des cœurs est dans l'eau. Mais si vous n'arrivez pas à le toucher à temps, vous perdez une vie : Olive fait la leçon à Popeye, tout penaud.

Ensuite, Brutus est jaloux, ce qui n'est pas nouveau : il veut se débarrasser de Popeye pour rester seul à conquérir le cœur d'Olive (je me demande vraiment ce qu'ils lui trouvent, mais bon...) Sa tactique est simple mais efficace : il parcourt l'écran à la recherche de Popeye, pour le frapper et l'éliminer (un simple contact suffit). Attention, Brutus est plus rusé qu'il n'y paraît : il est capable de sauter pour attraper les chevilles de Popeye si celui-ci est au niveau supérieur, comme il peut se coucher et faire tomber Popeye en le frappant avec son poing si le marin est au niveau inférieur. Il faut rester concentré et ne pas sous-estimer le barbu, qui est aussi capable de sauter d'un niveau vers le niveau en-dessous à n'importe quel moment.

Pour finir, Brutus et la Sorcière des Mers peuvent décider de lancer des bouteilles sur Popeye. Tous deux se mettent alors à projeter plus ou moins de bouteilles en ligne droite vers le marin ; celui-ci peut heureusement les frapper pour ne pas être touché. La différence entre Brutus et la Sorcière, c'est que celle-ci apparaît toujours de chaque côté de l'écran en même temps, et que les bouteilles arrivent donc des deux côtés ! Il est plus prudent dans ce cas de changer de niveau plutôt qu'essayer de toutes les frapper.

Crunch, miam, gloups, vive les épinards !

Heureusement, Popeye n'est pas démuni.

Popeye vient de manger les épinards : effet garanti et Brutus se sauve !

S'il arrive à attraper la boîte d'épinards, qui se trouve en alternance sur l'un des deux barils à gauche de l'écran, il fait comme dans le dessin animé : il se fâche tout rouge, et Brutus qui se rend compte que les carottes (à défaut des épinards) sont cuites, se dépêche de s'éloigner. Heureusement, Popeye est non seulement plus fort, mais aussi plus rapide, et il est facile de mettre une bonne raclée à Brutus qui s'envole et rebondit contre les bords de l'écran (toute l'image en tremble !) avant de prendre un bain forcé.

Plouf, Brutus est dans la flotte !

L'effet ne dure pas longtemps : juste deux mesures de la petite musique de Popeye. Après que vous ayez envoyé Brutus valdinguer, il sort de l'eau et se remet en chasse.
Si vous n'avez pas réussi à frapper Brutus à temps, il faudra fuir avant qu'il ne se retourne contre vous. Attention, vous n'avez qu'une boîte d'épinards par tableau, à vous de l'utiliser au mieux.

Les autres tableaux

Le deuxième tableau ("Moonlight Serenade") change d'ambiance : on se retrouve en ville. Olive joue une sérénade sur sa harpe, et lance les notes de musique gré du au vent. Popeye doit réussir à en attraper 16 pour passer au niveau suivant.

Sérénade au clair de lune.

Enfin, le troisième tableau ("Help !!!") se passe encore une fois dans un tout autre endroit : sur un bateau. Olive a été capturée par Bernard, le vautour de la Sorcière des Mers, et placée dans la vigie tout en haut du mât. Elle crie son désespoir, les lettres qui composent le mot HELP volent pour que Popeye les récupère. À chaque lettre attrapée, un barreau d'une échelle se crée, pour permettre à Popeye, une fois que l'échelle est complète, de rejoindre Olive...

Olive est séquestrée en haut du bateau.

Chaque tableau a des spécificités. Le premier propose de cogner sur un bidon qui, si le timing est bon, tombera sur la tête de Brutus, l'immobilisant provisoirement et donnant des points bonus. Le second offre de faire un saut grâce à Gontran, qui se goinfre toujours de hamburgers : en sautant au bon moment sur la planche, Popeye est projeté par le poids de Gontran jusqu'à Mimosa, accroché à un ballon. Enfin, au troisième tableau, il y a une passerelle qui permet de passer d'un côté à l'autre du bateau, mais il faut prendre garde à Bernard qui essaie d'agripper Popeye ; heureusement, un bon coup sur le bec et le vautour se casse la figure pour un moment.

Il y a toujours une boîte d'épinards disponible à chaque tableau, qui change entre deux emplacements à gauche ou à droite de l'écran ; il faut l'attraper au bon moment mais dans le feu de l'action, on se fait parfois avoir parce que la boîte change d'endroit au moment où on allait s'en servir...
Les différents niveaux recommencent ensuite, toujours dans le même ordre.

Le record est tenu par Steve Harris, avec 1 232 250 points le 15 novembre 1983. Je vous souhaite bien du courage pour essayer de l'égaler !

Réalisation

Autant les décors sont agréables mais relativement grossiers, autant les personnages sont d'une finesse rarement atteinte à l'époque : vous pourrez examiner le détail des personnages dans les petites vignettes que j'ai insérées plus haut pour vous en convaincre. Si vous regardez bien, vous verrez que les captures écran que j'ai faites de Popeye sont toutes en 512x448 pixels... En général, celles des jeux d'arcade de cette période sont en 224 x 256, voire 240 x 256. Dans mon souvenir, un des premiers jeux proposant une résolution de 512 pixels de large est Super Sprint... en 1986 !

L'animation n'a rien de particulier, les objets à l'écran bougent bien et sans ralentissements. Ce sont surtout les sprites des personnages qui sont excellents : du coup on a l'impression de voir un vrai dessin animé.

Brutus essaie d'attraper Popeye en-dessous, mais celui-ci s'est déjà poussé.

Les bruitages sont eux aussi relativement simples, quant aux musiques de fond qui changent d'un tableau à l'autre, elles sont douces, agréables et pas prises de tête. Un très bon point à la gestion des différentes musiques en cours de jeu : si Brutus se rapproche trop de Popeye, une autre mélodie plus rythmée remplace le thème du tableau ; de même, quand un objet est dans l'eau, la musique qui se fait alors entendre rappelle tout de suite le joueur à l'ordre ; pour finir, le thème de Popeye quand celui-ci a mangé les épinards est particulièrement réussi. N'oublions pas la musique de présentation, qui est parfaite, jusqu'à l'image de Popeye qui souffle dans sa pipe pour le "tôôt-tôôt" final !

Conversions

Venons-en maintenant aux conversions de Popeye, réalisées (à part la conversion Nintendo) par Parker Brothers, qui si vous les avez connus, fournissaient de très bonnes conversions d'arcade pour les consoles de l'époque (Q*Bert, Frogger, Super Cobra...).

Version Videopac.
Version Intellivision.
Version Atari 2600.
Version CBS ColecoVision.
Version Atari 5200.
Version TI-99/4A.
Version C64.
Version NES.

Toutes sont de bonne qualité ; on peut trouver la version Odyssey / Vidéopac un peu limite, mais vu les capacités de la console, cette conversion s'en sort avec les honneurs. On notera la version NES, sortie deux ans après les autres et réalisée directement par Nintendo, qui est très travaillée et soignée.

Comme je le disais plus haut, Popeye est sorti sur trois jeux électroniques : le premier, un Game & Watch sorti en 1980 - 1981, demandait à Popeye assis dans une petite barque, d'attraper tous les objets lancés par Olive depuis le quai, sans en manquer un seul ni se faire toucher par Brutus ; l'autre jeu, en couleurs, est sorti à la fois sur table-top puis sur Game & Watch seconde génération, proposait un combat entre Popeye et Brutus.
J'avais le premier des deux. C'était le tout premier Game & Watch que j'ai acheté (avant Octopus et Donkey Kong). En le resituant dans le contexte des jeux à cristaux liquides de l'époque, il était prenant et exigeait des réflexes de folie ; les personnages étaient parfaitement dessinés, c'était un vrai régal. Je me demande bien ce que j'en ai fait, impossible de me rappeler ; des jeux de l'époque il ne me reste que Donkey Kong...
Si vous voulez les essayer, faites défiler cette page vers le bas, vous devriez trouver votre bonheur...

Le premier Popeye Game&Watch, de Nintendo.
Le second Game&Watch en couleurs.

Popeye est donc très agréable à jouer par ses graphismes, sa musique et le challenge qu'il représente. Je ne peux que vous le conseiller, sur M.A.M.E. il tourne parfaitement, et il devrait vous amuser quelque temps - à moins que vous l'ayez connu autrefois, dans ce cas ça vous rappellera sûrement d'excellents souvenirs. En tout cas, s'il n'est pas aussi connu que Donkey Kong, on ne peut que féliciter Nintendo d'avoir réalisé un jeu d'arcade aussi soigné.

"I yam what I yam", traduit en français par
"J'suis c'que j'suis et c'est tout c'que j'suis".
JPB
(23 février 2010)
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