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Portal
Année : 2007
Système : Mac, Windows, Playstation 3, Xbox 360
Développeur : Valve
Éditeur : Valve
Genre : Action / Puzzle / FPS
Par Tonton Ben (04 avril 2011)

J’avoue avoir pris en main Portal sur le tard. Sorti en 2007, je n’ai finalement eu la bête en main qu’en 2010 par le biais de l’Orange Box, la compilation ultime de Valve regroupant, outre ce titre, Half-Life 2, ses deux épisodes supplémentaires, et Team Fortress 2. J’ai eu l’occasion pendant ces trois ans de lire beaucoup de choses sur Portal, et de voir quelques vidéos ; tous ces éléments ne m’ont apporté que confusion quant à l’objet même du jeu et ses mécanismes, et suscité une curiosité et un attrait forts quant aux thèmes évoqués, son intrigue et ses liens sous-jacents avec le canon de Half-Life.

Voilà pourquoi, lorsque j’ai enfin lancé l’Orange Box sur ma Xbox 360 un soir d’été 2010, avec un pote qui ne connaissait pas non plus le jeu, accompagnés de deux verres de whisky et après avoir mis les enfants au lit, notre choix s’est directement porté sur Portal. Half-Life 2 et Team Fortress 2 pourraient attendre.

Nous avons passé la nuit dessus, sans pouvoir ni vouloir décrocher une seule minute, jusqu’à la fin. Et ce fut une superbe expérience.

La jaquette de Portal, hors version Orange Box.
Cliquez sur une image pour une version plus grande. Merci au site Mobygames !

Portal vous met dans la peau de Chell Johnson, une jeune femme qui se réveille dans une cellule aseptisée, sortie d’une espèce d’hyper-sommeil, et à priori sans aucun souvenir. Chell est accueillie par la voix métallique de GLaDOS (Genetic Lifeform and Disk Operating System), une intelligence artificielle qui contrôle l’environnement où évolue Chell, et qui va la guider au travers de celui-ci. Enfin, plus ou moins.

Chell est en effet enfermée dans les salles du Centre d’Enrichissement d’Aperture Science, un complexe de salles au design épuré et totalement automatisées, et qui constituent autant de tests d’aptitudes physiques et logiques. Chell est une espèce de rat de laboratoire qui n’a d’autre choix que de se plier aux directives de GLaDOS, qui veut coûte que coûte mener l’expérience jusqu’au bout. Douée d’empathie (glad = content, heureux, joyeux en anglais), GLaDOS va se montrer prévenante envers Chell, prodiguant ses conseils et expliquant les mécanismes en place. Elle tente même de rassurer Chell quant à la bonne marche des tests, dont l’issue finale sera... une fête, et il y aura du gâteau.

La salle de réveil, tout confort.
Chell, vue à travers un portail. Au début, ce concept est particulièrement déroutant.

Pour mener à bien ses tests, Chell reçoit deux équipements : des genouillères, tout d’abord, qui vont lui permettre d’absorber tous les dégâts dus à une mauvaise chute, quelle que soit la hauteur ou la distance. Cet équipement est fourni dès le départ.

Le second équipement, ensuite, sera acquis assez tôt dans le jeu : le fusil à portails, un équipement de haute technologie développé par Aperture, et qui sera la seule arme du jeu, une arme non létale. Le fusil à portails, comme son nom l’indique, créé par une simple pression de la gâchette un portail dimensionnel de couleur bleue sur n’importe quelle surface compatible (mur, sol, plafond). Complété de son second module (qui apparaîtra dans les niveaux secondaires de la partie tutoriale du jeu), elle permettra de lancer un second portail de couleur différente (orange) par le biais de la seconde gâchette. L’originalité de l’appareil vient du fait que les portails bleus et orange sont reliés entre eux : créez les deux portails à deux endroits différents, rentrez par le portail bleu, vous ressortirez par le portail orange, et vice-versa (il n’y a pas de sens).

Des plates-formes, de l’acide, des tourelles, des interrupteurs, bienvenue dans Portal.
Vous trouverez ce genre de message de temps en temps...

Et là, les possibilités offertes sont incroyables. Sachant que la vitesse et l’inertie ne sont pas modifiées (« tout ce qui rentre rapidement, sort rapidement ! » nous dit GLaDOS), vous allez pouvoir : atteindre n’importe quelle plate-forme inaccessible autrement (visez le plafond au-dessus de la plate-forme et ouvrez un portail, puis visez le sol à vos pieds et ouvrez le second portail), changer de pièce en un clin d’œil si vous avez ouvert un portail dans une pièce précédente, mais aussi et surtout jouer avec la gravité.

Ouvrez un portail en hauteur (orange par exemple), ouvrez le bleu à vos pieds, et lorsque vous ressortez, ouvrez immédiatement le bleu dans votre trajectoire, et vous allez ressortir de nouveau par le orange, en bénéficiant de votre vitesse de chute... et donc bondir beaucoup plus loin. La science au service du jeu vidéo, c’est Portal, et vous allez vous amuser comme un petit fou avec vos nouvelles capacités.

Voici les mécanismes de jeu schématisés : Fig1., le joueur rentre par le portail bleu, et ressort par le jaune, l’inertie de sa chute lui permettant de traverser le fossé. Fig2, en ouvrant un nouveau portail bleu lors de sa chute en sortie du jaune (l’ancien bleu disparait de fait), le joueur accumule assez de vitesse pour franchir le second palier.

Vous ne serez pas seul dans Portal. Vous ferez un bout de route avec le Cube de Voyage, votre nouveau meilleur ami. Il s’agit d’un cube totalement inerte flanqué d’un joli petit cœur rose sur ses faces, qu’il faudra transporter dans certains niveaux. Comme le fusil anti-gravité de Half-Life 2, le fusil à portails permet aussi de soulever des objets et de les déplacer en supprimant leur gravité, sans toutefois pouvoir les propulser au loin. Malheureusement, GLaDOS vous demandera de « l’euthanasier »... Car GLaDOS semble cacher une facette plus sombre de sa personnalité, qui transparaît de plus en plus dans ses monologues au fur et à mesure de votre progression. Elle vous guidera par exemple vers une salle de tir pour androïdes militaires, bourrée de ces tourelles mortelles qui vous dégommeront à vue (la salle de test prévue initialement était fermée pour maintenance), et qu’il faudra désactiver d’une façon ou d’une autre. Et d’ailleurs, est-ce que ce fameux gâteau existe vraiment ?

Voilà pour le programme des réjouissances. Je me dois d’en dire le moins possible, tout le sel de ce jeu réside dans la progression du joueur et dans les surprises qu’amène Portal. Fondé sur le moteur de Half-Life 2, Portal n’est ni plus ni moins qu’un Puzzle-FPS, une nouvelle catégorie de jeu qu’on aimerait voir plus souvent. Chaque énigme peut se résoudre de différentes façons, certaines méthodes utilisées sont incroyables, la réflexion est partout. Si le jeu est court (et c’est son seul défaut), les niveaux peuvent être rejouées en mode avancé, aux pièges plus élaborés (les tourelles sont par exemple protégées dans des cages inamovibles), ou dans des modes défi aux contraintes assez folles : finir les niveaux en ouvrant le moins de portails possible, dans un temps imparti, ou avec le moins de pas effectués. Finir ces modes avec un trophée en or vous demandera le meilleur de vous-même, le niveau est extrêmement relevé.

Dans Portal, il faudra souvent mettre des cubes sur des interrupteurs.
Le Cube de Voyage est votre meilleur ami. Si le Cube de Voyage vous parle, ne l’écoutez pas.

Si le graphisme est volontairement épuré (ambiance laboratoire, à mi-chemin entre The Island de Michael Bay et Cube), Portal arrive à distiller une ambiance assez malsaine par le concept même du test humain, une ambiance musicale rare mais très décalée, l’absence de présence humaine (bien qu’on en trouve des traces), l’envers du décor... et GLaDOS, le point fort du jeu. Son ambigüité, ses répliques souvent décalées (« C’est malin, vous avez détruit le module qui servait à fabriquer des chaussures pour les orphelins ! »), son omniprésence et sa voix très réussie (j’insiste sur la version française, excellente) en font le personnage principal de Portal.

Portal a rencontré un franc succès, et un culte référentiel s’est vite construit autour. Les références sont nombreuses, en particulier au fameux gâteau placé au cœur de l’intrigue de Portal. Dans ‘Splosion Man, par exemple, excellent jeu de plates-formes mâtiné de réflexion de Twisted Pixel Games sorti en 2009 sur le Xbox Live Arcade, le héros principal, lui aussi rat de laboratoire, doit retrouver un gâteau d’anniversaire à chaque niveau. Le nom du succès associé à cet objectif parodie lui aussi Portal : « The cake is not a lie » (le gâteau n’est pas un mensonge). Même chose chez Blizzard, dans World of Warcraft, un haut fait lié aux compétences de cuisine reprend le même nom que le succès mentionné précédemment. Sur Internet, on ne compte plus les références à ce gimmick. Même le Cube de Voyage fait l’objet d’un certain culte.

Portal 2 a été annoncé en 2010 pour une sortie en 2011, avec quelques détails croustillants : le retour de Chell, GLaDOS, un mode multi-joueurs, et de nouvelles possibilités. En attendant, Portal : Still Alive, sorti en 2008 sur le Xbox Live Arcade, propose l’aventure complète enrichie de 14 nouvelles cartes. Néanmoins à 1200 MS Points le jeu, soit environ 15€, Portal : Still Alive est un peu cher, surtout lorsqu’on sait que l’Orange Box est trouvable en occasion au même prix. À moins de profiter d’une promotion ponctuelle sur ce titre.

Chaque niveau commence par ce panneau explicatif : ici, attention aux projectiles, mettez la boule d’énergie dans son réceptacle, baignade dangereuse, et eau non potable.
Gâteau en vue ! Miam !

Valve a fait très fort avec Portal, et a réussi à faire patienter les fans de Half-Life 2 qui attendent désespérément l’épisode 3 depuis la fin de l’épisode 2 sorti en 2007. Pour la petite histoire, le concept de Portal vient d’un projet de fin d’année 2005 d’élèves du DigiPen Institute of Technology, Narbacular Drop, sur pécé. Valve a embauché ces gens, et les a collés dans une salle blanche pour qu’ils développent Portal, avec des caméras aux murs et une intelligence artificielle pour les superviser dans leur travail.

Ils ont dû avoir du gâteau une fois leur travail terminé.

Tonton Ben
(04 avril 2011)
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