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Extermination
Année : 2001
Système : Playstation 2
Développeur : DeepSpace
Éditeur : Sony Computer Entertainment
Genre : Survival Horror
Par Jika (07 octobre 2003)

Cette fois, nous ne remonterons pas trop loin dans l’histoire vidéoludique, au début de l’année 2001. Après la triste démonstration de la stupidité humaine lors des « émeutes » occasionnées par le lancement massif de la PlayStation 2, les nouveaux possesseurs du monolithe noir de Sony durent se rendre à l’évidence : aucun des titres proposés dans les premiers mois de vie de la machine n’était vraiment digne de toute l’attention publicitaire et médiatique à laquelle avait droit tout nouveau jeu PS2. Argh... Il fallait l’avouer : la stratégie commerciale de Sony avait dupé des millions d’acheteurs malgré le faible nombre de softs de qualité disponibles. Fort heureusement, les killer-apps sont arrivés en masse sur PlayStation 2 par la suite, mais que le démarrage fut long et poussif ! Tout ceci pour dire qu’en ce début d’année 2001, la PS2 manque de titres forts, et comme Sony sait pertinemment que les survival-horror ont un potentiel commercial déjà maintes et maintes fois prouvé, la firme nippone décide de fournir à sa machine fraîchement débarquée un titre de la sorte, appelé Extermination.

Qui dit survival horror dit monstres visqueux et hémoglobine à gogo. Extermination n’est pas à conseiller à tout le monde.

C’est donc au mois de juin 2001 que débarque en France une nouvelle exclusivité PS2 horrifique appelée fort délicatement Extermination. Sous ce titre un peu brutal se cache un jeu développé par DeepSpace, une compagnie japonaise comptant dans ses rangs à ce moment-là le créateur du mythique Ghouls n’ Ghost, ainsi que certains membres de l’équipe responsable du premier volet d’une série aussi culte : Resident Evil. Du beau monde donc, afin de proposer un vrai titre fort sur un créneau un peu dépourvu à l’époque sur la 128-bits de Sony. Bien qu’il soit un peu dénué d’originalité sur le plan de l’ambiance et du scénario (nous y reviendrons plus loin), Extermination propose quand même un gameplay assez novateur, ainsi qu’un level design déroutant pour un soft appartenant à cette catégorie. Tous les jeux de ce style étant plus ou moins des « copier-coller » des standards que sont Resident Evil ou encore Silent Hill, ce titre quelque peu décalé est donc plutôt bien accueilli par la presse spécialisée à sa sortie.

Un jeu un peu sanguinolent tout de même...

24 décembre 2005. Vous êtes Dennis Riley, jeune Marine surentraîné doté de capacités exemplaires dans le domaine du maniement des armes à feu et autres armes blanches. Vautrés à l’arrière d’un avion survolant les terres glacées de l’Antarctique, vous et votre partenaire Roger vous ressassez sans cesse les vieux souvenirs de votre regretté ami Andrew, qui a donné sa vie pour vous sauver quelques temps plutôt. C’est que Roger, Andrew et vous-même formiez un excellent commando de Marines dont l’efficacité n’était plus à démontrer. C’est donc l’esprit embrumé par les souvenirs douloureux que vous revenez alors à la situation actuelle : vous et vos coéquipiers êtes envoyés dans une base de recherche du gouvernement appelée Fort Stewart. Les têtes pensantes de Washington étant sans nouvelles des gens travaillant sur ce site depuis trois jours, ces dernières décident de vous envoyer en mission de reconnaissance dans cette mystérieuse base. C’est en arrivant à destination que votre avion connaît alors de graves problèmes techniques et ce dernier doit donc vous parachuter en compagnie de Roger sur la base. Vous êtes enfin tous les deux devant Fort Stewart : l’objectif est à présent de pénétrer le complexe afin de retrouver les autres membres de votre expédition pour ainsi découvrir ce qui se passe sur ce lieu. Mais c’est là que le paisible joueur de PS2 que vous êtes intervient et manette en main, c’est à lui d’écrire la suite des pérégrinations de Dennis Riley.

Voici Dennis dans sa version européenne. Il est amusant de noter qu’il a les cheveux bien plus longs dans la version américaine... La "californian touch", peut être...

Comme je le soulignais plus haut dans le texte que vous avez sous les yeux, le scénario n’est pas franchement original. En effet, dès les premières minutes de jeu, on est assailli par de multiples éléments rappelant des classiques du septième art. En effet, le coup des monstres extraterrestres ayant paralysé une base située dans un milieu polaire n’est pas sans rappeler la trame principale du chef-d’œuvre de John Carpenter, The Thing. On trouvera également de nombreuses idées empruntées à d’autres pièces maîtresses du cinéma comme la série des Alien. Ces ressemblances peuvent passer pour des clins d’œil tant Extermination cultive cet aspect « film » : en effet, à la manière de Metal Gear Solid 2 quelques temps plus tard, le jeu multiplie les cut-scenes avec de nombreux plans de caméra spécifiques, même si cela est bien sûr nettement moins bien réalisé que dans les aventures de Solid Snake et de Raiden. Toujours dans cette optique, les musiques que le joueur entend durant toute l’aventure sont parfaitement dans le même style que les mélodies accompagnant les plus grands films d’action hollywoodiens. On regrettera cependant que ces dernières soient aussi souvent répétées et d’aussi mauvaise qualité au niveau de l’interprétation, ce qui pousse à les rendre assez vite pénibles...

Qui peut bien être cette personne qui vous mettez en joue avec votre fusil ?

Pourquoi se pencher sur Extermination plutôt que sur n’importe quel autre survival horror, ces derniers étant présents en nombre sur PS2 ? Tout simplement pour l’originalité de la construction du jeu. En effet, ce qui différencie le jeu de DeepSpace de la masse de titres pullulant sur la machine de Sony, c’est le gameplay. Dans Extermination, on se passe des classiques énigmes à deux francs six sous inhérentes à ce type de soft, dans le genre du « met donc le médaillon dans le cœur de la statue » (coucou Resident Evil) ou encore dans le style « joue donc du piano afin d’ouvrir une porte secrète » (bonjour Silent Hill) - (NdL : Bruno, viens voir un peu par là !). Ici la difficulté pour progresser dans le soft vient de l’agencement des décors car notre ami Dennis Riley dispose d’une multitude de mouvements possibles. Sauter, grimper sur des caisses, escalader des parois (une fois les chaussures à clous trouvées), se suspendre par les bras à des rebords ou à des échelles horizontales, glisser le long de câbles, etc. Dennis est du genre acrobate et Extermination est fondé sur ceci. Tout le level design a été pensé dans cette optique : afin de résumer les choses, on peut dire que par moment, ce soft prend des allures de jeu d’aventure/action dans le style de Tomb Raider. D’ailleurs, comme j’aime être cruel, je tiens à préciser que Lara Croft elle-même devrait prendre leçon sur Dennis Riley tant la jouabilité est bien meilleure que dans la série d’Eidos. Et ce n’est pas la triste démonstration de « L’ange des ténèbres » qui me fera mentir. Repose en paix, Lara...

Une panoplie de mouvements surprenante pour un Resident Evil-Like.

Revenons à nos moutons, ou plutôt à nos extraterrestres, car nous ne sommes pas ici pour épiloguer sur la déchéance de la série Tomb Raider. Cette comparaison cinglante était juste là pour vous faire sentir que la principale qualité d’Extermination est sa jouabilité. En plus d’être très instinctive, cette dernière est également facile d’accès. Toutes ces périlleuses manœuvres se réalisent avec un seul bouton, ce dernier étant alors contextuel : c’est à dire que l’action qu’il déclenche dépend de la position du héros ainsi que des objets qui l’entourent. On se rapproche un petit peu de la philosophie des Zelda sur N64. Mais cette interaction avec le décor, aussi inhabituelle soit-elle dans un survival horror, n’est pas la seule qualité du soft. On pourra également citer pêle-mêle, pour énumérer les aspects réussis d’Extermination, l’ambiance très travaillée qui facilite l’immersion dans l’aventure, la qualité de la modélisation des personnages, le système d’armement (fondé sur un seul et unique fusil entièrement customisable à l’aide de nombreux modules disséminés tout au long du jeu) ainsi que la qualité des animations. Reconnaissons que le titre de DeepSpace est loin d’être un jeu raté et cela se traduit par le grand nombre de points forts à mettre à son crédit.

Le fusil de Dennis est ici équipé d’une lampe torche et d’une visée laser. Une bonne idée.

Hélas, l’être humain est un éternel insatisfait, et encore une fois, ce dernier trouvera des choses à redire lorsqu’il s’essaiera à Extermination. Et il aura bien raison le bougre. En effet, le jeu est loin d’être parfait, et cela se traduit par plusieurs petits défauts agaçants. Signalons tout d’abord le manque d’originalité de la trame scénaristique, mais ne nous y attardons pas car nous nous sommes déjà entretenus sur le sujet. On peut également noter les problèmes de caméra malheureusement trop fréquents, et cela est encore plus flagrant lors des passages se déroulant dans des endroits exigus comme le laboratoire vers la fin du jeu. Impossible également de passer sous silence le côté « à la traîne » de l’aspect technique du soft : musique répétitive à souhait, temps de chargement multiples et longs comme un épisode de Derrick, couleurs froides et impersonnelles (mais là, l’aventure se passant dans la glace, on ne peut que juste le signaler et non le critiquer), et surtout de l’aliasing omniprésent. C’est simple, si vous jouez à Extermination une heure sans avoir les yeux voilés par des larmes épaisses tant ces derniers sont fatigués, c’est que vous avez onze sur dix à chaque œil. Mais il s’agissait là d’un problème récurrent pour la PlayStation 2 à l’époque donc il fallait obligatoirement s’y attendre.

Signalons que les phases en extérieur dans le blizzard sont magnifiquement réussies en ce qui concerne les attitudes de Dennis.

Pour conclure, on peut dire qu’Extermination sent bon le petit jeu sans prétention. Cela se voit dans la finition du titre : avec plus de temps et aussi plus de moyens, il aurait pu se placer comme un des meilleurs survival horror de l’époque, mais son manque de soin dans les détails le plombe cruellement. Certes, depuis ce mois de juin 2001, des titres bien plus forts comme The Thing, Silent Hill 2 et 3 ou encore les Resident Evil sur Game Cube sont sortis et ces derniers le feront passer pour un peu ringard, voire carrément désuet, mais il propose un gameplay qui lui est propre, et rien que pour cela, on ne peut que féliciter DeepSpace. Extermination est aventure sympathique, avec un héros suffisamment charismatique pour devenir crédible et des monstres bien réalisés sans devenir vraiment effrayants. Et c’est là que se situe la dernière critique que l’on pourra formuler à l’égard du jeu : Extermination est un peu faible en ce qui concerne le potentiel « terreur » que doit avoir un bon Resident Evil-Like. Ne comptez pas avoir la peur au ventre durant votre périple à Fort Stewart. Au pire, vous aurez droit à quelques coups de sang lors de certains passages un peu péchus, mais ne vous attendez pas à vivre cette angoisse insoutenable que l’on ressent lorsqu’on parcourt les ruelles sombres et étroites de Silent Hill. Malgré son appartenance au milieu des survival horror, il est plus judicieux de voir Extermination comme un jeu d’aventure/action teinté d’un soupçon de jeu d’horreur plutôt que comme un titre inquiétant et effrayant comme les vieux fans d’Alone in the Dark apprécient. Un titre hybride donc, pas parfait, mais suffisamment original dans ses mécanismes pour mériter le coup d’œil.

Il faudra gérer tout au long du jeu votre niveau de contamination, afin d’éviter de tomber aux mains des monstres. Ici un caisson de vaccination afin de se décontaminer.

PS : comme je suis sympa, je vous offre en plus la publicité du jeu qui parut dans la presse spécialisée. Merci qui ?

« Pensez à vous relaxer 15 minutes toutes les deux heures », au moyen d'un CD de chants d'oiseaux : la pub magazine d'Extermination.
Jika
(07 octobre 2003)
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