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Apple
L'outsider du marché de la micro-informatique, sa légende, ses hauts, ses bas, et le détail de sa gamme de machines de rêve.
Par Laurent (03 avril 2006)

Les ordinateurs Apple n'ont jamais été des machines de jeu. Seul l'Apple II reste dans les mémoires pour sa ludothèque, mais son prix élevé et sa réputation de "Rolls des ordinateurs" l'ont écarté du parcours de la majorité des joueurs. Nous ne nous attarderons pas autant, donc, sur Apple que sur les autres pionniers de la micro-informatique, mais tout de même un petit rappel des faits s'impose.

1976-1981

1977, Jobs et Woz présentent l'Apple I - Un Apple I dans son boitier bricolé.

Steven Wozniak et Steven Jobs se connaissent depuis le lycée. Tout ceux qui se souviennent d'eux à cette époque se les rappellent inséparables et passionnés d'électronique. Arrivés à l'université, ils restent en contact, et dégottent tous deux un job dans la Silicon Valley. Wozniak (Woz pour les Apple-maniacs) entre chez Hewlett-Packard, et Jobs chez Atari. C'est là qu'il est chargé de travailler sur un jeu dérivé de Pong mettant la légendaire "raquette de tennis" face à un mur de briques, qui va aboutir, avec le concours actif de son ami Wozniak, à Breakout, classique du jeu vidéo primordial. Woz adore éventrer des ordinateurs pour en explorer le contenu dans le but, un jour, d'en concevoir un. En 1976, il parvient à faire fonctionner une machine faite littéralement de bouts de ficelles, mais d'une facture telle que la naissance d'un génie de l'informatique a indubitablement eu lieu. C'est Jobs, moins doué techniquement que Woz mais commercial plus efficace, qui insiste pour tenter de le faire fabriquer en série et commercialiser. Les deux compères baptisent la machine Apple. Ils décident de quitter leur emploi respectif et de fonder la société Apple. L'Apple est vendu, dans un premier temps sans boîtier, par souci de prix de revient, mais n'est pas vraiment pris au sérieux par la profession. Ce n'est que son successeur, l'Apple II, sorti en 1977, qui fait décoller Apple. L'Apple II, qui est le tout premier ordinateur grand public à afficher des graphismes en couleurs, est une machine très impressionnante.

Apple IIc et Apple II+

La société fait encore plus parler d'elle en 1978 avec l'Apple Disk II, le lecteur de disquette le plus abordable et facile à utiliser jamais sorti (à l'époque). Les ventes s'envolent, et la compagnie grossit. En 1980, pour la sortie de l'Apple III, elle compte plusieurs milliers d'employés, et commence à vendre des ordinateurs en dehors des Etats-Unis. Elle attire des investisseurs qui, devenus actionnaires, se montrent forts désireux d'occuper des postes de directeur. Ces nouveaux dirigeants, plus âgés, très conservateurs, transforment peu à peu Apple en une compagnie dite "respectable", et font évoluer les méthodes de travail vers plus de productivité, parfois au grand dam des employés qui ont connu l'ambiance détendue des débuts. En 1981 les chose empirent avec la saturation du marché, et les difficultés que connaît la compagnie dans ses ventes. En Février, Apple licencie 40 personnes. Woz se blesse dans un accident d'avion, et reste plusieurs mois inactif. Lorsqu'il retourne enfin au bureau, c'est pour donner sa démission, insatisfait de ce qu'est devenue l'entreprise qu'il a créée. Par ailleurs, ses relations avec Jobs se sont, avec le temps, considérablement dégradées.

En Mars 81, Jobs est nommé directeur commercial.

Le Woz d'aujourd'hui préfère jouer.

1981-1983

Lisa

Depuis 1979, Jobs et plusieurs autres ingénieurs, fortement inspirés par une visite chez Xerox au cours de laquelle ils ont découvert le légendaire modèle Alto, travaillent à l'élaboration du Lisa, un ordinateur qui doit préfigurer l'informatique du futur. Jobs se montre vite de compétence limitée dans la direction d'un projet, et se voit remplacé par Mike Markkula, alors président d'Apple dont il est l'un des actionnaires majoritaires. Jobs, qui ne détient que 11% des actions d'Apple, décide de se rattacher à un autre projet moins en vue, le Macintosh, un ordinateur d'entrée de gamme à 500$ auquel il croit beaucoup. En 1981, Apple sort son premier PC. Lancé et bien soutenu par Big Blue (comprenez IBM), le PC commence à dominer le marché. Jobs et son équipe doivent se dépêcher s'il ne veulent pas que leur poulain soit d'entrée hors course. Jobs ne se sent pas les épaules pour occuper le fauteuil de directeur de la compagnie, et début 1983, propose le poste à John Sculley, ex-président de Pepsi-Cola. En Avril, Sculley devient donc PDG d'Apple, et Jobs pense que la compagnie va atteindre une stature internationale. Il se trompe, et son erreur va lui coûter son job.

1983-1985

Apple IIgs et Apple III

Tout homme d'affaire avisé qu'il soit, Sculley ne connaît rien à l'industrie des ordinateurs. Jobs et lui sont en complet désaccord sur tout. Alors que la sortie du Macintosh approche, Steve travaille d'arrache-pied. Il prospecte tous les développeurs pour que le Mac sorte garni d'un parc respectable de logiciels, persuadé que la clé du succès est là. Le 22 Janvier 1984, pendant le troisième quart-temps du Super Bowl, Apple fait diffuse une publicité pour le Macintosh restée célèbre. Réalisé par Ridley Scott, ce spot d'inspiration Orwellienne décrit un monde entièrement géré par des ordinateurs IBM puis brutalement secoué par l'arrivée d'un nouvel ordinateur nommé Macintosh. Dans un premier temps, le Mac se vent très bien, mais moins d'un an plus tard, on le décrit obsolète à cause de son manque de RAM et de l'impossibilité de lui adjoindre un disque dur.

C'est vers Janvier 1985 que Jobs et Sculley se brouillent sérieusement. Sculley reproche à Jobs ses décisions inconsidérées qui font courir Apple à la faillite, et Jobs dénonce l'incompétence de celui qu'il a poussé au sommet de la compagnie. Jobs demande à Sculley de se rendre en Chine afin d'y organiser une réunion, et commence à organiser dans son dos un conseil d'administration aux US pour le faire virer. Sculley est informé de la conspiration à temps, et se rend au conseil. Il demande un vote pour décider lequel des deux doit être congédié, et le conseil se range à ses côtés. Jobs démissionne alors, laissent Sculley diriger Apple seul.

1985-1993

Mac 128, Mac 512, et Mac SE.

En Mai 1985, donc, Sculley est à la fois PDG et directeur d'Apple. Au cours des mois suivants, Apple se voit forcé par des chiffres insuffisants de se séparer du cinquième de son effectif, ce qui fait environ 1200 personnes sur le carreau. Sculley est de plus en plus contesté et certains regrettent amèrement de l'avoir préféré à Jobs. Il se lance dans un bataille juridique contre Bill Gates et Microsoft à propos de la sortie de Windows 1.0, la nouvelle interface graphique utilisateur de Microsoft pour PC qui présente des similitudes troublantes avec celle du Mac, le MacOS. Bill Gates finit par signer un engagement à ne pas utiliser de technologies directement issues du Mac pour ses propres productions, mais ses avocats font en sorte que cet engagement ne concerne que Windows 1.0, et pas les futures versions. En échange, Apple s'engage à ne plus le poursuivre. Sculley commet une erreur qui va changer la face de la micro-informatique des années à venir en se satisfaisant de cet arrangement. En ces heures difficiles, les seuls produits qui font tenir Apple sont le LaserWriter, première imprimante laser abordable, destinée au Mac, et PageMaker, un des premiers logiciels de PAO (Publication Assistée par Ordinateur) jamais conçus. Les deux produits couplés font du Mac une excellente et peu coûteuse solution de PAO, et le remettent en selle.

En 1987, Apple introduit le Mac II, qui fait de la gamme Macintosh une famille d'ordinateurs fiables et puissants. Apple redevient un "Wall Street Darling" (expression employée par le magazine Rolling Stone à son sujet à l'époque), et vend 50.000 Macs par mois, les deux modèles confondus. En 1989 on pense que Windows va faire un flop, et que le Mac va s'imposer pour les dix prochaines années. On se trompe. En 1990, le marché se retrouve envahi par les clones PC fabriqués en Corée et à Taiwan, de toutes sortes de configuration, alors qu'Apple est la seule compagnie à vendre des Macs. En Mai, Microsoft sort Windows 3.0, qui s'installe rapidement sur tous les PC de la planète malgré ses lacunes. Apple est dans les ennuis. L'idée pour en sortir pourrait être de vendre la licence du Mac OS, dans l'espoir de voir apparaître des "Mac clones", mais Michael Spindler, le futur PDG d'Apple, pense qu'il est trop tard. Il évoque la possibilité d'adapter l'OS aux processeurs Intel qui équipent les PC.

Fin 1991, Apple sort la première génération du PowerBook, un Mac portable qui obtient tout de suite un fort succès et travaille aussi sur un nouvel ordinateur, le Personal Digital Assistant (PDA), dont le fonctionnement est basé sur un système de reconaissance de l'écriture manuscrite, et qui sera finalement baptisé Newton. Sculley croît beaucoup dans le Newton, qui est finalisé en Août 1993, mais la reconnaissance d'écriture manuscrite fonctionne mal, et la machine se vend très mal. Jour après jour, Sculley perd la foi dans Apple, s'en désintéresse, et le conseil d'administration le relève de ses fonctions, au profit de Spindler.

1993-1996

Mac Classic et PowerBook

Michael Spindler, homme discret voire transparent, dont le bureau est continuellement fermé à ses collaborateurs, n'est pas l'homme de la situation. Il restera tout de même 2 ans et demi à la tête de la société. En 1994. Apple annonce la gamme PowerMac, les premiers Macs équipés du processeur PowerPC, un CPU très puissant et rapide développé en collaboration avec Motorola et IBM. Le PowerPC doit permettre aux PowerMacs d'égaler, voire surpasser les performances des PC utilisant le nouveau processeur d'Intel, le Pentium. Spindler a réussi à vendre la licence du MacOS à plusieurs compagnies, comme Power Computing, le plus célèbre fabriquant de clones Mac, mais trop d'autres renoncent à faire affaire avec Apple, trop restrictif dans ses exigences. Le plus gros problème d'Apple n'est pas de vendre des ordinateurs, mais de les fabriquer. La compagnie, qui revient de loin, ne dispose pas des capitaux nécessaires pour acheter des usines. A la fin de l'été 95, Microsoft sort sa nouvelle interface sans cesse retardée, Windows 95, qui copie plus que jamais le MacOS. Spindler n'y peut rien, les mains liées par les arrangements faits par son prédécesseur. Apple fait son plus grand plongeon début 1996. La compagnie commet une erreur de marketing en axant sa publicité sur les peu coûteux et peu performants Mac Performa plutôt que sur les PowerMacs d'entrée de gamme, et ne réalise aucun bénéfice. Les pertes sèches s'élèvent à 68 Millions de dollars. Fin Janvier, Spindler est sommé de démissionner. Il sera remplacé plus tard par par Gil Amelio, ancien président de National Semiconductor, mais le fauteuil de PDG reste vide quelques mois....

1997- ?

Steve Jobs, aujourd'hui PDG d'Apple.

C'est par le rachat de sa société NeXT que Steve Jobs fait son retour chez Apple. Sa mission est claire. L'action d'Apple est à son cours le plus bas depuis 5 ans, et il n'y a pas de PDG en place. Il y a des décisions à prendre, et peu de temps pour y réfléchir. Bien qu'Amelio soit le nouveau PDG, Jobs devient PDG suppléant. Il remanie Apple de façon radicale. La production du Newton est arrêtée, et la convention MacWorld d'Août 1997 sera l'occasion d'annonces fracassantes. Jobs prononce le discours d'introduction, décrit la future politique de promotion agressive d'Apple, les nouveaux Macs prévus, et le Rhapsody. Il annonce aussi le renouvellement complet du conseil d'administration, et l'arrivée au sein de celui-ci de Larry Ellison, ex-PDG d'Oracle. Mais la vraie bombe que Jobs a gardé sous sa manche arrive à la fin du discours : l'annonce d'une alliance avec l'ennemi de toujours, Microsoft. En échange d'actions Apple pour un montant de 150 millions de dollars, Microsoft et Apple vont signer un accord de 5 ans sur leurs licences respectives, un nouvel arrangement sur leur discorde à propos de Windows et du MacOS, Microsoft acceptant de payer une somme restée secrète en dédommagement du vol de propriété intellectuelle commis à l'encontre d'Apple en développant les interfaces Windows, et s'engageant à adapter Windows sur Mac avant la fin de l'année.

Ces nouvelles signifient le renouveau d'Apple, mais le travail de Jobs ne s'arrête pas là. Il reste un obstacle à franchir : les clones. Jobs sent que les clones de Mac représentent maintenant un manque à gagner pour Apple, qui, débarrassé de la concurrence de Microsoft, peut remettre l'accent sur la production d'ordinateurs. Windows est resté leader, les clones du Mac n'ont en rien fait du MacOS le système à la mode, comme le désirait Michael Spindler, mais ont au contraire fait perdre des clients à Apple. Fin 97 Apple annonce son intention de racheter à Power Computing la licence de MacOS, et de débaucher une partie de son personnel. Quelques mois plus tard, c'est la fin de Power Computing, et Apple rachète également ses licences à IBM et Motorola. La société Umax est autorisée à continuer écouler ses stocks de clones Mac, à condition de se limiter à l'entrée de gamme, soit les machines n'excédant pas 1000$. Le 10 Novembre 1997, Apple tient une conférence de presse au cours de laquelle Jobs annonce des changements dans sa stratégie. Apple va maintenant vendre lui-même ses ordinateurs par correspondance et sur Internet, s'inspirant en cela de Power Computing. Cela s'appellera l'Apple Store. Il annonce également deux nouvelles machines, le PowerMac G3, et le PowerBook G3.

L'iMac et le PowerMac G3

L'Apple Store marche très bien dès sa mise en œuvre et devient en une semaine le troisième site de vente sur le web. Au MacWorld de San Francisco en Janvier 98, Jobs annonce qu'Apple commence l'année avec des bénéfices nets de 44 millions de dollars ce qui est un chiffre auquel la compagnie n'est plus habituée depuis des années. Voilà qui met en défaut les prédictions de tous les analystes, et remet l'action Apple parmi les 20 premières valeurs du marché. En Avril, Jobs annonce que les profits atteignent 57 millions de dollars, ce qui surprend encore un peu plus tout le monde, et en Mai, un tout nouveau Mac est annoncé, le iMac.

Il s'agit d' un ordinateur au design révolutionnaire destinatié du grand public qui cherche une machine assez puissante pour un prix raisonnable. Jobs est hyperactif, et le même mois, un autre bouleversement est annoncé, cette fois dans la conception du futur OS : le MacOS X fusionnera l'OS 8 et Rhapsody en un seul systeme d'exploitation, compatible avec les applications OS 8. En Juillet 98, Jobs annonce des bénéfices de 101 millions de dollar. L'action Apple monte plus ce jour là que toute l'année qui a précédé. A l'Automne, l'iMac est l'ordinateur le plus vendu aux Etats-Unis. En Janvier 1999, Jobs annonce, en même temps qu'un nouveau Mac G3, qu'Apple vient de vivre son cinquième trimestre consécutif sans baisse des bénéfices. En Juillet 99, Steve Jobs remplit le dernier cadran de la "Matrice des produits Apple", à savoir le marché du portable, avec le iBook. Basé sur les même principes qui ont fait le succès du iMac l'année précédente, le iBook apporte classe et design au marché de l'ordinateur portable. Quelques mois plus tard est annoncé le PowerMac G4, un ordinateur à usage professionnel. Les actions Apple continuent de monter pour atteindre leur plus haut cours jamais enregistré depuis que la compagnie existe.

Dans une note lue au MacWorld de San Francisco en Janvier 2000, Jobs révèle la nouvelle stratégie Internet d'Apple : Une suite d'applications Internet réservées au Mac appelée les "iTools", et un partenariat avec Earthlink. Il annonce aussi qu'il devient réellement PDG de la compagnie après l'avoir dirigée en sous-main durant des années. Apple continue de grossir, comme son titre boursier, qui en Mars atteint les 130$. En Juillet 2000, Apple annonce une nouvelle série de machines, parmi lesquelles le PowerMac G4 Cube, la réponse à ceux qui désiraient un iMac sans moniteur et un challenge pour ceux qui essaient de réduire la taille des ordinateurs tout en améliorant leur aspect visuel.

Le temps de l'amitié avec Woz est bien loin, mais Steve Jobs est redevenu le maître à bord, se désignant lui-même du titre de "iPDG".

a suivre...

Laurent
(03 avril 2006)