Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par MTF (06 janvier 2013)
RareWare... Pour certains, un studio d'excellence, pour d'autres, une compagnie qui aime à se perdre régulièrement sur des chemins de traverse et à ne plus jamais retrouver la lumière. Jamais avis n'ont été plus partagés : on aime, généralement, Donkey Kong Country, Banjo-Kazooie et Goldeneye007, et l'on déteste, généralement, Donkey Kong 64, Grabbed by the Ghoulies et Perfect Dark Zero. C'est comme ça. Un
peu d'histoire afin de comprendre, précisément, les
enjeux de Banjo-Tooie et ce pourquoi son caractère
historiographique n'est plus à démontrer. Au milieu
des années 1990, le jeu vidéo connut une nouvelle révolution
dont il a le secret : après s'être émancipé
en deux dimensions, il put commencer à profiter de la nouvelle
puissance induite par les supports récents pour s'étendre
vers le relief et la 3D. Tous les genres de jeu, ou presque, furent
touchés par cette évolution non seulement graphique,
mais également ludique : aventure, action, énigmes...
Des consoles comme la Playstation,
la Saturn ou encore la N64
devinrent le fer de lance de ce renouveau et de ce style qui aujourd'hui
encore font de nombreuses émules.
Pendant très longtemps, au moins jusqu'à la génération subséquente de machines (PS2, Xbox, GameCube), ce canon a été repris jusqu'à la lie, et on ne compte plus les jeux qui ont utilisé ce principe fondateur, celui d'un hub distribuant les différents mondes, puis des objectifs précis au sein de ceux-ci dans l'optique de recueillir suffisamment d'objets pour atteindre le dernier boss. Spyro, Jak & Dexter, Ratchet & Clank, une pléthore de jeux sur N64... La formule a été usée jusqu'à la corde et le genre, parce qu'il peinait à se renouveler, commençait à sombrer dans l'ennui. Aujourd'hui, il semble même pratiquement disparu, les jeux s'en rapprochant choisissant soit de déguiser leur structure en deux dimensions au sein d'un cheminement semi-libre (Super Mario Galaxy), soit d'inclure un autre type de gameplay comme Banjo-Kazooie: Nuts and Bolts pour faciliter leur exploration. Et pourtant, elle tourne...Lorsque j'avais parlé de Donkey Kong 64, sorti plus ou moins au même moment que Banjo-Tooie (un an, plus ou moins, les sépare en effet), j'avais mis en exergue sa construction artificieuse et son côté « collectathon » forcé et déplaisant, ceci comptant énormément dans la déroute que ce jeu représente à mes yeux. Banjo-Tooie, de prime abord, partage avec ce jeu une construction relativement similaire. Le jeu est composé d'un immense hub, « l'île aux sorcières » qui distribue les huit mondes que composent le jeu. Le terme « d'immense » est ici judicieusement choisi, et l'on peut même considérer par moment qu'il s'agit là d'un monde à part entière dont la progression dépend de l'avancée du joueur. Si la comparaison avec le château de Super Mario 64 n'est clairement plus d'actualité, l'on retrouve cependant la logique instaurée dans le château de Gruntilda qui nous demandait déjà, dans Banjo-Kazooie, d'utiliser autant que faire se pouvait les pouvoirs débloqués pour progresser et qui recelait un grand nombre de secrets et de zones cachées. En soi, la structure globale du jeu est donc relativement similaire à celle du premier épisode, si ce n'est qu'une étape supplémentaire a été incluse : les notes ne débloquent pas d'elles-mêmes les portes menant à la suite du jeu, mais permettent d'acquérir un nouveau mouvement qui permet, en retour, d'explorer davantage le hub et d'atteindre le prochain niveau. Il y a, en tout, quatre-vingts-dix pièces de puzzle à collecter, ce qui en fait dix par monde. Les pièces de l'île aux sorcières s'obtiennent en collectant les jinjos, des petites créatures de dix couleurs distinctes cachées au sein des niveaux. Ils sont répartis en famille de couleur, et une fois une famille réunie, on obtient la pièce (ainsi, il n'y a qu'un seul jinjo blanc, mais une dizaine de jinjos verts). Les pièces des niveaux en eux-mêmes, cependant, s'obtiennent en remplissant divers objectifs. Il y a notamment trois constantes :
Au sein de chaque monde enfin, l'ours et l'oiseau pourront récupérer divers objets spécifiques et utilisables, la plupart du temps, dans ce seul niveau : des doublons, des tickets d'entrée pour des attractions, des totems etc. et qui permettent d'obtenir, vous l'avez deviné, de nouvelles pièces de puzzle. Variété et monotonieEn contrepartie et après s'être débarrassé de cette optique de collecte infâme, le jeu se concentre donc sur son identité première qui serait l'exploration méthodique d'environnements immenses et où il faudra régulièrement faire preuve de jugeote pour trouver des chemins alternatifs ou des raccourcis pour atteindre son but. Comme preuve même de cette nouvelle orientation, le jeu élimine parfaitement la notion de « vies », un échec ne renvoyant le joueur qu'au début de la zone en question pour lui redonner immédiatement une nouvelle chance et pour l'enjoindre à prendre une nouvelle approche. Cette qualité, cependant, devient rapidement un défaut pour au moins deux raisons. D'une part, la grandeur des environnements traversés fait qu'il reste souvent difficile de s'y repérer efficacement, et plus d'une fois l'on s'y perdra malgré les téléporteurs tant leur architecture est complexe : la palme revient sans doute à l'avant-dernier monde, « Les industries Grunty », qui nous demandent d'explorer une gigantesque usine composée de cinq étages et de sous-sols connectés par des jeux de passerelles, de trous, d'ascenseurs et de portes diverses, et il ne faudra pas hésiter à faire un plan exact pour pouvoir s'y repérer. D'autre part, certaines pièces de puzzle demandent de faire une longue série d'actions consécutives pour les obtenir, parfois même d'activer un interrupteur dans l'un des derniers mondes pour déclencher, à la façon des dominos, une série d'événements débloquant un passage dans l'un des tous premiers. L'on se retrouve alors souvent bloqué face à un obstacle ou une situation en particulier sans savoir si l'on a déjà les outils pour surmonter le problème, ou s'il nous faut attendre d'avancer un peu plus pour revenir à cela ultérieurement.
Tout ceci fait qu'il n'est pas rare de sécher sur une énigme alors qu'il suffisait de lancer une grenade ou de s'agripper à un rebord pour atteindre une nouvelle zone, parce que notre a esprit a oublié que l'on possédait cette capacité : c'est que tous les mouvements ne sont pas utilisés avec régularité, et que certains d'entre eux ne servent qu'à une seule et unique occasion alors que d'autres, comme l'œuf-grenade ou l'œuf-télécommandé sont exigés dans plus de la moitié des problèmes rencontrés. Il est pour cette raison fortement déconseillé de suspendre sa partie et de la recommencer plus tard sous peine d'avoir parfaitement oublié ce que l'on pouvait ou devait faire, et de tourner en rond sans progresser d'un iota. Plein les sensPourtant, Banjo-Tooie possède au moins trois qualités indéniables qui permettent d'avaler la pilule plus facilement et qui parviennent, in extremis parfois, à le sauver de la lassitude que l'on pourrait parfois ressentir en explorant les environnements. Premièrement, le jeu est beau. Et je veux dire, sincèrement, indubitablement, beau. Il est d'ailleurs surprenant qu'une telle débauche de textures, d'effets, qu'un jeu aussi colossal puisse fonctionner sans Expansion Pak, là où Donkey Kong 64 l'exigeait pour un pâté décevant de couleurs ternes. Les environnements sont vifs, les animations détaillées, l'eau est magnifique et, j'y reviens encore car il faut vraiment le voir pour le croire, les niveaux sont gargantuesques et garnis de détails nombreux. Les effets de lumière sont très convaincants, de même que les explosions ou les effets de particules et les matières : le rendu vidéo de la N64, pourtant désastreux comme on le sait, n'arrive pas à abîmer ces graphismes alors même que Conker's Bad Fur Day sera, parfois, bien plus brouillon dans son approche. Enfin
et non des moindres, le jeu est drôle. Profondément drôle.
Banjo-Kazooie était déjà plaisant,
cela étant notamment dû aux remarques du piaf, assez
« rentre-dedans » et au phrasé tout en
rimes de la sorcière qui coloraient le jeu. Ici, tous les personnages
secondaires ont leur propre caractère et tous les dialogues
dissimulent un sens second, un calembour, une remarque assassine,
la version français faisant vraiment honneur à l'esprit
de l'original so british. Par instant, on jurerait même
voir du Monty Python's : et le jeu n'hésite plus, cette fois-ci,
à se revendiquer parfaitement en tant que jeu vidéo
à part entière, là où le premier épisode
ne brisait le quatrième mur que partiellement. Ici, tout est
prétexte à se jouer des codes, des conventions, de la
structure d'un jeu d'aventure ou de plateformes classique : cette
voie, que prendra également Conker par instants
(même si son sarcasme s'attache souvent également à
la situation en elle-même et non à son support vidéoludique) inaugure par prolepse ce que sera l'univers de Banjo-Kazooie:
Nuts & Bolts, ce dernier se plaçant ainsi davantage
dans la continuité de cet épisode que ce que l'on aurait
pu croire, et celles et ceux qui avaient été désarçonnés
par son scénario devraient se rappeler que ses prémisses
avaient déjà été dessinées dans
ce jeu. Il
paraît difficile, cependant, de « passer »
après Banjo-Tooie. RareWare a su, avec ce
jeu, montrer les limites parfaites du jeu de plateformes en 3D libre
dans un genre de magister dixit phénoménal,
un cours magistral chevronné auquel rien n'est à ajouter.
Pour la première fois peut-être dans l'histoire du jeu
vidéo, les développeurs sont arrivés dans une
impasse : ils ne pourront alors que revenir sur leurs pas jusqu'au
dernier embranchement, et essayer une autre formule, en espérant
qu'elle saura captiver les joueurs autant que par le passé.
Comme preuve de ceci, le prochain jeu du genre développé
par le studio, Starfox Adventures, ne parviendra
pas à aller au-delà de Banjo-Tooie
et même, par instants, s'enfonce dans les défauts de
Donkey Kong 64, comme quoi... Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (7 réactions) |