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Battle Isle : la série
Année : 1991
Système : Amiga, Windows
Développeur : Blue Byte
Éditeur : Blue Byte
Genre : Stratégie
Par DSE76 (24 septembre 2015)

Introduction

Quand on y pense, le jeu vidéo européen a mis du temps à se faire connaître comparé aux productions d'outre-Atlantique et nippones (bon, il faut avouer que les deux ont une grande expérience en matière de micro-informatique et de création de composants). Toutefois, l'arrivée d'ordinateurs assez performants et bon marché dans les années 80, ainsi qu'un certain engouement pour la programmation ont permis l'apparition de nouvelles sociétés ainsi que des figures devenues emblématiques dans le jeu vidéo telles qu'Eric Chahi, Fréderick Raynal, Peter Molyneux... Mais en Allemagne ?

En 1987, avec l'arrivée d'ordinateurs comme l'Amiga, de nouveaux studios se développent outre-Rhin dont trois qui sont considérés comme les plus importants : reLINE Software (Legend of Faerghail, Hollywood Poker Pro, Hard'n'Heavy...), une équipe un peu touche-à-tout qui a malheureusement disparu en 2004, Factor 5, bien connu des amateurs d'Amiga (et de consoles aussi) avec la série des Turrican et enfin Blue Byte.

Blue Byte est un studio créé en 1987, siégeant à Düsseldorf, par deux associés : Lothar Schmitt et Thomas Hertzler. En 1989, le studio se fait remarquer avec Great Courts, jeu de tennis considéré comme la première véritable simulation de ce sport et sorti sur ordinateurs 16-bits ainsi que la SNES et la Lynx. Mais ce n'est pas avant 1991 que le studio connaîtra une certaine renommée dépassant parfois l'Europe avec Battle Isle, un wargame paru sur Amiga et sur PC (DOS) mais c'est avec The Settlers, jeu de gestion d'une colonie, qu'ils connaîtront le plus grand succès : il a été décliné en moult épisodes et de nouveaux sortent encore aujourd'hui.

Toutefois, des jeux moins connus mais d'un intérêt ludique certain verront le jour comme Albion.

Lothar Schmitt et Thomas Hertzler, les deux cofondateurs de Blue Byte

À la fin des années 90, Blue Byte se mettra à la 3D, isométrique avec The Settlers 3 (la série utilisera cette vue jusqu'à l'épisode 5 en 2004) et pleine en temps réel avec Battle Isle 4 Andosia wars, mélange étrange entre wargame au tour par tour, STR et Age of Empire. En 2001, la firme a été rachetée par Ubisoft (paix à leur âme, diront certaines mauvaises langues), un partenaire avec lequel ils ont travaillé pendant longtemps. Toutefois, ils ne feront que des Settlers à la chaîne depuis leur rachat par la firme de Montpellier et ont perdu bien du prestige depuis.

Un petit aperçu des principaux jeux de la firme de Düsseldorf.

Battle Isle

Année : 1991
Système : Amiga, PC
Développeur : Blue Byte
Editeur : Blue Byte
Support : Disquettes

En 1991, après le succès de Great Courts, Blue Byte entame la création d'un wargame se déroulant dans un monde futuriste sur une autre planète à la technologie plus avancé que la nôtre. Inspiré de Nectaris (bien que ce jeu PC Engine n'ait jamais été distribué officiellement en Europe), Battle Isle est un jeu de guerre au tour par tour dans lequel deux armées s'affrontent sur une île (d'où le nom). En fait, le but est d'annihiler l'adversaire et pour ça, deux façons d'y parvenir :

- Éliminer toute trace de l'ennemi sur le terrain.
- Prendre son quartier général.

Une vue de la zone de jeu.

Le jeu utilise la fameuse grille hexagonale chère à de nombreux wargames. En revanche, le déroulement de la partie est un peu plus original : l'écran est toujours divisé en deux pour chacun des camps (même en solo). Chaque tour est divisé en deux phases : une phase de mouvement où vous pourrez déplacer vos unités comme bon vous semble et une phase d'action où vous pourrez effectuer des actions, généralement attaquer. Ces deux phases sont distinctes et lorsque le joueur 1 est en phase de mouvement, le joueur 2 est en phase d'action. Lors du tour suivant, le joueur 1 est en phase d'action et le joueur 2 en phase de mouvement et ainsi de suite.

Outre le déroulement très perturbant du jeu, les contrôles se composent pour chaque joueur d'un bouton d'action et de quatre touches de déplacement (espace et les touches fléchées pour le joueur 1, alt et xdvc pour le joueur 2). Si déplacer le curseur est simple, pour donner un ordre, il faut appuyer et maintenir le bouton d'action et sélectionner une direction. Par exemple, pour déplacer une unité du joueur 1, il faut maintenir espace et appuyer sur haut. Avec les deux phases différentes, Battle Isle n'est absolument pas « Beginner Friendly » et nécessitera un temps d'adaptation, accompagné du manuel, pour espérer s'en sortir. De plus, les deux joueurs doivent passer leur tour pour passer au mode suivant et appuyer sur F1 pour confirmer. Heureusement, ce temps d'adaptation passé, Battle Isle est assez simple à manier et l'interface est réduite à sa plus simple expression, à savoir l'écran du jeu et un petit bordereau qui indique certaines informations au cours de la partie.

Le joueur 1 déplace son unité tandis que le joueur 2 demande le mode mouvement.

Le jeu se compose d'une vingtaine de types d'unités qui vont du simple mechafusilier au gigantesque navire de guerre en passant par le char d'assaut, l'artillerie mobile, le véhicule d'infanterie ou l'hélico de combat. Chacune de ces unités a des caractéristiques propres qui sont la puissance et la portée contre des cibles terrestres, aériennes et maritimes, leur rayon d'action par tour et leur blindage. Ces caractéristiques sont visibles dans l'écran des unités. En revanche, n'espérez pas connaître les unités de vos adversaires de cette façon. Vos unités sont limitées à six points de vie qui peuvent être perdus lors des combats.

En plus des unités se trouvent des bâtiments. Ceux-ci disposent d'une réserve d'énergie qui permet de réparer vos unités à l'intérieur (faisable qu'en mode action). Cette réserve d'énergie est limitée et se régénère uniquement en amenant des cristaux spéciaux : l'Aldinium, minerai spécifique de la série éparpillé un peu partout et récupérable grâce aux unités de transport. Tous les bâtiments peuvent être pris par l'infanterie et les unités qui sont à l'intérieur passent sous votre contrôle, sans la moindre résistance. Il existe 3 types de bâtiments :

- Le quatier général, symbolisé par un H (pour Headquarters), est votre bâtiment principal car comme dit plus haut, sa prise équivaut à une défaite. Il est donc conseillé de le protéger à tout prix avec quelques unités.
- Le dépôt, avec un D au-dessus, sert principalement à réparer les unités et à envoyer au front. Ils ont une certaine importance car ils peuvent réduire la logistique entre le front et les centres de réparations, pouvant ainsi faire la différence.
- Enfin l'usine, munie d'un F (pour Factory), sert essentiellement à construire de nouvelles unités. La production de nouvelles unités est plus énergivore que la réparation mais permet d'avoir des unités bien plus puissantes à disposition.

En faisant action+gauche sur un bâtiment, il est possible de visualiser les unités à l'intérieur et les faire sortir.Des statistiques apparaissent pour connaître sa force et ses faiblesses mais elles sont inaccessibles pour les unités adverses.

Autre élément qui importera durant la partie : le terrain. Beaucoup moins varié que vos unités, il est quand même composé de terrains plats, de routes, de forêts, collines, montagnes et étendues d'eau affectant le déplacement de vos unités. Ainsi, si un char se déplacera aisément sur une route, il sera moins à l'aise sur une colline. Aussi, le terrain vous permet d'obtenir des bonus (ou des malus) en attaque ou en défense : une route permet d'avoir un bonus en attaque mais un malus en défense tandis qu'une colline permet d'avoir un bonus en défense et en attaque. Le petit problème avec les terrains est qu'il est assez difficile de distinguer collines et forêts.

Le combat est assez simple : si votre adversaire est à portée lors du mode action, vous pourrez l'attaquer. En faisant la même commande pour déplacer vos unités, votre unité engage le combat après avoir passé le tour. S'en suit une animation qui indique l'issue du combat, ce dernier étant influencé par la puissance, la défense des unités, le terrain, l'expérience, le nombre d'unités dans le groupe, mais aussi le hasard.

Puisque l'on a cité l'expérience, parlons-en : chaque unité dispose d'un niveau d'expérience (à 0 au départ) qui augmente au fur et à mesure des combats, un point lors de la destruction d'unités et deux si le groupe entier est détruit, le niveau pouvant aller jusqu'à 6 points. L'expérience est un facteur à prendre en compte car les unités expérimentées obtiennent un bonus d'attaque et défense et peuvent bien endommager voire « one-shotter » des unités bien plus puissantes mais sans expérience aucune.

Le combat est présenté grâce à une petite scène. Là, on peut voir que les chars verts ont gagné en expérience en détruisant un char bleu.

Comme il s'agit d'un wargame, le but est de définir une stratégie pour annihiler l'adversaire. Pour cela, il faut connaître les unités et le terrain en présence. Toutefois, le jeu dispose de subtilités à maïtriser comme l'encerclement : il consiste à entourer l'adversaire avec plusieurs unités. Cette tactique réduit l'attaque et la défense de l'unité et permet donc de l'affaiblir avant l'attaque. C'est d'ailleurs une technique que vous utiliserez souvent.

Malheureusement, le côté stratégique est plombé par le gameplay du jeu que l'on a vu précédemment : en effet, si une unité est gravement endommagée, il faudra attendre le mode mouvement pour la faire se replier et là arrive un assez gros défaut : même si vous l'avez déplacée, il faudra attendre la fin du tour pour que ce déplacement soit validé et si elle se fait attaquer et détruire à la fin du tour, la bouger n'aura servi à rien. Le même problème survient aussi quand vous avez l'avantage puisque il faut attendre le tour prochain pour attaquer. Ainsi, il est parfois difficile de savoir combien d'unités seront nécessaires pour venir à bout d'un simple mechafusiller.

Les verts ont encerclé le char bleu lors du dernier tour et s'apprêtent à faire un carnage.Mais les bleus ont eux aussi encerclé un char vert et feront de même le tour prochain. Tout Battle Isle résumé en un écran.

Aussi, Battle Isle dispose d'un background très particulier et poussé, une marque typique des productions Blue Byte (qui se retrouvera surtout dans Albion) : le jeu se déroule sur une planète lointaine nommée Chronos, dont la technologie dépasse largement la nôtre. Le continent, dans sa majeure partie, est constitué d'îles plus ou moins grandes, dominé par une civilisation nommée Drull, dirigé par un conseil de sages et très militarisée. Le manuel parle d'un passé où 12 empereurs régnaient sur la planète mais un attentat sur leur résidence d'été brisa cette relative tranquillité et s'ensuivit une guerre civile entre diverses entités qui voulaient dominer le monde. En outre, un peuple nommé Kaï et vivant dans le continent le plus septentrional tenta de libérer des chaînes de l'oppression des Drull et entra régulièrement en conflit avec eux.

La technologie sur Chromos est telle que la quasi-totalité des armées est constituée de robots autonomes suite aux différentes guerres qui ont dégoûté du combat les peuplades de la planète. Aussi, une console a été créée pour que les généraux puissent diriger leurs troupes bien à l'abri du combat en un temps record. La société dépend quasi-entièrement des robots et est devenue assez oisive, se contentant de contrôler ces derniers ou de vivre de loisirs. Arrive une ficelle scénaristique très employée : une puce électronique très élaborée a été créée afin de contrôler la vie des citoyens dans tous les domaines. Titan (c'est son nom) prend peu à peu le pouvoir et le conseil finit par être fantoche. Après la guerre contre les Kaï, les militaires ont été accusés de conspiration contre l'État et Titan prend le contrôle de l'armée.

Afin de mettre fin à la tyrannie de l'ordinateur, un groupe crée un virus et l‘implante dans Titan. L'idée s'avère mauvaise car les dégâts causés rendent Titan totalement paranoïaque et ce dernier se retourne contre ses créateurs, supprimant toute résistance humaine, et établit un empire informatique. Mais des résistants tombés dans la clandestinité s'opposent à lui et grâce à de vieilles consoles, parviennent à résister à l'ordinateur. Après plusieurs années infructueuses à combattre Titan, le conseil des sages décide de lancer une opération audacieuse : construire un vaisseau spatial qui pourrait traverser l'espace et demander de l'aide à une forme de vie intelligente pour les aider. Le vaisseau arrive sur Terre et envoie à certains de ses habitants un programme d'entraînement du nom de... Battle Isle pour désigner qui aidera Chromos à vaincre Titan-Net. Un homme du nom de Walter Harris réussit à vaincre le programme en un temps record. Il est kidnappé et embarqué sur Chromos. Oui, un sacré background pour un simple wargame (une marque de fabrique de Blue Byte d'ailleurs). Une partie de l'histoire racontée ici est résumée par une séquence d'intro.

Une séquence d'intro explique partiellement le jeu. Pour en connaître l'intégralité, il vous faudra le manuel intitulé « Background ».

Battle Isle est divisé en deux types de maps : solo, où le joueur doit affronter une IA assez costaude mais avec quelques lacunes et qui a généralement un sacré avantage numérique, et multi où deux joueurs s'affrontent sur une carte avec un rapport de force équilibré. Chacune des cartes peut être sélectionnée en mettant dans le menu options son mot de passe composé d'un mot de 5 lettres.

Le jeu offre un large éventail de stratégie : allez-vous lancer vos forces dans la bataille et foncer sur le QG adverse ou constituer une ligne de défense afin d'amortir l'attaque ennemie et lancer une contre-attaque une fois ce dernier affaibli ? Lancerez-vous toutes vos unités dans un même point ou diviserez-vous vos forces en créant des diversions ? Lancerez-vous des attaques sournoises par les airs ou par les mers ? Le choix est permis mais faites attention, cela peut avoir des répercussions plus ou moins désastreuses sur le long terme.

Les bleus ont lancé leurs forces dans la bataille, sûrs de leur supériorité numérique et en équipement.Mais ils ont totalement laissé le QG sans défense : une troupe aéroportée verte compte bien en profiter pour le prendre.

Niveau technique, Battle Isle s'en sort assez bien : graphiquement, le jeu est assez joli et bien réalisé. Chaque unité et terrain est bien différentiable. Le jeu est accompagné de quelques séquences animées affichant votre victoire si vous avez défait l'ennemi en prenant son QG ou en détruisant toutes ses unités. Sur le plan sonore aussi, c'est assez réussi mais toutefois, on remarque une différence entre les versions PC Dos et Amiga : la version PC tourne obligatoirement avec une carte AdLib (ce qui correspond à peu près à ce que lancerait la fameuse puce Yamaha de la Megadrive) tandis que la version Amiga ` un son plus net et « moderne ». Globalement, la version PC s'en sort grandement avec ses musiques qui ont du peps tandis que la version Amiga a d'excellents effets sonores. La préférence sonore est toutefois au goût de chacun.

Le titre a eu un grand succès à sa sortie et fut primé. Plus tard, Blue Byte sortit des extensions à l'original qui étaient des stand-alone (des jeux pouvant se jouer sans le titre original) : les scénario disk avec Desert (qui, comme son nom l'indique, remplace la verdure par du jaune et modifie les bâtiments) et Moon (encore un jeu qui modifie les graphismes pour faire plus « lunaire » mais rajoute aussi de nouvelles unités), qui toutefois ne modifient pas le gameplay original et ne rajoutent que du contenu supplémentaire. On note toutefois un spin off singulier : Historyline 14-18.

Ce jeu reprend le moteur de Battle Isle (The Moon pour être précis) mais en remplaçant tout le côté futuriste par la première guerre mondiale. Le jeu d'ailleurs se déroule exactement de la même façon, sauf qu'il y a une plus grande utilisation de l'infanterie et de l'artillerie, contrairement à l'original qui faisait la part belle aux véhicules blindés. Le moteur graphique du jeu a été refait et les missions voient s'affronter Allemands et Français. C'est d'ailleurs un des rares jeux de stratégie sur la Grande Guerre.

Historyline 14-18 : mis à part les différentes unités du jeu, les graphismes refaits et plus colorés (qui préfigurera la suite de la série) et l'ambiance Grande Guerre, c'est Battle Isle tout craché.
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