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Burning Rangers
Année : 1998
Système : Saturn
Développeur : Sega
Éditeur : Sega
Genre : Shooter
Par Corentin M. (08 novembre 2003)

Ultime création de la Sonic Team pour une Saturn en totale perte de vitesse, Burning Rangers sort en avril 1998 sans la moindre prétention mais avec pourtant toutes les cartes en main pour prouver au monde entier que la Saturn ne mérite pas son sort : ambiance géniale, gameplay hyper-efficace et novateur, mais surtout une réalisation technique de folie. À tel point que l’on regrette encore qu’un tel jeu ne soit pas apparu plus tôt pour sauver la console.

Tout d’abord un peu de technique, pour montrer à quel point ce jeu peut impressionner à l’époque. Tout le monde dit alors que la Saturn est une vraie daube pour ce qui est de la 3D et des effets spéciaux, par rapport à la PlayStation s’entend. Elle est notamment incapable, dit-on, de gérer des effets de transparence. Et Burning Rangers va remettre les pendules à l’heure. Tout d’abord, le jeu affiche un volume polygonal tout simplement sidérant, qui n’a strictement rien à envier à ce que l'on observe sur la console de Sony (c’est même plutôt le contraire). Ensuite, les effets spéciaux : là, la Saturn peut faire la fière. Il est probable que jamais un jeu d’action n’a proposé autant d’effets de transparence à l’écran : flammes de plusieurs mètres de haut, gigantesques baies vitrées, ombres, bassins remplis d’eau, etc. Décidément en pleine forme, la console se montre même capable de gérer de magnifiques effets de distorsions de l’image sous l’eau. Et bien que cette véritable orgie de technique et de couleurs fasse parfois quelque peu soupe de pixels lors de très gros plans, il faut vraiment souligner la claque graphique que représente ce jeu à l’époque. Rien d’étonnant, avec du recul, lorsqu'on pense que la Sonic Team travaille alors déjà sur l’autre grande claque technique en devenir du siècle, j’ai nommé Sonic Adventure sur la future Dreamcast.

Parlons maintenant gameplay. Burning Rangers, ou les « Rangers Brûlants ». Derrière ce titre forcément racoleur se cache sans doute le meilleur jeu de pompier de l’histoire du jeu vidéo. Certes, il ne s’agit pas de véritables pompiers comme pour certains jeux sortis récemment, mais de pompiers du futur. Forcément plus forts, sans vouloir rabaisser nos chers pompiers qui font le travail le plus admirable du monde. Simplement, Burning Rangers s’affranchit des baisses de régime et atteint les cimes du jeu d’action en parant ses rangers d’un équipement des plus high-tech. Vous avez repéré une victime, et après maintes difficultés franchies pour l’atteindre, vous voulez la mettre en sécurité ? Refaire le trajet inverse et ressortir du lieu d’action, systématiquement, pour chaque victime, serait sans doute lassant ? H;eacute; bien ne ressortez pas, mettez la victime à l’abri par téléportation ! Grotesque, certes, mais efficace quand il s’agit d’éviter toute baisse de régime et monotonie.

Pour faire un grand jeu d’action, il faut aussi une quantité impressionnante de dangers et d’éléments à l’écran. Dès lors, comment s’y mouvoir efficacement sans prise de tête ni crise de nerfs après un saut raté pour la 37ème fois ? Tout simplement en équipant son ranger d’un saut automatique dès qu’il est au bord d’un gouffre, ainsi que d’un jet pack proposant de surprenants double sauts et la possibilité de voler quelques instants. Surtout que dans ce monde enflammé, la température augmente dangereusement. De 0 à 100%. Une échelle parfaitement stupide, au fond (100% de quoi ?), mais qui met au joueur une pression constante, car, à chaque pallier de 20% franchi, le niveau se change en terrain miné et de gigantesques explosions ravagent l’écran toutes les secondes pendant une durée suffisamment longue pour épuiser notre vaillant pompier qui n’aura pour seule échappatoire que le vol plané. Pour éviter cette explosion tonitruante, il faut faire baisser la température, donc éteindre les multiples foyers. Pour cela, point de canon à eau ni à neige carbonique, mais un laser gelant.

Une pression prolongée sur le bouton, et un laser ira étouffer instantanément les flammes visées une fois le bouton relâché. Mais il ne fallait pas non plus faire de ce jeu un pur défouloir bourrin, mais au contraire maintenir une certaine finesse dans le gameplay. Et c’est là que la Sonic Team a su arrêter au bon moment sa machine à défouler. Car notre héros n’est pas invincible. Il possède juste un bouclier, qui, lorsqu’il est chargé, permet de ne pas mourir au contact des flammes. Si le bouclier n’est pas chargé, c’est la mort assurée. Hors, pour le charger il faut récolter des cristaux. Ces cristaux apparaissent une fois les flammes éteintes, mais pas par la méthode « bourrin ». Il faut éteindre les flammes petit à petit, par de petites pressions sur le bouton du laser, et non pas par une pression prolongée qui a l’avantage d’éteindre tout sur son passage mais qui en profite également pour pulvériser tous les précieux cristaux. De plus, ces cristaux servent également de « carburant » pour téléporter les victimes afin de gagner des vies...

Il faut de plus faire preuve d’une certaine dextérité à la manette pour aller de structures en structures, éviter les explosions soudaines... Pour se repérer dans ces niveaux labyrinthiques, la Sonic Team a aussi inventé un système d’assistance en temps réel assez génial aussi en bien en termes d’efficacité que de crédibilité : lorsque vous êtes paumé – et cela arrive souvent – vous pouvez d’une simple pression de bouton appeler votre responsable de mission qui vous communique oralement la direction à suivre. Bien sûr, il faut comprendre l’anglais et il y a parfois quelques bugs, mais cela ne gâche en rien le haut niveau d’immersion (surtout que quelques fois, le responsable vous dit qu’il n’a pas le temps ou pas les moyens de vous aider !!) ni la prouesse technique d’un tel système.

Niveau longévité Burning Rangers propose quatre missions. Cela peut sembler peu, mais vue leur qualité on se dit que la Sonic Team a fait le bon choix, car ces missions possèdent toutes une identité forte : la centrale nucléaire avec ses murs en béton armé, le centre de loisirs sous-marin avec ses grandes salles, ses fontaines et ses bassins remplis de poissons multicolores en 2D et de dauphins en 3D (!), la station spatiale avec ses zones de gravité et ses zones d’apesanteur, et le vide intersidéral qui vous aspire lorsque qu’une cloison céde, et, enfin, une dernière mission bien space aux couleurs bigarrées et aux ennemis étranges... D’autant plus que ces missions peuvent être jouées par deux personnages différents, ce qui ajoute quelques passages inédits. Et il arrive souvent d’apercevoir son coéquipier (c’est-à-dire l’autre personnage jouable) en plein feu de l’action, ce qui renforçe encore l’immersion et l’étonnante cohérence de ce monde. À cela s’ajoute le nombre de secrets, euh, de victimes, cachées, qui une fois sauvées vous envoient des e-mails de remerciement bien sympathiques (complètement tarés les gars de la Sonic Team !).

Finalement, que ce soit sur la forme ou sur le fond, Burning Rangers impressionne, et pas qu’un peu. En fait assez représentatif de la fin de carrière de la Saturn en forme d’apothéose, Burning Rangers rejoint Panzer Dragoon Saga, Shining Force 3, Deep Fear et bien d’autres au rang des jeux Saturn qui n’ont jamais connu le succès mérité. À méditer.

Corentin M.
(08 novembre 2003)
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