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Dead Space
Année : 2008
Système : Windows, Playstation 3, Xbox 360
Développeur : Visceral Games
Éditeur : Electronic Arts
Genre : Survival Horror
Par JPB (09 décembre 2018)

"Venez, entrez, venez.
Ici, à l'Église de l'Unitologie, nous prenons soin de vous.
Nous avons les réponses aux questions que vous vous posez.
Avec nous, vous trouverez la paix et réaliserez pleinement votre potentiel.

L'Église de l'Unitologie a été fondée il y a 200 ans par notre sauveur, Robert Altman.
Il a découvert le Monolithe. Altman soit loué ! Loué soit le Monolithe !!
Le Monolithe est la promesse de la vie éternelle. Car il n'y a pas de mort, il y a la Renaissance.
Oui, nous pouvons renaître et connaître une nouvelle existence, dans un corps parfait.
Nous pouvons communiquer avec les autres d'une manière encore plus profonde.
Nous pouvons faire partie de quelque chose de plus grand !
Ce n'est qu'ainsi que nous sauverons l'humanité de son parcours matérialiste et destructeur.

L'Église de l'Unitologie est présente sur tous les mondes habités.
Son importance ne cesse d'augmenter. Rejoignez-nous !
Nous avons aussi une boutique de souvenirs, vous pourrez vous procurer des répliques d'objets, comme ce petit monolithe à 150 crédits."

Superbe illustration de l'Ishimura en plein travail.
Cliquez sur l'image pour une version plus grande.


"Alors, convaincu ?

Vous savez, aujourd'hui en 2508, il n'y a presque plus de ressources sur Terre. L'humanité va dans l'espace, construit des stations spatiales (comme la très connue Méduse), mais les gens sont de plus en plus tributaires des machines pour survivre. Pour obtenir ces ressources manquantes, on a créé d'immenses vaisseaux appelés "brise-surface", qui parcourent l'espace à la recherche de planètes exploitables. Le tout premier qui fut conçu s'appelle l'USG Ishimura. Ce vaisseau, c'est un symbole, tout le monde le connaît, qu'est-ce qu'il est impressionnant ! Un vrai mastodonte, on se sent minuscule devant lui, pensez qu'il accueille plus de 1000 membres d'équipage !

Eh bien, figurez-vous qu'on est sans nouvelles de lui ! Il se trouve en orbite autour de la planète Aegis VII mais il ne répond plus aux appels. Alors comme il travaille pour la Concordance Extraction Corporation (la CEC), elle vient d'envoyer un vaisseau de secours, l'USG Kellion, pour voir ce qui ne va pas et réparer la source du problème. Dans ce vaisseau, dirigé par le capitaine Zach Hammond, se trouvent deux ingénieurs - mais je ne vous apprends rien puisqu'il s'agit de Kendra Daniels... et de vous, Isaac Clarke.

Je comprends que vous soyez du voyage, Isaac : après tout, votre fiancée Nicole fait partie de l'équipage de l'Ishimura... Votre inquiétude est légitime. Et quand je vous vois regarder encore et encore la dernière vidéo qu'elle vous a envoyée... Oui, je comprends fort bien. Ne vous inquiétez pas : vous allez la retrouver, je vous le promets.

Vous êtes sûr que vous ne voulez pas rejoindre l'Église de l'Unitologie tous les deux, quand vous l'aurez retrouvée ?"





"Unité après la mort, unité pour toujours"

Avant de continuer la lecture de cet article, je tiens à vous rappeler qu'il va traiter d'un jeu déconseillé aux moins de 18 ans. Du coup, certaines images ci-dessous peuvent choquer les plus jeunes/sensibles.

L'Unitologie est au cœur de l'histoire.
Isaac, le héros que vous incarnez, connaît déjà l'Église de l'Unitologie, puisqu'il en veut toujours à sa mère d'avoir dépensé presque tous ses crédits pour y acheter des bondieuseries, alors que cette somme d'argent aurait pu l'aider énormément pour ses études d'ingénieur.

La jaquette de la version PC. Cliquez sur une image pour une version plus grande.

Sans trop dévoiler l'histoire, je dirai ceci : Isaac va traverser à la fois l'Ishimura et des épreuves traumatisantes. Il va connaître la peur, la vraie peur, celle qui paralyse ou au contraire laisse la panique prendre le contrôle... Il va voir des choses qu'il aurait mieux valu ne jamais regarder, entendre des sons inhumains provenant de créatures inhumaines - ou d'humains, je ne sais pas lesquels sont les pires d'ailleurs. Dire que sa santé mentale volera en éclats est un euphémisme. Bref, il va en baver.

Et vous allez vivre son odyssée abominable, fractionnée en plusieurs chapitres. Pour réellement apprécier ce jeu à sa juste valeur, il faut y jouer dans le noir, avec un casque. Ce qui risque alors d'arriver, c'est que ce soit vous, le joueur devant l'écran, qui vous mettiez à hurler !

Les monstres dans Dead Space

Dead Space est un jeu d'action horrifique particulièrement réussi à tous points de vue. Savant mélange entre Alien, The Thing, Zombie et Event Horizon, ce survival-horror met en scène les Nécromorphes. Ne les confondez pas avec les Nécromongers, qui eux au moins sont vivants, même si en face d'eux vous risquez de mourir tout aussi vite et douloureusement. Non, les Nécromorphes sont des créatures monstrueuses provenant de corps humains morts. Il en existe de plusieurs sortes, différentes les unes des autres, mais en gros ce sont des bêtes féroces qui n'ont qu'une seule envie : vous déchiqueter pour que vous rejoigniez leur horde. Ce sont donc vos ennemis.

La source de cette infection est le Monolithe Rouge, qui se trouvait sur Aegis VII et a été remonté dans l'Ishimura. Pour les Unitologues, le Monolithe est un objet sacré. Pour les membres les plus hauts placés, l'infection Nécromorphe est une libération pour tous les croyants, qui rejoignent l'Unité parfaite en vue de réaliser une Convergence - et les incroyants sont éliminés car ne rejoignant pas l'Unité. Les Unitologues sont prêts à se sacrifier eux-mêmes pour cela, bien entendu, mais ils glorifient également le suicide de masse, ce qui est plus contestable. Certains des plus fervents Unitologues, présents sur l'Ishimura, disent à propos du Monolithe Rouge que, je cite : "Cette sainte relique doit être remise à l'Église si nous voulons que l'humanité soit délivrée [en transcendant la mort et] en lui permettant de rejoindre le réveil de l'Univers" - et par là-même, répandre l'infection Nécromorphe sur Terre en connaissance de cause.

Mais concrètement, qu'est-ce donc que l'infection Nécromorphe ?
Le Monolithe corrompt les espèces environnantes, les pousse à la folie, au meurtre, à l'automutilation puis au suicide par des hallucinations. Puis l'ADN de quelques cadavres est restructuré par le Monolithe présent pour les transformer en Infectors, qui vont à leur tour propager très rapidement l'infection directement dans la boîte crânienne des cadavres, les modifiant de façon méconnaissable et les changeant en Nécromorphes. À leur tour, ceux-ci - qui forment alors l'infection proprement dite, bien réelle celle-là - partent en quête de tous les humains encore vivants pour les déchiqueter, afin que les Infectors puissent continuer leur besogne, et ainsi de suite.

Petit bémol au sujet de l'univers du jeu : les trois jeux principaux, les romans, bandes dessinées et dessins animés fondés sur Dead Space, vont proposer des éléments contradictoires concernant l'infection. Du coup il devient difficile de connaître exactement son fonctionnement. Bref, il y a plusieurs théories, mais mon résumé est assez simple à comprendre et englobe l'essentiel ! Si vous voulez en savoir plus, il y a de nombreuses discussions à ce sujet sur le forum.

Attention : ça va faire mal ! C'est une Brute, un costaud, et il est blindé à l'avant.
Solution : le ralentir grâce à la stase, puis le contourner et lui tirer dans le dos.

Visuellement, les Nécromorphes sont très moches. Mais vraiment. Chairs putrides torturées, membres tordus, assemblage grotesque de tentacules et ventouses... Que ce soient les maigres (Slasher, Leaper...), les gros (Brute, Pregnant...), ceux qui se font exploser (Exploders), il y a toujours un bout humain dans ce fatras sanguinolent, et c'est ça qui met mal à l'aise : on voit encore l'humain qui était à l'origine du Nécromorphe. Et puis, il y a ceux qui ne sont même plus humanoïdes, comme l'Infector, cette espèce de raie volante qui inocule l'infection aux cadavres, ou encore les petits essaims qui se jettent sur vous. Dans un sens, ils sont tout aussi répugnants, mais moins dérangeants.

Je ne vais pas ici décrire tous les Nécromorphes. Je vous laisse un peu la surprise ! Mais je peux vous dire ce que vous apprendrez durant les premières minutes du jeu : il faut les démembrer. Leur tirer dans la tête, réflexe de briscard vidéoludique, ne sert à rien. En effet, ils sont capables de vous attaquer tant qu'il leur reste un moyen de se déplacer - parfois même, ils font le mort pour que vous vous rapprochiez d'eux : s'ils ont encore des bras, vous risquez gros ! Solution : leur couper les jambes pour les faire tomber à terre, leur couper les bras ou tentacules pour les empêcher de vous blesser, ou mieux : couper tout ce qui dépasse !

Quel comédien, çui-là ! Si j'étais vous, je le découperais avant qu'il ne se relève pour vous arracher la tête.

Cette astuce est valable pour les premiers Nécromorphes rencontrés, comme les Slashers qui sont les plus répandus. Par la suite, d'autres créatures seront plus résistantes, ou auront un point faible bien précis, la plupart du temps indiqué en jaune ; mais dans l'ensemble, le démembrement reste la seule solution.

L'Ishimura : le vaisseau de l'angoisse

Que dire de l'environnement dans lequel Isaac va devenir à moitié fou ?
Outre l'Ishimura, Isaac parcourra d'autres lieux : un petit vaisseau de Marines et surtout, la surface de la planète Aegis VII. Mais je n'en dis pas plus, car on n'y reste que peu de temps, et c'est surtout l'Ishimura qui retient l'attention. Comme Gotham dans Batman Arkham Knight, c'est un personnage à lui tout seul.

L'Ishimura, je l'ai dit plus haut, est un brise-surface de dimensions fort respectables. Du coup on y trouve des sections bien spécifiques, comme la machinerie, les moteurs, l'hydroponique, la passerelle... et on utilise le tramway pour aller de l'une à l'autre tellement elles sont grandes et distantes les unes des autres. Maintenant, ce n'est plus qu'un immense mélange de couloirs mal éclairés et de zones sombres où l'on ne distingue pratiquement rien, remplis de cadavres, parsemés d'éclaboussures de sang... quand ce n'est pas carrément le vide : plus de paroi, on est directement dans l'espace.

Dans l'espace, personne ne vous entendra vous faire déchiqueter...
Notez le cratère sur la planète : l'Ishimura n'est pas le plus grand brise-surface pour rien !

Au cours du jeu, Isaac va traverser toutes ces zones, parfois pour y faire quelque chose de bien précis (comme relancer les propulseurs pour éviter le crash sur la planète) ou simplement faire du transit pour accéder à une autre section du vaisseau. Chaque secteur est prétexte à surprendre le joueur, par les décors très réalistes (on n'a aucune peine à imaginer que l'Ishimura pourrait exister quand on s'y promène), par le gigantisme de certains lieux, par le fonctionnement de machines... On découvre vraiment le vaisseau, on le "sent" autour de nous. L'ambiance sonore excellente de tout cet équipement n'est pas en reste, et achève de nous donner l'impression d'être dans les coursives du mastodonte.

De plus, pour éviter la lassitude mais surtout pour ne pas laisser le joueur se rassurer dans une zone de confort, une fois qu'il aura pris l'habitude de certains lieux et/ou ennemis, il sera régulièrement obligé d'accomplir des missions spéciales. Courir à l'extérieur du vaisseau en évitant de se faire carboniser, se retrouver en gravité zéro, manipuler des grues, tirer au canon sur des astéroïdes qui pourraient endommager l'Ishimura... Rien ne sera épargné à Isaac, et ces changements de gameplay se font sans heurt, pour une raison logique au cours de l'aventure.

Courir est indispensable pour avoir le temps
de se mettre à l'abri.
Feu ! L'Ishimura ne doit pas être détruit !

L'Ishimura n'est quand même pas un monde ouvert. Vous êtes régulièrement guidé, vous avancez dans l'aventure de façon linéaire - même s'il est toujours possible de se perdre dans le dédale de couloirs. Heureusement, un GPS laser (appelé "Fil d'Ariane", jolie référence) permet d'indiquer directement le chemin vers l'objectif suivant, en illuminant littéralement le parcours à suivre. Il y a bien une carte 3D qui indique des éléments utiles comme les points de sauvegarde, les magasins... mais elle n'est pas aussi claire et instinctive - on peut finir le jeu sans l'utiliser une seule fois.

La peur dans Dead Space

La présence des Nécromorphes de toutes sortes, parfois embusqués, parfois avançant en masse, est le principal facteur de peur "directe" (c'est à dire la peur physique : on retrouve ici le principe du Jump Scare cher au cinéma). Je vous parle d'expérience, Dead Space est un des jeux qui m'a le plus fait sursauter ! Bien sûr j'y jouais dans le noir, avec le casque ; je voulais profiter de l'expérience à fond !

Mais il n'y a pas que ça dans Dead Space.

L'alphabet du Monolithe, repris par l'Unitologie.
Ne le confondez pas avec celui de Ni No Kuni !

Tout d'abord, l'équipage a écrit des choses sur les murs avant de mourir. Pour la plupart ce sont des messages d'avertissement, des astuces pour survivre ("Cut off their limbs !", ou "Coupez-leur les membres !") ; mais on tombera souvent sur des inscriptions mystérieuses.

Non seulement on se demande qui a écrit ces textes et ce qu'ils veulent dire exactement, mais en plus leur forme, leur calligraphie est assez dérangeante... Ces étranges caractères ne ressemblent à rien de connu, mais on apprend vite qu'il s'agit d'un alphabet lié au Monolithe. Le décrypter est possible, car certaines inscriptions indiquent les correspondances avec notre alphabet traditionnel (certains l'ont fait, on trouve des images sur le net). Mais il faut dire que l'ambiance du jeu ne prête pas vraiment à la rêverie scientifique, et en général on se concentre sur l'immédiat : la survie !

On trouve également çà et là des enregistrements, audio ou vidéo, des membres d'équipage avant le sort funeste qui leur a été réservé. Écouter ou regarder ces messages des anciens membres de l'équipage est au contraire d'un Jump Scare, ce qui provoque la peur "latente". De fait, certains témoignages sont réellement atroces - comme celui d'un homme qui s'ampute volontairement des membres pour ne pas rejoindre la horde des Nécromorphes ; quant à ceux plus calmes, ils vont vous donner des informations au compte-gouttes, des explications sur la chronologie des évènements... et la compréhension, petit à petit, de ce qui s'est passé donne une impression de malaise permanent. Par exemple, Isaac découvrira que tous les officiers de l'Ishimura sont des Unitologues convaincus... ce qui explique leur volonté de ramener le Monolithe Rouge à tout prix sur Terre.

On a déjà vu ce principe de narrative design dans, par exemple, Doom 3 où l'on ramassait là aussi des enregistrements qui racontaient ce qui s'était passé avant la catastrophe. Après tout, rien de tel pour intéresser le joueur que de lui raconter une histoire par petits bouts, et de laisser son imagination faire le reste !

De plus, on s'identifie très facilement à Isaac. Premièrement, il ne parle pas, donc on le considère plus facilement comme son propre avatar qu'un personnage "indépendant". Ensuite, au contraire d'un surhomme ou d'un militaire aguerri, c'est juste un ingénieur qui fait ce qu'il peut avec les moyens du bord, et c'est loin d'être facile. On ne voit pas son visage, masqué par le casque de sa combinaison - plus précisément on le voit de dos au début, et on ne le voit de face qu'à la toute fin, même si... regardez l'image ci-dessous ! Enfin, dès la présentation on sait qu'il s'inquiète pour sa fiancée qui se trouve quelque part dans le vaisseau, et ceci le rend d'autant plus attachant. Du coup, on s'identifie à lui et on éprouve de l'empathie pour lui.

Et puis, ni lui, ni Hammond, ni Daniels ne sont à l'abri de l'influence pernicieuse du Monolithe Rouge... Ce qu'ils ressentent, voient ou croient voir est également un facteur de peur pour le joueur, et de sympathie envers Isaac.

Isaac au début de l'aventure avec l'armure de base, la seule qui montre son badge d'identification et son
visage. Les niveaux d'armure suivants seront de plus en plus blindés, et le badge sera caché.

Ajoutez à ceci l'ambiance sonore exceptionnelle, tant les bruits du vaisseau que ceux des ennemis, les alarmes, la respiration d'Isaac dans son casque... et tout ceci provoque une angoisse "latente" (surtout face à l'inconnu) qui grimpe doucement mais ne disparaît jamais. On stresse tout au long du jeu !

Dès le début, les capacités d'ingénieur d'Isaac sont mises à l'épreuve : réparer une rame de tramway qui bloque les voies, puis réinitialiser le réseau complet afin de pouvoir se rendre à la passerelle. Cette tâche relativement simple va nous faire connaître nos premiers frissons, quand le pauvre Isaac complètement désarmé se retrouve pourchassé par une chose qu'on n'ose même pas regarder, parce que pour la regarder il faut se retourner et que si on se retourne, on est cuit ! Le jeu proprement dit n'a pas commencé depuis 5 minutes qu'on se retrouve déjà à courir à toute vitesse dans des couloirs sales et sombres, sans prendre le temps de bien regarder ce qui nous entoure, sans savoir exactement où on va, avec les halètements de la chose juste derrière et les cris désespérés des équipiers dans le casque : "Cours, Isaac, fous-moi le camp d'ici !"

Attention Isaac, derrière toi, c'est affreux !

Ambiance garantie !

Le(s) Gameplay(s)

Dead Space n'est pas à proprement parler un FPS, qui sous-entend qu'on voit avec les yeux de son avatar. Dans ce jeu, on voit Isaac à l'écran : c'est donc un TPS ou Third-Person Shooter. Ce n'est pas anodin car cela renseigne en permanence sur son état de santé (via la jauge dans le dos de sa combinaison), la quantité de stase restante (le petit cercle dans le dos, j'y reviens dans un instant), l'oxygène restant (un compte à rebours visible dans les zones sans atmosphère), l'arme utilisée en main et les munitions associées restantes. Comme je le disais auparavant, on peut visualiser où aller d'une simple touche, la route étant mise en lumière directement. Ainsi, pas d'interface, ce qui ne peut qu'améliorer l'immersion.

Le fait d'avoir Isaac à l'écran fait qu'on voit ses mouvements. Et contrairement à un FPS, où l'on se déplace en un clin d'œil, ici seule la visée est instantanée. Isaac se déplace de façon réaliste, c'est à dire qu'il ne va pas se retourner, avancer ou freiner en une fraction de seconde. Il y a une inertie prononcée dans tous les déplacements, mais elle ne gêne en rien le jeu - je dirais même que la relative lenteur d'Isaac lors de certaines actions renforce le sentiment de panique. Je peux juste affirmer que rien de ce que fait Isaac à l'écran ne m'a paru lourdaud, étrange ou raté. Se déplacer avec une armure et une arme de plus en plus lourdes au fur et à mesure qu'on progresse ne doit certainement pas être évident.

Il faut se méfier même des petites bestioles... et utiliser l'arme la plus appropriée !

Une petite astuce a été créée pour permettre au joueur de "souffler" un peu : la stase. On peut ramasser des recharges de stase, qui permettent d'envoyer un projectile qui ralentit provisoirement le temps de ce qu'il touche, Nécromorphe ou mécanisme. C'est ainsi qu'on arrive à passer un sas qui s'ouvre et se ferme trop vite dans le temps réel, ou qu'on obtient l'équivalent d'un bullet time pour viser plus sereinement le point faible d'un Nécromorphe trop rapide. Attention, la stase est un élément qui n'est pas donné : on ne trouve pas des recharges à tous les coins de couloirs.

Autre petite entorse au réalisme : Isaac dispose rapidement d'un module de télékinésie, remis par une des rares survivantes avant de mourir. Grâce à cette fonction, certains objets légers ou sur rails peuvent être déplacés, voire projetés. C'est utile pour déblayer un chemin dans un couloir, enclencher un générateur dans sa niche, ou faire coulisser un passage... Le plus amusant quelque part est de s'en servir pour lancer une bonbonne explosive directement sur un Nécromorphe ! Chose étrange, contrairement à la stase, la télékinésie ne nécessite pas de recharge. Une fois qu'on a ce pouvoir, on peut l'utiliser quand on veut - même si les objets manipulables ne sont pas si nombreux que ça.

Indispensable évolution

Dans les couloirs de l'Ishimura, on trouve de nombreux objets : des recharges d'oxygène, de stase ou de santé, des crédits, des messages, et surtout des plans. Ces derniers permettent de débloquer des armes (car à part le premier cutter plasma, les autres ne sont pas abandonnées dans un coin) ou des améliorations d'armure, afin de les acheter par la suite dans un magasin.

Les magasins sont répartis dans tous les niveaux de l'Ishimura. Ils permettent d'acheter tout ce qu'on trouve dans les couloirs, plus des améliorations d'armure ; ils gèrent également votre inventaire, et proposent un coffre pour y stocker ce que vous ne voulez pas revendre mais que vous ne voulez pas jeter non plus. Par exemple, si vous avez des munitions qui ne vous servent pas, libre à vous de les stocker pour le moment où vous obtiendrez l'arme correspondante, ou de les revendre immédiatement.

Inventaire d'une armure niveau 2. Il me reste deux cases en gris que je peux utiliser.

L'inventaire augmente petit à petit avec les améliorations d'armure, qui ne sont pas données - mais on ne peut pas passer à côté : dès le début du jeu on se retrouve vite à ne pas avoir assez de place pour stocker toutes les munitions et recharges qu'on ramasse (tout Nécromorphe tué peut potentiellement donner des objets quelconques), et même s'il est possible de finir l'aventure avec juste le premier cutter, il est fort utile de pouvoir compter sur des armes secondaires : trancheur, découpeur, lance-flammes, fusil... En tout, on peut porter quatre armes en même temps et chacune d'elles dispose de ses propres munitions, plus ou moins vite utilisées dans l'action. L'exemple le plus pratique qui me vient à l'esprit, c'est pour combattre les petites nuées de Nécromorphes qui ressemblent à des étoiles de mer : avec le trancheur c'est ingérable à cause de leur petite taille et de leur nombre, alors qu'avec le lance-flammes c'est une rigolade.

Le magasin. Pour changer d'armure, c'est derrière le panneau.

Mais les armes qu'on achète sont des versions de base, de même que l'armure quel que soit son niveau ; on peut améliorer tout ça grâce au PLAN, établi du futur qui vous permet d'utiliser des points de force trouvés çà et là pour activer des améliorations, sachant que chaque objet (arme, combinaison, module...) possède un circuit imprimé unique. Libre à vous de choisir d'améliorer la portée, le temps de rechargement ou le nombre de munitions d'une arme ; libre à vous également de privilégier énormément une seule arme ou un peu plusieurs, ou de perfectionner le module de stase... Ne vous attendez pas à tout modifier : les points de force ne courent pas les rues, et comme en plus ils peuvent aussi servir pour ouvrir certaines portes (en espérant que la pièce derrière offrira des armes, munitions ou informations valables)... Cruel dilemme pour les utiliser à bon escient !

Arrivée devant un établi.
Cliquez sur l'image pour mieux voir comment est
géré le circuit imprimé des amélioration du Cutter.

Les améliorations du PLAN s'utilisent en suivant un cheminement pré-établi (ça tombe bien !), nœud après nœud. Chaque nœud se déverrouille avec un point de force, mais on est obligé de partir d'un point précis et de déverrouiller tout le parcours pour arriver à celui qui augmentera la capacité de munitions, ou la vitesse du tir... Pas moyen de choisir un nœud n'importe où !

Alors, Dead Space : une tuerie ?

N'ayons pas peur des mots : oui - au propre et au figuré ! Vu son succès, deux suites seront mises en chantier, ainsi que l'épisode Extraction se passant avant les événements du premier jeu.

Visuellement, c'est grandiose, impressionnant. Côté design du vaisseau, il y a une recherche très aboutie, non seulement pour donner une raison d'être à chaque élément de l'Ishimura, mais aussi à le modéliser et le rendre réel. Les personnages sont très détaillés, ainsi que les monstres que les développeurs ont voulu rendre aussi glauques que possible.

Les animations sont excellentes. Il faut voir les ennemis se ruer sur vous ! Mais plus simplement, tous les mouvements d'Isaac sont réalistes et n'entravent jamais la jouabilité. Je dirai que parfois, les personnages humains ont des mouvements un peu raides, mais c'est vraiment pour pinailler. Les effets visuels sont très efficaces - je pense à la stase - et les moments où l'on voit les transformations nécromorphes sont particulièrement abjects !

Daniels et Hamond se disputent, de l'autre côté du tram.
On a droit à des gros plans simultanés avec la vidéo intégrée à la combinaison.

Le son est exceptionnel - mais je l'ai déjà dit. On a dans Dead Space une des meilleures réalisations jamais entendues concernant l'ambiance sonore ; d'ailleurs le jeu a reçu le BAFTA Game Award de la meilleure réalisation audio en 2009, et les GameSpot Award de la meilleure atmosphère et du meilleur son en 2009.
La musique est tout aussi réussie : la bande sonore, largement au niveau de celle d'un film, est parfaitement en accord avec l'ambiance du jeu. Elle a reçu le BAFTA Game Award de la meilleure musique originale en 2009. Pour info, Jason Graves est le compositeur des musiques des jeux Dead Space (sauf le 3), mais aussi d'Alpha Protocol, Dungeon Siege 3, Far Cry Primal, ou Tomb Raider (reboot de 2013).

Sans compter la suite Dead Space 2 que j'ai finie et un petit peu moins appréciée que le premier volet, je n'ai jamais depuis ressenti cette peur-là, celle qui prend aux tripes et fait qu'on n'ose pas bouger, que dans Alien : Isolation. L'ambiance y est tout aussi stressante en permanence - du moins à partir du moment où l'Alien est découvert, et on est même en position d'infériorité car la plupart du temps, l'adversaire est littéralement invincible ! Reste que Dead Space, avec son univers propre et son histoire originale, est une vraie claque, une expérience inoubliable, où si vous acceptez de jouer le jeu vous serez malmené du début à la fin de l'aventure.

J'ai déjà parlé de l'ambiance du jeu dans un chapitre dédié. Il reste quelques infos que je n'ai pas encore données, comme le fait que le nom du héros Isaac Clarke soit un hommage à ces deux grands noms de la science-fiction que sont Isaac Asimov et Arthur C. Clarke.

Les docteurs Unitologues ne sont décidément pas des gens comme nous.

J'ai découvert tout récemment qu'il existe un film appelé également Dead Space. J'ai regardé un extrait, où l'on voit le héros Marc Singer (vu notamment dans l'inoubliable série V) se battre contre une grosse bestiole. C'est vrai qu'elle a les mêmes lames tranchantes que les Slashers du jeu... Mais c'est à mon avis tout ce qu'il y a de commun : le film semble être un vrai nanar digne de figurer sur Nanarland.com, alors que Dead Space se hisse parmi les meilleurs jeux de survival horror - voire parmi les meilleurs jeux tout court.

Dead Space fut testé :
- dans le Joystick n° 155 (8/10)

JPB
(09 décembre 2018)
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