Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par MTF (05 novembre 2012)
J'aime Donkey Kong. Que ce soit le jeu d'arcade, la version Game Boy, les Country ou le Returns, j'apprécie cet univers, ses personnages, son énergie. Pourtant,
je n'aime pas Donkey Kong 64. Inutile de m'en cacher,
je l'assume parfaitement : et même si cet article a vocation
de revenir sur les divers aspects du titre, leurs analyses seront
sans appel ; contrairement aux autres grands jeux de plateformes de
la N64, en premier chef Super
Mario 64 ou Banjo-Kazooie,
celui-ci, qui suit pourtant une formule éprouvée, ne
fonctionne pas. J'ai mis beaucoup de temps à comprendre pourquoi,
mais je pense tenir à présent quelques éléments
de réponse. Bienvenue à la foir'fouille !Tout d'abord, un peu d'histoire. Donkey Kong 64 a longtemps été, jusqu'à ce qu'on en voit les premières images dans le courant de l'année 1998, l'arlésienne de la console. Après avoir été annoncé sous quatre ou cinq noms de codes différents (Ultra Donkey Kong, Donkey Kong Country 64, Donkey Kong World, Donkey Kong Universe...), il semblerait que son développement ait été plus ou moins concomitant à celui de Banjo-Kazooie, sorti en 1998, et qu'il fût prévu, à la base, pour le DD64, cette fameuse extension qui ne vit jamais le jour à l'extérieur de l'archipel nippon. En définitive, il fut le premier titre à bénéficier du fameux « expansion pack », fourni avec le jeu et nécessaire pour profiter de certains titres de la console, tels Majora's Mask ou Perfect Dark. Concernant l'intrigue, le jeu se placerait bien après Donkey Kong Country 3. King K. Rool, bien décidé à prendre sa revanche, construit une île mécanique géante à son effigie pour attaquer l'île DK : il enferme alors les quatre amis de Donkey Kong et lance son offensive. DK devra alors libérer ses compagnons et collecter divers objets afin de vaincre le vilain lézard.
Le monde du jeu est divisé en sept grandes zones (auxquelles il faut rajouter les deux îles en question), dans lesquelles on va devoir collecter plusieurs séries d'objets et surtout vaincre des boss spécifiques : une fois ceux-ci vaincus, il est alors possible d'affronter King K. Rool et de voir le générique de fin. Il
y a beaucoup de choses à dire. Trop, sans doute, et c'est bien
là un des problèmes du jeu. Je m'en vais essayer d'être
le plus didactique possible, car il m'arrivait moi-même de m'y
perdre à l'époque. Afin d'accéder au dernier boss, il faut libérer un kremling géant, du nom de K. Lumsy (ah ! ces jeux de mots !) d'une prison où King K. Rool l'a enfermé. Cette prison est verrouillée par huit cadenas, et les clés en question sont détenues par les sept boss des sept mondes (la dernière est cachée dans le dernier niveau, sur lequel je reviendrai). À chaque fois que l'on bat un boss, l'on obtient une clé qu'il faut donc rapporter à K. Lumsy : celui-ci se met à bondir de joie, ce qui provoque alors une altération des îles qui permet aux Kongs, en retour, d'accéder à un ou plusieurs autres mondes et ainsi de suite.
À
côté de cela, d'autres éléments sont à
récupérer : des pièces magiques, qui ouvrent
une zone secrète du tout dernier niveau, et des plans (blueprints)
qui permettent d'avoir plus de temps pour compléter ce dernier,
des pièces-bananes afin d'obtenir de nouveaux objets auprès
de nos amis Kongs et des médaillons-bananes, automatiquement
obtenus quand un Kong récupère au moins soixante-quinze
de ces bananes régulières dans un niveau en particulier.
Il y a aussi des munitions, des couronnes dorées, des pastèques,
des cristaux, des casques audio, des... Et voilà, je m'y perds encore.
Un level-design artificieuxDK64 est construit à la façon de Super Mario 64 ou de Banjo-Kazooie, ou encore d'un certain nombre de jeux de plateformes en trois dimensions de cette période : il comporte primairement un hub à explorer qui permet d'accéder aux différents mondes, puis plusieurs objectifs dans ces dits mondes, et beaucoup, beaucoup, beaucoup de mini-jeux. Cependant, si dans le cadre de Mario ou de Banjo ce patchwork fonctionnait très bien, ici, la chose paraît forcée et même ouvertement artificielle. C'est d'ailleurs l'un des principaux défauts du titre selon moi : il apparaît davantage comme un « collage » de divers environnements, une chimère de différents projets qui ont du mal à travailler ensemble. Si la chose était acceptable concernant Mario et Banjo compte tenu de leur aspect fantasmagorique ou encore pour Conker qui a un propos sarcastique, la ficelle devint rapidement insupportable et les jeux plus récents préfèrent privilégier une cohérence d'univers et de gameplay, comme Super Mario Sunshine ou Super Mario Galaxy, ou encore une cohérence de narration comme Banjo-Kazooie: Nuts and Bolts. Cinq fois plus de raisons de maugréerChaque niveau, globalement, est constitué de hubs et de couloirs. Il n'y a quasiment pas de grands espaces « bac à sable » où l'on peut s'ébattre et voguer à gauche ou à droite, remplissant nos objectifs comme on le désire : plutôt, chaque niveau commence par un long couloir menant à un hall avec trois ou quatre chemins, chacun menant soit à une épreuve, soit à un nouveau hall et ainsi de suite. En définitive, l'on ne sent jamais parfaitement libre ici, mais toujours cloîtré, comme sur un rail. Heureusement, un système de téléportation permet de s'affranchir de quelques aller-retours même si le joueur sera obligé d'en commettre, et ce à cinq reprises. En pratique, et si l'on joue sans solution, l'on finit par tourner en rond et à changer de personnage toutes les cinq minutes pour progresser. Comme je l'ai dit du reste, chaque kong se doit de ramasser certains objets qui lui sont réservés, ce qui nous fait parcourir chaque environnement au moins cinq fois, grimpant les mêmes pentes, tuant les mêmes ennemis, passant par les mêmes endroits. En définitive, l'on a davantage l'impression de jouer à un party game qu'à un véritable jeu de plateformes en trois dimensions. Même si l'on peut, régulièrement, interchanger comme on le désire entre les kongs, la chose est si forcée, et si complexe souvent (certaines bananes exigeant de remplir une série d'actions successives avec tous les kongs pour les obtenir) que l'on en a rapidement assez. Un casting simiesqueLes kongs disposent chacun de compétences communes et d'autres qui leur sont propres. Les premières recouvrent la panoplie d'un personnage classique de ce genre, avec différents sauts et attaques au corps à corps, possibilité de grimper aux arbres et aux lianes... etc. Ainsi, si Donkey n'a pas réellement de pouvoirs spécifiques si ce n'est un « saut rodéo » assez puissant, Diddy peut quant à lui faire une charge tête bêche pour activer certains interrupteurs. Ensuite, Lanky Kong, un orang-outang, est capable de marcher sur les mains afin d'aller plus vite et, surtout, de grimper des pentes qui font dégringoler les autres kongs. Le système s'inspire clairement du talon trot de Kazooie dans Banjo-Kazooie et sa suite. Tiny Kong, qui apparaît comme un double de Dixie, peut faire l'hélicoptère avec ses couettes et traverser de petits gouffres. Chunky Kong, enfin, est capable de soulever des rochers et autres objets massifs pour dévoiler divers passages ou s'en servir comme projectiles. À côté de cela, les kongs possèdent tous une « attaque musicale », enseignée par Candy Kong : ils peuvent à tout moment, monnayant des casques audio que l'on ramasse ci et là, jouer d'un instrument spécifique (des bongos pour DK, une guitare électrique pour Diddy, un trombone pour Lanky, un saxophone pour Tiny et un triangle pour Chunky) qui permet non seulement de tuer tous les ennemis présents à l'écran, mais aussi d'activer certains interrupteurs.
Ces pouvoirs respectifs, cependant, ne sont pas accessibles aussitôt qu'un personnage est joué : il faut les acheter auprès des kongs respectifs au moyen des pièces-bananes, et ces derniers peuvent également, contre espèces sonnantes et trébuchantes, augmenter la barre de vie des héros (représentée par des pastèques) ou le nombre de casques/cristaux/munitions qu'ils peuvent transporter. Aussi, l'un des réflexes à avoir à chaque fois que l'on ouvre un monde est d'amener les kongs aux échoppes de Cranky, Candy et Funky afin de savoir s'il y a une amélioration de disponible, à la façon dont on peut s'équiper avant de débuter un niveau d'un shmup ou un donjon d'un RPG. J'ai parlé plus haut du dernier niveau du jeu. Celui-ci se déroule dans le quartier général de King K. Rool qui, en voyant arriver la débâcle, choisit de fuir non sans avoir activé un compte-à-rebours pour faire exploser son repaire. Ce compte-à-rebours, très serré de base, peut s'enrichir en rapportant à Snide, une fouine qui a trahi son camp, des plans de la bombe en question. Ces plans, au nombre de quarante, se trouvent dans chaque environnement et, encore une fois, seul un kong peut ramasser celui qui lui est associé et qui est gardé par un kremling plus fort que d'ordinaire.
Ouf. Et alors, et alors ?J'ai déjà parlé longuement du level-design, de son côté artificieux et forcé, de son backtracking et de l'aspect « party-game » qui l'émaille, tout ceci allant avec une maniabilité décevante. Mais, à dire vrai, les graphismes, et ce malgré l'utilisation de l'expansion pack ne m'ont jamais attiré. Je les trouve, comme le reste du jeu par ailleurs, fouillis, moches, baveux ; bien entendu, le rendu vidéo de la N64 y est sans doute pour quelque chose, mais à côté des aplats de couleurs francs de Super Mario 64 ou même de Conker, DK64 est souvent bien trop travaillé, bien trop sombre, bien trop tout pour être intéressant.
Au contraire, alors, des mondes de Banjo-Kazooie ou de Super Mario 64 qui sont souvent construits autour d'un élément central fort (une pyramide, un bonhomme de neige géant, un navire, un chapiteau...), Donkey Kong 64 paraît éclaté et chaque petit « hub » d'un monde aurait pu faire l'objet d'un univers à part entière, comme si les développeurs n'avaient su choisir, sur le papier, quel objet privilégier. La seule exception demeure le monde de la forêt, « Forêt Foldingue » (Fungi Forest) avec son arbre immense qui permet de changer la nuit en jour et réciproquement... Mais ce monde n'est en réalité que la version rejetée d'un niveau de Banjo-Kazooie qui deviendra le « Bois Clic-Clac » (Click-Clock Wood) où les héros, cette fois-ci, jouent avec le cycle des saisons.
Le seul élément qui a, selon moi, bénéficié d'un soin exceptionnel mais ici, il était dur d'être négatif, c'est la musique composée par le grand Grant Kirkhope, qui avait déjà officié sur Banjo-Kazooie, en compagnie d'Eveline Fischer (dont j'avais évoqué le travail sur Donkey Kong Country 3). Ce dernier reprend ici une idée déjà mise à l'œuvre dans Kazooie et qui, encore une fois, trouvera son paroxysme dans Banjo-Tooie, la « musique interactive ». Il s'agit pour les environnements d'avoir une mélodie spécifique dont les arrangements vont évoluer en fonction de la situation et des zones traversées. Si vous vous souvenez des percussions qui se rajoutent à la musique lorsque Mario chevauche Yoshi dans Super Mario World, vous pouvez avoir une idée de la chose. Ainsi, s'il existe une musique « Angry Aztec » (le monde de sable), il va y avoir la version « sous l'eau », la version « dans les corridors », etc. La chose est exceptionnelle, et on aimerait la voir plus régulièrement. Si j'étais méchant - mais je ne le suis pas -, je dirais que le jeu est ennuyeux pour vos mains ou vos yeux, mais, au moins, vos oreilles passeront un bon moment...
Sources, remerciements, liens supplémentaires : - Certaines images proviennent de jeuxvideo.com.
- Unseen64 pour les informations concernant la beta du jeu. - Le wiki de Banjo-Kazooie pour les informations concernant Fungus Forest. Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (58 réactions) |