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Dead or Alive 2
Année : 2000
Système : Arcade, Dreamcast, Playstation 2
Développeur : Ninja Team
Éditeur : Tecmo
Genre : Jeu de Combat (VS fighting)
Par Thomas V. (11 avril 2005)

Sorti en premier lieu sur Dreamcast et faisant suite à un premier épisode réputé très « technique », DOA2 ne propose ni plus ni moins qu'une excellente alternative pour qui est allergique à Tekken, sans toutefois prétendre rivaliser avec le gameplay d'un Soul Calibur : intention louable. L'ennui, c'est que l'excellent gameplay du soft est masqué par un brouillard assez difficile à franchir sans une importante dose de bonne volonté.

Un jeu qui au départ n'avait RIEN pour séduire les joueurs

Lorsque DOA parut en 97, la principale de ses particularités mises en avant fut que le jeu proposait des personnages féminins refrappés à la chirurgie esthétique et combattant en petite tenue : « DOA, le premier jeu de baston bonnet D » (inutile de vous décrire comment la chose rendait sur une PS). Profitant des merveilles que pouvait faire la technologie 128-bits, DOA2 enfonce le clou, n'hésitant à proposer des nanas en bikini ou encore une catcheuse, sosie de feu-Lolo Ferrari. On peut comprendre (vous verrez les screens) que cela puisse en émoustiller certains, mais ceux qui ne sont pas dans le trip trouveront ça au mieux idiot, au pire carrément rebutant. Si les ennuis s'arrêtaient là, il n'y aurait guère que les féministes endurcies pour critiquer le jeu (bien que les femmes soient les personnages les plus puissants du jeu), mais le mauvais goût a malheureusement été poussé plus loin : à cette orientation que nous qualifierons d'artistique s'ajoute le design du jeu tellement raté que c'est comme quand on essaie de raconter sa vie à quelqu'un qu'on n'a pas vu depuis 5 ans : on ne sait pas par où commencer. Je me lance les deux pieds en avant sur un point capital : il y a dû forcément avoir 2 personnes pour choisir la palette de couleur du jeu et l'habillage des personnages.
Pour s'en rendre compte une observation simple : d'un côté on a des personnages aux vêtements assez conventionnels, de l'autre, lorsque l'on choisit certaines des (nombreuses) tenues alternatives, la petite bande se transforme en team de teufeurs en pyjama flashy.

Vous pourrez constater sur les screenshots la différence entre un Jann-Lee vêtu sobrement, et ce même personnage façon années 80 : faux habits de motard dans des tons de noir, blanc, rose et bandana dans les cheveux. Dans le même registre, la sympathique Lei Fang porte une tenue de soirée rouge ou blanche (très fendue au niveau des cuisses pour des raisons évidentes de gameplay), mais peut aussi opter pour un ensemble vert fluo. La palme de l'horreur revient, et c'est logique, au boss final : un démon obèse avec un masque de clown tout en marron. Il apparaît clairement dès les premières parties que jouer à ce jeu au moment de la digestion revient à tester un simulateur de mal de mer créé par un daltonien. Si cela ne suffisait pas, en plus d'être très mochement habillés les persos sont très peu originaux. En gros, vous avez le Bruce Lee de service, les divers fantasmes masculins, les loubards habituels (un gros catcheur tellement laid que ça en devient insoutenable), et le sempiternel petit vieux. Le clou du spectacle, c'est le Ninja : faites un tour sur un site du genre nanarland à la section film de Ninja pour savoir où les développeurs ont pris leurs idées.

Le fan hardcore pourra même passer des heures à tenter de s'expliquer l'origine des milles petits détails graphiques qui font que DOA 2 marque : pourquoi Jan Lee a-t-il un teint rouge de poivrot ? La laideur de Bass a-t-elle été pensée pour inciter le joueur à être sadique avec lui ? Le déhanché du boxer thaï (dans son habit style hip hop grenouille-canard honteusement inspiré de Fatal Fury) a-t-il été prévu pour développer un jeu de danse par la suite ? Sans vouloir m'étendre sur le sujet polémique du style « les persos de jeux de baston sont tous censés être des clichés », il faut bien avouer que le plagiat a été poussé très loin dans DOA 2. Je vous répertorie seulement les exemples frappants : le grand black qui fait de la boxe thaï ressemble affreusement (dans les deux sens du terme) à un perso de Tekken. Lei Fang, Anna Williams et un perso de Virtua Fighter (dont je ne me rappelle plus le nom) présentent des ressemblances troublantes... De même Gen Fu rappelle cruellement un Gen de Street Fighter Zero mixé avec Shun Di (Virtua Fighter, toujours). Je passe aussi très vite sur les décors, sympathiques mais cruellement quelconques pour la plupart...
Il fallait nécessairement un gameplay en béton armé pour que ce jeu ne devienne pas la nouvelle recrue du clan des « ça aurait pu être très bien, mais non ».

Des innovations décisives...

Quand on n'est pas habitué au système Virtua Fighter 2 (3 boutons seulement), les premières parties se révèlent très déstabilisantes. Il n'est même pas possible de bourriner à tout va comme un bon débutant, parce qu'un des boutons sert pour la garde et le marteler aura, comme dans Soul Calibur, un effet pour le moins frustrant.
À ce stade, on décide presque définitivement du sort de ce jeu dans sa ludothèque : soit on l'adore, et on s'apprête à passer de longues heures dessus, soit on le déteste et, les graphismes n'aidant pas, on se jure que plus jamais on ne mettra ça dans sa console. Je dois avouer que j'ai d'emblée pris la deuxième option, et j'ai attendu plus d'un an avant de daigner ressortir le jeu par hasard. Jouer à DOA 2, lorsqu'on a connu Street Fighter, King of Fighters et peut-être même Tekken et Soul Calibur, c'est adhérer à une philosophie complètement différente et surtout très séduisante.

Premier détail qui frappe (jeu de mots ;) : la simplicité de la prise en main. On peut dire en effet qu'avec 3 boutons, dont seulement 2 pour porter des coups, on pouvait se rassurer de ce côté-là, mais la Ninja Team a poussé les choses bien plus loin : non content de ne pas réclamer une habileté de pianiste pour sortir un coup, DOA 2 est très instinctif. Trouver et exécuter des combos est réellement à la portée de tous. Le jeu est assez indulgent sur le timing mais redoutable au niveau de la précision : pas question (comme dans tous les autres jeux 3D) d'appuyer 3 fois sur le bouton pour sortir un coup. L'absence presque totale de coups à quart de tour et la grande « connectabilité » feront dès lors se prendre n'importe qui pour un pro de la manette. Les décors, quant à eux, ont une importance inédite. Les environnements s'étalent sur plusieurs niveaux (toit d'un immeuble => rez de chaussée), et on passe de l'un à l'autre en éjectant son vis-à-vis (ce qui lui enlève de l'énergie). On peut en outre l'envoyer contre un mur au moyen de presque n'importe quel coup. De nouvelles possibilités de combos s'offrent au joueur à ce moment-là, ce qui rehausse un peu plus l'importance de ces interactions avec le décor. Bon c'est vrai que sur ce plan-là, ça n'est pas très original, puisque dès Mortal Kombat 3 les stages étaient composés de plusieurs niveaux, et Fighting Vipers fondait son jeu sur le matraquage de l'adversaire contre le mur... Mais quand même, rendons à la Ninja Team le mérite d'avoir réussi à implémenter ceci dans son jeu sans nuire à sa cohérence, là où d'autres se contenteraient de mettre des Ring out à tout va.

Mais là où DOA se démarque vraiment de Tekken 3, le jeu de baston qui a réussi à s'attirer les faveurs d'un public peu habitué à la baston mais que la simplicité a conquis, c'est en ce qui cincerne les contres. En effet, s'il est très simple de faire des combos, il est aussi très facile de les bloquer et de les contrer. Le troisième bouton sert à parer les coups et, lorsqu'il est ajouté à une direction, vous permet de les contrer. La direction à appuyer dépend du type de coup : diagonale haut-arrière pour les coups « high », arrière pour les « middle », bas pour les « low ». En gros, lorsque l'adversaire voudra vous mettre un bourre-pif classique (poing mid), hop, un ptit arrière + block au bon moment (durant l'animation de son coup) vous permettra de vous saisir de son bras, puis de lui asséner un coup violent. Le laps de temps dont vous disposez pour bloquer un coup est relativement important, et de manière générale un petit entraînement suffit à comprendre le fonctionnement des contres. Dès lors, le jeu va reposer, si vous défendez, sur l'anticipation d'un maximum de coups de votre adversaire et la connaissance de ses combos pour savoir à quelle hauteur chaque coup frappera. De plus, vous pouvez choisir de contrer soit au début d'un combo, soit pendant certaines phases de celui-ci. Vous pouvez donc laisser l'adversaire enchaîner 2 coups, histoire qu'il pense que vous ne le contrerez pas, se relâche (vous lançant de ce fait un coup mid assez lent) puis le contrer sans pitié.

La maîtrise de cette technique est fondamentale dans DOA 2, ce qui en fait un jeu où l'on prend plaisir à revenir avec le même adversaire humain, puisque l'on essaye systématiquement d'innover, de trouver de nouveaux timings, de créer des séquences dures à contrer (haut-bas-haut-haut...)... Mais DOA est aussi un jeu assez déséquilibré, car ces contres sont surpuissants, tout comme les projections, et ils peuvent renverser un combat à tout moment.

...mais controversées

À ce sujet, un rédacteur du magazine Game Fan a déploré qu'en fin de compte le jeu se résume à du pierre-papier-ciseaux, étant donné que le système était bien plus complexe en arcade (il fallait faire avant + block pour les pied, des demi-tours pour les autres-coups...). Ca n'est pas faux, mais le jugement que l'on porte dépend de ce qu'on attend. Si on espère un jeu très exigeant, à la manière des productions de SNK ou de Virtua Fighter, alors on peut souscrire à ce point de vue. Mais si l'on veut varier les plaisirs à moindre investissement, dans ce cas on pourra dire que l'accessibilité de DOA 2 est pour beaucoup dans l'intérêt du jeu.

Le Tag Battle

Déjà vu dans Kizuna Encounter sur Neo Geo, le tag battle est un apport à la fois stratégique et ludique. Cela consiste, vous devez certainement le savoir, à sélectionner une équipe de 2 personnages, puis à pouvoir les intervertir à loisir en cours de combat. Apport stratégique, car cela permet de varier son jeu pour surprendre l'adversaire.
Dans Tekken Tag Tournament, le personnage qui ne joue pas récupère même un peu d'énergie en soufflant. Apport ludique également, car de nouvelles combinaisons apparaissent avec les tags. La plus classique d'entre elles est le combo que l'on réalise à 2 : A amorce le combo, B vient le continuer, A revient mettre sa touche, B conclut, avec au final une barre d'energie sévèrement atteinte pour le pauvre bougre d'en face. On peut aussi citer les attaques en duo, très puissantes.

À l'époque de la sortie de la PS2 on a observé que DOA 2 était plus efficace sur ce point-là que Tekken Tag Tournament, ce dernier ne proposant pas des passages d'un perso à l'autre suffisamment rapides pour élargir la palette de combos et de stratégies. Il est à noter que si ce mode est attrayant, il est aussi complexe à utiliser, et se révèle être une arme à double tranchant : changer de personnage au mauvais moment aboutit souvent à servir de sac de frappe pour l'adversaire.

Conclusion

DOA 2, même s'il est repoussant de prime abord, reste donc quand même un jeu de baston intéressant. Sa trop grande facilité contre le CPU le réserve néanmoins à ceux qui ont un camarade de niveau équivalent, auquel cas sa découverte procure les mêmes sensations que les premières parties de SF2 : une expérience totalement nouvelle et diablement accrocheuse.

Thomas V.
(11 avril 2005)
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