Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Keween (23 septembre 2013) Je devais avoir 5 ans lorsque mon père s'est ramené avec une boîte remplie de disquettes. Il faut dire qu'il venait de s'acheter un ordinateur et voulait en tester toutes les possibilités. Comme je n'avais pas le droit d'y toucher, j'ai dû attendre qu'il dorme. Entre deux disquettes remplies de filles nues pixelisées, je découvre Wolfenstein 3D et Doom. De la nuit passée dessus découlèrent deux souvenir marquants : une des plus belles baffes que j'ai reçu de mon père à son réveil et le logo d'Id Software. Tout ça pour dire que Doom marqua ma petite vie de joueur et que Doom 3 fut l'un des jeux que j'ai le plus attendu. Doom 3Après la sortie de Quake 3 en 1999, une partie du studio désire faire autre chose que des shoot sur fond de space marine. Un projet de RPG intitulé Quest débute mais malheureusement John Carmack, programmeur et tête pensante du studio, voit les choses autrement. L'idée de faire une suite à Doom traîne depuis un moment mais n'a jamais abouti. Carmack désirait alors faire un moteur graphique qui exploite pleinement la lumière et les ombres ; l'idée de Doom 3 lui vient en tête mais il doute de l'intérêt du projet. Comment savoir si c'est une bonne idée ? Carmack demande à Trent Reznor, leader de Nine Inch Nails et fan de Doom si l'idée d'un Doom 3 lui plairait. La réponse sera un simple oui, et le projet est lancé... L'idée ne convainc pas à tout le monde : "On dirait un vieux groupe qui réenregistre son premier album sous prétexte qu'ils jouent mieux qu'avant" déclare Adrian Carmack, directeur artistique et co-fondateur du studio. Le temps de choisir son projet suivant, l'équipe s'occupe en réalisant Quake 3 Team Arena, réponse maladroite à Unreal Tournament. Le studio en vient finalement à se diviser en deux, d'un côté le projet Quest et de l'autre Doom 3. Finalement la solution s'impose lorsque John Carmack met sa démission dans la balance. Pour résumer la situation, Id Software est un groupe de gamins qui jouent au foot et John Carmack est l'unique propriétaire du ballon. Sans ballon, pas de foot et sans Carmack pas de jeu. Doom 3 est lancé. Le studio texan cultive le secret depuis les déclarations fumeuses de John Romero au sujet du premier Quake, mais lors de la première présentation à E3 2001 le monde d'Internet s'enflamme. Une longue attente commence, chaque nouvelle photo est soigneusement décortiquée et la moindre information nouvelle fait la couverture d'un magazine. Il faut dire que Doom 3 impressionne : la Playstation 2 est à peine là qu'on découvre la prochaine génération. Le principe est simple, on ne triche pas et chaque effet de lumière sera géré en temps réel. Mais ce qui marque le plus c'est l'ambiance angoissante. Le jeu semble terrifiant et nourrit les fantasmes les plus fous. La révolution est en marche. Malheureusement, un an avant la sortie du jeu, une béta se propage sur le net. ATI, constructeur de cartes graphiques et partenaire technologique est mis en cause. John Carmack annonce la rupture avec ATI au profit de NVIDIA. Après un dernier report fin 2003, le jeu sort enfin le 3 août 2004 aux États-Unis. Du fait de la différence de date de sortie avec la France, il est largement importé et massivement piraté. Malgré tout, Doom 3 reste très attendu et obligera de nombreux magasins à ouvrir leur échoppe à minuit. Pour ma part, le doute s'installe. Et si le jeu était une déception ? Il faut savoir que 2004 fut une période faste pour le FPS : entre la frénésie Painkiller et l'impressionnant Farcry, la concurrence est rude. Sans parler d'Half-Life 2 qui arrive en fin d'année. Ne possédant pas d'ordinateur assez puissant à l'époque, je suis obligé de me faire accueillir par un ami possédant le jeu et qui pouvait le faire tourner de façon correcte. Je vous rassure, il est devenu depuis un très bon ami. Nous sommes dans le futur, et la corporation UAC (pour Union Aerospace Corporation) est leader dans les innovations technologiques, militaires et spatiales. On incarne une jeune recrue marine affectée à la base martienne d'UAC. Une fois sur place, on nous remet un PDA avec l'ordre de retrouver un scientifique. Une fois retrouvé, un accident se produit et l'invasion infernale commence. Honnêtement le scénario n'a rien de palpitant. Doom 3 n'est pas vraiment une suite, il s'agit d'une réinterprétation du premier jeu dont il reprend le contexte, le bestiaire et les armes. Techniquement, à sa sortie, c'est une baffe. Impressionnant par ses effets de lumière dynamique, la beauté du jeu est réelle et il est dès sa sortie bien optimisé, impressionnant sur des configurations modestes. Il y a quelques limitations techniques tout de même : on affronte rarement plus de trois monstres à l'écran et les zones sont petites. Pour le reste, l'Id Tech 4 (ou Doom 3 Engine) en a dans le ventre. La construction du jeu n'a rien d'original, on reprend des mécaniques largement éprouvées. Une succession de couloirs, quelques PNJ qui si on le désire peuvent nous suivre, et différents scripts nous mettent dans l'ambiance. Honnêtement, c'est un sous-Half-Life qui ne propose aucune idée neuve et en reprend un grand nombre. Mais heureusement le plaisir est ailleurs : dans le fond, le jeu est très old school, il faut aller d'un point A à un point B. Le chemin est linéaire et si l'on bloque, c'est qu'il faut chercher une clé. On massacre du monstre, on ramasse des munitions et on affronte le boss à la fin. Les armes vont du pistolet au fusil à pompe sans oublier le lance-roquettes, et on a même droit à la tronçonneuse et aux armures. Doom 3 ne serait-il qu'un jeu d'un autre temps ? La reprise des grandes lignes d'Half-Life ferait-elle de la peine ? Assurément. Après tout, aussi bien maquillé qu'il soit, ce n'est qu'un Doom. Et c'est absolument génial ! Pour plusieurs raisons, son ambiance en premier lieu, les flingues et sa capacité de reprendre un élément classique pour lui donner corps et cohérence. Quand on arrivons sur la base, on perçoit un PDA grâce auquel on reçoit des mails, des journaux audio et vidéo, ainsi que des autorisations pour accéder à certaines zones. Chaque personne qui travaille à UAC en possède un, qu'on peut récupérer sur les cadavres. On peut ainsi lire les mails, découvrir quel code utiliser pour telle armoire, débloquer des accès, ou lire les mails des employés qui passent leur temps sur "Quake 43". Par exemple, un employé se demandera pourquoi il a reçu des tronçonneuses alors qu'il est sur Mars ! Mais surtout, on découvre que l'invasion infernale a commencé depuis longtemps et que ce n'est peut-être pas un accident. Au même titre qu'un System Shock 2, la narration se voit enrichie. L'immersion et l'ambiance sont des plus réussies. Quand on arrive sur la base, on surprend des conversations d'employés terrifiés, on entend des pleurs au loin, on peut lire les écrans d'ordinateur et interagir avec eux sans passer par un menu. Il y a un réel travail sur le son et l'écriture pour rendre le contexte crédible. Tout est mis en place pour nous emmener en enfer : Mars est plongée dans le noir, les lumières clignotent, la tension et la peur du noir sont réelles. Qui sait ce qui se cache au détour d'un couloir ? Ou derrière nous, dans un coin de pièce plongé dans l'obscurité ? Ce sont des éléments qu'on retrouve déjà dans le premier Doom, mais formulés ici de façon magistrale. Chaque monstre a droit à une cinématique le mettant en scène, le stress monte, plongé dans le noir on tire à l'aveugle, la détonation du fusil nous montre un énorme monstre fonçant sur nous. Montée d'adrénaline garantie ! Heureusement, dans notre quête nous possèdons un objet précieux pour notre survie : une lampe torche. Je vois vos sourires moqueurs qui se dessinent. Oui, le moins qu'on puisse dire c'est que cette fameuse lampe torche a fait polémique. Pour bien comprendre le cœur du problème, il faut savoir que le jeu est globalement plongé dans le noir absolu. Il faut donc avoir constamment la lampe torche activée. Le problème est que si l'on utilise la lampe, on ne peut pas utiliser d'arme. Il faut à chaque rencontre funeste switcher entre la lampe et une pétoire quelconque. Ça semble stupide et incohérent pour un marine futuriste, mais je trouve que c'est une des grandes forces du jeu, qui a été pensé ainsi : quand un ennemi attaque, il produit une lumière qui permet de le repérer, des regards translucides nous observent. Les effets de surprise sont renforcés et c'est la peur au ventre qu'on explore cette satanée planète. Malgré tout, il arrive un moment où on devine les effets de surprise, la peur s'essouffle. Il faut dire qu'on remarque vite les ficelles. Après quelques heures de jeu on devine quand va apparaître un monstre et comme la variété des décors n'est pas le point fort du jeu, on finit par se lasser. C'est alors qu'on change d'attitude, la peur laisse place à la frénésie. On finit par foncer sur les monstres en esquivant les boules de feu. Le jeu propose un large choix d'armes et une grande variété de démons. Chaque problème trouve sa solution et très vite on adapte son approche en fonction de la menace, d'autant plus que les démons sont associés à des grognements et autres bruits identifiables. Le feeling des armes est excellent : exploser un zombi au fusil à pompe, voir sa cervelle voler est un de ces petit plaisirs de la vie dont on ne se lasse pas. On retrouve les sensations du premier Doom, et indéniablement Doom 3 est un jeu Id Software. On jubile d'exploser un démon de cinq mètres de haut à coups de BFG. Chaque nouveau démon a droit à sa petite cinématique. Il arrive que l'on explore un peu Mars mais c'est souvent très court et il y a peu de choses à tuer [NdT : encore une phrase qui fera plaisir à Familles de France]. Pour finir, la direction artistique est remarquable, chaque monstre est réussi et cette descente en enfer reste aujourd'hui un de mes plus grands moments vidéoludiques. Je ne sais comment expliquer la joie que procure le jeu. La mécanique de peur instaurée, le sentiment d'être une proie, comme si les longues errances du début ne servaient qu'à préparer ce moment où les sentiments primitifs prennent le dessus. On devient le chasseur, on traque les créatures, on explose de joie à détruire un groupe de soldats. Indéniablement, c'est un jeu ID Software. Poliment accueilli par la presse et joli succès commercial, aujourd'hui Doom 3 est souvent réduit au statut de démo technique et beaucoup en gardent un souvenir amer. Je ne vais pas vous mentir, il souffre de défauts, bon nombre de personnes peuvent le trouver ridicule et archaïque. Il n'est d'ailleurs pas resté dans toutes les mémoires. Il y a des jeux bien plus narratifs, d'autres plus malins. Mais j'aime son ambiance immersive et puis son côté canard boiteux me touche. Il arrive un moment où la critique ne marche pas, et où seul le coup de cœur l'emporte. On aime des jeux car ils nous transportent, nous font rêver malgré leurs défauts. Doom 3 est un jeu que j'aime, il m'a procuré de très grands moments, j'ai frissonné, je suis entré dans une folie furieuse tronçonneuse à la main et surtout, je me suis amusé dessus. N'est-ce pas l'essentiel finalement ? Un mot sur le multi-joueur : qui dit Doom dit deathmatch. Limité à quatre joueurs et peu intéressant, ce mode ne brille, ici, pas vraiment. Un peu triste de la part des créateurs de Quake... Heureusement, Doom oblige, il existe de nombreux mods intéressants pour améliorer la recette, qui proposent par exemple de sctocher la lampe sur une arme. Un remake intégral du premier Doom a été également été créé. Doom 3 : Resurrection of EvilSous-traitée auprès de Nerve Software, cette extension suit directement Doom 3. Proposant d'incarner un nouveau héros doté de nouveaux pouvoirs grâce à un ancien artefact, Resurrection of Evil est une tentative de réponse à Half-Life 2 intégrant des possibilités de gameplay plus subtiles que celles du jeu de base, mais utilisées de façon hasardeuse. Si les pouvoirs, comme le ralentissement du temps, sont sympathiques, le clone du gravity gun s'intègre mal au jeu. Malgré tout, une nouvelle arme vaut le déplcament, même si ce n'est sans doute pas celle que les développeurs auraient préféré qu'on retienne : le double fusil à pompe. Sans doute la meilleure invention dans un FPS ! Avec lui la peur n'est plus là mais le plaisir se décuple et on pardonnerait presque à Nerve Software d'avoir intégré une lampe au pistolet, cédant aux rouspétances des joueurs. Doom 3 BFG edition.Compilation des trois Doom ainsi que leurs extensions, cette édition propose aussi une nouvelle campagne courte mais très bourrine. Encore une fois, le jeu commet l'erreur de proposer une lampe permanente, cette fois intégrée à l'armure : ainsi on peut tuer dans la lumière. Elle propose malgré tout la meilleure version console, permet de jouer à Doom 3 sur Playstation 3 et Xbox 360 avec des graphismes réhaussés pour l'occasion, et supporte la 3D. Par contre inutile de le prendre sur PC, les nombreux mods de Doom 3 font largement mieux à partir du jeu de base. Quelques mois après leur parution, Doom 3 et son extension ont connu une excellente conversion XBox (première du nom) développée par Vicarious Visions déjà auteur de la version console de Return to the Castle Wolfenstein. Excellente, cette version offre en prime un mode coop en ligne et son collector propose un making of ainsi que les deux premiers Doom dans un superbe boîtier en métal. Sources, remerciements, liens supplémentaires : Sources :
- Jeuxvideo.com - Wikipedia - Les maîtres du jeu vidéo (livre de David Kushner sur John Romero et John Cormack). Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (19 réactions) |