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Dragon Slayer
Année : 1991
Système : PC Engine CD, SNES
Développeur : Hudson Soft
Éditeur : Hudson Soft
Genre : RPG
Par Gregoss (05 avril 2004)

Voici un soft unique et précieux. Voici un RPG de la vieille école. Voici un jeu qui a fonctionné sur une console distribuée confidentiellement en France. Voici un jeu désormais introuvable dans le commerce. Voici un jeu NEC. Et un jeu Hudson Soft qui plus est ! Pour mémoire, cet éditeur a été le pourvoyeur en chef de merveilles vidéoludiques sur la PC-Engine et l’un des principaux artisans du mythe qu’est devenue cette petite machine...

Et comme un convoi exceptionnel en cache souvent un autre, ce jeu réalisé par Hudson est un remake CD pour la console NEC du sixième opus d’une série créée par Falcom, autre grand nom du jeu vidéo nippon... Dragon Slayer fait partie de la famille des Legend Of Xanadu, des RPG qui ma foi ont une sacrée réputation au pays de Mishima. Pour la petite histoire, c’est le premier jeu à être sorti sur le Super CD-ROM² et le seul de la série à avoir eu la chance d’être traduit. C’est en effet en 1992 qu'il sera entièrement porté du japonais à la langue de Shakespeare : les textes et les voix d’acteurs seront ainsi retranscrites pour le plus grand bonheur des joueurs américains, mais aussi accessoirement pour le nôtre puisque c’est bien connu, l’Europe profite toujours des miettes... Qu’il est d’ailleurs dommage que si peu de jeux pour Turbo-Grafx 16 aient été développés pour le marché américain, les plus fameux étant Ys 1 et 2, Dragon Slayer donc, Dungeon Master Theron’s Quest, Loom, (et quelques autres moins connus comme Shockman ou Cosmic Fantasy 2). Les joueurs comprenant le japonais peuvent comme d’habitude se délecter de la plupart des grands hits restant... Ce qui me fait penser qu’il doit bien exister quelque part des japonisants ne maîtrisant pas, mais alors pas du tout la langue anglaise... arf, laissez moi au moins cette illusion...

Une fois de plus sur NEC, la beauté des dessins animés est à l’honneur.

En guise d’introduction...

On peut dire que l’histoire de Dragon Slayer Legend Of Heroes (DSLOH) commence de façon très classique : votre petit royaume coulait des jours on ne peut plus heureux faits de quiétude tranquille et de nonchalance sans borne lorsqu’arrivèrent des hordes de démons qui fondirent sur les grands pâturages et les villages jusqu’ici ensoleillés par l’innocence... Bref, autant le dire tout de suite, le royaume de Farlayne est mal barré et vous, Logan, le fils du roi, n’avez que 5 ans. Cependant, tout ceci n’est que le prologue - narré de très belle manière par le biais d’un dessin animé à la musique fantastique et à la voix monocorde lancinante - à la grande aventure qui va débuter... Le dessin animé en question est d’ailleurs, une fois de plus sur NEC, somptueux. La musique est une réussite totale, à l’atmosphère contemplative et totalement apaisée. Le second dessin animé, qui est celui que l’on peut voir quand on commence une aventure est quant à lui un peu moins statique dans les images, et rythmé par une musique totalement différente et très contemporaine. Dommage que le jeu ne compte en tout que trois séquences animées puisque le suivant n’est autre que celui qui va clore le périple des héros...

Revenons à l’enfance de Logan... L’invasion des monstres a été repoussée mais les humains en ont payé le prix : le pays est dévasté, le roi est mort, les victimes sont nombreuses. Arrivant à l’improviste, votre oncle, nommé Drax, est chargé d’occuper la régence jusqu’à ce que vous soyez en âge de gouverner. Dix ans plus tard, et après avoir passé le plus clair de votre temps à être formé au dur métier de souverain sur l’île d’Exile, vous vous sentez prêts à reprendre les rênes du pouvoir. Et pourtant...

L’attaque des monstres
Drax

L’histoire, l’univers...

L’histoire débute donc sur Exile où le personnage que vous incarnez prioritairement (d’autres viendront se greffer au groupe) est à la veille de son couronnement. Logan est un jeune homme insouciant et débrouillard, entouré et cajolé par des domestiques royaux qui lui sont entièrement dévoués. Les jours calmes sur la petite île vont bientôt prendre fin et une dernière escapade à l’insu de tous dans les champs environnant où vous rencontrez des Slimes ne sera pas pour plaire à votre précepteur... C’est après un retour mouvementé qu’une servante vous souhaite une bonne nuit, au son d’une musique légère et réconfortante. La seconde d’après commence pour notre jeune héros le début d’une longue aventure, un immense parcours initiatique.

Logan, dix ans avant le début de l’histoire
La vie à Exile

Au nombre imposant de scénarios médiocres que nous assènent les jeux vidéo, n’y rangeons pas celui de DSLOH. Pour bon nombre de gamers connaissant le produit, il ne s’agit là que d’un titre sans grande originalité. Peu original ? Certes, mais le jeu n’en est pas fade pour autant, car l’histoire, sans être novatrice est efficace, ne souffre d’aucun temps morts, et relève du pur divertissement. Certes, il n’y a pas dans le background d’éléments malaisés à assimiler, d’intrigue torturée et tortueuse, ou de mythologie complexe, mais le scénario va nous amener à traverser les royaumes de Farlayne, Norland, Sordi, Wyngard et Mortavia (dixit la voix de présentation) à travers une course, une chasse à l’homme sans relâche et âpre, occasion à la fois pour Logan d’assouvir une vengeance légitime mais aussi afin de délivrer la princesse Mica.

Un monde vaste... (carte tirée de Dragon Slayer 2, version Jap)

Ce qu’a de remarquable le scénario de ce jeu sorti en 1991, aux graphismes maintenant désuets, c’est sa capacité à tranquillement faire la synthèse de grands récits d’Heroïc Fantasy. Si je devais légèrement engoncer ma plume dans l’encre des superlatifs et de la fioriture esthétisante, je dirais qu’ici les créateurs d’un jeu vidéo ont fignolé un patchwork élégant et efficace, un habile tissage de ficelles narratives (trop ?) connues qui pourtant nous collent à l’action comme une mouchette à une toile d’araignée. DSLOH repose sur un cheminement progressif fait de coups de théâtre multiples, de batailles, de quêtes diverses, et tout s’enchaîne avec le plus grand naturel dans un rythme rapide et une difficulté presque homéopathique. Pour celui qui veut se familiariser à un RPG, c’est le rêve. Pour le vieux baroudeur, c’est un voyage d’agrément tant le programme simule plus l’impression de difficulté que la difficulté elle-même... De ce point de vue, il rentre dans une catégorie de RPG conçus pour plaire au plus grand nombre, un pur produit de divertissement débarrassé de la complexité que l’on réserve d’habitude aux gros joueurs, un peu à la manière d’un Final Fantasy. Mais si Final Fantasy est Disney Land, alors DSLOH est une cure thermale...

Il faut un début à tout
Cause toujours...

Preuve d’une maîtrise impressionnante de l’élaboration d’un RPG, Falcom n’a scénaristiquement rien oublié. Ainsi, au niveau des personnages, aucun caractère ne semble manquer : il y a en scène le jeune héros sigfriedien, le traître qui sommeille au sein de l’équipe, la magicienne sexy et un peu garçon-manqué, le gentilhomme dans la fleur de l’âge qui a repris les armes, la jeune princesse éplorée, l’ermite qui seul connaît le sort qui permettra d’arrêter une malédiction, le pêcheur qui trouve un curieux trésor au fond de ses filets, le vieil archéologue sénile mais casse-cou, l’inventeur fou qui rêve de voler, des princes cupides et lâches, le pirate fantasque ne craignant personne sauf sa terrible môman, le prêtre dur à cuire et buveur invétéré, etc.

Pour ce qui est du bestiaire, point de complexité mais une revue classique et référentielle de monstres et de créatures qu’on retrouve toujours avec plaisir dans un jeu d’aventure : il y a le jeune dragon dont l’œuf viendra à éclore en présence des héros, les bons vieux slimes qui ouvrent le bal, les orques, les loups géants, les beholders au fin fond de leur grotte, et enfin la bête mythique qui se tapi au cœur de ce monde que l’on explore sans jamais s’ennuyer pour peu que l’on fasse un minimum de leveling...

Aaah, ce bon vieux Slime... dans mes bras !
Un Beholder

Les séquences qui s’enchaînent font elles aussi preuve d’une clarté et d’une simplicité qui ne peuvent qu’enthousiasmer le joueur : la révolution de palais au tout début n’est que le prologue de l’aventure car il faut ensuite passer par tout un tas de batailles dont l’enjeu est à chaque fois décisif : aider les vaillants soldats défendant le port assiégé, débusquer des monstres qui ont pris l’apparence des habitants d’une ville, aller au secours du monarque d’un royaume du sud victime d’une fête trop enivrante, soutirer les trésors de pirates peu crédibles, etc.

Comme je l’ai dit plus haut, le rythme avec lequel ces divers événements se déroulent est rapide et remarquablement dosé. Loin d’être un résidu infâme de lieux communs et de déjà-vu, l’aventure de DSLOH s’avère être une collection brillante de poncifs certes, mais de poncifs rondement menés.

Il y a quelque chose de pourri dans le royaume de Farlayne...

Le territoire à parcourir est quant à lui modérément vaste mais assez complet dans sa diversité : déserts, forêts, archipels, montagnes et plaines, sont le paysage pixellien lambda du jeu de Hudson. Il faut savoir qu’une rencontre de monstres dans ces différents territoires n’influe en rien sur les données du combat. Il est à noter qu’à un monde assez petit, DSLOH oppose une densité plutôt conséquente de monstres, faisant des trajets de ville en ville un parcours dangereux où les combats sont très fréquents (en moyenne, un toute les cinq secondes). Les autres lieux sont eux dans un nombre tout aussi réduits : il y a tout simplement soit des villes, soit des hameaux en ce qui concerne les « espaces amis » et quant aux lieux dangereux, ce sont soit des grottes, soit des tours, et un labyrinthe final clôt une partie qui peut être assez rapidement menée à bien, pour peu que l’on fasse preuve d’un chouia de persévérance.

Un dernier petit mot sur un élément du jeu qui reprend une recette simple des RPG : au cheminement linéaire et pédestre des trois premiers quarts du jeu se substituera, au dernier chapitre, un moyen de locomotion qui permettra de se rendre directement et sans attendre à tous les points de la carte. Si ça c’est pas du classique de chez classique...

Les personnages

Tout au long du jeu, ce sont cinq personnages qu’il va vous falloir diriger : Logan, qui est le personnage sur lequel se concentre véritablement l’histoire. Il a perdu son père dix ans plus tôt est c’est en se rendant la veille de son couronnement à Sylvan, la capitale de Farlayne, qu’il va découvrir qu’il a été dépossédé du trône par son oncle, que les soldats du palais l’ont trahi, et que sa mère y est retenue prisonnière. Après avoir été jeté dans un cachot, des loyalistes le délivrent. Au cours des combats le joueur découvrira que Logan, malgré son jeune âge, possède une force et un nombre de HP assez conséquent. En fait, c’est le « bourrin » du jeu.

Giles est un mineur devenu guerrier par nécessité. Rencontré à The Pits la ville minière de Farlayne, on découvre que c’est un gaillard débrouillard à la franchise et la loyauté démesurées. Après Logan, c’est le deuxième personnage le plus doué au combat.

Le leader du groupe
Le plus fun de la bande

Sonia, magicienne belle et indépendante est l’une des meneuse des rebelles loyalistes. Elle ne suit pas tout de suite l’équipe mais viendra plus tard pour remplacer Markus, blessé par Drax. Personnage de constitution faible, elle est plus classiquement spécialisée dans les pouvoirs magiques et s’impose comme étant le personnage possédant le plus de MP. Ethan est l’un des leaders de la rebellions. Lord énigmatique, il est le premier personnage que rencontre Logan puisque c’est lui qui vient le délivrer dans les gêoles de Sylvan. C’est un allié puissant, qui cache habilement ses origines. D’un point de vue combat, c’est le personnage d’appoint, moyennement fort mais rapide et utilisant modérément la magie.

Aaaaarhhh... Sonia... !
Ethan, le vétéran

Enfin Markus, aspirant magicien. Au début de l’aventure, il est le seul type dans tout Farlayne à savoir maîtriser le sort « FLAME3 », ce qui est très impressionnant quand on commence à jouer. Particularité du personnage : il est connu comme étant un bon à rien. Particularité dans les combats : attributs équilibrés entre magie et maniement d’arme blanche.

Oui, il est puissant
Un combat avec Drax

Au point de vue de l’équipe, le jeu n’acceptera que des combinaisons de quatre guerriers qui seront formées au gré des aventures personnelles : ainsi Sonia ne viendra qu’une fois la paix ramenée dans Farlayne tandis que Giles ne veut vraiment pas dans un premier temps faire équipe avec Markus... Ah, communauté fraternelle, quand tu nous tiens !

Le rythme de la partie

Il y a des variables dans le Role Playing Game qui n’échapperont à personne et vers lesquelles la critique spécialisée devrait se pencher parfois un peu plus. Parmi ces variables on retrouve la façon avec laquelle le soft gère le leveling.

On nomme le temps passé en leveling ce moment durant lequel le joueur de RPG n’a qu’un seul but : tendre vers l’amélioration des compétences de ses personnages via le nombre de combats victorieux qu’il pourra mener. De ce point de vue, DSLOH est selon moi un modèle du genre puisque le nombre de combats est certes important, mais le rythme avec lequel ils s’enchaînent n’entrave jamais le plaisir de la partie. Ils s’avèrent être nombreux mais rapides, n’apparaissent pas du tout comme une corvée et sont agrémentés d’une musique pêchue (cette dernière change avec les « boss » et devient alors un peu plus grandiloquente)... Gagner des points d’expérience relève alors d’un vrai plaisir lié à la sensation que l’on ne perd pas du tout son temps. Cela n’a l’air de rien comme ça, mais on a souvent fait des reproches à certains RPG tout simplement parce qu’ils n’arrivent pas à intéresser le joueur aux combats : ces derniers sont ainsi parfois jugés soit trop ennuyeux (Lunar version PS1), soit trop lents (Skies of Arcadia). D’ailleurs, l’astuce du jeu est de pouvoir les éviter autant que faire se peu puisque l’utilisation d’objets comme les TELE-LENS permettent de matérialiser la position des groupes de monstres sur la carte. Ainsi, si vous jugez votre level suffisant, inutile de se salir les mains... Qui a dit « RPG de bourgeois » ?

L’exploration d’une tour
Le monde de DSLOH...
Une autre question que l’on est en droit de se poser légitimement quand est confronté à un RPG, c’est si le jeu en question nous embarque sur des rails ou bien s’il nous offre au moins la possibilité de quelques libertés et entorses faites aux prévisions et aux paramètres des créateurs. C’est connu : les jeux d’aventure sont les seuls jeux donnant au joueur l’occasion de tester leurs failles et leurs limites.

Ce qu’on ne pourra pas reprocher à ce titre de Falcom, c’est d’être étouffant ou dirigiste tant la liberté de jouer et de déplacer son équipe tout au long de la partie est parfaitement simulée. Dragon Slayer Legend of Heroes est un soft qui réussit à vous donner l’illusion que vous possédez un certain libre-arbitre, que vous êtes livré à vous-même et c’est à cette impression que l’on jauge la qualité d’un RPG car même si tout est là pour vous faire croire le contraire, les paramètres sont réglés comme sur du papier à musique (impossible par exemple, de pouvoir accéder à de nouveaux territoires si l’on ne s’est pas acquitté d’une mission spécifique, ou tant qu’on aura pas fini un chapitre parmi les six qui composent le jeu). Le RPG s’apparenterait-il parfois à une prison dont les barreaux seraient faits d’or ?

Le système de jeu

Goûter le sel de l’aventure de DSLOH dans sa totalité est, il faut bien se l’avouer, un effort à faire de nos jours tant le jeu a vieilli... Il est sans doute assez amusant de remarquer qu’en raison de son âge DSLOH nous donne à voir une représentation se situant juste à l’orée du textuel et du graphique : nous parlions précédemment des combats. Ces derniers se font humblement et invariablement grâce à la même interface composée des fenêtres suivantes : la principale représente les monstres sur un fond noir (on ne comptera jamais plus de cinq monstres par combats à cause de la place allouée à leur représentation graphique), la fenêtre du bas permet de lire la description de l’action (« Logan poisonned » par exemple, ou « Markus cast spell Flame3, The Ennemy loose 210 HP » etc.) et vous indique ce que font les ennemis quand c’est à eux d’agir tandis que la fenêtre de droite est celle qui vous permet de choisir vos actions. Tout ces menus sont bien évidemment textuels, le jeu ne nous offrant pas la possibilité d’employer des icônes, il s’apparente ainsi aux RPG anciens tels que Dungeon Master, Phantasy Star ou Dragon Quest.

La fin d’un chapitre
Un combat

D’autres choix ont été opérés de la part des Game Designers, et qui influent de façon très marquée sur le niveau de difficulté du jeu : blessures ou MP (même l’empoisonnement) sont carrément réinitialisées lors du passage au niveau suivant. Autre facilité : on peut distribuer les sorts de magie entre les différents protagonistes, d’où une liberté accrue concernant les possibilités magiques, ce qui est la marque d’un parti pris intéressant : tel ou tel sort n’est pas spécifique à tel ou tel personnage mais appartient à la communauté toute entière. L’outil « magie » est dans le monde de Dragon Slayer – Legend of Heroes un partage, quelque chose qui s’étend à toute une communauté...

L’un des points forts du système de ce jeu réside dans la fenêtre des menus, très simple d’utilisation : il n’y a qu’à appuyer sur le bouton 2 pour faire apparaître les sorts disponibles (spells), les objets (items), les armes équipées (Equip), ou abandonner un objet encombrant (Drop), jeter un œil aux caractéristiques (Status) et enfin accéder aux sauvegardes, chargements et autres paramètres musicaux (Option). Cette simplicité renforce la facilité du jeu : ainsi on peut sauvegarder sa partie où on veut, et si on meurt durant un combat, le choix nous est donné de recommencer la bataille ou de repartir dans une ville.

Un petit jeu et une récompense en prime...
L’attaque des pirates.

Graphismes et sons

Pour ce qui est de la qualité des graphismes, avouons qu’il ne s’agit pas là d’un des plus beaux jeux de la console NEC. Par exemple YS 1 et 2 ou Emerald Dragon sont des jeux tout de même beaucoup plus beaux, leurs graphismes étant plus fins et moins schématiques. Car l’adjectif qui colle le mieux à Dragon Slayer Legend Of Heroes est le suivant : schématique. On en veut pour preuve l’absence de détails qui foisonnent dans d’autres réalisations vidéoludiques alors qu’ici une maison est un simple cube avec juste un plancher, une table et un lit. Par exemple une auberge ne comporte qu’un seul lit dans lequel se plonge votre personnage-leader sans se soucier des trois autres membres de l’équipe qui sont censés le suivre (rien à voir avec les couches uniques, et pudiques, d’autres RPG où chacun a droit à sa literie, comme dans Chrono Trigger par exemple).

Toujours dans le schématique, les déplacements se font grâce à une visualisation de dessus avec un point de vue que l’on nommerait presque de satellite, et qui me rappelle les premiers Final Fantasy sur Super Nes, ou encore Actraiser. Le monde y est alors vu dans ses moindres recoins, réduit à une simple « map » dont on finit par connaître chaque parcelle tant ce type de vue finit par le rendre familier à nos yeux.

C’est le point de vue de Sirius
Un monde où la magie est très importante...

Les sprites quant à eux sont tous façonnés selon le même moule graphique : il y a très peu de variations dans l’aspect des personnages et des villageois, et quant aux monstres leur présence est, sur la carte, toujours représentée par une même et unique icône d’un slime bleu à l’œil unique. Les seuls graphismes un tant soit peu travaillés appartiennent aux même monstres lors des combats : on a le droit alors à une vue « de face » nous permettant d’en apprécier la diversité.

Le choix des couleurs pendant le jeu est cependant à souligner puisque la palette employée, très vive, nous met sous les yeux des couleurs intenses aux nuances fort bien organisées. Ces mêmes couleurs sont employées de façon assez fouillée pour les monstres et, à une époque où pour la majorité des jeux d’aventure la représentation graphique d’un ennemi équivalait forcément à un agglomérat de couleurs sombres et dégueulasses, nous avons le loisir d’avoir ici des adversaires aux aspects un peu plus recherchés, comme des elfes aux cheveux bleus, des spadassins aux épées jaune vif, sans pour autant que tout ceci ne tombe dans un mauvais goût carnavalesque...

Des pirates peu crédibles.

Les sons de ce jeu sont, eux, tout bonnement magnifiques et je ne m’étendrai pas outre là-dessus, tant cela me semble aller de soi. Un jeu NEC CD plus Falcom égale musiques magnifiques : les compositions sont en outre d’une originalité très marquée en ce qui concerne les mélodies, on déplorera sans doute une utilisation trop systématique du synthétiseur mais allons, c’était il y a dix ans et depuis, le budget d’un jeu vidéo lui permet de faire appel à de vrais instruments. L’une des particularités du jeu est de pouvoir nous offrir à l’écoute deux versions de la musique : on a le choix dans l’option System entre des musiques générées par le CPU 8-bits de la Core Graph-X ou les pistes directement lues par le CD.

Par contre, on ne pourra que dresser le carton rouge quant à la qualité des doublages en anglais par des acteurs : non seulement le son est assez médiocre, très étouffé comme si la post-synchro avait été faite dans un 10 m2... mais aussi quand je dis « acteurs », hé bien disons que... pour tout dire, quand un francophone dont la connaissance de l’anglais n’est pas extrême peut affirmer rien qu’à l’oreille qu’un texte est mal joué, ça en dit long sur les capacités des acteurs en question mais là aussi n’allons pas faire la fine bouche puisque comme je l’ai dit en introduction, il s’agit ici d’un des rares jeux Super CD Rom2 adaptés pour le marché américain qui a bénéficié d’un petit relookage son nous le rendant intelligible.

Un clin d’œil à la SF ?

Conclusion

Univers épars, uniques et passionnants, les RPG sont une constellation de jeux où brillent de manière lointaine et encore visible, pour peu qu’on soit muni d’une longue-vue, des réalisations telles que Dragon Slayer. Mon propos n’était qu’ici de rappeler au bon souvenir des gamers ce qui n’est apparemment dans nos latitudes qu’un obscur RPG, qui pourtant se classe parmi les meilleurs qu’ait connue la console de chez NEC. Est-il trop peu complexe ? Peut-être. Est-il maintenant graphiquement trop rébarbatif ? Sûrement, et on pourra lui trouver aussi pas mal d’autres défauts : par exemple un système de jeu un peu trop classique alors que ses homologues, comme Legend of Xanadu, de la même série, va se risquer au système de périodes diurnes et nocturnes...

Mais, à mon sens, ce jeu est une référence réelle et pour peu que l’on puisse à nouveau le redécouvrir (des ISOS sont trouvables sur le Net pour peu que l’on soit prêt à sacrifier un CD et utiliser des émulateurs comme YAME) on se rendra compte qu’il se situe dans la catégorie des grands classiques du genre. Gage de qualité, ce soft signé Falcom/Hudson est malheureusement très peu visible dans le panorama historique des jeux vidéo aujourd’hui, tout du moins en Europe, puisque la console NEC n’a jamais été vraiment distribuée à grande échelle sur notre territoire. Que cela ne nous empêche pas de considérer que Dragon Slayer Legend of Heroes est représentatif de tout un pan de la culture vidéoludique mondiale qui nous est cachée, partie invisible de l’iceberg, où foisonnent encore des jeux à la simplicité touchante et au charme incroyablement intemporel.

Gregoss
(05 avril 2004)
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