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Epic
Année : 1992
Système : Amiga, Atari ST, Windows
Développeur : Digital image Design
Éditeur : Ocean
Genre : Action / Simulation
[voir détails]
Par JPB (16 septembre 2009)

Epic. Voilà un jeu qui a eu une promotion de folie en France : révolutionnant l'animation 3D, rivalisant - voir même dépassant - le fameux Wing Commander sur PC. Tilt d'Or, 4 d'Argent, notes de plus de 90% : à la lecture des journaux de l'époque, ce jeu est un hit, une bombe, bref : une référence incontournable (je parle bien des versions Atari ST et Amiga, la version PC sortit un peu plus tard et ne jouait pas vraiment dans la même catégorie).
Mais avec le recul, qu'en est-il vraiment ?
Est-ce que le jeu est aussi génial qu'il était dit en 1992 ?
Vous en saurez plus dans quelques instants...

Les images de la boîte du jeu.

L'histoire et les missions

« Je me rappelle bien de tout ça. Comment diable pourrait-on l'oublier ?
L'origine de ces évènements débuta une trentaine d'années avant l'exode proprement dit. Quand on apprit que notre soleil se transformait en supernova, tout alla très vite, mais toujours dans le secret le plus absolu tant que c'était possible.

D'une part, pour tenter de sauvegarder l'espèce humaine, on envoya 3 vaisseaux, sur lesquels nos meilleurs représentants, 600 hommes et 400 femmes, avaient accepté d'être cryogénisés le temps d'arriver à leurs destinations : Andromède (132 ans plus tard), Aoltan (au bout d'un "petit" voyage de 13 ans), et la troisième branche de la Voie Lactée (après 29 ans). Ces vaisseaux transportaient également toute notre histoire et tout notre savoir dans leurs banques de données, ainsi que tout le matériel pour que les futurs colons puissent s'établir et vivre pendant des années.

De l'autre, on décida d'augmenter la technologie des vaisseaux de la Flotte, plutôt que de créer de nombreux petits vaisseaux. C'est à ce moment qu'on créa les deux immenses destroyers YM1 et YM2 - pardon, Redstorm et Battleaxe. Il fallut 9 ans pour les construire dans des chantiers au beau milieu du champ d'astéroïdes de Payne, au prix de nombreuses vies.

Et puis... Le jour prévu, l'évacuation commença. Soixante millions de personnes prirent place dans les vaisseaux pour un long et périlleux voyage, à travers la zone neutre Rexxone, vers Ulysse 7.

"Maginellic, notre soleil, était mourant et une supernovae était imminente. Commença alors une évacuation planétaire massive vers la lointaine planète Ulysse 7, de l'autre côté de l'Empire Rexxon... La flotte se rassembla autour des lunes de Payne. Huit mille vaisseaux en tout, escortés par la puissante Flotte de Combat de la Fédération..."
"Alors nous partîmes à travers le vide spatial... Une fuite désespérée à travers le cœur de l'Empire Rexxon. La violation de cette zone neutre fut considérée comme un acte de guerre, et le droit de passage fut refusé.
La Flotte Impériale Rexxone fut entièrement mobilisée dans une vaine tentative pour nous intercepter...
Avec leurs forces de combat combinées, nous nous battions à un contre quatre..."
"Tous nos espoirs se portèrent vers nos immenses destroyers de combat Redstorm et Battleaxe.
Avec les escadrons de chasseurs d'élite, et le prototype du Chasseur Golden, qui allait devenir une légende..."
(note : je n'ai pas traduit les noms des chasseurs... ils ne rendent pas en français !)

La Flotte toute entière comptait 8000 vaisseaux de guerre et véhicules auxiliaires. Parmi eux, les deux immenses destroyers évidemment, 28 croiseurs lourds, 56 frégates, les innombrables chasseurs... et les 3 chasseurs de classe Epic. Comme celui que je pilotais.
Oui, c'était bien moi le pilote du Chasseur Epic. Mon indicatif était MadHawk...
Toutes les missions qu'on m'a confiées sont encore gravées dans ma mémoire.

Aussitôt entrés dans la zone neutre des Rexxons, on m'envoya accomplir ma première mission : permettre un passage à travers un immense champ de mines spatiales. Je devais faire vite, car la seconde partie de la mission était de profiter d'une courte éclipse d'Amragan Nine, la planète au loin, pour détruire la station de dépistage qui s'y trouvait : un immense radiotélescope.

Ensuite, pour empêcher les Rexxons d'organiser une poursuite à long terme, on m'a chargé de détruire toutes leurs ressources minières sur la planète Tarrun, puis leurs haut-fourneaux et installations de raffinage sur la planète Statillica.

Bien entendu, les Rexxons avaient finalement compris que nous étions là, et envoyèrent aussitôt une force d'attaque. Le chasseur Epic était heureusement très performant, et je n'ai pas honte de dire que c'est grâce à sa formidable puissante de feu que nous avons réussi à contenir l'attaque ennemie (et évité un trop grand nombre de pertes).
C'est là qu'il fut décidé de scinder la flotte en deux parties pour permettre un assaut sur la planète-mère Rexxon : Grand Lizar. Pour cela, il fallut d'abord détruire le Canon Magma sur la planète Potead (avant qu'il fasse des ravages dans notre escadre), mais au retour une embuscade des Rexxons fit plus de dégâts que lors du précédent engagement.

Le combat terminé, on m'envoya détruire le centre de commandement impérial Rexxon, afin de pacifier toute cette zone de la galaxie (non seulement pour nous, une fois que nous serions sur Ulysse 7, mais pour les autres peuples). Un dispositif d'auto-destruction, caché dans le bâtiment, entraîna un cataclysme sur la planète, dont la surface fut ravagée par une explosion nucléaire.

La haine des Rexxons envers nous ne connut plus de limites après cette action. Ils lancèrent une attaque massive près des lunes d'Hydradan, conduite par leurs deux immenses stations de combat. Ce fut la bataille décisive, dont les pertes furent très importantes, mais qui nous permit tout de même de vaincre nos ennemis... et au chasseur Epic d'entrer dans la légende. »

La réalisation

Vous l'avez vu : les références ne manquent pas. Star Trek, Star Wars, Galactica... Epic est un concentré de ce qui se faisait, aux alentours de 1990, en science-fiction futuriste. Ce qui est amusant, c'est d'avoir réussi à construire un ensemble à peu près cohérent, même si la trame sent furieusement le réchauffé.

À l'origine, Microdeal avait annoncé un troisième épisode de Goldrunner : Goldrunner 3D. Le projet n'a pas eu de suite, c'est finalement Ocean qui l'a repris et lui a donné des proportions plus... épiques. Je me rappelle d'avoir vu les premiers screenshots de Goldrunner 3D dans un Tilt ou un Gen4, mais je n'ai pas réussi à remettre la main dessus ; en tout cas, dans mon souvenir, il y a une certaine ressemblance au niveau des vaisseaux ennemis (ceux qui ressemblent aux chasseurs de Galactica).

Même s'il y en a parmi les Rexxons qui ont compris
que les Terriens n'étaient pas belliqueux...
... ce n'est pas le cas de Zoltan qui n'hésite pas à faire
exécuter tous ceux qui connaissent la vérité !

Prenons les éléments du jeu un par un.

La réalisation graphique : elle est sympa pour les écrans 2D intermédiaires, certains d'entre eux sont même très jolis. Ceux qui servent de fond aux animations 3D sont également réussis, il s'agit essentiellement de décors de planètes. Par ailleurs, le design du cockpit du chasseur est réussi, simple et lisible. Le style graphique est propre à DID : on note des dégradés tramés, notamment pour les halos autour des étoiles : on le retrouvera pour les écrans de Robocop 3.

Pour ce qui est des objets en 3D, on note là aussi deux éléments propres à DID : les cercles/sphères d'une part, et les trames d'autre part. Les trames, vous en avez un bel exemple sur la capture d'écran avec le radio-télescope : c'est très chouette et ça donne un effet d'ombre fort bienvenu. Les sphères, ce sont certains de vos tirs qui ressemblent à des boules de feu, et les explosions des vaisseaux qui sont en 3D tramée.

Deux images 2D du chasseur Epic.

L'animation générale : il faut mettre les choses au point tout de suite (je vais peut-être fâcher quelques-uns d'entre-vous) : on est loin de ce qui a été dit dans les journaux. C'est vrai que l'animation est super fluide... quand il n'y a pas grand chose à l'écran. S'il y a plus de 3 vaisseaux, ça commence à ralentir, et au-delà de 5 ça saccade vraiment. Mais ce n'est pas le gros problème : c'est que l'animation suit parfaitement ce nombre d'objets, ce qui fait qu'on a un mal de chien à viser une cible parmi d'autres avec l'animation qui patine... et quand on s'est rapproché, qu'il n'y a plus que le vaisseau désiré à l'écran, l'animation se met à décoller et là, on tourne à toute vitesse et on ne sait plus où on en est ! Surtout que, dans les missions spatiales, le radar avant est remplacé régulièrement par la carte et les messages de félicitations quand on abat un ennemi, du coup on a vraiment du mal à se repérer. J'ai fréquemment fait la toupie dans ce jeu, à chercher partout par exemple un Warbird rexxon qui venait de me passer sous le nez, et qu'est-ce que j'en ai bavé pour le remettre en joue !

Parlons maintenant des mouvements des vaisseaux ennemis - on rejoint un peu le domaine de l'IA. Les objets volants suivent tous une règle commune : ils avancent, puis s'arrêtent, tournent pour aller dans une autre direction et avancent à nouveau. Et ça recommence sans arrêt. Donc pour les détruire, il faut les suivre (l'accélération du chasseur Epic est d'ailleurs parfois déstabilisante elle aussi) et au moment où ils s'arrêtent pour tourner, les plomber.

Il est donc difficile de diriger le vaisseau sans un peu d'entraînement. L'animation en fait, rejoint tout ce qui a été fait sur Amiga 500 jusque là : fluide quand il n'y a pas beaucoup d'objets, et saccadée quand leur nombre augmente de façon conséquente. Ce qui est triste, c'est la publicité autour de cette animation de folie... qui n'a rien de transcendant.

L'image de l'ordinateur du Battleaxe est présente
au début de chaque briefing.
Les vaisseaux ne peuvent pas s'empêcher
de faire des tonneaux pour épater la galerie...

Les bruitages sont simples et efficaces. David Whittaker a fait du bon travail, même s'il n'y a pas beaucoup de sons différents en cours de jeu : les alarmes, les tirs, les explosions. Quelques synthèses vocales sont présentes lors des écrans intermédiaires ("Alert", "Clear flight deck"), elles sont bien faites, pas de doute là-dessus. J'ai l'impression d'entendre une pub à la voix caverneuse pour un CD de techno mais là n'est pas la question ! ;-)

La musique. C'est un point qui m'a un peu choqué quand j'ai pu comparer le jeu avec tout ce que j'avais lu jusque là : LE thème musical (hé oui : il n'y en a qu'un) est un arrangement de Oisten Eide, et pas de David Whittaker comme annoncé. Il est basé sur le morceau Mars, de l'opéra The Planets de Gustav Holst (écrit entre 1914 et 1916, si ça vous intéresse vous pouvez écouter les 7 pistes sur Wikipedia. Le tour de force sur Atari ST est bien réel : la qualité sonore est excellente, c'est la technique des samplers chère à l'Amiga qui a été utilisée ; sur Amiga du coup, on reste dans le traditionnel. Mais comme je le disais plus haut, il n'y a qu'un seul thème musical qui se répète à longueur du jeu, il est impressionnant au début mais franchement lancinant au bout d'un moment. Dans Robocop 3, on retrouve le même genre de musique, aux sons travaillés mais très, très monotone...

Vers la fin, le Battleaxe est touché, l'ordinateur ne se sent plus très bien...

Pour finir, regardons le contenu d'Epic d'un peu plus près. Toutes les missions, je vous les ai décrites plus haut, comme vous le voyez il n'y en a pas des masses... Alors oui, les combats dans l'espace sont assez longs (il en faut du temps pour détruire une soixantaine de vaisseaux), mais sur les planètes, ça se résume à : trouver la cible dans un temps limité, sur un terrain carré dont on met 15 secondes pour survoler un côté ; tirer sur la cible cinq ou six missiles ; et voilà, c'est gagné. Les retours des joueurs, à l'époque, indiquent la surprise et la déception devant un jeu aussi court - pensez donc : facile comme il est, on peut le finir en 2 heures !
Le plus marrant, c'est que sur les planètes, on peut quand même se perdre à cause du clipping phénoménal qui fait qu'une immense montagne n'apparaît que quand on a pratiquement le nez dessus (mais bon, relativisons : on est sur Amiga tout de même), et du coup on peut tourner en rond pendant longtemps et perdre la mission...

Le défaut du minuscule terrain de jeu avait déjà été évoqué avec F-29 Retaliator des mêmes auteurs : le moins qu'on puisse dire c'est qu'on en faisait vite le tour en post-combustion...

Les humains parviennent à s'établir sur Ulysse 7...
... et le chasseur Epic ne sera jamais oublié.

La répétitivité des missions, leur petit nombre et surtout la rapidité avec laquelle on les termine, font que l'intérêt du jeu diminue énormément. Mais rien sur ce point n'a été évoqué lors des tests de Tilt ou Gen4, ce qui est bien dommage... Bref, on a au final des testeurs qui ont un peu exagéré, entraînés par leur enthousiasme...

Tous les magazines n'ont pas été aussi flatteurs : pour la petite histoire, sachez que 2 mois avant la sortie du jeu, Amiga Power avait demandé à plusieurs personnes du milieu du jeu vidéo de nommer leur top 10 ; Gary Bracey, alors software manager chez Ocean, nomma Epic comme étant son jeu préféré de tous les temps, et en promettant que tout le monde serait d'accord avec lui quand le jeu sortirait. Pas de chance, Amiga Power ne lui donna que 34% lors du test. Amiga Format ne fut pas plus généreux et lui donna la même note en précisant : "un cas de belle présentation avec trop peu de gameplay". La faute à Ocean qui obligea DID à sortir le jeu à la date voulue, alors qu'il n'était pas finalisé : il a fallu faire l'impasse sur de nombreux éléments.

Bien sûr, vous pouvez trouver que je ne suis pas tendre avec un jeu qui, à l'origine, devait être un simple shoot'em up en 3D. C'est vrai qu'on a bien plus avec Epic que ce qui était prévu au départ avec Goldrunner 3D (encore qu'on n'en sache rien, finalement). Mais il n'en demeure pas moins qu'Epic, sous des aspects très réussis, ne propose qu'un pauvre challenge répétitif bien trop vite bouclé.
Mais... bah... le jeu s'est quand même bien vendu, puisqu'une version PC est sortie quelques mois plus tard, et que la suite Epic 2 : Inferno a été lancée (uniquement sur PC) en 1994...

Epic fut testé :
- dans le Tilt n°100 de Mars 1992 (Hits, 19/20) ;
- dans le Gen4 n°40 de Janvier 1992 (Amiga/ST : 939%) et n°45 de Juin 1992 (PC : 91%).

Epic reçut les prix suivants :
- Le Tilt de Bronze 1992 de la Meilleure animation micro ;
- Le Tilt d'Or 1992 du Meilleur jeu Micro Kid's micro (décerné par les lecteurs) ;
- le 4 d'Argent 1992 du Meilleur jeu d'action (ordinateur).

JPB
(16 septembre 2009)
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