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Fatal Fury - La série
Année : 1991
Système : Arcade, Neo Geo
Développeur : SNK
Éditeur : SNK
Genre : Jeu de Combat (VS fighting)
Par Twipol (05 juillet 2004)

Le monde des jeux vidéo a son lot de séries phares et de trésors perdus. Et puis, il y a aussi ces titres qu'une majorité de joueurs connaît sans connaître. Fatal Fury (Garô Densetsu au Japon) en fait probablement partie. Dans l'ombre de Street Fighter et The King of Fighters, les deux poids lourds de la baston 2D, Fatal Fury a suivi son petit bonhomme de chemin et progressivement affirmé ses partis-pris audacieux, développant des concepts originaux et n'hésitant pas à bousculer les stéréotypes au risque de déconcerter le joueur.

Peut-être méconnue, sûrement mésestimée ou mal comprise, la série Fatal Fury mérite l'attention du joueur passionné, d'où le présent dossier. Disons que je serais heureux de parvenir à vous faire prendre goût à ses meilleurs épisodes, que vous arriviez en néophyte ou que vos précédentes expériences avec la série ne vous aient pas totalement convaincu. Le meilleur de la baston 2D, c'est peut-être aussi par ici. Venez prendre l'air...

Avant de rentrer dans le vif du sujet...

... je précise que ce dossier s'intéresse au contenu du jeu, avec pour référence la série principale sortie sur Neo Geo MVS (arcade), AES (console) et CD (euh... CD). Ainsi :
- je serai assez bref sur les diverses conversions qui en ont été faites
- je ne traiterai pas les épisodes Neo Geo Pocket et Hyper Neo Geo 64, d'autant que je ne les connais pas
- je ne parlerai pas non plus des différents goodies et produits dérivés, que je connais assez peu également.

Si un fan invétéré de Fatal Fury (ça court pas les rues, mais bon) se sent capable de compléter le dossier en ce sens, ce sera avec plaisir. Le forum est là pour discuter de ce genre de choses.

1991-1993 : Capcom ne sera pas seul

Vous étiez sûrement au courant : début 1991, les salles d'arcade accueillent un certain Street Fighter II qui marquera l'histoire. Capcom, son éditeur, ouvre ainsi la voie au genre du jeu de combat 2D (et d'ailleurs du jeu de combat tout court, à ce moment), mais en plaçant d'entrée la barre très haut. Ca ne découragera pas les premiers concurrents à s'y frotter avec plus ou moins de bonheur. Une chose est sûre : en ces temps reculés, aucun d'entre eux ne saura se hisser au niveau de Capcom dès la première tentative.

FATAL FURY : KING OF FIGHTERS
Le coup d'essai

C'est en toute fin d'année 1991, plusieurs mois après Street Fighter II, que SNK se jette à l'eau. Fatal Fury est même le premier concurrent direct de Street Fighter II à voir le jour. Vous avez remarqué comme on aime associer, selon une formule consacrée, la notion de coup d'essai à celle de coup de maître ? Bon, eh bien en l'occurence, on ne le fera pas.

Je vais tout de même me fendre d'un lieu commun : Fatal Fury est un jeu de baston, et son scénario n'a rien de transcendant. Geese Howard est le grand patron de la pègre de South Town. Dans sa jeunesse, le triste sire a fait abattre Jeff Bogard, un spécialiste des arts martiaux, pour un vague motif de rivalité. Aujourd'hui, Terry et Andy Bogard, devenus de fringants athlètes, épaulés par leur pote Joe Higashi, ont dans l'idée de venger leur père adoptif. Ca tombe bien, le tournoi King of Fighters (retenez bien ce nom, hein), organisé par Geese (je ne comprendrai jamais d'où vient ce prénom, "geese" signifiant "oies" en anglais) va leur en donner l'occasion. Enfin, c'est les grandes lignes, quoi.

Quel sauvage, ce Geese ! D'ailleurs, les oies sauvages... Ahem, oubliez.

Premier symptôme de l'avance prise par Street Fighter II sur son temps, Fatal Fury ne propose que trois personnages sélectionnables, même en mode 2 joueurs, contre huit chez le hit de Capcom. Incarnant Terry, Andy ou Joe, le joueur choisit le premier de ses adversaires (une particularité de la série). Il y a en tout sept combattants à vaincre avant de rencontrer le vilain Geese. Notons que le mode deux joueurs permet aussi bien de jouer l'un contre l'autre que d'unir ses forces contre l'ordinateur. C'est amusant...

On a entre les mains une interprétation assez rudimentaire des principes de jeu de Street Fighter II. Il n'y a qu'un bouton pour les coups de poing, un autre pour les coups de pied, et un troisième sert à projeter l'adversaire. Les héros disposent chacun de quatre coups spéciaux qui sortent assez bien, avec des manips similaires à celles inventées par Capcom. Ceux-ci sont très puissants, et la clé de la victoire consiste essentiellement à bien les placer. Une (petite) innovation : les personnages peuvent, sur la plupart des stages, combattre à l'avant ou à l'arrière-plan. Mais seul l'ordinateur a l'initiative de se déplacer d'un plan à l'autre, vous ne pouvez que le suivre.

On n'est pas trop de deux pour battre ce colosse. A droite, combat solennel sous une pluie battante.

Ce premier Fatal Fury constitue, disons, un effort méritoire. D'un point de vue visuel et sonore, il reste en deçà de la classe d'un SF II. Mais surtout, il ne s'appuie pas sur un fonds de jeu réellement consistant. Les collisions et timings ne sont pas d'une grande précision, et les possibilités sont limitées. On se retrouve avec un petit jeu sympatoche, pas du tout indécent, mais qui épuise vite son potentiel de séduction. Du coup, forcément, les amateurs en herbe de la baston 2D, dont je faisais partie, gardaient leurs pièces de dix francs pour... ahem... le... l'autre jeu, quoi.

Autres plates-formes : Megadrive et Super Famicom.

FATAL FURY 2
The 100 mega shock !

Durant les mois qui suivent, les choses s'accélèrent. Dès avril 92, Capcom, faisant fructifier son avance technique et ludique, livre avec Street Fighter II' une version encore plus aboutie de son hit. Un peu plus tard, en septembre, ADK se paye le luxe de griller SNK sur sa propre plate-forme : avec son World Heroes, ADK propose en effet la première alternative réellement valide à Street Fighter II - en le repompant sans vergogne, il est vrai... et une fois de plus sans atteindre les mêmes sommets. Sommets une nouvelle fois remodelés peu de temps après avec Street Fighter II Turbo, troisième update d'un titre déjà monolithique.

SNK n'est cependant pas en reste puisqu'en cette fin d'année 92, un an après Fatal Fury, elle lance un second titre dans la bataille : Art of Fighting. La cartouche franchit la barre des 100 mégas. Doté d'un gameplay encore mal dégrossi mais d'innovations marquantes (utilisation des zooms, jauge associée aux coups spéciaux) et d'une réalisation franchement pêchue (notamment avec ses sprites énormes, ses coups spectaculaires et ses digits vocales tonitruantes), ce titre montre que SNK n'a pas froid aux yeux et se moque bien d'être encore en train d'apprendre là où Capcom a déjà tout compris. Il s'agira coûte que coûte d'aller plus loin et de marquer les esprits.

La griffe SNK est née

Et c'est dans ce contexte, en mars 1993, que le deuxième volet de Fatal Fury débarque. Geese Howard est mort. Habituez-vous, parce que ça va lui arriver souvent. C'est un certain Wolfgang Krauser, de sang germanique, qui fait office de big boss. Nos trois héros reprennent du service, accompagnés de quelques nouveaux. On a le choix entre 8 personnages auxquels s'ajoutent 4 boss non jouables.

Avec Mai, SNK tient son égérie. Chun Li a fait des émules... Pour la petite histoire, sachez que Mai est la fiancée d'Andy.

Je me souviens bien de l'attroupement généré par l'arrivée de la borne dans la salle d'arcade de ma ville à l'époque. Cette fois-ci, plus de doute : SNK tient le bon bout ! Fatal Fury 2 a cette flamme qui manquait au premier opus. Fatal Fury 2 a de la gueule. D'un point de vue purement technique, il se hisse à peu près au niveau de SF II, mais l'important n'est pas là : les personnages ont de l'allure, leurs diverses animations, réussies, les rendent très vivants, et leurs coups spéciaux en jettent pas mal. Il faut ajouter à cela, j'y tiens, la pêche d'enfer de la bande son. Sur fond de musiques au caractère bien trempé, les voix des combattants se révèlent pleines de fureur (arf) et les bruits d'impacts franchement cinglants. Je me souviens de ces instants de la journée, à l'époque, où la salle d'arcade était quasiment déserte : je pouvais alors pleinement profiter du son, et un frisson me parcourait l'échine. "Slash Kick !!" (schbaaa !) ("weuuurgh !") - dix ans après, ça me fait toujours le même effet (je ne sais pas si j'imite bien le truc, là, au clavier).

Fatal Fury 2 fouette le sang, et tout d'un coup Street Fighter II paraît un peu froid, moins charnu. Quels sont ces détails qui font la différence ? Eh bien dans Fatal Fury 2, les combattants ont tous une voix différente ; lesdites voix sont plus énergiques, et on les entend à de multiples reprises : en gros, à chaque coup donné ou encaissé. Visuellement, on remarque que les combattants ne restent pas allongés au sol après avoir perdu leur premier round : on peut les voir assis ou agenouillés, se tenant le crâne et tentant de reprendre leurs esprits. Ils peuvent également s'invectiver en plein combat ! Autre détail qui tue : dans une bonne partie des décors, les couleurs changent d'un round à l'autre du fait de la tombée de la nuit. Le phénomène s'observait déjà dans Fatal Fury 1, mais on l'apprécie bien mieux ici, grâce à des graphismes autrement plus aboutis. Bref, tout cela peut paraître banal aujourd'hui, mais à l'époque c'était tout frais. Cette capacité à rendre leurs jeux de combat vivants et attachants sera dès lors une des marques de fabrique de SNK. L'ensemble des amateurs de baston 2D, SNKaïens et Capcomistes confondus, s'accorde généralement à dire que SNK est celui qui excelle le plus dans cet art.

Andy Bogard, qui était ici la coqueluche des joueurs, se frotte à Billy Kane, le premier boss, rescapé de Fatal Fury 1.A droite, le dernier stage, grandiose.
Krauser vous combat dans son palais, au son d'un orchestre symphonique. La première fois que je l'ai découvert, à l'époque, c'était l'émerveillement !

Des innovations incontournables

Là, en principe, vous vous dites : "il est mignon le Twipol à nous faire des bruitages de fanboy avec son clavier, mais il nous dit pas si le plumage de ce Fatal Fury 2 se rapporte à son ramage, ou un truc dans le genre". Et moi, je vous réponds qu'outre une sensibilité poétique appréciable, vous avez l'immense mérite de vous poser une bonne question. En termes de gameplay, Fatal Fury 2 rattrape-t-il le retard pris sur Street Fighter II (Turbo, désormais) ? Eh bien ce qu'on peut en tout cas noter, c'est que le jeu innove de façon brillante.

  • Tout d'abord, une des grandes caractéristiques de Fatal Fury : le système de plans. En appuyant sur A+B, vous sautez vers l'arrière-plan et échappez instantanément à toute attaque. Il est ainsi plus facile d'éviter de subir un pressing continu de l'adversaire, notamment dans un coin de l'écran. Le combat peut se poursuivre indifféremment sur l'un ou l'autre des plans.
    Les changements de plan.
  • Chaque personnage dispose d'un coup puissant (C+D) qui envoie l'adversaire dans l'autre plan.
  • En position accroupie, on peut avancer lentement (avec ). Voilà une petite nouveauté sympathique qui donne encore un peu plus de liberté et permet de préparer un coup "à charge" tout en avançant (exemple avec Kim : maintenez , puis faites D).
  • Comme dans Art of Fighting, il est possible d'effectuer un backdash, c'est à dire un rapide retrait en arrière (en faisant ), histoire de prendre ses distances en un clin d'œil. Mais ici, ce mouvement sert aussi d'esquive. Rien ne peut vous toucher pendant que vous le faites. Tous les jeux de combat de l'histoire finiront tôt ou tard par adopter ce mouvement !
    Le backdash. Dans le coin de l'écran, on peut ainsi esquiver les projectiles, par exemple, comme sur la photo de droite.
  • Innovation étonnante, la guard attack. Pendant que vous êtes en position de parade, faites rapidement + A. Votre combattant effectue un petit mouvement d'esquive pendant lequel il est intouchable et envoie un coup qui repousse l'adversaire.
    Guard attack : Mai est en garde (), prête à bloquer le coup ; en faisant alors +A, elle esquive et contre-attaque d'un seul mouvement.
  • Last but not least, Fatal Fury 2 est le jeu qui a démocratisé le principe de super attaque - autrement dit, tous les combattants ont un coup ultime, plus puissant et impressionnant que leurs coups spéciaux, mais réalisable sous certaines conditions uniquement et au prix d'une manipulation plus complexe. En fait, le concept avait été timidement inauguré dans Art of Fighting (Ryo et Robert pouvaient déjà y exécuter le Ryuko Ranbu, cet enchaînement de coups que l'on retrouvera ensuite à chacune de leurs apparitions), ce qui, à l'époque, dans la confusion du gameplay de ce dernier, était passé presque inaperçu. Le principe s'est rapidement généralisé à l'immense majorité des jeux de baston. Dans Fatal Fury 2, la condition pour les réaliser est d'avoir perdu au moins les 3/4 de sa jauge de vitalité, qui clignote alors en rouge.

Quelle nouveauté démentielle à l'époque ! J'ai encore clairement le souvenir de la première fois que j'en ai vu une. Je jouais contre l'ordi, c'était Andy, et je ne vous dis pas la tronche que j'ai faite quand je me suis fait dégommer la moitié restante de ma jauge de vie avec son... son Cho Reppa Dan, là. Cette super attaque étant une version boostée d'un de ses coups spéciaux, j'ai cru que c'était un bug.

A gauche, le Cho Reppa Dan en question... A droite, Big Bear ne laisse plus aucun doute : Raiden, dans l'opus précédent, c'était bien lui.

Rapidement, les manips des super attaques circulèrent parmi les habitués de la salle d'arcade. Ca paraissait assez complexe à réaliser au début, mais on finissait par chopper le coup, même si, à manip identique, elles sortent un peu moins bien que dans les jeux plus récents.

Les mythiques Power Geyser de Terry ( B+C) et Screw Upper de Joe ( B+C ).Ces deux manips sont celles qu'on retrouve le plus (parfois un peu modifiées) dans l'ensemble des jeux de SNK.

Desperation Move, Ultra Deadly Attack (hum) chez SNK ; Super Combo ou Super Art chez Capcom... Les appellations pour les super attaques diffèreront d'un jeu à l'autre, mais une chose et sûre : le terme "fury" (suscité par le nom du jeu qui les a rendues célèbres) que les joueurs francophones emploient régulièrement est particulièrement incongru. Je n'ai JAMAIS lu le moindre document, article ou autre FAQ anglophone utilisant ce terme. Un comble, vu qu'il s'agit d'un mot anglais !

Encore quelques lacunes

Vous mesurez maintenant un peu mieux tout ce que Fatal Fury 2 avait de novateur à ce moment. Le jeu peut même vous paraître plus riche que le Street Fighter II Turbo qui sévissait alors. Pourtant, Fatal Fury 2 est encore un peu court des pattes de derrière. Limitation à 4 boutons oblige, la palette de coups de base des personnages est moins variée et aboutie que dans le jeu de Capcom, pour lequel les spécialistes savent bien que chacun des 6 boutons a son importance. Moins de variété également dans les modèles physiques des personnages. Ceux de Fatal Fury 2 ne présentent pas d'énormes différences dans leurs sauts et leurs vitesses de déplacement. Chez Capcom, en revanche, il y a un monde entre le saut de Blanka et celui de Zangief, Vega marche beaucoup plus vite que Sagat... Le rôle de ces paramètres est carrément fondamental et ajoute considérablement à la diversité du jeu. En revanche, il y a probablement un peu plus de folie dans les coups spéciaux de Fatal Fury 2.

Le hic, tout de même, c'est que Fatal Fury 2 ne propose toujours pas de combos (c'est à dire d'enchaînements), deux ans après SF II, mine de rien (alors que World Heroes avait intégré ce principe), ce qui est assez incroyable vu l'avance qu'il prend dans d'autres compartiments de jeu. Qu'on soit friand de la chose ou pas, cela limite tout de même singulièrement les possibilités offensives. Les coups ne font mouche qu'un à la fois, l'adversaire ayant toujours le temps de parer entre chaque coup porté (peut-être à quelques exceptions près, mais qui tiennent davantage du bug). C'est d'autant plus étrange que le principe de 2-in-1 (two-in-one) est bien présent dans ce jeu.

Intermède encyclopédique du bastonneur avisé : le 2-in-1 est cette possibilité de porter un coup normal et, sans attendre la fin de l'animation de celui-ci, enchaîner avec un coup spécial. Certains coups normaux le permettent, d'autres pas. Ce principe, à l'origine un bug dans Street Fighter II, est aussitôt devenu une base fondamentale du système de combos dans la baston 2D. Tout joueur se doit l'assimiler !

Puisque les combos sont impossibles dans Fatal Fury 2, le 2-in-1 servira simplement à mettre un peu la pression sur un adversaire qui défend, et aussi à... terminer plus rapidement les sympathiques bonus stages.

De l'art du 2-in-1 appliqué aux bonus stages : avec Joe, faites +C enchaîné avec B. Maintenez au début plutôt que d'appuyer deux fois de suite, c'est plus naturel. A pu cailloux !

Ajoutons à cela quelques légères approximations dans la gestion des choppes (prises au corps à corps), voire dans certaines collisions (là, je chipote), et on comprend que Capcom garde une légère avance. Pas encore exempt de quelques erreurs de jeunesse, Fatal Fury 2 a en tous cas le mérite d'influencer grandement, à son tour, l'évolution de la baston 2D. Et il constitue de toute façon une belle réussite.

Autres plates-formes : Megadrive, Super Nintendo, Nec CD-Rom, Game Boy.

FATAL FURY SPECIAL
Cette fois on y est

SNK apprend de plus en plus vite. Il ne lui faudra que quelques mois pour prendre conscience des faiblesses de son hit prometteur. Fatal Fury Special sort fin 93 - ça tombe bien : entre temps, Capcom a encore progressé lentement mais sûrement avec Super Street Fighter II, 4e mouture de son jeu référence.

Feitol Fiouriii... Spéchioool !!!

Fatal Fury Special est une version (très) évoluée de Fatal Fury 2. Il en reprend complètement le moteur de jeu, les graphismes et la bande-son, bref, tout ce que j'ai détaillé là-haut, mais en complétant (le mot est faible) idéalement le tout. Seuls les bonus stages ont disparu (dommage). Premier choc : le casting. Les douze personnages du précédent opus sont désormais tous jouables, et ils sont rejoints par trois revenants de Fatal Fury 1, avantageusement redessinés pour l'occasion : Duck King, Tung Fu Rue et... Geese Howard himself ! Il n'était pas mort, le bougre. Enfin, la vraie raison de son retour, c'est surtout que Fatal Fury Special n'est pas scénarisé, pas plus que certains des épisodes qui le suivront. Ici, pas d'autre motif que de réunir une belle brochette de combattants. D'ailleurs, une guest star prestigieuse fait office de boss caché : Ryo Sakazaki, héros d'Art of Fighting. Un code permettra ensuite de jouer avec. Nous voici donc avec une palette de 16 personnages. Impeccable.

Combat de vieux maîtres dans un décor qui invite à la contemplation... Beaucoup moins zen, le break dance de Duck King.

Si les innovations remarquables de Fatal Fury 2 ont été conservées, les diverses imperfections mineures ont disparu. Et surtout, la notion de combo est cette fois parfaitement intégrée. C'est le plus qui manquait jusqu'ici. Les affrontements y gagnent en richesse et en intensité. Deux spécificités attrayantes :

  • Fatal Fury Special présente pas mal de possibilités de "link combos". Autrement dit, la succession de deux attaques normales. Ce principe existait déjà dans Street Fighter II, mais les possibilités y étaient moins nombreuses et les timings requis, plus exigeants.
  • le jeu autorise également le 2-in-1 (vous avez bien lu là-haut, hein ?) à partir des coups normaux à deux impacts, contrairement à SF II.

Ces deux principes sont illustrés dans l'exemple ci-dessous :

Un p'tit combo avec Terry, au corps à corps : A, C (deux impacts), B. Le début de ce combo, c'est le principe du "link" (A suivi de C). La fin, c'est un 2-in-1 où le coup spécial vient après les deux impacts de C.

On retrouve bien sûr les super attaques. J'en profite pour signaler que leur utilisation diffère nettement de ce qui se fait dans la majorité des jeux plus récents (concrètement, à partir de Street Fighter Zero et KOF 97). Elles impliquent généralement un court délai initial durant lequel vous pouvez parfaitement être contré. Impossible, donc, de les employer pour réagir au dernier moment, et pour la majorité d'entre elles, de les intégrer dans un combo. On essaie donc de les placer plutôt par intuition ou par anticipation, ou alors en cas d'ouverture énorme. Il y a bien sûr des exceptions, comme celle de Kim, très soudaine et hautement enchaînable, ou celles de Jubei et Duck, qui sont des prises au corps à corps. Dans l'ensemble, c'est en tout cas un "feeling" bien particulier, tout à fait dans l'esprit de la série. Personnellement, j'aime beaucoup. Placer une super attaque procure ici une certaine satisfaction personnelle.

Les huit personnages de base de Fatal Fury 2 ont gardé les mêmes super attaques, mais celles des personnages nouvellement jouables requièrent souvent des manips plus complexes et même parfois carrément tordues (la palme revenant à Laurence Blood : B+C, rien que ça). Ils ont un peu abusé chez SNK sur ce coup-là... D'une façon générale, on pourra regretter la présence d'un certain nombre de coups spéciaux se terminant par une direction ou , ce qui n'est pas toujours commode (si vous loupez, vous sautez inopportunément...). Le plus étrange reste ces quelques projections qui s'effectuent avec + une touche. Mais ce sont des cas isolés, et elles ne sont pas indispensables.

Notons aussi la difficulté accrue du jeu contre l'ordinateur. Il peut très bien se faire piéger de façon idiote, mais il a aussi souvent la particularité de jouer de façon exagérément propre, capable de réagir instantanément à vos tentatives. C'est un phénomène récurrent dans les jeux de baston et particulièrement chez SNK. Surtout, c'est dans Fatal Fury Special que j'ai le plus constaté cette tendance abusive de l'ordinateur à sortir instantanément les coups spéciaux qui réclament normalement au joueur de maintenir une direction pendant un bref moment. Ca fausse parfois complètement le jeu. Exaspérant ! Enfin, on s'adapte, il n'y a pas de quoi être dégoûté du jeu non plus. Et puis de toutes façons, chacun le sait, le véritable intérêt d'un jeu de baston réside dans le jeu à deux.

Geese effectue un blocage spécial ( D) sur l'attaque de Duck, puis le projette au sol. Un nouveau concept de coup spécial qu'on retrouvera ensuite régulièrement dans la production de SNK.

Fatal Fury Special s'impose comme un vrai mastodonte de la baston 2D, une figure marquante dans l'histoire du genre. Il s'agit d'un jeu abouti et complet, au caractère affirmé, qui propose une vraie alternative à Super Street Fighter II. Comme ce dernier, il n'a aujourd'hui rien perdu de son charme, et c'est un grand classique indémodable. Y rejouer ne constitue pas seulement un acte nostalgique, loin de là. C'est surtout une occasion rare d'apprécier ce qu'un certain nombre de jeux a perdu de vue : un gameplay à la fois pur et intense, dense et limpide, où richesse ne rime pas avec confusion. Cette occasion, il faut savoir la saisir. En clair : jouez à Fatal Fury Special !

Autres plates-formes : Mega CD, Super Nintendo, Nec CD-Rom, Game Gear.

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C'est la fin de cette première partie, où nous avons vu comment la série Fatal Fury est née, puis rapidement arrivée à maturité. En cette fin d'année 93, Super Street Fighter II et Fatal Fury Special, deux jeux incontournables, annoncent clairement le début d'un règne partagé de Capcom et SNK sur la baston 2D.

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