Mastodon
Le 1er site en français consacré à l'histoire des jeux vidéo
Revenge of the Gator
Année : 1989
Système : Game Boy
Développeur : HAL Laboratory
Éditeur : HAL Laboratory
Genre : Flipper
Par Jika (23 janvier 2004)

Avant que n’apparaissent les premières bornes d’arcade, les jeunes gens qui fréquentaient les bars pouvaient claquer sans retenue leur petite monnaie dans les flippers. Comme les amateurs de peinture prirent peur pour leur art favori lorsque apparut la photographie, les fans de la bille argentée et du plan incliné crurent que la montée en puissance du jeu vidéo, par l’intermédiaire du jeu d’arcade, allait tuer lentement mais sûrement le flipper. Fort heureusement, comme la suite de l’Histoire nous le montra, il n’en fut rien : ce loisir de café poursuivit son petit bonhomme de chemin, en parallèle au développement du divertissement vidéoludique. C’est pour cela que le flipper et le jeu vidéo ne sont pas comme on pourrait le croire deux frères ennemis, se disputant becs et ongles le cœur des joueurs dans les troquets du coin. Ces deux formes de loisir cohabitent fort amicalement et les tentatives de rapprochement allant dans ce sens sont même nombreuses : les jeux de flipper sont fort bien représentés dans l’Histoire du jeu vidéo, histoire que Grospixels tente de conter aux joueurs d’aujourd’hui pour éviter que ces perles ne sombrent dans l’oubli, tels les ménestrels d’antan chantant les exploits de chevaliers glorieux du passé pour les faire revivre ainsi quelques instants durant.

L’écran titre. On se tait et on savoure la danse des alligators. Émouvant...

Commençons par rendre à César ce qui est à César : le site que vous consultez comporte dans ses entrailles profondes un dossier magnifique sur les jeux de flipper réalisé par le non moins magnifique Laurent (NdL : Euh, bon, cliquez ici pour lire le dossier et on n'en parle plus). Je vous conseille volontiers sa consultation qui procurera à coup sûr de grands moments de bonheur aux amateurs de la bille argentée... Dans le dossier dont nous parlons, vous pourrez lire un petit descriptif d’un titre appelé Rollerball, édité par Hal Laboratories en 1985 : ce titre appartient à l’élite des jeux de flipper sur borne d’arcade dans un premier temps, puis sur console par la suite, puisqu’il sera adapté sur MSX et sur la majestueuse NES par la suite.

L’ancêtre de Revenge of the Gator

Cette longue introduction me permet de faire apparaître ainsi le sujet de ce test. Le texte que vous parcourez à présent de vos vieux yeux de gamer devant l’éternel concerne le descendant plus ou moins direct de Rollerball : c’est-à-dire Revenge of the Gator. Ce titre du même studio (Hal Laboratories) est lui aussi un flipper, mais plus farfelu que son ancêtre et moins proche des machines que nous croisons dans les bistrots que nous fréquentons tous en masse. Bref, je parle d’un titre sorti en 1990 sur Game Boy, pur produit du studio qui donnera plus tard Adventures of Lolo, Kirby, Pokémon Stadium ou encore Super Smash Bros. Melee.Revenge of the Gator est un flipper assez traditionnel dans sa structure mais plutôt original dans son look : en effet, comme son patronyme le suggère fortement, tous les éléments du jeu sont directement en relation avec le plus effrayant des reptiles que notre globe terrestre puisse porter : le crocodile. Ou alors l’alligator, je ne sais plus. Enfin, vous me direz : c’est caïman pareil....

Voici un exemple de table de flipper envahie par des alligators...

Sur cette blague quasi exceptionnelle, poursuivons le présent test. La première chose qu’un joueur de Revenge of the Gator doit absolument voir lorsqu’il allume sa Game Boy, c’est le pas de danse magnifique des trois petits alligators. Ce serait une faute grave que de passer la petite présentation du jeu : ces trois sauriens entament une petite chorégraphie assez amusante, avant de quitter l’écran en se suivant de près, marchant comme le groupe Genesis dans le clip de I can’t dance. Les connaisseurs apprécieront. Bref, ce long discours a pour but de vous faire sentir le principal attrait du jeu : son ambiance inimitable. Revenge of the Gator a une âme, une sorte d’aura magique qui rend le jeu incroyablement agréable alors qu’il est en réalité assez quelconque dans son déroulement. En effet, le jeu est d’un classicisme affligeant dans ces mécanismes (plusieurs écrans reliés par différents passages, deux flippers en bas de chaque écran, des rampes et des bumpers banals, etc.) et ressemble à tous les autres jeux de flipper dans son déroulement. Trois balles, et un seul objectif : le high score. Pour résumer plus efficacement cette idée, gardez en tête que Revenge of the Gator est un flipper classique qui ne déroutera aucun habitué du genre.

De magnifiques crocodiles qui dansent comme des dieux.
Un visage magnifique, doté d’un regard perturbant

La classicité n’est pas forcément un point négatif. Dans le cas du titre de Hal Laboratories, ce n’est pas un défaut, bien au contraire. En effet, Revenge of the Gator s’appuie sur un principe simple et archi-connu (les règles du flipper) et ne se distingue de la concurrence que par son ambiance déjantée. Hormis les crocodiles fans de Phil Collins que je dépeignais tout à l’heure, on peut également parler du crocodile mangeant d’un coup votre bille quand vous perdez, ainsi que le fabuleux visage de l’alligator servant à boucher le trou entre vos fourchettes (un bonus) qui a un des regards les plus vides et inexpressifs de l’Histoire du jeu Game Boy. Le genre d’animal que l’on ne peut pas fixer droit dans les yeux sans éclater de rire. Revenge of the Gator s’appuie sur cette ambiance très cartoon pour plonger le joueur dans cet univers décalé et le pousser à rester accroché, avec en ligne de mire le high score, afin de frimer devant les rares amis qu’il a et qui jouent encore à des titres old-school comme celui-là.

L’intégralité de la table de jeu. On ne perçoit pas ici les trois niveaux bonus.

En dehors de ce côté amusant avec ses innombrables alligators, Revenge of the Gator s’appuie aussi sur une physique assez solide. Comprenez par là que les réactions de la balle paraissent vraisemblables et retranscrites avec brio. Comprenons-nous bien : il ne s’agit pas de la simulation ultime, dans laquelle tous les mouvements de la balle seraient calculés avec précision en fonction d’une multitude de facteurs physiques. Mais la gestion de la sphère argentée est suffisamment précise pour être crédible et pousser le joueur à se dire que le high score est envisageable, car le dernier échec du joueur en question était bel et bien dû à une erreur de sa part. La jouabilité est donc très instinctive et surtout assez aisée à maîtriser, comme c’est le cas dans la plupart des flippers en jeu vidéo.

Là, c’est perdu. Votre bille d’acier finit en déjeuner pour un crocodile

D’un point de vue technique, on ne peut pas crier au génie. En effet, les graphismes, bien que très drôles, sont fades et dénués de détails (même pour un jeu Game Boy). Par contre, le constat est un peu plus positif au niveau sonore, car l’action est accompagnée d’une petite musique fort agréable, avec des solos de basse assez amusants. Cette musique atypique colle bien avec l’ambiance délirante du soft. Bref, aussi bien au niveau technique que dans son gameplay, on peut sentir aisément que Revenge of the Gator est un titre sans prétention, très simple dans sa conception et son déroulement, mais qui correspond donc parfaitement au support sur lequel il fut conçu : la Game Boy.

Certes il s'agit d'un jeu modeste, mais globalement réussi. Un soft assez agréable à jouer, avec un système de jeu simple mais efficace et une jouabilité à l'ancienne ayant déjà fait ses preuves. Toutefois, ne nous leurrons pas. Il souffre d’un handicap assez conséquent : son faible nombre de tables différentes. En effet, aussi aberrant que cela puisse paraître, il n’y a qu’un seule et unique flipper dans le jeu. Ouch ! Oui, ça ressemble à un grand f... de gueule et cela en est un, à n’en point douter. Il est vrai que cette table est composée de quatre sous écrans, et de trois petits écrans bonus, mais c’est quand même bien maigre ! Alors peut-on passer outre ce défaut majeur ? Je pense que non. Même en 1990, date de sortie du jeu en France, sortir un titre de flipper avec une seule et unique table est assez plombant au niveau de la finition intrinsèque du soft. Cela n’enlève rien à sa qualité même, mais il est important, voire primordial, de le souligner.

Terminons le passage en revue de ce jeu Game Boy, en signalant qu’il dispose d’un mode deux joueurs sur une Game Boy (chacun son tour) qui est assez agréable, ainsi qu’un mode Link pour jouer sur deux portables. Hélas, faute de moyen (je n’ai qu’une seule cartouche), je ne pus l’essayer. À vous de vous forger une opinion propre sur la qualité de ce mode de jeu. Je vous propose à présent de conclure en beauté, c’est à dire en brossant un portrait rapide et concis de ce titre : « Revenge of the Gator est un titre classique, bien réalisé et bénéficiant d’une ambiance forte qui lui est propre, mais qui est plombé par un cruel manque de profondeur du à un nombre de tables différentes plus que restreint ». Ça, c’est un vrai résumé de compétition !

Jika
(23 janvier 2004)
Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum
(37 réactions)