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Konami
Retour en détail sur le parcours créatif d'une compagnie qui tient le devant de la scène depuis ses débuts et s'est montrée capable d'exceller dans tous les domaines.

Du sang neuf

1994 est l’année de l’apparition des premières consoles dite de "nouvelle génération", avec tout d’abord le système 3DO et l’Atari Jaguar. Konami ne manque jamais la sortie d’une nouvelle console, et s’y adapte en général à merveille. La Jaguar, jugée inapte à conquérir un large public, est ignorée en dépit des efforts d’Atari pour acquérir la licence de Tiny Toons (le jeu ne sortira jamais). Sur 3DO, par contre, le jeu Policenauts donne une sequelle de qualité à Snatcher. Alors que toutes les nouvelles consoles annoncées utilisent le support CD-ROM, l’annonce par Nintendo que sa future console, appelée alors Project Reality (future Ultra 64, puis N64), utilisera ce support coûteux et pénalisant refroidit quelque peu Konami, d’autant plus que Nintendo exige l’exclusivité sur une partie des titres développés sur sa console. Pour la première fois, Konami est tenté de s’éloigner de son allié de longue date, d’autant que les Sony Playstation et Sega Saturn constituent des plates-formes très attirantes, dont la sortie est très proche.

1995 est l’année qui ouvre le début de l’ère des jeux vidéo en 3d, et Konami est en retard dans ce domaine. La compagnie semble inactive, aucun titre ne sortant pendant un certain temps, mais en réalité elle développe en secret son propre hardware 3d destiné aux jeux d’arcade. Le résultat est Midnight Run : Road Fighter 2, suite inattendue d’un vieux titre. Le gameplay est assez proche de celui d’Outrun de Sega, mais les graphismes sont très impressionnants, ce qui semble l’unique but du jeu, qui subit durement la concurrence de Daytona USA (Sega) et n’obtient pas un succès foudroyant. Lancés en même temps, Speed King, une course futuriste comparable à Wipeout, fait également la démonstration du nouveau savoir-faire de Konami en 3d, sans non plus s’imposer comme un titre majeur, Crypt Killer, un jeu de lightgun inspiré par les films d’aventure, Tokimeki Memorial Parodius, un nouveau shoot’em’up parodique, et Twinbee Yahoo!, suite étrange du shoot’em’up entomologique de 1986 (dans lequel les boss sont des sites web célèbres, le jeu se terminant par un combat contre Yahoo !), sont développés sur la version arcade du hardware de la Playstation.

Twin Bee Yahoo! et Midnight Run

Côté consoles, une remise en question majeure est également à l’ordre du jour. Avec l’arrivée des systèmes 32-bits, il est temps de viser un public plus âgé, et de laisser tomber les suites à répétition et autres licences de dessins animés. Konami décide de se focaliser sur les simulations sportives en 3d et d’attaquer en force la ludothèque des Playstation et Saturn. Le système 3DO, qui a fait un flop au Japon, est abandonné, et annonce que le titre Policenauts ne sortira aux Etats-unis qu’en version PSX et Saturn (ce qui finalement n'aura jamais lieu, au grand dam de certains fans du jeu). La SuperNES est toujours soutenue, mais les titres sortis cette année, Dracula XX, Metal Warrior, NBA Give’n’go et Sparkster sont produits en petite quantité et distribué dans certains pays par des sous-traitants. L’heure est au CD-ROM, la 64-bits de Nintendo n’est pas encore prête, et la Game Boy se contentera cette année d’Animaniacs.

En 1996, l’orientation du marché des consoles se précise. La Playstation est, pour de multiples raisons plus ou moins bonnes, préférée à la Saturn par la majorité des joueurs. Sa supériorité technique sur sa concurrente est à l’époque un fait généralement reconnu, d’autant que les premiers jeux Saturn n’exploitent pas au mieux leur support. Konami ne tardera pas à choisir son camp, devenant un des principaux soutien de la PSX et un des grands absents du catalogue de jeux Saturn. Il est indéniable que cette liberté d’action, permise par l’absence de console à son nom, a favorisé la bonne tenue constante de Konami sur le marché depuis 1985. La future console de Nintendo, l’Ultra 64, est rebaptisée Nintendo 64. On raconte que ce changement de nom s’explique par le dépôt d’un copyright sur le terme "Ultra" par Konami, dans le but d’éditer des jeux comme Ultra Soccer ou Ultra Basketball. De nouveaux jeux d’arcade Konami sortent, utilisant le même hardware que les titres 3d de l’année précédente : Wave Shark (simulation de jet-ski) et Winding Heat (une version améliorée de Midnight Run), et d’autres utilisent à nouveau le hardware PSX, comme Hyper Olympics in Atlanta (une suite en 3d de Track&Field).

GTI Club et Bottom of the Ninth

Par contre, on ne sait pas grand chose sur le hardware de GTI Club, une course automobile au volant de bolides des années 70-80 (Autobianchi A112 Abarth, Mini Cooper, Renault 5 GT Turbo et autres cauchemars d’élus écolos) dans des décors Européens reconstitués avec un souci du détail remarquable, mais une chose est sûre : avec ce titre, Konami réussit son meilleur jeu d’arcade et son plus gros hit depuis longtemps, réussissant à voler la vedette aux bornes délirantes de Sega et Namco. Même aux USA, le jeu cartonne malgré le style de conduite qui imite très bien celui des voitures montrées (vitesses manuelles, virages au frein à main, rayon de braquage court et suspension trépidante, croyez en un ancien possesseur de Mini !), certainement grâce aux décors qui permettent une incroyable liberté dans le parcours suivi (la course dans les rues de Nice est géniale). Sur Playstation, Konami suit sa stratégie prévue et américanise sa production avec des titres comme NBA : In the zone, Bottom of the Ninth (une simulation de base-ball qui sort également sur Saturn), The Final Round (golf), mais ne laisse pas tomber ses anciennes gloires puisqu’une version 3d de Contra est annoncée pour Noël. Pour concurrencer Sega et Namco sur le terrain des jeux de combat en 3d, un jeu intitulé Kumite est également annoncé, une sequelle de Dracula-X (PSX et Saturn), NFL Full Contact, un RPG (autre secteur peu exploré par Konami) intitulé Suikoden qui s’avérera magnifique, un autre nommé Vandal Hearts, et un shoot’em’up, Project Overkill. Certains de ces projets seront toutefois abandonnés (Kumite et Contra 3d), et Konami, fin 96, commence à abandonner ses projets sur Saturn devant les ventes insuffisantes de la console. Lorsque la N64 arrive enfin après deux ans d’attente et de nombreux reports de sortie, Konami ne réagit pas tout de suite par des sorties de jeux concomitantes à celle de la console, mais on murmure que des titres très élaborés sont en préparation.

1997 sera pour Konami une excellente année, bien meilleure que la précédente.Dracula X est annoncé au Japon, et un nouvel épisode de Castlevania devrait sortir sur N64 sous le titre de Dracula 3d. Sur N64 toujours, International Superstar Soccer inaugure une série de simulations sportives. En salles d’arcades, c’est l’arrivée au Japon de Tobe Polystars qui crée l’évènement. Konami a utilisé pour ce titre la technologie M2, développée à l’origine pour succéder au système 3DO, et rachetée par Matsuchita après que Trip Hawkins ait abandonné son idée de standardiser les consoles. En parallèle, Konami dévoile sa nouvelle technologie de jeux d’arcade maison, appelée Cobra. Développée conjointement avec IBM, elle peut selon les besoins animer entre 2 et 5 millions de polygones. Le premier jeu à l’utiliser est Racing Jam, une course automobile qui en remontre aux meilleures productions de Sega par ses graphismes photoréalistes. A l’E3, Konami lance une bombe à retardement, un nom surgi du passé qui va influer sur son avenir. Metal Gear Solid est annoncé, et une vidéo en est montrée. Le jeu est annoncé sur Playstation. Encore loin d’être finalisé, on peut déjà y entrevoir le travail formidable de Hideo Kojima, qui, en adaptant à la 3d le concept d’origine en révèle pleinement le potentiel. Egalement montré à l’E3 en vidéo, Castlevania 64 semble être à la hauteur de ce que l’on attend de la 64-bits Nintendo. D’autres titres sont annoncés sur PSX : Other Life (un RPG), Azure Dreams, Nagano Winter Olympics ‘98, Salamander Deluxe Pack (une compilation comprenant Salamander, Salamander 2 et Life Force), Midnight Run (une adaptation de la borne d’arcade), Poy Poy (un jeu à la Bomberman), Bottom of the Ninth et une compilation Lethal Enforcers 1&2. Sur N64, sont aussi prévus : Legend of Mystical Ninja 64, Battle Dancers, Suikoden 2 et NBA In the Zone. Une version PC en 3d de Frogger sort la même année, développé par Hasbro Interactive qui a acquis la licence.Konami crée la Konami Computer Entertainment School, un centre de formation ou naissent les futurs talents embauchés par la compagnie, dont les sites sont établis à Kobe, Osaka et Tokyo.

En 1998, Konami lance une série de jeux d’arcade qui brisent les habitudes des joueurs par des systèmes de contrôle d’un genre nouveau. Fisherman’s Bait se joue avec une canne à pêche, le joueur devant attraper une race particulière de poisson à l’écran. Hip Hop Maniac dispose d’un clavier à 5 touches et d’un disque tournant. Suivant la musique qui est jouée, la joueur doit danser, scratcher avec le disque et taper sur les touches du clavier en rythme, son sens du groove étant évalué par la machine. Total Vice est plus classique, avec ses lightguns, mais son écran 50 pouces fait forte impression, de même que Terraburst, dans lequel le joueur chasse l’alien avec une grosse mitrailleuse laser.

Mystical Ninja

Sur consoles, la même année, Konami continue à soutenir parallèlement la N64 et la Playstation. NBA In the zone 98, Mystical Ninja, Nagano Winter Olympics 98, Deadly Arts et International Super Star Soccer arrivent sur N64, mais font l’objet de critiques assez sévères. On reproche notamment à Konami de retomber dans le piège des séquelles qui n’apportent rien. Les mêmes jeux sortent sur Playstation, ainsi que Bottom of the Ninth 99 et Azur Dreams, et provoquent la même réaction, mais Konami réserve son arme secrète pour la fin de l’année :Metal Gear Solid est annoncé pour Novembre. Les fans de Sega apprennent de tristes nouvelles : Symphony of the Night, jeu pour Saturn sorti avec succès au Japon, ne sortira pas dans le reste du monde. Castlevania 64, sur N64, très attendu, est reporté au début de l’année suivante.

1999 démarre très fort avec Vandal Hearts II et les premières images de la réponse de Konami à Resident Evil, le survival horror Silent Hill, annoncé comme le jeu vidéo le plus terrifiant jamais réalisé. Tout comme Metal Gear Solid, ce sera une exclusivité Playstation. Ce dernier est enfin lâché, et l’évènement est à la hauteur de ce qui était annoncé. Non seulement le jeu est superbe, passionnant et révolutionnaire sur le plan visuel, mais il fait de Hideo Kojima un développeur vedette et contribue (avec l’énorme Final Fantasy 7 de Squaresoft) à faire prendre une longueur d’avance à la Playstation sur la N64. Le CD-ROM semble être le seul support à même d’accueillir les jeux vidéo de la fin du siècle, et ce n’est pas un Castlevania 64 parfaitement réalisé mais très convenu dans sa jouabilité qui va inverser la tendance (la 3d n’apporte pas grand chose au concept qui ne se différencie pas des autres jeux de plate-forme de la N64).

Castlevania 64 et Silent Hill

Contre toute attente, Konami va donc devenir plus productif sur Playstation que sur N64, après des années de fidélité à Nintendo, qui accuse un sérieux coup de vieux dans son image, et souffre déjà de l’abandon de Squaresoft. 1999 est aussi l’année ou Konami sort ses premiers jeux sur Dreamcast. En faisant un gros effort de développement et une énorme et coûteuse promotion à sa nouvelle console, Sega a enfin réussi à attirer l’attention des joueurs qui etaient passés à côtés du potentiel de la Saturn et de ses excellents jeux. Konami, toujours présent dans les grandes occasions, se fend de deux jeux Dreamcast : Air Force Delta et Flight Shooting.

Air Force Delta

Un peu plus tard arrivent sur PSX Metal Gear Solid VR Missions (un add-on qui ajoute de nouvelles missions d’entraînement en mode réalité virtuelle) et Metal Gear Integral (qui comprend le jeu + le add-on), puis l’autre grand jeu Konami de l’année 1999 : Silent Hill, qui ne déçoit pas ceux qui attendaient un jeu surpassant Resident Evil 2. Plus que jamais, 2000 sera pour Konami une année essentiellement consacrée à Sony. Sur PSX, ce sont les titres Beat Mania Gotta Mix 2 : Going Global, Dance Dance Revolution 3rd Mix, Dancing Stage Featuring Dreams Come True, DrumMania, autant de titres qui exploitent le nouveau filon à la mode, à savoir les simulations de dance, Eldergate, The Grinch (licence du film avec Jim Carrey), Imperial Falcon, Nightmare Creatures II et Suikogaiden Volume I : Swordsman of Harmonia, sans oublier les inévitables NBA In the Zone 2000 et NHL Blades of Stell 2000.

Dance Dance Revolution 3rd Mix

On se demande où est passée l’inventivité dont Konami faisait preuve au début des années 80, mais ce qui compte ce sont les chiffres, et ils dépassent ceux des meilleures années. Konami ne laisse toutefois pas tomber ses fans restés chez Nintendo, avec Sydney Olympic 2000 sur N64, et Metal Gear Solid est adapté sur PC dans une version (éditée par Microsoft) qui est si proche de celle sur PSX qu’on se demande si on n’a pas affaire à un émulateur. On le sait, et on aime guère s’en souvenir, la fin de l’année 2000 est marquée par l’arrivée en fanfare de la Playstation 2. Cette console au hardware surpuissant mais très difficile à programmer semble-t-il, pionnière de l’usage du DVD, au design ultra-branché, fait l’objet de la campagne promotionnelle la plus arrogante de l’histoire des jeux vidéo. Avant qu’on ne puisse s’en procurer, Sony fait courir le bruit que les pré-commandes sont supérieures aux stocks disponibles pour l’année, donc qu’il n’y en aura pas pour tout le monde. S’en suivent de lamentables cérémonies de lancement lors desquelles des gens se battent, voire se piétinent pour arracher un carton facturé plus de 3000f. D’autres exemplaires sont revendus d’occasion jusqu’à 5000f par des petits malins. C’est le plus gros engouement jamais constaté pour une console à l’échelle mondiale, à en faire pâlir d’envie Nintendo et trembler Sega.

Metal Gear Solid 2

Konami est présent à ce grand rendez-vous marketing, et annonce d’emblée un Metal Gear Solid 2, dont les premières photos d’écrans vont faire rêver les fans pendant longtemps, très longtemps. D’autres titres sont lancés sur PS2, et rencontrent tout de suite le succès escompté : ESPN International Track&Field, ESPN X-Games Snowboarding, Gradius 3 and 4, ISS Soccer, Ring of Red, Silent Hill 2, Silent Scope, et Sydney Olympic 2000.

Conclusion

Silent Hill 2 : le hit du moment sur Playstation 2

La suite de l’histoire mérite d’avoir plus de recul pour être évoquée. De même, je n’ai pu citer tous les jeux Konami sortis depuis les débuts, aucune source exhaustive d’information sur le sujet n’ayant été à ma portée, et je n’ai pu trouver aucune information sur les jeux d’arcade Konami sortis en 1999 et 2000.

Peu à peu, au fil des années, la logique créative de Konami a changé. Les premières années furent celles de l’invention. Konami s’impose alors comme un des piliers du jeu vidéo Nippon, et pose les bases d’un style reconnaissable entre mille. Par la suite, la production s’est quelque peu diluée, avant de sombrer lentement dans la redite systématique. C’est la période noire d’un Konami dont bien peu de titres ont autre chose qu’un numéro de série ou leur année de fabrication pour les différencier réellement des précédents. Les consoles 32-bits et supérieures auront permis à Konami de retrouver un rythme de croisière satisfaisant. Des temps de développement supérieurs ralentissent le rythme des sorties, les joueurs évoluent et demandent plus de durée de vie, plus de profondeur. Dans ce contexte plus posé, Konami est revenu sur le devant de la scène, continuant à répondre aux attentes des joueurs du monde entier.

Emulation : La liste de titres disponibles pour MAME comporte des dizaines de jeux Konami indispensables.
Ne passez pas à côté des jeux Konami pour MSX qui tournent à la perfection avec l'émulateur FMSX-DOS. On les trouve partout sur le net et ils se téléchargent très vite, tout comme les titres pour Gameboy, SuperNES et NES.

Laurent
(03 décembre 2001)
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