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Metropolis Street Racer
Année : 2000
Système : Dreamcast
Développeur : Bizarre Creations
Éditeur : Sega
Genre : Jeu de Course
Par Michael (18 novembre 2002)

M.S.R.

Introduction : c'est en novembre 2000 que sort sur Dreamcast l'un des jeux de course les plus audacieux de tous les temps, Metropolis Street Racer, plus communément appelé M.S.R. Soit simplement trois lettres pour une cinquantaine de berlines, des centaines de défis et plus de 250 circuits ! Ce qu'il y'a de bien avec les sigles, c'est que l'on peut y lire ce que l'on veut. Ainsi, pendant le jeu, Metropolis Street Racing devient souvent Mieux qu'Sega Rallye (2) et avec ce Mélange de Succulentes Routes la Dreamcast justifie une nouvelle fois son nom de Machine Sécrétrice de Rêves.
En trois mots : Monsieur Sega Régale ! Et c'est tant mieux car à l'instar de ces jeux de mots maladroits, jouer à M.S.R., c'est avant tout une affaire de style ;-) .

I.G.N.

L'Immersion Garantit le Nirvana... et Sega l'a bien compris. Alors pour offrir aux joueurs l'extase vidéoludique, Bizarre Creations, la firme responsable du développement, s'est offert des excursions dans trois des plus belles mégalopoles existantes : Tokyo, San Francisco et Londres. Sur place, les équipes ont pris des croquis, des photos et des films. On parle de 30 000 clichés et d'une quarantaine d'heures de vidéos ! Pas étonnant que le jeu ait demandé trois années de développement. Rappelons par la même occasion que MSR était censé sortir en même temps que la console en Europe. Raté ! Mais à la vue du résultat, on se dit que l'attente est pleinement justifiée : les graphismes figurent parmi les plus beaux jamais vus sur console, et on s'approche très souvent du photo-réalisme. Ce sentiment d'immersion est bien sûr accentué par la présence des vraies villes, avec tout ce que cela suppose : routes, habitations, monuments célèbres... Bref, on a parfois l'impression de visiter ces quartiers, tranquillement installé chez soi...

Et Bizarre enfonce encore le clou du réalisme grâce à l'horloge interne de la console ! En fonction du moment où vous jouez, vous parcourrez les circuits le matin, le jour, en fin de soirée où la nuit, et ce, en respectant même le décalage horaire ! En recommençant le même parcours plusieurs fois de suite, on voit parfois le jour se lever progressivement, c'est tout simplement génial.
Vrais tracés de villes existantes (cartes, photos et vidéos à l'appui), heures réelles, graphismes très détaillés... Ce jeu en ressort tellement réaliste qu'on a le droit à un savoureux « attention, la course sur route est interdite, ne faites pas ça dans la vraie vie »... Heureusement qu'ils nous ont prévenu, pas de Montluçon Street Racing, alors ?

Aussi aberrant que cela puisse paraître, ce genre d'avertissement semble devenir légion. On se rappellera aussi de celui Jet Set Radio, rappelant que les graffitis en pleine rue sont illégaux... Alors, à quand un message d'alerte du genre : « manier une épée peut être dangereux, même avec une tunique verte ridicule » ? Pour bientôt peut-être... Pour l'heure, passons au système de jeu, inédit.

R.P.G.

Rejoue, Progresse et Gagne !

Avec M.S.R. ne vous attendez pas à un simple jeu de course comme il en existe des milliers. On pourrait se dire : « MSR, c'est bien joli, mais ça ne doit pas être si différent, plus on arrive vite et plus on gagne ! ». Pourtant, avec le système de Kudos, qui rappelle les points d'expériences des jeux de rôle, ce n'est pas aussi simple. En effet, les « Kudos », c'est l'argent qui nous ouvre les nouveaux chapitres, et ce sont les chapitres qui nous permettent d'alimenter notre garage virtuel en véhicule toujours plus performants et délicats à conduire.
Le système de jeu est à la fois inédit, captivant et très rigide, puisque avant chaque course un message nous prévient : parcourir à nouveau une course peut nous faire perdre définitivement des Kudos. De quoi y réfléchir à deux fois avant d'entreprendre la chasse aux biftons. Pourtant tenter, retenter et re-retenter sans cesse chaque ancien challenge, c'est la seule façon d'augmenter son précieux pécule et d'ouvrir de nouvelles port[ièr]es.

Voilà comment se déroule ce système de point : premièrement, pour espérer gagner de l'argent, il faut réussir le défi qui vous est proposé, et ces challenges sont beaucoup plus variés que d'habitude. Il faut, par exemple, faire un certain temps, atteindre une certaine vitesse de pointe, doubler tel nombre de véhicule, se placer premier au classement d'une course sur plusieurs circuits, réaliser une moyenne de vitesse donnée, prendre un tour à un adversaire... Si vous ratez (ou abandonnez) le défi, non seulement vous ne gagnerez rien mais en plus on vous enlèvera des points pour la peine. Vous pouvez aussi gagner plus de kudos en augmentant la difficulté de ce défi. Si vous devez doubler 10 voitures, et que vous pensez pouvoir en doubler 12, inscrivez ce chiffre avant la course, et si effectivement vous réussissez ce nouveau défi plus coriace, vous serez récompensé à la mesure de votre exploit. Dans le même esprit, parfois, vous gagnerez un joker que vous pourrez utiliser (une seule fois par joker) quand vous le souhaiterez. Le joker aura comme effet de doubler vos kudos gagnés - ou perdus - durant le défi choisi. Eh oui, encore une fois, cet élément est à double tranchant !

B.N.P.

Bonifions Notre Pécule ! Car si réussir un défi est la condition sine qua non pour espérer gagner une certaine somme de Kudos, c'est avant tout votre « style de conduite » pendant ce défi qui déterminera toute la mesure de ce gain. Concrètement, à chaque fois que vous touchez les bords de la route où un obstacle, on vous enlève de l'argent. À l'inverse, dés que vous faites une belle manœuvre (c'est-à-dire un beau dérapage au frein à main), on vous récompense pour votre conduite. Ce n'est même pas la peine d'essayer la conduite « bourrin » ou alors, c'est vous qui allez finir par devoir des Kudos à la console ;-) .
Le braquage et le contre-braquage (voire même le contre-contre-contre braquage ;-) et c...) jouent donc un rôle constant, mais cela n'a rien de monotone, car la gestion des réactions physiques des véhicules a été justement très soignées et se révèle être particulièrement complexe et intéressante à appréhender (surtout lorsqu'on ajoute à cela les différentes conditions climatiques possibles).

Voilà un exemple de rémunération : vous réussissez un défi en touchant très souvent le décors ou les concurrents et en ne réalisant pas de belles manœuvres. Résultat des courses : vous recevrez dans un 1er temps quelques kudos pour avoir réussi le défi, vous n'aurez pas de points pour votre style, et on vous en enlèvera pour vos erreurs, sans doute beaucoup plus que vous en a valu la réalisation du défi. Globalement, vous serez donc perdant en réussissant pourtant le challenge. Quel jeu machiavélique !
Et si la conduite est indispensable pour récolter un max de blé, réfléchir et analyser les défis est également essentiel. Ainsi, si « Mr. M.S.R. » vous demande de réaliser un tour en moins de 50 secondes sur un total de 4, essayez de réaliser ce temps dès le 1er tour, puis, au lieu d'améliorer votre moyenne ensuite (ce qui ne serait que peu rémunérateur), prenez au contraire votre temps et réalisez des dérapages de toute beauté par dizaines.
Voilà, c'est un exemple et il y'en a bien d'autres. Le principe des défis comporte forcément des limites. C'est au joueur de le trouver, et si le jeu peut sembler rigide (perte de points, abandon coûteux en kudos, sauvegarde forcée), il y'a quand même une certaine « marge de manœuvre » que l'on peut tourner à son avantage. Et heureusement, car la route est longue...

B.M.W.

Bon Maintenant les Woâtures ! Les véhicules sont tous superbement réalisés. Comme pour la plupart des jeux de course récents, il s'agit de réels modèles et bon nombre de constructeurs sont représentés, parmi lesquels : Renault, Peugeot, Audi, Ford, Toyota, Opel... Au départ vous n'avez le droit qu'à 3 voitures, pas super puissantes... Ensuite, pour augmenter votre collection, vous devez réussir les 10 challenges que compte un chapitre. En fait, c'est encore un peu plus compliqué que cela :-)... Quand on a accès à une voiture dans M.S.R., ce n'est pas pour autant que l'on peut s'en servir dans le mode Street Racing. Il faut d'abord la conduire suffisamment rapidement sur un circuit donné, pour pouvoir ensuite l'installer confortablement dans son garage. Et ce garage à des places limitées. En plus des modéles récents qui en feront réver plus d'un, on peut parfois débloquer des voitures mythiques plus anciennes ou des véhicules bonus rigolos (un bus, un taxi londonien...), donnant au jeu une touche de fun supplémentaire.

Avoir la chance de conduire les vrais modèles est très appréciables, mais cela a sans doute mené le jeu à l'une de ces principales limites : les voitures ne se cabossent pas. Eh oui, les constructeurs sont souvent fermes sur ce point (NB : c'est aussi le cas dans la célèbre série des Need For Speed, de Electronic Arts). Voir un véhicule accidenté donne une mauvaise image de la marque. Encore une conséquence du réalisme qui, pour le coup, provoque quelque chose de non réaliste ; on n'imagine pas une Audi TT ressortir intact d'un terrible carambolage !
Tant pis, on se consolera avec la personnalisation des plaques minéralogiques (on peut par exemple les mettre à son nom, futile mais appréciable) ou la personnalisation des messages apparaissant quand votre voiture touche un obstacle ou au contraire quand elle vient de réaliser un « beau geste ». Quant à l'angle de vue par rapport à votre véhicule, c'est bien simple, on peut faire ce que l'on veut, en hauteur, en distance, ras du sol, effet « globe », mode caméra réelle, tout ! Même des trucs injouables ! Tout est paramétrable ! Et même le son...

R.D.S.

Des Ritournelles Dans ma Spider. Complet à tout point de vue, même celui de l'écoute, MSR dispose en outre d'un auto-radio lecteur C.D. ! Et entre les disques et la FM vous en avez pour votre argent.

Premièrement, la radio : elle diffuse des voix et des musiques en fonction du lieu où vous vous trouvez. Magique. Ensuite, il y'a aussi tous les CD. ils représentent en tout pas moins de 26 morceaux répartis sur plusieurs « compiles » selon les genres : pop, jazz, rock ou selon un thème particulier. Mieux encore, avec les différents titres on peut composer sa propre compilation. Pendant la course, vous pouvez à tout moment changer de CD, de plage musicale, ou alterner CD et fréquence radio, tout comme vous le feriez avec votre vrai autoradio ou votre chaîne hi-fi. Il faut tout de même reconnaître que les morceaux sont assez caricaturaux, mais bon, on ne va pas se plaindre, c'est déjà incroyable, 26 morceaux inédits ! Et puis ces chansons « kitsch à souhaits » (juste quelques titres : I can't steel believe, It doesn't really matter...) ont un petit quelque chose d'irrésistible :-). Leur auteur, l'Anglais Richard Jacques, est aussi l'auteur de la bande sonore de Headhunter.
Quant aux bruitages, ils sont plutôt sympas, très réussis et très variés. Ils réussissent à rendre les courses encore plus vivante, bref pour le son comme pour le reste, c'est du tout bon.

R.A.S. ?

Réellement Aucun Souci ? En effet, du côté des défauts, il n'y a pas grand chose à signaler. Même si, pour chipoter un peu, on a parfois pu reprocher à M.S.R. un peu de rigidité, un certain manque de « fun ». Mais bon, ce petit côté coincé (moi, j'appelle ça l'élégance !), c'est le parti pris du jeu et ce n'est donc pas un vrai problème.
Il est vrai que par rapport au mode solo géantissime, les autres modes font un peu pâle figure, mais encore une fois, M.S.R. est avant tout un championnat, et si dans certains jeux, le multijoueur rattrape un mode solo un peu faiblard, ici ce n'est vraiment pas le cas. Donc, cette fois encore, affaire classée, ce n'est pas un reproche recevable, la parole est à la défense.

Un autre dossier plus délicat est la mention « online function » un peu trompeuse. En effet, elle peut amener le joueur à la déception quand il se rend finalement compte, modem branché, que ce mode est juste là pour proposer quelques défis supplémentaires (comme si le jeu n'en proposait pas suffisamment !) et en aucun cas, il ne permet d'affronter d'autres joueurs via le net :-(. Mais bon, la plupart des joueurs connaissaient avant M.S.R. la réelle signification du « online function » inscrit sur la jaquette de nombreux jeux DC, Sonic Adventure - entre autres - étant déjà passé par là.

Heureusement, Chuchu Rocket et surtout (par la suite) Phantasy Star Online proposèrent un vrai jeu on line digne de ce nom. La vraie déception pourrait venir des différentes annonces faites pendant le long développement du jeu. À la base, le joueur devait pouvoir se déplacer librement dans les 3 villes, entièrement modélisées, un peu comme dans (les) Crazy Taxi. Mais pour résumer, M.S.R. fait un peu office d'anti-Crazy-Taxi, le jeu d'arcade par excellence : conduite bourrin, tout dans le fun et le score, pas réaliste pour deux sous... Non pas que C.T. ne puissent pas plaire aux mêmes personnes, au contraire, ces deux jeux diamétralement opposés répondent à différentes envies pour différents moments. L'un pour décompresser 20 minutes, l'autre pour s'installer pendant des heures. Ils se complètent même admirablement bien dans une ludothèque. Donc, pour parer à toutes vos envies de conduite, achetez aussi Crazy Taxi ! ;-) Voilà, nous venons sans doute de passer en revue les défauts mineurs de ce jeu (si l'on peut vraiment appeler cela des défauts). Non, décidément, même ce paragraphe ressemble à une éloge. Il est vraiment temps de conclure.

E.T.C.

Et Tombe la Console... Rien ne va. Disposant d'un catalogue riche et sans cesse renouvelé - grâce à des jeux comme celui ci - les ventes de la DC sont plutôt bonnes, et les joueurs demeurent satisfaits. Oui mais voilà, Sega est endetté et le couperet tombe ! Février 2001 (soit juste quelques semaines après la sortie de M.S.R.), le mythique fabriquant de hardware devient exclusivement développeur de jeux. En quelques mois, la Dreamcast est abandonnée - ou presque. La suite pour Bizarre Creations sera donc sur XBOX, avec Project Gotham Racing (voir notre article sur ce jeu), accueilli à bras ouverts par un Microsoft avide de licences exclusives. Plein de caisses, plein de circuits, toujours plus beau, toujours plus long. On parle d'un pilotage encore plus jouissif, d'une difficulté moins bien dosée... Bref, vous l'aurez compris pour découvrir la suite, il faudra passer du coté vert-fluo de la force.

Project Gotham Racing reprend le principe des Kudos et la parenté graphique est évidente.

Quant à M.S.R. il reste plusieurs années après sa sortie un souvenir videoludique impérissable pour tout ceux qui y ont joué. Enfin, l'expression exacte serait plutôt « pour tous ceux qui y joué longtemps », car oui, et pour conclure, M.S.R. n'est pas un jeu qui dévoile sa profondeur dès les premières minutes, ni même dès les premières heures. Il faut vraiment insister pour se rendre compte de sa richesse, et de l'investissement en temps qu'il impose. La durée de vie est tout simplement astronomique, sans équivalent. 250 circuits, soit 25 chapitres de 10 challenges chacun, à réaliser plusieurs fois pour pouvoir avancer. Changer les voitures, gérer les places de son garage, avoir parfois moins de Kudos que la veille. C'est un jeu dont le mode solo occupe aisément plus d'une centaine d'heures pour celui qui insiste. Pour la première fois dans l'histoire des jeux vidéo, la critique a même osé considérer la trop grande durée de vie d'un jeu comme un éventuel défaut !

Bref, un jeu exceptionnel, 200 Mhz superbement exploités qui finiront sans doute au Panthéon vidéoludique des jeux de courses. M.S.R., Méga Super Respect !

Notes sur les auteurs du jeu

Bizarre Creations, société basée dans le nord-ouest de l'Angleterre, a travaillé trois ans sur MSR. Le chef de projet, Martyn Chudley, a débuté sur Amiga en 1988 avec le jeu The Killing Game Show, édité par Psygnosis et développé par sa première société, Raising Hell Software. Par la suite, Raising Hell a développé les jeux Fatal Rewind (une conversion de Killing Game Show) et Wiz'n Liz, tous deux sur Megadrive.

Lorsque la Playstation est sortie, Psygnosis a fait partie des éditeurs européens les plus sollicités par Sony, et tous les développeurs britanniques ont eu du pain sur la planche. Chudley en a profité pour agrandir son équipe, qui est devenu Bizarre Creations. Le hit suivant du studio est Formula 1, développé en 14 mois et sorti en 1996 sur PSX, toujours édité par Psygnosis. L'année suivante, l'accueil réservé à la suite, Formula 1 '97, sera encore plus triomphal, confortant Chudley et ses associés dans leur nouvelle spécialité : les jeux de course.

Début 1998, lorsque le studio est approché par Sega pour offrir à la Dreamcast un hit européen, il comprend 20 personnes. Le but est principalement de proposer un jeu de course aussi incontournable que Gran Turismo 1 et 2 sortis sur Playstation tout en mettant en avant la puissance de la 128-bits Sega par des graphismes évidemment beaucoup plus impressionnants. MSR, en dépit des éloges qu'il reçoit à sa sortie, ne parviendra pas totalement à convaincre le grand public, trop différent de ce qui avait été annoncé (toujours la fameuse communication déficiente de Sega) et peut-être trop complexe dans son principe de jeu. Sega GT, sorti un an plus tard sur une Dreamcast dont la production a déjà cessé depuis plus de 8 mois, fait figure de concurrent direct pour Gran Turismo 3 sorti entre temps sur PS2, mais ne fait guère couler d'encre (il sera suivi de Sega GT 2002 sur XBox).

Michael
(18 novembre 2002)
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