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Nintendo 64
L'accouchement difficile et le parcours d'une console qui, malgré des ventes excellentes, passe souvent pour un échec commercial.

Dans les semaines qui suivent la sortie japonaise, Nintendo met l'accent sur Super Mario 64, qui est non seulement une totale réussite, mais en plus une valeur commerciale sûre de l'écurie Nintendo depuis longtemps. Ce jeu, et notamment l'usage qu'il fait du contrôle au mini-stick analogique, peut être considéré comme la base de ce que seront les jeu de plate-forme après le passage obligatoire à la 3d, et va surtout améliorer considérablement l'image de la N64. Le souvenir des heures fabuleuses passées sur les titres phares de l'éditeur avec ses consoles précédentes permet ainsi à Nintendo de vendre un nombre très satisfaisant de consoles, malgré le peu de titres disponibles et la supériorité technique finalement pas si évidente sur la PlayStation et la Saturn. Rien que le 23 juin, et avec un line-up de seulement 3 jeux (Super Mario 64, PilotWings 64 et Shogi Chess), la N64 s'est vendue à 300.000 exemplaires dans son pays d'origine, et le même nombre (ou presque) de cartouches de Super Mario 64 ont trouvé preneur.

Super Mario 64, le jeu qui a sauvé la N64.

Ce très bon démarrage va permettre à Nintendo, comme pour s'excuser de ses retards à répétition, de baisser le prix de la consoleà 199$ (sans jeu inclus) pour ses sortie américaine et européenne le 29 septembre, et d'y vendre très vite les 500.000 exemplaires expédiés. En revanche, Killer Instinct n'est jamais sorti en version N64. Rare a entre temps développé Killer Instinct 2, toujours en arcade, adapté sur N64 sous le titre Killer Instinct Gold. Ce jeu, tout comme la version N64 de Cruis'n USA, ne sera mis en vente qu'en novembre, alors que depuis le début Nintendo les promettait pour le day one. Dans les deux cas la réalisation n'est pas aussi impressionnante que celles des bornes arcade, ce qui était prévisible, mais finalement anecdotique.

Durant les 4 années suivantes la N64 va connaître, notamment grâce à Rare et Nintendo qui lui fourniront une belle brochette de hits (dont on va parler plus loin), une belle carrière, mais n'atteindra jamais les mêmes sommets que la PlayStation. Elle fera toutefois beaucoup mieux que la Saturn et la Dreamcast et Nintendo s'en est très bien sorti sur le plan financier. Mais le géant de Kyoto, dans l'opération, a dû abandonner le leadership du marché des consoles à Sony, société pour qui le jeu vidéo n'est qu'une activité parmi d'autres et qui en remet en question le public... Un changement de position plutôt humiliant, dont Nintendo aura du mal à se remettre en termes de gestion d'image.

Le support cartouche entraînait, par rapport au CD-ROM, un surcoût d'environ 15$ par exemplaire et des délais de production plus longs mais permettait de n'équiper la console que de 4Mo de RAM et réduisait les temps de chargement. Etait-il une garantie contre le pirate ? Rien de moins sûr.

Jusqu'à la fin de sa carrière en 2002, la N64 a continué d'être alimentée en jeux de qualité. Ceux-ci n'ont, hélas, jamais vu leur prix baisser d'un iota (environ 450fr, soit 70€) à cause du support cartouche. Celui-ci a causé un autre problème : deux ans après la sortie de la console les premiers émulateurs sont apparus, notamment UltraHLE, et ont très vite fait fonctionner un grand nombre de titres dont les versions dématérialisées, relativement légères, pouvaient être téléchargées même avec une connexion RTC. La PlayStation a, de l'avis général, profité du piratage grâce aux bricoleurs et commerçants complaisants qui la modifiaient pour qu'elles accepte les CD copiés, freinant les ventes de jeux mais pas celles des consoles. Mais pour la N64, sachant qu'un seul CD-ROM permettait de stocker une trentaine de jeux et que ceux-ci tournaient très bien sur un PC raisonnablement puissant armé d'une simple 3dFX, les choses en ont été tout autrement. C'est à cette époque, et avec cette console que l'émulation est passée, chez certains, de la nostalgie bon enfant au piratage avéré de jeux encore commercialisés.

64DD et Expansion Pak.

Une N64 posée sur un 64DD.

Le 64DD, présenté en 1996 au Nintendo Space World est une belle idée. Un lecteur de disques magnétiques réinscriptibles pour N64 lui ajoutant du même coup un modem et une souris. Le 64DD est sorti au Japon, au mois d'août 2000, en même temps qu'un service Internet, Randnet, permettant de jouer à des jeux on-line. Huit jeux sont même sortis, sur CD, principalement des outils de création : Talent Maker, Picture Maker, Polygon Maker, etc. Hélas, le succès au Japon n'a pas atteint les espoirs de Nintendo, et tout cela a vite été abandonné. C'est vraiment dommage, car le 64DD aurait pu permettre à la N64 de faire taire ceux qui lui reprochaient l'usage du support cartouche.

Quant à l'Expansion Pak, il s'agit d'une carte qui vient s'insérer dans le port d'extension de la N64. La RAM de la console passe alors de 4 à 8 Mo, ce qui permet d'améliorer les graphismes de certains jeux, de lancr des titres comme The Legend of Zelda: Majora's Mask ou Donkey Kong 64 qui ne peuvent fonctionner qu'avec, ou débloquer certains modes de jeux dans des titres comme Perfect Dark ou StarCraft 64.

Les jeux

Trouver de bons jeux pour une console Nintendo n'a jamais été un problème, quelque soit le modèle. Si la N64 a inquiété tout le monde par le peu de titres disponibles à l'époque de son lancement, la qualité de ceux-ci, notamment de Super Mario 64, a permis de patienter et par la suite plus de 375 cartouches sont apparues. C'est peu comparé aux 1100 jeux que la Playstation affichait en fin de carrière, mais la qualité est dans l'ensemble au rendez-vous.

The Legend of Zelda: Ocarina of Time et Banjo Kazooie.

En dehors des créations de Nintendo, comme The Legend of Zelda : Ocarina of Time, Starfox 64, Paper Mario, 1080 Degrees Snowboarding, Mario Kart 64, Mario Party, Pokemon Stadium, Mario Tennis, Wave Race 64, Yoshi's Story, F-Zero X ou The Legend of Zelda: Majora's Mask (qui fut le dernier gros titre à sortir sur N64), et qui sont de grands jeux, on note aussi de vrais bijoux signés Rare comme Goldeneye 64, qui a longtemps été le seul bon FPS sur console, Banjo Kazooie, Conker's Bad Fur Day, Banjo Tooie, Donkey Kong 64, Diddy Kong Racing ou Perfect Dark.

Paper Mario et Resident Evil 2.

Les autres développeurs ne sont pas en reste avec les quatre épisodes de Turok par Acclaim, WWF Wrestlemania 2000, Resident Evil 2 de Capcom (dont la version N64 propose plus de contenu que celle sur PSX, c'est assez rare pour être signalé), ou Rocket: Robot on Wheels (développé par Sucker Punch Studios) qui met en scène un petit robot muni d'une seule roue pour se déplacer dans un univers très coloré, et joliment animé. Jet Force Gemini, toujours de Rare mais moins connu, est un jeu de tir en 3d redoutable, d'une réalisation excellente.

F-Zero X et Rocket: Robot on Wheels.

Rayman 2: The Great Escape, d'Ubi Soft, bien que plus linéaire que Super Mario 64, procure un plaisir indéniable car la difficulté est savamment dosée et les graphismes somptueux. Super Smash Bros est édité par Nintendo mais crée par Hal Labs. Il s'agit d'un jeu de combat faisant intervenir les personnages les plus célèbres des jeux Nintendo.

Legend of Zelda: Majora's Mask et Jet Force Gemini.

Néanmoins, on ne peut faire un bilan de la ludothèque Nintendo 64 sans mentionner les jeux dont elle aurait dû, succédant aux deux consoles les plus populaires des années 85-95, être le support privilégié mais qui lui ont échappé à cause du stockage limité sur cartouche : Final Fantasy VII, prévu à l'origine sur Super NES puis transféré sur N64 dans le but de passer à des graphismes 3d, est devenu une exclusivité PlayStation alors que ses premiers prototypes avaient été développés sur des stations SGI. L'affaire provoqua une dispute mémorable entre Nintendo et l'éditeur Square. Metal Gear Solid est également sorti sur PSX après deux premiers épisodes surtout connus sur NES. La série des Castlevania n'a été présente sur N64 que le temps de deux épisodes très secondaires, et celle des Dragon Quest est passée directement de la SNES à la PlayStation avec le 7e volet. Resident Evil 2 n'est arrivé sur N64 que début 2000, deux ans après sa sortie sur PSX, car la conversion a été compliquée. Electronic Arts n'a sorti que 25 jeux N64 en tout, donc 5 éditions de Madden NFL et 3 FIFA...

Cette fuite des éditeurs tiers a forcé la firme de Kyoto à redoubler d'efforts pour soutenir sa console, et a habitué le public à n'acheter pratiquement que des jeux Nintendo sur les consoles Nintendo. Ce phénomène, ajouté au succès monumental de Super Mario 64 et Mario Kart 64, est à l'origine d'une association systématique et réductrice, nocive même, entre les consoles Nintendo et le plombier moustachu. Ce n'était pas le cas à l'époque de la NES et la Super NES.

Conclusion

Il est tentant de considérer la Nintendo 64 comme un accident industriel. L'entêtement sur le support cartouche, l'avance technologique sapée par les retards de sortie, les exclusivités perdues, la concentration des ventes sur les jeux Nintendo, un parc installé moindre que celui de la SNES... les arguments contre cette console font mal. Mais il ne faut pas les dramatiser à l'excès. La vérité est que d'autres constructeurs, à commencer par Sega, auraient à l'époque volontiers signé pour que leur console connaisse un parcours similaire.

Avec le recul, on retiendra surtout de la N64 une bonne cinquantaine de jeux exceptionnels, avec lesquels Nintendo a posé les bases de son game design pour les années 2000, et des innovations techniques et ludiques en plus grand nombre que sur SNES. Le support cartouche était un anachronisme qui a disparu tout de suite après, du moins sur les consoles de salon, mais l'utilisation de sticks analogiques sur un gamepad, la présence de bons FPS sur consoles et les jeux de plate-forme favorisant l'exploration, tout cela on le doit à la N64. Après elle, les jeux vidéo sur console n'ont plus tout à fait été les mêmes.

Laurent
(28 avril 2004)
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