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Nintendo NES
1983 - 1994
Venue du Soleil Levant, la renaissance des consoles de jeux s'appelle NES, un méga-succès que Nintendo n'a jamais pu égaler par la suite.
Par Laurent (19 mai 2004)

Je ne sais pas quel âge vous aviez lorsque la Nintendo NES est sortie, mais le fait est que vous avez maintenant près de 20 ans de plus. Si vous êtes un hard-core gamer, ou video-game maniac (appellation locale), il est fort probable que vous ayez eu au moins une console Nintendo dans votre vie, et au vu des chiffres, la probabilité la plus forte est qu'il se soit agi d'une NES, ou Nintendo Entertainment System, modèle Nintendo de salon le plus vendu dans les années 80-90, et facteur déterminant de l'installation définitive des consoles sur le marché du divertissement à partir de 1985, après qu'elles aient connu une période de disgrâce marquée par la fin des VCS, Colecovision et Mattel Intellivision, obsolètes, surexploitées et effacées par les micro-ordinateurs, plus performants et porteurs de technologies nouvelles.

Genèse

L'Histoire de la NES/Famicom commence en 1981 lorsque Hiroshi Yamauchi, président de Nintendo, demande à Masayuki Uemura et ses ingénieurs de travailler sur une nouvelle console qui serait plus puissante et prometteuse que les Color TV Games vendus jusque là avec un certain succès au Japon par Nintendo (voir dossier Nintendo). La machine serait censée utiliser différents jeux sur cartouches ou disquettes, à l'instar des systèmes lancés avec succès par Magnavox et Atari dans les années 70. L'accent serait mise sur son prix de revient, dans le but de la vendre moins cher que la concurrence tout en offrant de meilleurs jeux. Le prix d'achat alors envisagé est de 9800 yen, soit 75$. Devant cette contrainte, Uemura doit renoncer à son idée initiale d'incorporer un microprocesseur 16-bits dans la console, et se rabat sur un 8-bits, technologie qui commence à vieillir un peu (l'Intel 8008, en 1972, était déjà un 8-bits).

Hiroshi Yamauchi et Masayuki Uemura.

L'équipe de développement commence par étudier en profondeur le fonctionnement des jeux d'arcades de Nintendo pour trouver la clé de la puissance à bas prix. Ils fixent leur premier choix sur le processeur Ricoh 2A03 à 1.79Mhz (un clone du 6502 de MOS Technology) qui est loin d'être le dernier cri, auquel sera adjoint un processeur graphique, le PPU (Picture Processing Unit), afin d'en alléger la tâche. Ils rencontrent des représentants d'entreprises fabriquant des semi-conducteurs dont aucune ne semble intéressée par le projet dans un premier temps. Nintendo essaie de faire baisser les prix de ses sous-traitants en leur promettant d'énormes commandes, mais la plupart refusent le pari, à l'exception de Ricoh, encore une fois, qui accepte de fabriquer le PPU à 2000yen la pièce, confiant dans les promesses faites par Yamauchi de vendre 3 millions de consoles, alors que les Color TV Games n'ont pas dépassé le million d'exemplaires. La mémoire vidéo de la console est fixée à 2 Ko pour des raisons de coût, encore, et les périphériques envisagés (clavier, modem, lecteur de disquettes) sont abandonnés pour les mêmes raisons. La console sera néanmoins équipée d'un port d'extension permettant de connecter de tels appareils par la suite.

En juillet 83, Nintendo lance la console au Japon sous le nom de Famicom, raccourci de Family Computer, un nom qui reflète l'ambition de Nintendo de commercialiser à terme un véritable système micro-informatique. Le prix de vente (14.800 yens / 100$) est légèrement supérieur aux exigences initiales, mais tout de même deux fois plus bas que celui constaté en général pour une console. La Famicom connaît un succès considérable, quasiment sans concurrence (les Sega SG-1000 et Master System ont bien du mal à décoller). Mais la commercialisation à une échelle planétaire est une autre paire de manches, et Nintendo commence à étudier sans se précipiter la meilleure tactique pour lancer la console aux USA, ou Atari règne sans partage sur l'industrie du jeu vidéo.

La Famicom.

Courant 1983, Nintendo cherche un moyen de s'allier avec Atari. Pourtant, c'est cette année-là que le géant américain, bien qu'ayant vendu 20 millions de consoles Atari VCS 2600, commence à décliner. La 5200 SuperSystem, qui devait succéder à la vieillissante 2600, est un flop cinglant. A cause de la volonté d'Atari d'attirer un maximum d'éditeurs tiers sans se montrer très regardant sur leurs compétences, le parc de cartouches pour 2600 est inondé de mauvais jeux qui nuisent à son image, et le nouveau PDG, Ray Kassar, qui a succédé à Nolan Bushnell, manque de clairvoyance (il est d'ailleurs en voie d'être congédié). Nintendo of America n'a pas les reins assez solides pour distribuer la Famicom, qui doit s'appeller Nintendo Advanced Video System (AVS), dans le nouveau monde, et Hiroshi Yamauchi offre à Atari le contrat. Atari est présent sur le marché depuis longtemps, connaît tous les réseaux de distribution et pourrait, sans toutefois remettre en cause l'appartenance de l'AVS à la famille Nintendo, en garantir le succès aux USA.

Le développement de la 7800 ProSystem, console puissante devant faire oublier l'échec de la 5200, étant mis en priorité absolue chez Atari, l'alliance ne se fera pas. De plus, Nintendo a déjà signé auparavant des accords avec Coleco, un concurrent d'Atari, pour que ce dernier sorte une version de Donkey Kong (un des plus gros succès de Nintendo) sur Coleco Vision, ces droits ne concernant qu'une exploitation sur console. Or, Coleco vient de sortir l'Adam, un micro-ordinateur basé sur le hardware de la Coleco Vision qui arbore dans ses publicités et ses apparitions en magasin le même Donkey Kong, contre les accords passés avec Nintendo. Les dirigeants d'Atari sont furieux et se hâtent d'attribuer la faute à Nintendo qui selon eux fait double jeu pour mieux s'implanter aux USA. Le divorce Nintendo-Atari devient inévitable, un choix que les dirigeants d'Atari seront amenés à regretter par la suite.

Une console jouet

Au moment où survient l'échec de l'alliance Nintendo-Atari, l'industrie du jeu vidéo connaît une très mauvaise passe. C'est le célèbre video game crash de 1983-84. Les prix de tous les produits, consoles, jeux, baissent de jour en jour et les magasins de jouets commencent à les retirer de leurs étalages. Seul Nintendo échappe au désastre grâce aux ventes de la Famicom au Japon, si florissantes qu'on peut presque parler de phénomène de société. BigN est le seul à pouvoir sauver ce qui fut un marché très lucratif, avec sa console et son parc de jeux déjà bien fourni et de qualité, malgré la réticence initiale de Yamauchi à laisser libre cours aux éditeurs tiers (l'exemple d'Atari en la matière l'a refroidi). Le problème est de convaincre les revendeurs américains de promouvoir le produit, et Nintendo pense que la solution passe par une modification du design extérieur de la console à l'occasion de sa sortie aux Etats-Unis et en Europe.

La NES telle qu'elle fut présentée en 1984 au public américain, avec un nom et des périphériques abandonnés par la suite.

Au CES de 1984 à Las Vegas, l'AVS (Advanced Video System) est présenté en grande pompe dans la pure tradition Nintendo. Dans un premier temps, les marchands de jouets sont sceptiques. Malgré la volonté d'innovation que tout cela dégage, il s'agit du même genre de produit que tous ceux qui se sont plantés durant les mois qui ont précédé. Avant la sortie, Nintendo of America bouleverse donc de nouveau la console et son marketing, pour la rendre plus attrayante, plus proche dans l'esprit des jouets que Nintendo fabrique depuis plusieurs décennies. Tout d'abord, ce sont les traditionnels joysticks devant accompagner l'AVS qui sont abandonnés au profit des gamepads de la Famicom, inspirés du système de contrôle des Game&Watch de Nintendo, et basés sur l'utilisation de quatre boutons directionnels plutôt qu'un joystick (on doit l'invention à Gunpei Yokoi). C'est aussi lors de cette phase de pré-lancement qu'est ajouté le pistolet optique, ainsi qu'un petit robot nommé R.O.B (Robotic Operating Buddy). Il ne s'agit plus d'une console transformable en ordinateur comme se voulait la Famicom, mais d'un ensemble totalement dévolu au jeu, qui explique la nouvelle appellation, Nintendo Entertainment System (NES). Le but est de faire table rase des consoles du passé, et même les cartouches de jeu seront appelées Game Pak, et pas cartridges, afin de ne pas associer le produit à la concurrence, affublée d'une image de perdant.

Aparté sur le R.O.B, par Carl

Le robot de la NES servait à jouer a des jeux comme Gyromite et Stack Up.Il fallait utiliser le robot pour realiser des actions à l'écran. Pour Gyromite, on dirigeait le robot par le biais de la manette, qui envoyait les infos par un flash de l'écran... R.O.B prenait une toupie, la mettait dans un trou qui la faisait tourner et il fallait la poser sur un socle qui appuyait sur le bouton de la manette no2, que tenait le robot... En appuyant sur le bouton, le robot faisait monter ou descendre des poteaux qui empechaient le joueur de passer... En bref, il fallait etre synchro et c'était plutôt difficile, donc le robot à fini par prendre la poussiere et le jeu se jouait surtout à deux (un qui controle le robot et l'autre qui s'occupe des poteaux), ce qui entrainait souvent des gueulantes plutôt correctes (rarement par inadvertance si vous voyez ce que je veux dire...).

Décollage

Tout comme l'AVS l'année précédente, la NES, prête à la commercialisation américaine, suscite lors de son apparition au CES d'été 85 des réactions plutôt tièdes. Le président de Nintendo, Hiroshi Yamauchi, connu pour son entêtement, ne perd pas confiance pour autant et ordonne une phase de test marketing. La console est lancée dans la seule ville de New York afin de tester les réactions du public. Pour le moins rétifs au départ, les magasins de jouets new-yorkais vont, dans les mois suivants, se mettre peu à peu en contact avec Nintendo, le premier étant Toys'R'us en octobre 85. Des kiosques d'exposition de la console y sont installés, invitant les passants à l'essayer. Dans les semaines suivantes, la console se répand un peu partout dans la ville et l'opération se soldera au final par 50.000 exemplaires vendus qui confirment que le succès est possible. D'autre villes comme Los Angeles ou Chicago sont ainsi testées, des publicités télévisées sont diffusées, et le lancement dans tous les USA est finalement décidé pour janvier 1986, assuré par un budget de 50 millions de dollars. Avant la fin de l'année, un million de NES sont vendues aux USA, chiffre qui grimpera à 2 millions en 1987 et 5 millions fin 1988.

En Europe, la NES arrive début 87. Nintendo of America en a confié la distribution à Mattel, qui prend un peu l'affaire par dessus la jambe et informe mal le public et la presse : la NES et la Sega Master System sont ainsi perçues par le public européen comme deux choix potentiellement équivalents, ce qui permettra à Sega de grapiller d'encourageantes parts de marché. Ainsi trouve-t-on aujourd'hui (dans les milieux autorisés) de nombreux joueurs français qui ont, à l'époque, opté pour la console de Sega sans se douter que la NES était la star incontestée dans son pays d'origine. Sans ce malentendu, personne ne peut dire si Sega aurait persisté dans la fabrication de consoles, tant Nintendo à dominé les choses par la suite.

Une Famicom posée sur le Famicom Disk System : une arme redoutable pour vendre les jeux à bas prix et maintenir les joueurs en effervescence. Seuls les Japonais auront le plaisir de s'en servir.

Pendant ce temps au Japon, la Famicom continue son ascension fulgurante. Adultes comme enfants se l'arrachent dans les Famicom shops. Ce qui n'était qu'un simple produit est devenu un concept commercial très porteur et déclinable sous de nombreuses formes, dans lequel toute l'industrie japonaise du loisir électronique est prête à s'impliquer. Le jeu Super Mario Bros. (sorti en septembre 85), créé par Shigeru Miyamoto (père de Donkey Kong et futur designer-phare chez Nintendo) a montré une nouvelle voie créative qu'ont suivi de nombreux éditeurs (Hudson soft, Konami, Capcom, Bandai...). Hiroshi Yamauchi finit par accepter que ces sociétés développent des jeux Famicom, mais le contrat est redoutablement strict : Nintendo contrôle (d'une main de fer) le contenu des jeux et leur rythme de sortie, touche des royalties sur chaque exemplaire vendu, s'assure l'exclusivité NES sur toute la production de l'éditeur concerné, et fabrique toutes les cartouches. De telles conditions paraissent aberrantes de nos jours, mais elles s'expliquent à l'époque par le fait qu'entre 1984 et 1986 la Famicom a représenté jusqu'à 85% des parts de marché au Japon, et ses jeux sont pour la plupart assurés de se vendre à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires, pour un coût de développement assez faible.

Nintendo lance en février 1986 le Famicom Disk System, un périphérique permettant de lire via le port cartouche des jeux stockés sur disquette. Des Disk Writers sont même implantés un temps dans les Famicom Shops : il s'agit de bornes dans lesquelles il est possible de charger sur disquette, pour un prix très intéressant, des jeux existant en cartouche ou développés avec ce support en vue (The Legend of Zelda et Metroid sont d'abord sortis sur FDS). Le procédé sera rapidement abandonné, et donc jamais exploité aux US ni en Europe, en raison de la grogne légitime qu'il provoque chez les revendeurs et des risques de piratage qu'il implique (le fonctionnement du système exclut que les disquettes soient protégées), mais contribuera à renforcer la position dominante de la Famicom dans son pays. A la place, Nintendo misera sur les Disk Fax, des bornes comparables aux Disk Writers, mais ne servant qu'à communiquer à Nintendo des scores enregistrés sur les disquettes des jeux. Le but est d'organiser des concours à l'occasion desquels Nintendo distribue des récompenses sous la forme de petits cadeaux divers. Les joueurs sont ainsi stimulés et forment peu à peu une communauté. Encore une fois l'idée est innovante, ludique et réjouissante, l'investissement minimal, le risque quasi-nul et le gain substanciel : c'est du Nintendo pur sucre, et le cas fera école par la suite.

La clé du succès : les jeux

Exemples de jeux NES : Bionic Commando et Rampage.

Si les consoles ultérieures de Nintendo, en particulier la N64, ont été voulues puissantes par leurs concepteurs, il n'en est pas de même pour la NES dont le chiffre le plus en vue sur le cahier des charges des développeurs est le prix de vente. Il faut dire que la console arrive sur un marché mourrant, et il s'agit d'en écouler le plus possible pour relancer toute une mécanique. Ainsi, le hardware de la NES est à peine plus puissant que celui du Standard MSX, qui était à la peine sur les adaptations de jeux d'arcade. Elle peut afficher une résolution de 256x224 en 16 couleurs (sur 52), 64 sprites de 8x8 simultanément et possède 2 Ko de RAM et 32 Ko de mémoire vidéo. Quant au son, il s'avère plus prometteur avec ses 5 voies monophoniques. Ces spécifications plutôt chiches ne l'empêcheront cependant pas de proposer des jeux de bonne qualité auxquels on peut encore prendre du plaisir à jouer aujourd'hui (la NES est parfaitement émulée sur divers systèmes et il est très facile de s'en procurer une avec des dizaines de cartouches), à commencer par les titres issus des studios R&D de Nintendo, qui a posé sur cette console les bases de son patrimoine vidéoludique.

Flight of The Intruder et Super Mario Bros 3.

Il faut aussi rappeler que contrairement à Atari, Mattel et Coleco, Nintendo a su encadrer le développement, par des sociétés diverses (ce qu'on appelle des éditeurs tiers, ou third party editors en anglais), de titres NES, ce qui a entraîné une concurrence bénéfique pour le nombre et la qualité des jeux, ainsi que pour Nintendo qui s'est enrichi sur chaque cartouche vendue même sans en être à l'origine grâce à l'obligatoire label de la marque figurant sur le produit (voir article sur Nintendo).

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