Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Simbabbad (02 février 2022) Pac-Man Championship Edition et Pac-Man Championship Edition DX, sortis respectivement en 2007 et en 2010, ont été d'énormes coups de maître de Namco : les deux jeux ont su tirer pleinement parti des débuts de la vente de jeux dématérialisée et du grand mouvement "néo-rétro" de 2010, devenant de véritables références avec un succès populaire et critique important. Les jeux ont aussi spectaculairement revigoré la franchise Pac-Man, qui après Pac-Land avait plutôt pris l'habitude de se servir de la grosse boule jaune pour habiller les idées des autres. Le génie de Pac-Man Championship Edition a été de revenir aux bases du premier Pac-Man, mais en changeant leur contexte : au lieu de tenir le plus longtemps possible dans une (quasi) infinité de labyrinthes, le but est devenu l'obtention du plus gros score possible en 5 ou 10 minutes dans un labyrinthe qui se renouvelait moitié par moitié. Ce décalage depuis une logique d'endurance vers une logique de performance, voisin de ce que Super Meat Boy allait faire au sein du jeu de plateformes, a considérablement dynamisé la formule traditionnelle de Pac-Man. Six ans après Pac-Man Championship Edition DX et neuf ans après Pac-Man Championship Edition, une suite a finalement été publiée par Namco, Pac-Man Championship Edition 2. Les réactions à l'annonce de cette sortie ont été très enthousiastes : le public comme les critiques semblaient convaincus que le jeu révolutionnerait une nouvelle fois Pac-Man et deviendrait un nouveau classique du néo-rétro. Mais quand tout ce petit monde a pu y jouer, ça a été la douche froide : les critiques furent perplexes, et la plupart des joueurs ont ressenti de la déception, de la confusion, de l'agacement, voire de la colère. Pour ma part, après une première approche très positive, le jeu m'a progressivement toujours plus exaspéré, jusqu'à me retrouver sur le point de le désinstaller et de l'effacer définitivement de ma ludothèque Steam. Et puis, après avoir finalement choisi de lui laisser le bénéfice du doute, après avoir persévéré et avoir effectué des recherches, tout s'est emboîté pour former un ensemble cohérent, et j'ai enfin pu profiter du jeu jusqu'à décrocher avec plaisir des notes 'S' dans chacun de ses parcours. Aujourd'hui, je le préfère au premier Pac-Man Championship Edition, et je vais autant que possible essayer de vous expliquer pourquoi... FrankensteinComme dans toutes les histoires de monstres incompris, il faut s'intéresser à la genèse de Pac-Man Championship Edition 2 afin de comprendre son destin tragique. En l'absence de confidences de l'équipe de développement, on doit se contenter des constats que l'on peut tirer de l'étude de son gameplay, constats qui suggèrent un processus de création assez particulier... Pendant l'essentiel de l'histoire du jeu vidéo, la création du nouveau jeu d'une franchise à succès a suivi trois grandes méthodes :
En 30 ans d'histoire vidéoludique, l'exploitation répétée de ces méthodes a eu l'inconvénient de diluer la pureté et l'efficacité des concepts les plus vintage ; on se retrouvait ainsi avec des suites (littérales ou spirituelles) trop compliquées et trop éloignées de ce qui avait fait le succès des jeux originaux. Pour contrer cette tendance, le mouvement "néo-rétro" a inventé une méthode qui allait complètement à rebours des dogmes de son époque :
Pac-Man Championship Edition a fait très exactement cela avec Pac-Man, puis Pac-Man Championship Edition DX a fait cela avec son prédécesseur, et on peut aussi citer Pac-Man 256 et Pac-Man 99 qui eux aussi reviennent au Pac-Man des origines avec un "twist" qui le modifie radicalement. Une autre franchise vénérable a suivi la même méthode : Space Invaders Extreme a ainsi ressuscité Space Invaders, série alors au point mort. Pour rappel, quand Pac-Man Championship Edition est sorti en 2007, les deux derniers jeux Pac-Man étaient Pac-Man World 3 et Pac-Man World Rally - sacré virage pour la boule jaune ! Pac-Man Championship Edition 2 n'a pas été conçu en suivant l'une des quatre méthodes décrites plus haut, en fait, le jeu est un vrai petit cas d'école... c'est comme si les dirigeants de Namco étaient venus voir leurs équipes de développement pour leur dire : "L'édition DX a très bien marché, faites-nous la même chose, mais en différent.", puis que les développeurs avaient mis l'édition DX sur une table de dissection, l'avaient découpée morceau par morceau, et s'étaient demandés, pour chaque morceau : "Mouais, par quoi pourrait-on remplacer ça ?", après quoi tous les substituts auraient été cousus ensemble en espérant que le résultat soit viable (optimisme digne du docteur Frankenstein). Plus concrètement, Pac-Man Championship Edition 2, malgré son nom, n'est pas la suite de Pac-Man Championship Edition, il s'agit en quelque sorte d'une version alternative de Pac-Man Championship Edition DX : on retrouve ici les bases de Pac-Man dynamisées par du scoring en temps limité (toujours 5 minutes par défaut), les fantômes endormis qui se réveillent pour rejoindre une "queue" (ou un "train") après que Pac-Man les ait frôlés, un rythme de gameplay hypernerveux, la simplicité d'un parcours de pastilles optimal explicite façon "reliez les pointillés" (alors que le Pac-Man Championship Edition original proposait des parcours non linéaires plus traditionnels)... Ces éléments sont toujours là, mais de nombreuses mécaniques ont donc été remplacées par des équivalents approximatifs :
Si vous avez du mal à visualiser comment tous ces éléments fonctionnent ensemble, c'est normal, c'était le sentiment général à la sortie du jeu, et les choses ne se sont pas améliorées avec le temps... La preuve la plus flagrante que Pac-Man Championship Edition 2 a échoué à offrir une formule ludique intuitive, c'est son tutoriel obligatoire : quand on démarre le jeu, ses deux modes de jeu ("Chasse aux points" et "Aventure") sont en effet verrouillés ; on doit compléter un tutoriel composé de dix-huit (!) étapes (structurées en deux chapitres) avant d'être autorisé à jouer. J'insiste : il y a un tutoriel obligatoire de dix-huit étapes dans un jeu de labyrinthe avec Pac-Man ! Si ce tutoriel permettait de bien comprendre comment les mécaniques exposées s'articulent entre elles, ce serait un moindre mal, mais on y saute laborieusement dans des cerceaux sans aucune vision d'ensemble... et quand enfin tout est fini et que l'on peut jouer... "j'ai rien compris", "on n'y voit rien", "ça va trop vite", "on se cogne de partout", "manger les fantômes repose sur la chance", "les contrôles sont abominables", "ça n'a plus rien à voir avec Pac-Man" - pour le dire sobrement, le grand public n'a pas vraiment adhéré à la formule ; et quant aux vétérans des deux Championship Edition précédents, ils se divisent en deux catégories : d'un côté, ceux qui préféraient le premier opus et qui se sont sentis floués lorsque le jeu, malgré son nom, s'est révélé être une variante de l'édition DX ; et de l'autre côté, ceux qui préféraient l'édition DX et qui ont eu l'impression de s'être fait revendre le même jeu en moins bien (et en plus bizarre). Personne n'était content ! Que l'on connaisse ou non la série des Pac-Man Championship Edition, Pac-Man Championship Edition 2 est apparu comme le résultat d'une session de brainstorming un peu désespérée, façon "ils ne savent plus quoi inventer", ce qui n'augurait rien de bon pour la série. Les phases où l'on doit manger les fantômes, en particulier, ont braqué les gens : dès que les fantômes se mettent à aller vite, les rattraper semble effectivement très aléatoire, avec des "trains" de fantômes qui vont à toute allure dans tous les sens (une critique en ligne a évoqué à ce sujet les poursuites en fin d'épisode de Benny Hill, c'est assez bien vu). Le scoring pose aussi problème : les deux jeux précédents avaient un ranking relatif nous évaluant par rapport aux autres joueurs, alors qu'ici, notre score est noté de 'E' à 'S' de façon fixe (les montants requis pour les notes 'A' et 'S' varient selon les niveaux). Or, on ne comprend pas bien comment gagner des points : très souvent, on a l'impression d'avoir fait une bonne partie sans avoir commis d'erreur, mais on n'obtient qu'un 'A' voire un 'B'. En ce qui me concerne, j'ai plutôt aimé le jeu lorsque je l'ai découvert, son rythme, son ambiance, ses idées m'ont plu, mais cette question du scoring a fini par m'horripiler. Heureusement, j'ai alors consulté des guides, visionné des vidéos, lu des discussions, qui m'ont petit à petit permis de bien comprendre et apprécier le jeu, et il est désormais grand temps de vous faire part de mes découvertes... Petit manuel pour bien jouer à Pac-Man Championship Edition 2Comment gagner des points à Pac-Man Championship Edition 2 ? En premier lieu, il faut exposer les différences entre les trois niveaux de difficulté de "Chasse aux points", le mode principal du jeu : "Train solo" ("Single Train" en anglais) est théoriquement le plus facile puisque son rythme est plus lent et il comporte un unique fantôme actif (les trois autres sont des fantômes "factices" sur lesquels on rebondit sans danger) ; "Standard" est comme son nom l'indique le niveau "normal" ; et "Extrême" est très rapide, avec des fantômes facilement irritables qui hantent le labyrinthe à quatre dès le début, ainsi que des bonus qui nous fuient systématiquement (cf. plus haut) et aucun moyen de gagner de nouvelles vies. Quel que soit le niveau de difficulté, le scoring reprend ici les grandes lignes de la série des Championship Edition, qui elle-même les tenait de Pac-Man : dans toute la série, les points viennent en majorité des pastilles, des bonus, et des fantômes dévorés. À partir de cette base commune héritée de l'arcade, les jeux présentent cependant des équilibres différents : dans le premier opus, le score était assez également distribué par les trois composantes déjà citées ; dans l'édition DX, la quasi totalité du score s'obtenait grâce aux chaînes de fantômes ; et dans Pac-Man Championship Edition 2, le score gagné en cours de partie l'est surtout grâce aux pastilles et aux fantômes dévorés. Pour ce qui est des pastilles, les Championship Edition comportent tous un système de combo, c'est-à-dire que plus on gobe de pastilles d'affilée, plus chaque pastille a de la valeur. Dans les deux premiers volets, ce système a peu d'importance : le combo s'y arrête à 50 ou à 100 points seulement, il se casse rarement (à la perte d'une vie) et on le reconstruit assez vite ; et de toute façon, les deux jeux sont structurés de façon à ce que l'on doive gober toutes les pastilles, le score associé varie donc peu. Dans Pac-Man Championship Edition 2, le combo de pastilles monte jusqu'à 500 points, ce qui est élevé : la première pastille ne vaut qu'un point, la seconde en vaut deux, etc. jusqu'à 500 points. Quand on passe au labyrinthe suivant sans avoir nettoyé tout le labyrinthe actuel de ses pastilles (chose impossible dans les deux jeux précédents), on a un malus de 99 points de combo : si par exemple on avait un combo de 186 au moment de changer de labyrinthe et que l'on n'a pas tout dévoré dans le labyrinthe que l'on quitte, le labyrinthe suivant sera démarré avec un combo de 87 ! Et si on perd une vie, on redémarre tout le combo à zéro ! La première conséquence de ce système, c'est qu'il ne faut jamais perdre de vie : la notation 'S' est très exigeante, et repartir tout son combo à zéro alors que l'on était à 500 représente une perte potentielle d'environ 125.000 points, c'est déterminant. Si la vie a été perdue en fin de partie, c'est moins grave, mais la plupart du temps, on doit tout recommencer. Pour ce qui est maintenant des fantômes (ou plutôt, du gobage de fantômes) : dans Pac-Man Championship Edition 2, le premier fantôme que l'on dévore vaut 10.000 points, puis le suivant vaut 20.000, puis 30.000, et enfin 40.000 ; mais comme il faut de toute façon manger les quatre fantômes pour progresser, ça n'est pas significatif - ce sont tous les mini-fantômes derrière eux qui le sont. Dans la grande tradition de Pac-Man, eux aussi suivent un système de combo : le premier mini-fantômes dévoré vaut 100 points, puis le suivant vaut 200, etc. et cela monte souvent jusqu'à 6000 points - c'est beaucoup. Or, quand on quitte un labyrinthe qui n'est pas complété, non seulement notre combo de pastille régresse de 99 à cause du malus, mais on abandonne généralement derrière soi des mini-fantômes non collectés qui auraient pu valoir beaucoup de points plus tard. Si on prend la décision d'écourter le temps passé sur un labyrinthe trop long et peu intéressant, il faut donc d'abord maximiser son combo de pastilles ET essayer autant que possible de collecter les mini-fantômes du labyrinthe avant de partir, ce qui implique qu'il faut la plupart du temps NE PAS suivre le parcours de pastilles optimal du labyrinthe afin de ne laisser derrière soi que les sections les plus pauvres en mini-fantômes. La logique est ici la même que dans le premier Pac-Man Championship Edition : dans ce jeu, on était tenté de profiter de chaque super pac-gomme pour manger les fantômes à la chaîne et gagner des points, sauf que cela pouvait prendre beaucoup de temps, qui allait nous manquer en fin de partie pour avoir accès aux labyrinthes les plus juteux (où les bonus rapportent plus de points, et où les super pac-gommes sont nombreuses et permettent donc de réaliser de longues chaînes de combo). Ici, c'est pareil, sauf que la variable d'ajustement est la complétion des labyrinthes : dans les deux cas, on sacrifie des points pour en gagner davantage plus tard, mais encore faut-il bien calculer son coup... Le scoring des pastilles et celui du gobage de fantômes sont désormais détaillés, mais on doit maintenant évoquer une troisième source de score, inédite dans la série : Pac-Man Championship Edition 2 offre en effet des bonus en fin de partie, qui distribuent des points en fonction du nombre de vies et de bombes restantes. Voici donc comment fonctionne le scoring de Pac-Man Championship Edition 2... mais comment on y joue ? Nous arrivons ici au cœur du drame de ce jeu : il est unifié dans ses deux phases par une même mécanique audacieuse, mais que personne n'utilise : le FREIN. C'est le frein qui permet de naviguer sans dommage entre les trains de fantômes, et c'est le frein qui permet de gober très rapidement les fantômes quand ils paniquent sous l'effet d'une super pac-gomme. Pourtant, chaque fois que j'ai consulté une vidéo du jeu quand je peinais à décrocher un 'S' (je parle donc de vidéos montrant de bons joueurs), le frein n'était jamais utilisé, alors qu'il rend Pac-Man Championship Edition 2 tellement plus simple, plus naturel et plus fluide... Dans Pac-Man Championship Edition et Pac-Man Championship Edition DX, la maniabilité de Pac-Man et le comportement des fantômes étaient intuitifs pour n'importe qui connaissant Pac-Man : même l'édition DX, qui a changé les règles et l'esprit du jeu d'arcade jusqu'à devenir complètement autre chose, est immédiatement accessible pour un amateur de Pac-Man. Or, si les deux phases de Pac-Man Championship Edition 2 ressemblent au gameplay de Pac-Man dans ses grandes lignes, ni le héros ni les fantômes n'y suivent la même logique - si on joue à ce jeu comme à Pac-Man, l'échec et la frustration sont assurés... En ce qui concerne la phase où l'on collecte les pastilles et les mini-fantômes sous la menace de Blinky, Pinky, Inky et Clyde, il faut bien comprendre que les quatre fantômes ne cherchent pas vraiment ici à nous rattraper, mais à nous couper la route, ce qui est plutôt pertinent pour des ennemis aux allures de mille-pattes : imaginez un jeu où vous dirigez une voiture à toute vitesse dans une ville où des tramways vous passent régulièrement devant pour provoquer une collision (mais sans foncer directement vers vous), sachant que vous pouvez freiner d'un coup sec en pressant un bouton - c'est exactement ça ! De la même façon, dans la phase où l'on doit gober les fantômes, leur courir après comme dans les salles d'arcade nous fera à la fois perdre notre temps et nos nerfs : ici encore, il faut FREINER. Contrairement à ce que croient beaucoup de gens, les fantômes ne se déplacent pas ici au hasard : ils essaient de s'éloigner le plus possible de nous, et donc, si on bouge, ils ajustent sans cesse leur position en fonction de la nôtre et semblent effectivement aller dans tous les sens. Si au contraire on reste complètement immobile, comme les fantômes essaient de s'éloigner de nous mais sont verrouillés sur les rails et ne peuvent ni s'arrêter ni faire demi-tour, ils finissent fatalement par tourner en boucle... et en observant ces boucles, si nécessaire en ajustant notre position pour envoyer les fantômes vers des boucles qui nous arrangent, on peut assez facilement les piéger. Il y a même des labyrinthes où il est impossible de rattraper les fantômes si on les poursuit, alors qu'en restant immobile, le réseau de rails les ramène directement dans la gueule du loup ! Récapitulons depuis le début - pour obtenir un bon score et espérer décrocher le rang 'S' dans un circuit de labyrinthes, il faut :
C'est en suivant tous ces principes que j'ai petit à petit réussi à décrocher des 'S' dans chacun des dix circuits du jeu, eux-mêmes déclinés en trois niveaux de difficulté comme détaillé plus haut, ce qui fait trente 'S' à obtenir. Les places coûtent très cher : il m'est arrivé d'être classé dans les 200 premiers sur Steam (où le jeu a été distribué gratuitement pendant une période) sans pour autant avoir obtenu le rang 'S' ! Il faut noter que le mode de difficulté "Train solo" est un cas particulier qui change un peu la méthode décrite plus haut : comme ce mode est plus lent et qu'il ne comporte qu'un seul train de fantômes, freiner est totalement superflu, on peut bousculer le fantôme sans courir un grand danger. Cela rend hélas ce mode assez ennuyeux, sans pour autant le rendre plus facile puisque la note 'S' y est réglée aussi sévèrement que dans les autres modes de difficulté. En fait, comme ce mode a une exécution plus facile en ce qui concerne le cœur du gameplay, le scoring repose sur du pinaillage : on doit gober les trains de fantômes quasi instantanément et faire de savants calculs pour déterminer quels labyrinthes il faut "zapper" ou non... ce mode réussit donc l'exploit d'être ennuyeux, d'ignorer une mécanique majeure du jeu, et d'avoir en plus de cela un scoring pointilleux et décourageant... comme la plupart des joueurs pensent bien faire en commençant par ce mode, ça explique le désastre de la réception du jeu... en fait, "Train solo" donne l'impression d'avoir été bricolé en catastrophe en fin de développement dans une tentative assez pathétique de rendre le jeu plus accessible, exactement comme le tutoriel, et il échoue lui aussi lamentablement... À contre-emploiPac-Man Championship Edition 2 est une bizarrerie : c'est une suite qui n'en est pas une, c'est un jeu Pac-Man d'apparence très classique qui ne se joue pas comme Pac-Man, c'est un jeu néo-rétro qui ne correspond pas vraiment aux principes habituels du genre (notamment, avoir un gameplay immédiatement intuitif)... le jeu se tire de multiples balles dans le pied, par exemple avec un mode "Aventure" présenté comme important et censé correspondre au généreux contenu de Pac-Man Championship Edition DX, alors qu'au lieu des épreuves variées de l'édition DX qui approfondissaient considérablement le jeu, il s'agit ici de bouts isolés du mode "Chasse aux points" enchaînés de façon épileptique avec un chronomètre bien trop punitif pour que l'on s'amuse - en fait, le seul véritable intérêt du mode "Aventure" est de pouvoir s'entraîner à des segments spécifiques de tel ou tel circuit pour améliorer ses performances dans "Chasse aux points", notamment certaines sections de gobage de fantômes si complexes qu'on s'y croirait dans un jeu de puzzles... Et pourtant, quand on se familiarise avec Pac-Man Championship Edition 2, quand son scoring n'a plus aucun secret pour nous, quand freiner à bon escient est devenu une seconde nature, et quand on sait faire tourner en bourrique les fantômes après avoir mangé une super pac-gomme, sa formule paraît soudain naturelle et logique, progresser peu à peu dans les classements en ligne est incroyablement motivant et satisfaisant, la note 'S' devient une obsession, et on passe un moment absolument fantastique. La qualité de la réalisation aide beaucoup : le jeu pousse jusqu'à l'extrême l'ambiance "rétro électrique" de la série et accompagne parfaitement avec les sens (la bande originale est fabuleuse) la surexcitation hypnotique causée par son gameplay frénétique ; la symbiose entre le fond et la forme et l'état second provoqué par le jeu font qu'on l'imaginerait sans problème signé par Jeff Minter. D'ailleurs, je vous recommande de personnaliser l'apparence des circuits : comme dans Pac-Man Championship Edition DX, on peut changer l'esthétique du labyrinthe, celle des personnages, la musique d'accompagnement, etc. et ici, on peut même régler l'angle de vue - par défaut, celui-ci est légèrement fuyant pour mettre en avant la modélisation en 3D du jeu, mais l'action est bien plus lisible en enlevant tout effet de perspective non isométrique (comme je l'ai fait et comme on le voit sur les captures d'écran). Le concept général, l'ambiance, la personnalisation de la présentation des circuits, la volonté de fournir beaucoup de contenu... en plus de tous ces éléments empruntés à l'édition DX, il y a encore le level design des circuits eux-mêmes ! En effet, sur dix circuits, huit (!) existaient déjà sous une autre forme dans Pac-Man Championship Edition DX : "Championship II", "Highway", "Dungeon", "Mountain", "Manhattan", "Junction", "Championship I", "Spiral" - il n'y a que "Jumping" et "Hexagon" qui sont totalement neufs ! Et tout le problème est là : Pac-Man Championship Edition 2 vit dans l'ombre de l'édition DX, qui est un monument, un astre, un monolithe céleste qui aura apporté la quintessence du fun à l'humanité - comment prétendre le corriger sans blasphémer ? Après tout, il s'agit là d'un de mes jeux vidéo préférés... Sauf que... même si à titre personnel je préfère très nettement le rythme, l'atmosphère et la logique des jeux qui ont suivi, il est bon de prêter l'oreille aux joueurs qui mettent le Pac-Man Championship Edition original au-dessus de tous les autres : ces joueurs n'étaient pas avares de reproches contre l'édition DX - "trop linéaire", "il n'y a plus de tactique", "les vies ne jouent plus aucun rôle", "les fantômes traditionnels font de la figuration", "manger les fantômes ne demande aucun effort", etc. Arrogant ou pas, Pac-Man Championship Edition 2 corrige effectivement tout cela : il conserve le concept général et la fièvre de l'édition DX, mais on y a de nouveau peur de perdre une vie et il est très important d'en gagner de nouvelles, les quatre fantômes traditionnels y sont de nouveau des acteurs principaux du gameplay, les dévorer est crucial et exige ici un certain effort, et comme dans le premier Pac-Man Championship Edition, on doit calculer soigneusement le temps dédié à tel ou tel labyrinthe et décider quelles sections rapportent le plus de points. Finalement, le jeu mérite bien de porter son nom : il respecte les bases fondatrices du premier épisode en ramenant l'édition DX dans les clous, mais il innove, transgresse et surprend autant que les autres volets de la série, comme toute suite qui se respecte. On aurait pu craindre que le mauvais accueil reçu par Pac-Man Championship Edition 2 nuise à la série, et plus généralement au renouveau du gameplay traditionnel de Pac-Man par la formule du jeu néo-rétro, mais Nintendo est arrivé à la rescousse : un peu plus d'un an après la sortie du jeu, celui-ci est ressorti sur Switch en version "Plus", ajoutant un nouveau mode séparé se jouant à deux joueurs, tout autant audacieux et surprenant que les jeux qui l'ont précédé. Cette version a été beaucoup mieux accueillie que l'originale ; puis en 2021, toujours sur Switch, Pac-Man 99 a suivi le modèle de Tetris 99 tout en perpétuant les mêmes types de concepts rétro et compétitifs inaugurés par les Championship Edition (dont l'idée des fantômes endormis) - là encore, le jeu a été bien accueilli, et a pu rapporter de l'argent à Namco malgré la gratuité de la formule grâce au contenu téléchargeable payant. L'avenir néo-rétro de Pac-Man semble donc assuré, et Pac-Man Championship Edition 2, malgré ses maladresses, a déjà prouvé que la formule était encore très, très loin d'être épuisée. Longue vie (rétro) à la boule jaune ! Simbabbad (02 février 2022) Sources, remerciements, liens supplémentaires : Cet article a été publié initialement sur le blog de Simbabbad, à cette adresse. Envie de réagir ? Cliquez ici pour accéder au forum |