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Pokémon - Le Nuzlocke Challenge
Cette première page d'annexe présente le principe du "Nuzlocke Challenge", une série de contraintes visant à augmenter la difficulté d'une partie solo de Pokémon.

Annexe - Le Nuzlocke Challenge

En attendant la suite de ce dossier, je rajoute ici une page d'annexe pour parler d'un challenge apparu il y a quelques années de cela, qui connaît une très grande popularité et qui augmente notablement la difficulté d'une partie de Pokémon : le Nuzlocke Challenge.
Depuis toujours effectivement, les joueurs connaissant assez bien un jeu précis ont su inventer des paramètres compliquant leur partie : me concernant et par exemple, pour avoir pratiqué un grand nombre de jeux Zelda, je m'amusais par la suite à terminer le jeu sans me servir de potions, ou en ne collectant aucun quart de cœur. Tous les jeux peuvent se prêter à ce type de challenge, et Pokémon ne fait pas exception à la règle.

Un challenge assez goûté est le « Super Mario 64 CCC ». Il s'agit de finir Super Mario 64 sans collecter de pièces (Coin), sans utiliser les casquettes de pouvoir (Cap) ou de canon (Cannon).

Il y a de cela quelques années, un joueur américain du nom de Nick Franco popularisa un ensemble de règles et illustra sa progression dans l'aventure par l'intermédiaire d'un webcomics, accessible sur son site personnel. Le nom du challenge vient du pokémon Pifeuil (« Nuzleaf » en anglais), qui a été érigé comme symbole de l'épreuve et qui connaîtra, hélas, une fin tragique comme je l'expliquerai plus bas. Ce pokémon de la troisième génération, sur laquelle fut conduite la première version de l'épreuve, partageait selon Nick Franco une ressemblance avec le philosophe anglais John Locke, ce qui l'invita à baptiser la créature « Nuzlocke » ; le nom depuis resta.
S'il est des variantes au concept, le cœur de celui-ci ne change point. Deux idées principales, notamment, sont immuables : (i) la plus importante, c'est qu'un Pokémon mis K.O., de quelque façon que ce soit, est considéré comme « mort » et ne peut plus être utilisé : il doit donc être relâché. Ensuite (ii) on ne peut attraper que le tout premier pokémon d'une nouvelle zone, quel qu'il soit. Si ce pokémon est battu en combat, on ne peut plus en attraper dans ladite zone.

La ressemblance est effectivement troublante !

Comme j'ai eu l'occasion de le dire régulièrement au cours du dossier, si la première génération de Pokémon était particulièrement difficile, les jeux suivants amolliront sensiblement la difficulté ; et quand bien même, il suffit généralement de faire de l'expérience et d'augmenter l'écart de niveau avec son adversaire pour outrepasser un combat difficile, même si notre stratégie n'est point très élaborée. Si la chose est toujours possible dans ce type de challenge, le risque est bien plus conséquent car chaque rencontre peut potentiellement vous conduire au K.O. et, partant, vous empêcher d'utiliser ce certain pokémon que vous chérissiez pourtant.
Il devient dès lors ici nécessaire de mesurer attentivement chaque rencontre, et de se méfier de certaines attaques qui peuvent « tuer » instantanément votre créature, qui ont un fort taux de coups critiques ou qui vous infligent des malus de statut. Cela vous oblige, plus que dans une partie traditionnelle, d'acheter des objets de soin divers, sous peine d'être dans la panade : le Pifeuil original, dont je parlais plus haut, tomba K.O. après un combat où il fut empoisonné, et c'est à l'entrée d'un Pokécentre, qui aurait pu le soigner parfaitement, qu'il quitta définitivement l'équipe de son dresseur.

Au cours d'une partie particulièrement riche en émotions du Youtuber « ProJared », sur la version Rouge Feu, il rendit hommage à toutes les créatures tombées au combat. Vous pouvez trouver sa partie à cette adresse (lien Youtube, les vidéos sont en anglais).

La deuxième règle du jeu est également particulièrement intéressante, et ce à deux niveaux. D'une part, et bien entendu, elle réduit considérablement le nombre de créatures potentielles que vous pouvez utiliser au long d'une partie : effectivement, une aventure de Pokémon vous fait traverser, en moyenne, quelque chose comme trente ou quarante zones au grand maximum, ce qui réduit d'autant plus vos possibilités en termes de remplacement de créatures tombées au combat. D'autre part, elle vous contraint à utiliser des bestioles qui peuvent ne pas être les plus fortes ou les plus agiles, et réduit le nombre de types disponibles dans votre équipe, ce qui vous obligera à construire une stratégie idoine et d'employer des attaques que vous n'auriez, sinon, jamais utilisées selon votre style de jeu habituel.
D'ores et déjà, si vous vous tenez à ces deux conditions, vous vous apercevrez qu'une itération du jeu qui peut paraître relativement simple devient bien plus angoissante. La moindre rencontre, fût-elle aléatoire ou d'un dresseur, peut être la dernière ; vous devrez étudier auparavant les forces et les faiblesses de vos adversaires pour ne pas commettre d'erreur ; enfin, il peut être bon de ne pas se sentir trop ambitieux et rebrousser chemin, le cas échéant, pour se soigner avant d'aborder une nouvelle phase de jeu.

Tous les joueurs de la seconde génération ont un souvenir vivant de l'Écremeuh de Blanche, troisième championne d'arène, dont les hauts points de vie à ce stade l'aventure et la défense impressionnante la rendent particulièrement difficile à vaincre. C'est une des épreuves les plus difficiles à affronter dans un Nuzlocke Challenge sur cette génération.

Dans la mesure où le lien qui se tisse avec vos créatures se fait bien plus fort, il est plus que recommandé de les surnommer : et c'est une véritable déchirure de voir cette bestiole, qui peut n'être sinon, et lors d'une énième partie, qu'une série de chiffres et de statistiques, mourir ou voir sa vie dangereuse basse lors d'une attaque bien plus puissante qu'on ne l'avait imaginée.
D'autres règles ont été, depuis, mises en place pour augmenter davantage la difficulté ou, au contraire, la nuancer quelque peu. Certaines variantes permettent ainsi au joueur de capturer un autre pokémon que le premier rencontré dans une zone précise, s'il l'a déjà dans son équipe ; d'autres s'empêchent d'utiliser des objets de soin au cours des combats, ou s'empêchent même de visiter les Pokécentres ; on peut bannir l'emploi d'objets tenus, du « Multi-Exp » qui répartit les points d'expérience entre tous les membres de l'équipe, même de ceux qui n'ont pas combattu, ou de désactiver l'option « Choix » qui permet d'échanger sa créature contre une autre lorsqu'un dresseur envoie un autre pokémon, pour empêcher d'avoir, dès le début du round, un avantage de type.

Au sein de la communauté des joueurs, les Nuzlocke Challenge sont souvent narrés par l'intermédiaire de webcomics ou par l'intermédiaire de « let's play » sur Youtube, par exemple, ou sur Twitch.

D'autres options sont envisageables, à la condition de ne pas moduler les deux règles fondamentales : on peut ainsi s'interdire l'emploi des CT et des CS, à l'exception de celles nécessaires pour finir le jeu comme « Surf » ou « Coupe », s'imposer une limite de niveau par zone pour ne pas être trop surpuissant, et ainsi de suite.
Je ne saurais que trop encourager quiconque connaissant assez bien ces jeux de se risquer à ce type de challenge. Pour l'avoir fait dans toutes les générations, il permet véritablement de redécouvrir ces titres et de voir à quel point son gameplay fondamental, son équilibrage, a été particulièrement bien pensé : et vos victoires comme vos défaites, vos erreurs et vos coups de chance, seront autant d'histoires que vous raconterez à vos compatriotes.