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Resogun
Année : 2013
Système : Playstation 3, Playstation 4, PS Vita
Développeur : Housemarque
Éditeur : Sony
Genre : Shooter / Action
Par Kaede (10 novembre 2014)

Le shoot’em up, genre réputé archaïque, a-t-il encore quelque chose à dire en 2014, comme exclusivité PS4 ? Eh bien oui, du moins, c’est l’avis de Housemarque, et leur jeu Resogun leur donne raison.

Housemarque est un studio finlandais fondé en 1995 par Ilari Kuittinen, de Terramarque, et Harri Tikkanen, de Bloodhouse. Ces deux dernières sociétés sont assez connues des Amigaïstes, pour avoir développé respectivement Elfmania (1994, un jeu de versus fighting sur Amiga, sorti en fin de vie de la machine), la série des Stardust, remake du vénérable Asteroids: Stardust (1993), Super Stardust (1994), Super Stardust HD (PS3, 2007), Super Stardust Portable (PSP, 2008), Super Stardust Delta (PS Vita, 2012), et quelques titres d’un peu plus grande envergure comme Dead Nation (PS3, 2010) ou encore Outland (X360 et PS3, 2011).

Resogun est un shoot’em up -shmup, diront les habitués- découpé en 5 niveaux de forme cylindrique (ils bouclent sur eux-mêmes). Ils sont vides au départ mais des vagues d’ennemis apparaissent régulièrement et menacent le vaisseau du joueur, que ce soit via des tirs ou des collisions, car les ennemis sont plutôt collants. Le principe reprend celui de Defender en plus élaboré et varié.

S’il est soucieux de son prochain, le joueur peut sauver des humains (keepers) qui sont débloqués au fil du niveau lors de la destruction de groupes d’ennemis spéciaux. Sauver, car un humain qui n’est pas débloqué meurt misérablement dans sa petite cellule une fois que le petit groupe d’ennemis spéciaux s'est fait la malle. Un humain sorti de sa cellule et qu’on manque d’aller récupérer (par simple contact), finira, lui, par être repéré par une soucoupe du camp ennemi et "aspiré" par cette dernière.

Une fois récupéré par le joueur, un humain peut être largué n’importe où (ils sont insensibles aux tirs environnants), mais de préférence amené à proximité d’une plateforme de sauvetage du niveau, ou jeté suffisamment près. Le sauvetage des humains ne conditionne pas l’avancée dans le jeu qui continue quoi qu’il arrive, mais fournit des bonus temporaires appréciables, comme un bouclier ou encore un tir plus puissant. Comme d’habitude, chaque fin de niveau est sanctionnée par un boss, que je détaille plus loin.

Commençons par les contrôles, avec une bombe, un "overdrive" (super tir) et un boost. L'utilisation de la bombe est anecdotique (son rôle est de nettoyer l’écran), l'overdrive un peu moins, et le boost est capital à la fois pour le scoring et la survie. Il permet de se déplacer très vite, rend invincible le temps de son utilisation jusqu’à quelques secondes plus tard et cause des dommages tout autour du vaisseau au moment de l’arrêt du boost, ce qui encourage à une prise de risque en s'arrêtant à proximité d'ennemis.

Pour avoir joué à Defender, on retrouve dans Resogun cette sensation de vitesse assez agréable qu’on constate au premier contact du classique de Williams, ainsi que les allers-retours fréquents, Resogun étant toutefois totalement dénué d’inertie. Nouveauté du jeu, l’overdrive augmente drastiquement la puissance de feu du vaisseau. Son utilisation la plus évidente est de nettoyer l’écran et se dégager, mais utilisé judicieusement il permet également de faire grimper le score. Il rend invincible le temps de son utilisation, comme le boost, mais se recharge beaucoup plus lentement.

Pour revenir aux objectifs du jeu, Resogun met en parfait équilibre le scoring et la survie (risque/récompense), vu que pour scorer il faut maintenir libérer/sauver tous les humains, et maintenir un multiplicateur en s’assurant de ne jamais rester longtemps sans tirer sur un ennemi. S’occuper des humains peut devenir très difficile car l'aire de jeu est fréquemment remplie d’ennemis.

Les ennemis spéciaux débloqueurs d’humains se font rapidement la malle après apparition, quant aux plateformes de sauvetage, elles sont rares et impliquent de traverser l’aire de jeu en long et en large, alors qu’on peut rarement foncer à tout va, sauf à prendre de gros risques ou en maîtrisant parfaitement son placement au sein de l'ensemble du terrain de jeu. Sauver son prochain ou sauver sa peau, il faut donc souvent choisir, si seulement on a le loisir d’y penser.

Mention plus qu'honorable pour les boss : le premier se décline en deux formes, la première, une roue équipée de tourelles et petites bandes vulnérables aux tirs du joueur, la seconde avec un concept de rouages imbriqués faisant penser à une variante du 4eme boss d'Ikaruga, dont l’originalité et l’intelligence ont peut-être inspiré Housemarque.

Deuxième boss sur le même modèle de deux formes. La première ne paye pas de mine à cause de sa ressemblance avec le premier boss, mais se révèle vicieuse lorsque le boss change son sens de rotation pour rendre l’accès aux parties vulnérables plus difficile. Je n’ai d’ailleurs toujours pas compris précisément ce qui provoque le changement de son sens de rotation... La deuxième forme, sorte de disque très mobile, balaye une large zone en émettant des tirs de direction verticale, et contraint le joueur à être constamment en déplacement et à attaquer le moment venu. Pas évident lors des premières parties... Troisième boss un peu plus banal (mais amusant dans son côté retro) : un cube qui spawne des cubes en masse. Le quatrième boss est beaucoup trop facile et basique, à tel point que je le passerai sous silence. Le cinquième boss est une sorte de ver très mobile. Réussi dans son design, ses patterns sont intéressants (comme ces lignes verticales qui viennent vous barrer la route), mais il se révèle également déséquilibré (trop facile), dommage. Dans l'ensemble, les boss ne se ressemblent pas et sont intéressants à jouer.

En ce qui concerne les ennemis "normaux", il serait rébarbatif d'en dresser une liste (car il y en a plus d’une trentaine). Ils sont relativement variés, même si au début ou dans les difficultés basses il s’agit principalement de chair à canon générée en masse. Certains sont surtout là pour gêner la circulation, d'autres demandent beaucoup de vigilance et une approche particulière. Certains sont très rapides ou se déplacent sur un seul axe, d’autres encore sont ancrés au sol. Certains foncent sur le joueur, d’autres ne visent pas le joueur mais se démarquent par leur portée (rayon). Variété est le maître mot.

La réalisation n'est pas en reste. Resogun est très propre pour un jeu de lancement : 1080p à 60fps constant même quand l'écran est chargé, ce qui est fréquemment le cas, ainsi le jeu est toujours extrêmement réactif. Comme quoi, tout est histoire de choix ...
Effets d'éclairage et de particules (ou plutôt, voxels) à foison, sans jamais mettre en péril la lisibilité. Le jeu est très cohérent avec ses aires de jeu circulaires, notamment via les rares messages à l'écran, "projetés" le long de l'aire de jeu, la séquence de fin de niveau où le vaisseau engage une longue accélération, ou encore les bombes, très classieuses, qui balayent lentement l’écran de bout en bout. Imaginez le mur laser de Turrican II, mais avec beaucoup plus d’impact.

Cette aire de jeu circulaire présente plusieurs intêrets non cosmétiques :

- C ’est si évident que cela pourrait sembler bête, mais elle est visualisable et compréhensible bien plus naturellement qu'une aire de jeu 2D bouclant sur elle-même, car on a la vue sur l'ensemble du "rouleau".
- Elle change les notions de distances : puisque l'aire de jeu boucle sur elle-même, on peut se rendre à un point en allant à gauche ou à droite. Capital pour la gestion des humains.
- Toujours parce qu'elle boucle sur elle-même, elle permet la fuite "à l'infini", souvent utile car les ennemis forment régulièrement des fronts à la limite de l'infranchissable. Une bonne partie de la maîtrise du jeu consiste à repérer ces fronts, se placer au bon endroit et éviter à tout prix de se placer au milieu de 2 fronts solides, rapprochés et évoluant l’un vers l’autre.
- Elle met naturellement l'accent sur l'action proche du vaisseau. C'est difficile à dire, mais il me semble que c'est un peu plus facile à lire. Les éléments sur les côtés ont une taille apparente plus faible que ce qui est au centre.

En bref, l'aire de jeu est présentée de façon originale, et le gameplay l’exploite très efficacement. Plus généralement, Resogun mélange avec brio rétro et modernité. Les tons de verts assez prononcés rappelleront certains anciens titres monochromes (verts) en 3D fil de fer. On reconnaît ce qui fait la particularité des graphismes de Stardust et ses remakes, surtout ce mélange marqué de couleurs chaudes et froides, qu’on retrouve dans d’autres jeux comme Dethkarz ou Rollcage. Les bruitages sont des sons synthétisés qui ne dépareilleraient pas dans un très vieux jeu d’arcade.

Certains ennemis sont modélisés en "voxel-art", moins finement que les autres. Les voxels, parlons-en... un voxel est en quelque sorte un pixel en 3D, un cube minuscule. Resogun en déploie des milliers (200.000, peut-on lire dans une interview), quasiment tout élément du jeu étant destructible et constitué de voxels, tous dynamiques. Une manière habile d’exploiter un maximum la machine sans se ruiner dans la production d’assets coûteux, de toute façon difficiles à mettre en valeur dans un shmup. L’intêret est esthétique, mais ce n’est pas dénué de parti pris. En effet, au même titre que le pixel art pour la 2D, les voxels donnent un aspect retro au jeu, mais également un aspect un peu irréel et auto référentiel. Resogun donne l’impression de désassembler les ennemis spawnés au sein de l’aire de jeu, plus que de les détruire. C’est donc une technique de rendu intéressante et très efficace, qui pourra rappeler les démomaker à base de particules de Fairlight (Agenda Circling Forth...), toutes proportions gardées.

Je parlerai peu de la musique, élément subjectif par excellence, et me contenterai de signaler qu’elle colle assez bien à l’univers du jeu, son côté retro, et pourra rappeler le style de Stardust.

En ce qui concerne la difficulté et la marge de progression, une des premières qualités attendues des shoot’em up, Resogun s’en tire plutôt bien. 5 modes de difficulté (Recruit, Experienced, Veteran, Master et un dernier caché).
- Le premier se finit dès les premières parties.
- Le mode Veteran, verrouillé au départ, est déjà plus corsé, et implique de faire sérieusement attention où on fait son vaisseau, pas si évident car à l’opposé d’un Danmaku, Resogun demande d’avoir des yeux partout.
- Dans le mode Master, les ennemis lâchent de lentes suicide bullets à leur destruction, rendant la navigation un gros cran plus difficile.
- Le dernier mode vient en continuité du Master et permet de prolonger une partie Master.
- Il y a plusieurs modes de jeu ainsi que du co-op local et en ligne.

En résumé, Resogun est un fier représentant des shmups sur next-gen et montre (via son aire de jeu, le système de sauvetage, son accessibilité et sa difficulté) que le genre peut encore, en 2014, être à la pointe sur le plan technique et faire preuve d’originalité.

Kaede
(10 novembre 2014)
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