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Return to Castle Wolfenstein
Année : 2001
Système : Windows, Playstation 2, Xbox
Développeur : ID Software, Gray Matter, Nerve Software
Éditeur : Activision
Genre : FPS
Par Volkor (12 mars 2012)

En principe, si vous lisez ces lignes et que vous fréquentez régulièrement Grospixels, le nom « Wolfenstein » vous évoquera forcément quelque chose. À y réfléchir, même si vous n’êtes pas un habitué, ça devrait aussi être le cas. En fait, on peut même dire qu’à moins d’avoir passé 20 ans dans une grotte, ce nom DOIT vous dire quelque chose.

Je ne reviendrai pas sur les premiers jeux de la série, Castle Wolfenstein et Beyond Castle Wolfenstein, sortis sur Apple II au début des années 80. La série a véritablement commencé avec le mythique Wolfenstein 3D, développé en 1992 par ID Software et considéré par beaucoup comme le 1er FPS de l’histoire (même si tout le monde est loin d’être d’accord à ce propos). La suite, on la connaît : le jeu fera date et ouvrira la voie à la création du non moins mythique Doom en 1993, véritable amélioration de Wolfenstein 3D qui annoncera une nouvelle ère : celle du « Doom-like ». La légende est alors en marche du côté d’Id Software, qui va rapidement acquérir la réputation de studio mythique et définir les codes les plus importants du FPS des années 90 (si ce n’est pas déjà fait, je vous suggère au passage de lire la passionnante histoire d’Id Software retranscrite sur Grospixels).

Il aura fallu attendre près de 10 ans pour connaître enfin une suite à la saga (comme le dit si bien Iskor dans son article, Spear Of Destiny qui est sorti la même année que Wolfenstein 3D est plus un add-on qu’une véritable suite). Et cette suite, qui s’intitule très sobrement Return To Castle Wolfenstein (que l’on nommera RTCW pour les besoins de cet article), sort fin 2001 sur PC, en plein boom des FPS sur la seconde guerre mondiale (Medal of Honor est passé par là).

En réalité, RTCW n’est pas vraiment une suite à Wolfenstein 3D. Il s’agirait plutôt d’un remake ou même d’un reboot. Le scénario de départ reste le même : nous sommes en 1943. La guerre commence à basculer et B.J. Blazkowicz, agent travaillant pour le compte de l’OSA (service d’espionnage imaginaire), a été envoyé en Allemagne pour infiltrer le château Wolfenstein où de mystérieux projets seraient mis en place par les SS. Malheureusement, B.J. est capturé comme un bleu par les Allemands, dès le début de sa mission. Son nouvel objectif sera de laver cette humiliation et de s’échapper du terrible château. Le reste, on verra après. Cette mission d’évasion sera la seule commune entre les deux jeux. En tout cas, on l’aura compris, RTCW est un FPS prenant place pendant la Seconde Guerre Mondiale et où le fantastique occupera une place prépondérante dans un scénario en totale roue libre mais néanmoins jouissif, prétexte à tous les excès (oui, vous aurez droit à des Nazis zombies, des hordes de morts-vivants, goules, créatures mutantes et/ou robotiques, savants fous, armes secrètes, etc). Cet opus adopte toutefois un ton beaucoup plus sérieux que son prédécesseur. Ici, pas de Mecha Hitler en guise de Boss final !

Quelques spoilers sont donc à craindre si vous continuez à lire ces lignes mais honnêtement, RTCW peut difficilement être perçu comme un jeu à spoiler - même si une intrigue est présente.

L’écran titre. On remarquera que le drapeau Nazi est criblé de balles, à l’inverse de la bannière étoilée. Sans doute une volonté des développeurs soucieux de ne pas être accusés de complaisance envers les symboles nazis, comme ce fut le cas à l’époque de Wolfenstein 3D.

Avant de parler du jeu en lui-même, il me semble indispensable de faire le point sur l’élément primordial du soft : les Nazis. Ceux-ci ont toujours eu une place de choix dans la Pop culture et ce pour bien des raisons. Considérés par l’Histoire comme les plus grandes raclures ayant jamais existé, ils représentent souvent l’incarnation ultime du Mal. Une victoire finale du IIIème Reich pendant la Seconde Guerre Mondiale a toujours été imaginée par les hommes comme l’avènement de l’Apocalypse sur Terre, et beaucoup d’écrivains ont su dépeindre ces angoisses avec succès pour y réaliser certaines de leurs meilleures œuvres (notamment Robert Harris avec Fatherland et Philip K. Dick avec Le Maître du Haut Château). Pour ces raisons, les Nazis font souvent de parfaits méchants qui renvoient directement à notre mémoire collective, toujours marquée par les images bouleversantes de la Seconde Guerre Mondiale.

Mais ce n’est pas tout. En plus de ses théories raciales, le Nazi a parfois un goût prononcé pour les sciences occultes, censées apporter une aide décisive à l’effort de guerre fourni par son camp. Certains des plus hauts dignitaires du régime Nazi (Heinrich Himmler en tête) faisaient même une véritable fixette sur les anciennes religions païennes du temps du Saint Empire Romain Germanique et des Chevaliers Teutoniques. Ces penchants furent sans doute exagérés par la suite mais toujours est-il que certaines structures comme la Société Thulé ou l’Ahnenerbe ont bel et bien existé durant le IIIème Reich (même si leurs théories plus abracadabrantesques les unes que les autres laissaient entrevoir beaucoup de carences scientifiques, si ce n’est une santé mentale défaillante).
Le mysticisme nazi a donc entraîné une certaine fascination sur le grand public et a logiquement fait l’objet d’adaptations au cinéma ou en bande dessinée. Bref, tout ça pour dire que le Nazisme s’accommode toujours très bien du fantastique.

Les Nazis, fournisseurs officiels de méchants depuis 1933 (Crâne Rouge, ennemi juré de Captain America ; Karl Kroenen de Hellboy ; Arnold Toht des Aventuriers de l’Arche Perdue et les SS zombies de Dead Snow).

Les développeurs iront encore plus loin dans cette fascination morbide en nous montrant d’autres facettes des perversions nazies, notamment d’un point de vue plus charnel. Car en plus de se marier relativement bien avec le surnaturel, le Nazisme fait aussi très bon ménage avec le sexe. Il existe tout un secteur d’activités fondé là-dessus et on ne compte même plus le nombre de BD ou films érotico/pornographiques relatant cet univers. Dans le jargon cinématographique, on appelle ça la « Nazisploitation ». On n’est alors jamais très loin du sado masochisme. Les femmes nazies y sont souvent dépeintes comme des adeptes de la cravache, aimant faire souffrir les hommes qui sont à leurs pognes. Bien évidemment, on n’en est pas là dans RTCW mais tout de même, les développeurs nous ont saupoudré çà et là quelques éléments troublants au gré de l’histoire. Entre les soldates de la Division Paranormale SS en tenue latex moulante, leur chef Mariana Blavatsky qui finit le jeu en string ou les différentes prostituées rencontrées au cours des missions, on n’est pas en reste !

Ilsa, la louve des SS. Gros nanar et fer de lance de la Nazisploitation. Une influence pour Return to Castle Wolfenstein ? Le mystère reste entier...

Mais je m’égare, je m’égare. On me fait signe que je suis là pour parler de jeux vidéo, pas de Nazis en string.

ID Software, crédité comme développeur du soft, a en réalité davantage joué un rôle de superviseur durant la création, le studio se concentrant principalement sur Doom III. Le gros du travail sur le mode solo a donc été effectué par un petit studio gravitant autour d’Activision, Gray Matter Interactive (anciennement connu sous le nom de Xatrix Entertainment, à qui l’on doit notamment Cyberia, Redneck Rampage et The Reckoning, une extension pour Quake II). RTCW sera pour ce jeune studio son plus grand coup d’éclat, pour ne pas dire le seul. Il retombera très vite dans l’anonymat après la sortie de celui-ci, avant de se faire absorber par Treyarch au sein de la grande famille d’Activision.

À la fin des années 90, les moteurs graphiques élaborés par ID Software représentent, avec leur concurrent Unreal Engine, le must en matière de FPS. Et la série Quake servira de laboratoire d’essai aux développeurs : pour chaque nouvel épisode, un nouveau moteur graphique sera créé. Après le moteur Quake I en 1996 et le moteur Quake II en 1997, le tout nouveau moteur déboule en même temps que Quake III Arena fin 1999. Véritable tuerie graphique, la dernière trouvaille d’ID Software ne tarde pas à s’imposer comme le mètre-étalon du FPS et sera utilisée pour bon nombre de softs prestigieux (Jedi Knight II, Call of Duty, Medal of Honor, etc). Cette volonté d’innovation constante nuira quelque peu à la réputation d’ID Software, qui sera finalement davantage considéré comme un vendeur de moteurs 3D surpuissants plutôt qu’un studio de développement.

Se situant dans le giron d’ID Software, Gray Matter Interactive utilise donc fort logiquement le moteur de Quake III pour développer RTCW (avaient-ils d’autres choix ?). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la réussite graphique est totale. Le jeu est absolument splendide. Les décors, environnements extérieurs, modélisations des personnages et armes ont remarquablement été exécutés. Le jeu est d’une fluidité ahurissante, les personnages bougent bien et la bande-son est terrifiante à souhait.

D’un premier abord, RTCW paraît hyper bourrin. Toute la 1ère partie se situant aux alentours du château est une boucherie sans nom où la subtilité n’est que rarement de mise. Oh, bien sûr, vous pourrez toujours vous amuser à planter un Allemand dans le dos avec votre couteau ridicule mais il y en aura souvent un autre pour sonner l’alarme et ce sera alors le tir au pigeon pour vous. Autant y aller directement avec cette bonne vieille MP 40 (qui sera certainement votre arme de prédilection pendant la 1ère moitié du jeu) ou carrément à la grenade, qui produit toujours son petit effet de surprise au milieu d’une conversation entre deux gardes. Pour les Nazis qui tentent de vous abattre au loin, n’hésitez pas et équipez-vous de votre Mauser. Généralement, une balle suffit. Mais heureusement, RTCW, ce n’est pas que ça. Le jeu revêt par la suite des facettes différentes, tant en ce qui concerne le gameplay que les environnements et l’ambiance. Et sur ce plan-là, le soft est d’une grande richesse.

Ainsi, dans sa 1ère partie, RTCW ne se situe jamais bien loin du survival horror. Certes, les survival où l’on peut transporter 15 armes différentes et des containers entiers de munitions ne sont pas légion. Il n’empêche, se retrouver tout seul dans les souterrains du château éclairés par des torches enflammées, où les hurlements des créatures d’outre-tombe ne cessent de nous tourmenter n’a rien de particulièrement gai, surtout quand vous êtes une vraie chochotte dès qu’un jeu adopte une ambiance un peu plus sombre que d’habitude.

Les goules et autres zombies se font patiemment attendre dans la 1ère partie au moyen de notes, enregistrements et conversations entre soldats glanés çà et là. Mais quand ils sont là, ils sont bien là !

Une fois votre évasion réussie, vous vous dites sûrement que les collègues de l’OSA vont vous exfiltrer, histoire que vous puissiez vous remettre de vos émotions et de profiter d’une perm bien méritée à Londres. Monumentale erreur ! Vos supérieurs vous demandent de vous remettre illico au turbin et de reprendre votre mission là où elle s’était arrêtée avant votre lamentable capture. Votre objectif : à l’aide du cercle Kreisau (groupe de résistants allemands ayant réellement existé) vous partirez sur les traces d’Helga Von Bülow. Mais que trame donc cette pseudo-archéologue ? Ses fouilles aux alentours du château auraient paraît-il réveillé d’anciennes créatures démoniaques... Vous serez alors le témoin d’évènements surnaturels. Les malheureux troufions allemands ne vont pas tarder à se faire massacrer par une horde de morts-vivants (parfois équipés de boucliers vous renvoyant vos propres balles) et autres spectres fantomatiques. Vous pourrez parfois attendre paisiblement que les deux camps s’entretuent avant de lancer une grenade qui fera office de dessert aux survivants. Cette partie du jeu s’achèvera par une lutte sans merci contre Olaric, un colosse mythologique (avec néanmoins le QI d’une citrouille) gardant une mystérieuse dague. Incapable de franchir une porte derrière laquelle vous pourrez tranquillement vous cacher, vous aurez alors tout le loisir de le mitrailler à petit feu. Créature impressionnante et flippante, Olaric nous rassure donc par son étonnante stupidité.

À gauche : le colosse Olaric, premier boss du jeu. À droite, la très avenante Helga Von Bulöw.

Après ça, vous l’aurez votre perm. Mais pas pour longtemps. Vos supérieurs de l’OSA afficheront un scepticisme non dissimulé devant l’étrangeté de vos rapports de missions. Les costards-cravates planqués à Londres vont donc redéployer Blazkowicz sur des objectifs plus traditionnels : en savoir plus sur les avancées technologiques allemandes et le cas échéant les contrecarrer et/ou les neutraliser (comprendre : tout faire péter). Ce deuxième acte est donc de facture beaucoup plus classique mais reste pour moi le plus réussi de l’histoire. Après un premier chapitre axé sur le fantastique, celui-ci est davantage tourné vers la science fiction, avec les fameux « projets spéciaux » et autres armes secrètes mises au point par les Nazis.
Votre objectif : Wilhelm Strasse, dit le Boucher, officier SS proche de Himmler qui n’a que faire des projets surnaturels. Homme de science, son dada serait plutôt les armes chimiques, la mutation génétique, les fusées V2, les avions à réaction et surtout son petit chouchou : l’Übersoldat (le super soldat).

Première apparition de l’Übersoldat, armé de canons Tesla et de Panzerfausts.
Son papa, Wilhelm Strasse
(regardez comme il a l’air fier !)

Vous allez donc traquer l’insaisissable Boucher un peu partout en Europe et allez découvrir l’étendue de sa monstruosité en visitant ses fameux « X-labs ». Ces missions, riches en rebondissements de toutes sortes, sont bien mieux écrites que lors de la première partie. Le gameplay est également plus varié et fait parfois la part belle à l’infiltration, là où le bourrinage était auparavant la seule alternative. Dans ces cas-là, oubliez cette MP 40 trop bruyante et privilégiez le Sten, mitraillette à silencieux qui fut très prisée à l’époque par les commandos britanniques et les maquisards français.
Le personnage de Strasse est lui-même assez charismatique pour endosser le rôle de principal antagoniste du jeu. Méchant grand guignolesque à l’ancienne, ses interventions et autres notes de service glanées ici ou là ne manqueront pas de vous faire sourire, de même que ses multiples évasions, en U-Boot ou en fusée, dignes d’un Fantômas des grands soirs.

Comme lors de la première partie, vous vous frotterez tout d’abord à des ennemis traditionnels, qui ne tarderont pas à céder leur place à des soldats d’élite, comme les terribles paras de la garde noire que vous verrez tomber du ciel par dizaines. À partir de cet instant, vous aurez la possibilité d’utiliser la meilleure arme réelle du jeu : le terrible fusil d’assaut FG-42. D’autres armes, beaucoup moins conventionnelles, feront ensuite leur apparition, comme la mitrailleuse Venom, sorte de Gatling, et le canon Tesla, qui seront fort utiles pour venir à bout des rebuts de laboratoire du Boucher.

Les gardes noirs et les soldats Venom. Deux des adversaires « normaux » les plus redoutables du jeu.

Le 3ème et dernier acte sera un mélange des deux premiers. On retrouve tous les ennemis rencontrés depuis le début du jeu dans une espèce de gloubiboulga scénaristique se situant toujours sur le fil du nanar. L’OSA a en effet entendu parler d’une mystérieuse cérémonie à venir visant à la résurrection de Heinrich Ier, ancien monarque du St Empire Romain Germanique. Comme le fait justement remarquer un officier de l’OSA durant une phase de briefing : « En quoi un empereur Allemand mort depuis 1000 ans pourrait aider le Reich à gagner la guerre ? Je suggère de laisser les Nazis gaspiller leurs ressources dans cette chimère ! » Très bonne remarque. Dans le doute, envoyons quand même Blazkowicz. Ça ne mange pas de pain.

B.J. Blazkowicz, entouré de ces salauds de planq... euh, logisticiens de l’OSA.

On retournera au château Wolfenstein (le titre ayant donc une double signification) afin de tenter d’empêcher la mise en place de l’opération résurrection, consistant à ramener à la vie ce fameux Heinrich - qui aidera à coup sûr le Reich à remporter la victoire grâce à ses pouvoirs magiques. Cette dernière partie contient pour moi la meilleure mission de tout le jeu : celle au village de Paderborn où l’on doit exécuter en silence, sous peine d’échec, cinq officiers supérieurs de la division paranormale SS. Et en guise de boss final vous devrez bien sûr affronter le terrible Heinrich.

Les amateurs d’histoire pourront trouver étrange de trouver en Heinrich Ier le boss final, véritable incarnation de l’Antéchrist. Henri Ier l’oiseleur, comme on l’appelle chez nous en France, est considéré comme un monarque très respecté outre-Rhin en plus d’être un des fondateurs de la nation allemande. Une sorte d’équivalent de Clovis pour les Français. En y réfléchissant, c’est en réalité parfaitement logique : le boss final de Wolfenstein 3D étant le maître du 3ème Reich, quoi de plus normal d’offrir au gamer le leader du 1er Reich pour ce reboot ?
Ce pauvre Heinrich aura bien du mal face à Blazkowicz. Il faut dire aussi que se battre à l’épée contre un soldat armé de panzerfausts, mitrailleuse Venom et canon Tesla est difficilement équitable.

« On peut violer l’histoire à condition de lui faire de beaux enfants » disait Alexandre Dumas.
Voilà, c’est... à peu près ça dans la saga Wolfenstein.

Tout comme Wolfenstein 3D, RTCW connaîtra lui aussi quelques polémiques tournant encore et toujours autour des symboles nazis. Bon, les développeurs ont franchement levé le pied par rapport à la fois précédente mais quelques décors sont allégrement fournis en bannières à croix gammée ou portraits du Führer. Pour tenter de noyer le poisson, le studio a offert la possibilité au joueur de pouvoir détruire en intégralité tous ces éléments de décor, qui cacheront bien souvent des lingots d’or ou autres victuailles. Tentative un peu maladroite qui ne satisfera absolument pas les plus rigides, pour qui RTCW est un jeu ouvertement nazi. Ainsi, dans un rapport établi en 2008 sur l’antisémitisme mondial par le département d’état des États-Unis (équivalent chez nous de notre Ministère des Affaires Étrangères) à destination du Congrès, RTCW est classé dans la liste noire des jeux antisémites et ce sans aucune explication. Le voir figurer ainsi, jeté en pâture aux côtés des sinistres KZ Manager (simulation de gestion de camps de la mort) et Under Ash (FPS dont la mission principale est de tuer des Israéliens) a de quoi surprendre. Pour certains l’équation est simple : jeu où figurent des croix gammées = jeu nazi.

Un symbole Nazi se cache sur cette image. Sauras-tu le retrouver ?

Ce RTCW reste donc un excellent cru : réalisation aux petits oignons, une bonne durée de vie (bon courage à ceux qui veulent trouver toutes les cachettes d’or !) et une ambiance très bien retranscrite. Le seul défaut du jeu résiderait peut être dans l’IA des boss, qui frôlent parfois le crétinisme. Certains ont en effet une fâcheuse tendance à oublier notre existence dès que nous ne sommes plus à leur portée visuelle. Il est ainsi très fréquent, dans RTCW, de pouvoir sniper tranquillement un boss immobile derrière une colonne, sans aucune réaction de sa part et ce, jusqu’à ce que mort s’en suive. C’est d’autant plus dommage que la piétaille, elle, agit de manière plutôt cohérente (sonner les alarmes, se planquer et recharger, appeler les collègues, ils savent faire).

Le Loper : abomination créée par Strasse. Plutôt impressionnante mais il est difficile d’imaginer une victoire de l’Axe grâce à cette trouvaille tant elle fait parfois preuve de stupidité au combat.

L’autre plus du jeu, qui lui donne une durée de vie quasi-infinie, c’est assurément son mode multi-joueurs. Plutôt classique mais néanmoins efficace, il n’y a que deux manières de procéder : jouer les alliés et attaquer une base en tentant de remplir divers objectifs (généralement, exploser un radar ou trouver des documents) ou incarner les Allemands et essayer de les en empêcher. À vous de voir si vous préférez l’offensive ou la défensive. Le multi repose sur la complémentarité des équipiers, qui peuvent choisir parmi quatre classes : le lieutenant, le médecin, le soldat ou l’ingénieur qui ont bien évidemment tous des compétences propres en matière d’armement, de soins, de santé, explosifs, etc.
Un spin off de RTCW, intitulé Wolfenstein : Enemy territory, exclusivement dédié au mode multi-joueurs sortira deux ans plus tard, en 2003, avec bien évidemment de nombreuses maps et autres nouveautés.

Vous pourrez incarner les Allemands dans le mode multi, où le symbole de la croix gammée a été supprimé par rapport à l’écran titre du mode solo. Les maps restent classiques et on est très loin de l’univers fantastique/SF de RTCW. Vous pourrez ainsi par exemple prendre d’assaut ou défendre une plage de débarquement.

Fidèle à son habitude de laisser passer beaucoup de temps entre deux softs majeurs, la franchise ne renaîtra qu’en 2009 avec « Wolfenstein » (oui, ils ont encore plus simplifié le titre), disponible sur PC, Xbox 360 et PS3. Développé cette fois-ci par Raven Software et prenant place juste après les évènements de RTCW, le jeu n’a pas spécialement marqué les esprits, plombé par une réalisation tout juste moyenne faisant fi de la réputation d’excellence technique qui était jusqu’à présent la pierre angulaire de la saga (cet opus a ainsi été réalisé avec le moteur ID Tech 4, qui avait été conçu par ID Software pour la conception de Doom III plus de cinq ans auparavant !). Les programmeurs de chez Raven Software ne sont pourtant pas des amateurs et ont un CV plutôt éloquent, qui remonte aux toutes premières heures du genre FPS : Heretic, Hexen, Jedi Knight II, etc. Les raisons de cet échec ne sont pas exclusivement techniques et il est donc nécessaire de chercher un peu loin les motifs de ce bide. Précisons tout d’abord qu’entre les deux derniers Wolfenstein (donc, pour ceux qui suivent, entre 2001 et 2009), de l’eau a coulé sous les ponts. Beaucoup d’eau. La saga Call of Duty et les innombrables suites de Medal of Honor sont passées par là et ont essoré la Seconde Guerre Mondiale, contribuant ainsi à une certaine lassitude chez les joueurs.

2009 : Les héros sont fatigués et B.J. rentre dans le rang.

Le dernier clou dans le cercueil des FPS Seconde Guerre Mondiale a paradoxalement été planté par ceux-là même qui en avaient été les meilleurs représentants : Infinity Ward. Le succès planétaire de Call of Duty 4 : Modern Warfare aura des répercussions majeures sur l’histoire des FPS grand public. Délaissant totalement les années 40 pour situer l’action de ce nouvel opus dans un futur proche, baignant dans un univers parano que ne renierait pas Tom Clancy, Modern Warfare va ringardiser la Seconde Guerre Mondiale à une vitesse stupéfiante. Ainsi, la plus grande critique que subira Call of Duty 5 dans la presse, c’était justement de situer de nouveau son action au milieu des Nazis. La messe était dite. Désormais, les joueurs voulaient du moderne. Wolfenstein est donc arrivé comme un cheveu sur la soupe. Perçu comme un FPS anachronique en dépit de son caractère fantastique et de ses nouveautés intéressantes, en concurrence avec de multiples mastodontes à l’extérieur et à l’intérieur même d’Activision, le tout servi par une communication aux abonnés absents, la gamelle semblait être la seule issue envisageable pour ce Wolfenstein.

Échec technique, critique et financier ayant entraîné une vague de licenciements chez Raven Software, ce dernier chapitre n’a malheureusement pas fait honneur à ses illustres aînés. Echaudé par ce bide, Activision (qui est rappelons-le, le premier éditeur de jeux vidéo au monde) réfléchira certainement à deux fois avant d’autoriser une suite à la franchise et de donner à un studio la chance de plancher sur d’autres aventures de B.J. Blazkowicz.

1992, 2001, 2009 : les 3 chapitres principaux d’une saga qui prend son temps.
Volkor
(12 mars 2012)
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