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Sega Soccer Slam
Année : 2002
Système : GameCube, Playstation 2, Xbox
Développeur : Black Box
Éditeur : Sega
Genre : Sport / Arcade
Par Laurent (13 octobre 2003)

Prévu à l'origine uniquement sur Game Cube, Sega Soccer Slam est finalement sorti en multi-plates-formes, ce qui semble indiquer qu'en cours de route Sega s'est mis à croire dans le potentiel commercial de cette semi-parodie de football délirante développée par le studio américain responsable d'une bonne part des simulations sportives éditées par le géant japonais (NBA 2Kx, NFL 2Kx...). Il faut dire que toutes les conditions étaient remplies pour que le jeu devienne le produit branché du moment à sa sortie, excepté une chose : que Sega fasse du marketing efficace et ciblé, en clair qu'il se montre capable (pour une fois) de rendre branché un jeu portant son label.

Que reste-t-il de Soccer Slam une fois expédiée la narration de son intense et mémorable parcours commercial (en résumé : il a eu un succès d'estime, sans plus, et la version PS2 s'est fait descendre) ? Rien moins qu'un petit trésor de fun, de beauté graphique et d'intérêt ludique au long cours, un authentique jeu d'arcade comme Sega s'obstine encore à en éditer malgré le peu de retombées critiques et financières qu'ils entraînent. Un type de jeu dont on parlera peut-être un jour au passé si certains messages restent lettre morte. Ce n'est pourtant pas faute, de la part de la presse spécialisée, d'avoir salué les qualités intrinsèques du jeu, qui n'a récolté que des 16/20, trois étoiles et autres 89%.

La minute nécessaire de Lolo-la-science

(c'est long mais je vais en venir aux faits et à la fin tout se tient, normalement)

Lorsqu'il s'agit de créer une simulation video-ludique d'un sport collectif, il y a en général trois façons de faire :

- La méthode qu'on appelera "synthétique", consistant à compiler un nombre plus ou moins important de phases de jeu spectaculaires et en établir une représentation graphique vaguement interactive. Avec cette méthode la prise en main du jeu est immédiate, et pour cause : le joueur n'est responsable que très partiellement de ce qui se passe à l'écran. L'ordinateur fait tout ou presque, il sait analyser les mouvements que le joueur imprime aux deux ou trois personnages qu'il contrôle à tour de rôle, et en déduit la phase de jeu que celui-ci espère provoquer (centre + tir, rebond + dunk shot etc...). Le résultat est, surtout sur les jeux récents, visuellement très probant et facteur de plaisir ludique, du moins tant que le joueur n'a pas fait le tour de toutes les situations possibles et démasqué la supercherie. La série des FIFA est, en exagérant un poil le raisonnement, développée selon cette recette (jusqu'au 2004 au moins, ensuite ça a changé), avec une telle maîtrise que le succès de chaque millésime est assuré, du moins tant que le suivant n'est pas paru dans les bacs. Mais il serait injuste de n'attribuer qu'à Electronic Arts cette façon de faire (d'autant que les FIFA sont diablement sympas à jouer quoi qu'on en dise), puisqu'on la retrouve dans nombre d'autres jeux de foot, basket ou autres, à commencer par les plus anciens. Autre avantage de la méthode synthétique : elle permet de développer des simulations très accessibles de n'importe quel sport, y compris ceux qui ne se prêtent absolument pas à cela comme le rugby, sport si complexe et éminemment collectif qu'on pensait au départ qu'il ne pourrait inspirer comme jeu vidéo qu'une sorte de RTS, ou encore le base-ball.

Encore du foot à la télé ce soir ? Non non, juste des captures de FIFA 2003 et Pro Evolution Soccer 3

- La méthode qu'on qualifiera de "dinodinienne" en hommage au premier qui réussit à l'appliquer avec une franche réussite dans le cadre d'un jeu de football, à savoir Dino Dini, créateur de la série Kick Off : là, il s'agit de créer un modèle physique de base reproduisant de façon plus ou moins fidèle ce qui se passe dans la réalité, à savoir qu'un certain nombre de joueurs se disputent une balle, un ballon ou un palet, et celui-ci, en fonction des impulsions qui lui sont données, se promène sur la totalité de l'aire de jeu sans suivre de trajectoire prévisible. Pro Evolution Soccer et ses suites, de Konami, reprennent l'idée dans le cadre d'un jeu en 3D avec le succès que l'on sait. D'un point de vue commercial, PES fait jeu égal avec FIFA, mais, en termes de logique de conception et de rapport au sport simulé, on peut dire que le jeu de Konami génère les causes tandis que son concurrent occidental accumule les effets.

Kick Off (Atari ST, 1989) : ça c'est du foot

- Enfin, la méthode qu'on peut logiquement désigner de "méthode arcade", car c'est dans ce cadre qu'elle trouve toute son efficacité : là, il ne s'agit ni d'être réaliste sur le plan physique ni d'être exhaustif et varié dans le résultat visible à l'écran des actions du joueur, mais simplement de procurer le plus de plaisir de jeu possible dans un laps de temps voulu en général assez bref. On n'est plus du tout dans le domaine de la simulation, mais plutôt du ludisme référentiel. Les titres créés selon ce principe ne prétendent à aucun autre statut que celui de jeu vidéo : ils divertissent, étonnent (en général) par leurs graphismes, et s'ils réservent au joueur quelques découvertes tactiques, ce n'est bien souvent que pour prolonger son intérêt en deux temps : tout d'abord le fun immédiat, puis la possibilité de se démarquer du joueur occasionnel et frimer, selon le principe de gratification personnelle bien connu des amateurs de salle d'arcade. On aura reconnu dans cette description la cohorte de jeux de foot apparus sur Neo Geo, par exemple. Pour ce qui est de cette conception sur le marché de la 3D, le plus digne représentant en est Virtua Striker (1,2,3...), de Sega, série dont les épisodes se suivent et se ressemblent dans leur propension à rendre impossible toute phase de jeu construite au profit d'un rythme effréné et d'une maîtrise simplifiée des contrôles (ceux-ci utilisant bien moins de boutons que dans les FIFA et PES).

Virtua Striker : superbe, mais très limité sur le plan tactique.

Il est important de bien distinguer ces trois approches car elles sont à l'origine du fait que des jeux comme PES, FIFA et Virtua Striker, malgré leur indéniable similitude graphique, s'avèrent procurer un plaisir de jeu totalement différent. Néanmoins, et c'est là que nous allons en revenir à Sega Soccer Slam, un point commun aux trois conceptions existe : elles font toutes appel, pour séduire le joueur qui les pratique assidument, à la représentation (fantasmée ou non) qu'il se fait du sport en question, ainsi qu'à sa culture personnelle, surtout lorsqu'il s'agit de football, sport collectif le plus populaire :

- Un jeu de foot synthétique va ainsi flatter les sens et l'imaginaire de l'amateur de ballon rond en le confrontant à sa culture télévisuelle du football. Il lui donne l'illusion qu'il participe à des phases de jeu (disons plutôt il y participe, mais moins qu'il n'y paraît) dont le rendu à l'écran devient, à mesure que les années passent et que ce type de jeu s'améliore, l'équivalent visuel des retransmissions télé (d'autant qu'en général le jeu sera associé au nom d'une ou plusieurs vedette sportives bien réelles et fréquemment vues dans le petit écran).

- Un jeu de foot dinodinien, par contre, va titiller le côté théoricien de l'amateur de foot par sa faculté à reproduire en les rendant interactives les sensations que le sport lui procure lorsqu'il n'en est que spectateur, tout en lui donnant la possibilité de mettre en pratique sa propre vision de choses, comme s'il devenait une équipe entière à lui tout seul. Dans le cas de PES, on a aussi un "visuel télé", mais ce n'est pas cet aspect qui retient ses adeptes. Ceux-ci apprécient plutôt que le jeu soit aussi complexe et exigeant que le sport lui même, ou du moins leur en donne-t-il l'impression à hauteur de ce qu'ils en savent (je me permets par là de supposer que le vrai football est plus complexe que PES).

Speedball 2 (Amiga, 1990) : le sport collectif fantasmé devient jeu vidéo.

- Un jeu de foot arcade, par contre, renvoie au foot tel qu'on le conçoit dans une cour de récréation. Les jeux d'arcade réveillent l'enfant qui sommeille en chaque joueur, et en l'occurence l'enfant qui a joué au football dans des conditions qui rendaient le temps passé à jouer presque moins important que les rêveries qu'il suscitait. L'enfant se moque du réalisme et de la complexité, il n'attend du foot que des retournés acrobatiques, des matches dont le déroulement est plus riche en rebondissements qu'un film d'action, des dribbles délirants sur tout le terrain, des arbitres complaisants, des tackles glissants sur 10 mètres et des frappes surpuissantes du milieu du terrain.

Devenu adulte, il pourra retrouver tout cela dans le cadre d'un jeu vidéo qui fait de ces exploits, observés guère plus d'une fois par an sur un vrai stade, l'ordinaire des parties qu'il met en scène, sans pour autant piocher dans l'imagerie footbalistique adulte courante (voir à ce propos comment Virtua Striker évite les angles de caméras "façon télé" et se passe de faire apparaître des joueurs reconnaissables).

Pendant les années 90, grâce à la créativité de certains développeurs et leur obligation de se démarquer de leurs concurrents, les jeux de foot d'arcade ont fini par assumer totalement leur perte de contact avec le réel en mettant en scène des joueurs mutants, ou autorisés à se bousculer sur le terrain sans qu'aucun arbitre ou règlement ne limite leurs excès. Les Speedball, Soccer Brawl et autres Punk Shot, avec leur violence rigolarde qui n'a rien de bien malsain et s'intègre naturellement au gameplay, ne font que pousser dans ses derniers retranchements la vision d'un sport collectif où tout est mis au service de ce plaisir à la fois viscéral et esthétique que les anglo-saxons appellent "fun". Dans ce but, et la technologie post 8-bits le leur permettra, ils intègreront systématiquement des personnages charismatiques, tous très différents les uns des autres, et mettront en scène des équipes bigarrées comme pour mieux montrer qu'ils visent la créativité plutôt que l'hommage à un sport.

Punk Shot (Konami, 1990) et Soccer Brawl (SNK, 1990) : des jeux d'arcade qui préfigurent un style dans lequel s'inscrit Soccer Slam.

Pourquoi ce tour d'horizon dans le cadre d'un test de Sega Soccer Slam ? Tout d'abord pour remettre certaines pendules à l'heure, à une époque où tout jeu de football qui n'est pas aussi complexe et exigeant que Pro Evolution Soccer se voit aussitôt taxé de "gameplay arcade", terme devenu à ce point péjoratif qu'il est capable de fusiller le lancement d'un jeu. Ensuite parce que, comme on va le voir, Soccer Slam trouve son identité et sa force dans le fait qu'il pioche dans ces trois catégories le plus de bienfaits possibles et parvient à en éviter l'ensemble des travers. Le fait qu'il découle de jeux tels que Speedball ou Punk Shot est évident, mais il va bien plus loin dans ses possibilités ludiques et la cohérence physique des actions qu'il met en scène, tout en privilégiant une certaine logique dans le déroulements de ses phases de jeu. Il s'agit peut-être du premier jeu de football arcade à tendance synthétique atteint de dinodinisme, si vous voyez ce que je veux dire. Aussi, le rapport affectif que le joueur entretiendra avec un tel jeu risque-t-il d'être complexe et devenir une des clés qui lui permettront de l'apprécier totalement.

Les faits (on y est)

Soccer Slam : Le jeu

Sega Soccer Slam est un jeu de football à quatre contre quatre (un gardien + trois joueurs de champs) qui se déroule dans un univers parallèle totalement déjanté. Les règles du jeu brillent par leur absence : en gros, il faut marquer des buts par tous les moyens. Il n'y a ni touche, ni corner, ni faute, ni hors-jeu (de toute façon il n'y a pas d'arbitre), aucun coup de pied arrêté, uniquement des phases intenses d'attaque et de défense. L'aire de jeu fait grosso modo la moitié des dimensions d'un terrain de football, et peut se traverser en deux passes dans le sens de la longueur. Il est possible de gifler ou bousculer tous les adversaires (même le gardien, mais il ne se laisse pas faire !), qu'ils aient le ballon ou non, et les tackles peuvent se faire de toutes les directions.

Les commandes de base sont :

- La passe : Deux types de passe selon le temps de pression sur le bouton, passe à terre ou passe aérienne. La balle colle au pied du joueur tant qu'il ne tire pas ou ne se la fait pas dérober.
- Le tir : La puissance du tir est conditionnée par le temps de pression sur le bouton (une jauge apparaît au dessus du joueur), et en cas de passe, si le bouton est pressé avant que le destinataire n'ait reçu le ballon, celui-ci fait une reprise de volée.
- La protection : Le joueur fait un saut-périlleux avant en serrant le ballon entre ses pieds, afin d'esquiver un tackle.
- Le combat (bouton de passe, hors possession du ballon) : Le joueur envoie à terre son adversaire pour lui prendre le ballon ou l'empêcher de jouer.
- Le vol (bouton de protection, hors possession du ballon) : Le joueur tackle l'adversaire à la régulière et lui chippe le ballon.
- L'accélération : Permet de gagner en vitesse de façon naturelle, ce qui fait descendre une jauge "Turbo" qui se recharge en marquant des buts et en réalisant des combos (dribble + protection de balle + tir etc.).
- Le boost : Rend un joueur invincible pendant quelques secondes, et multiplie la puissance de ses tirs. Cela se traduit par un effet visuel spectaculaire (traînée de feu, de glace etc.).

Dribble et protection de balle ("Deke") constituent des combos

De temps à autre, un rayon lumineux (ou "spotlight") se promène sur le terrain, comme le rond de lumière qui entoure la star sur une scène de concert. Si un joueur tire alors qu'il se trouve dans ce rayon, il exécute un "killer kick" : la caméra se fixe en gros plan sur lui, et il s'élève à 5 ou 6 mètres du sol avant de de faire une reprise de volée fulgurante. Avec certains joueurs, il est possible de déterminer l'endroit de la cage qui va être visé, mais uniquement s'ils ont des prédispositions particulières au tir (voir plus loin). Il est possible de provoquer l'apparition du bouton lumineux en pressant la touche d'accélération pendant qu'on fait une passe.

Par défaut, le joueur ne contrôle pas le gardien de but, et le taux de réussite de ce dernier est conditionné de la manière suivante : en début de match, il porte une armure. S'il arrête un killer kick ou un tir exécuté avec la jauge de puissance à fond, l'armure se désagrège. Il devient alors moins efficace dans ses arrêts, et lorsqu'il n'a plus d'armure, laisse presque tout passer. En revanche, chaque fois que son équipe marque, son armure se reconstruit et ses compétences de début de match reviennent.

Mini-jeu 4 joueurs et mode Quest.

Les modes de jeu sont classiques :

- Arcade / Quickstart : Pour lancer une partie rapidement configurée, voire instantanément si on choisit l'option "quickstart".
- Exhibition : Match dans lequel on compose les équipes joueur par joueur, idéal pour jouer à plusieurs.
- Quest : Mode dans lequel on prend part à un mini championnat. Dans la tradition des jeux de sport Sega, on se promène sur une mappemonde et on choisit entre participer à des matches, aller dans une boutique où on peut acheter des gadgets qui améliorent les capacités individuelles et des artworks des joueurs (l'argent se gagne en remportant des matches, bien sûr, et plus le score est élevé plus ça rapporte), et lancer des modes d'entraînement qui permettent de mieux maîtriser certaines phases de jeu. Le championnat comprend 10 matches, et à chaque fois qu'on le gagne avec une équipe cela débloque de nouvelles équipes et de nouveaux stades.
- Tutorial : Ce mode est absolument indispensable, comme on va le voir plus loin. Il donne une leçon de maniement du jeu qui dure une quinzaine de minutes mais se montre très riche en enseignements et donne un aperçu de la profondeur du jeu. Si Peter Molyneux avait dirigé le développement de Soccer Slam, il aurait certainement fait en sorte (comme il l'a fait sur Black&White) que le joueur soit obligé de faire ce tutorial avant de commencer les matches.
- Les mini-jeux : Ils sont au nombre de deux. "Fighting", dans lequel les joueurs doivent se bastonner à qui mieux-mieux en utilisant les mêmes coups que durant les parties, et "Hot Potato", plus subtil (ce qui n'est pas difficile !), dans lequel le ballon est une bombe qui explose au bout de 10 secondes, mais qu'il faut auparavant garder le plus longtemps possible dans les pieds pour marquer des points (les joueurs essaient donc de se le dérober, puis de se le refiler lorsque le compte à rebours approche de zéro, car l'explosion fait perdre beaucoup de points si on en est trop proche)

Les joueurs

Exemples d'artworks pour les joueurs et équipes

Les 6 équipes sont chacune composée de 3 personnages qui ont fait l'objet d'un character-design très soigné, basé sur le thème de la nationalité : chaque personnage a une apparence et un comportement fortement liés à son pays d'origine, établi en fonction de stéréotypes bien connus qui ne sont employés qu'à des fins purement humoristiques. L'Anglais est un punk rouquin qui ne pense qu'à boire de la bière, le Russe rêve de conquérir le monde, l'Allemande est une adorable bête de dance-floor qui ne jure que par la techno, le Polynésien souriant bardé de colliers de fleurs fait deux mètres et 200 kilos, l'Écossais a une barbe rousse, un kilt et une féroce envie de gagner, et le Français est... un maigrichon sale, vicieux, cynique, le seul perso antipathique du jeu à coup sûr ! À noter que seuls les gardiens de but sont curieusement anonymes et tous à peu près identiques (ils ne semblent pas faire vraiment partie des équipes).

Il y a trois classes de personnage :

- Les petits : Ne tirent pas très fort et ne bousculent pas violemment mais sont rapides, bons passeurs et très doués pour chipper le ballon ou le protéger quand ils l'ont. Le plus souvent ces joueurs là sont des personnages féminins.
- Les grands : Ils tirent et passent correctement, leur vitesse est bonne, mais ils ont du mal à détruire l'armure du gardien. Par contre, ils sont de bons voleurs de balle.
- Les gros : Peu rapides, mais très puissants, ils décochent des tirs dévastateurs et peuvent mettre au tapis n'importe qui.

Trois angles de caméra sont disponible : de trois-quart, dans l'axe (voir ci-dessus), et du côté comme à la télé. On peut aussi régler le zoom.

Chaque équipe est composée d'un petit, d'un grand et d'un gros. Les équipes portent des noms à thèmes, comme "Sub Zero" dont les trois joueurs viennent d'un pays plutôt froid, ou "El fuego" dans laquelle tout le monde est très latin (Portugal, Italie, Espagne). Les équipes ont des caractéristiques précises qu'il convient de bien connaître. Certaines, dans leur version de base, sont plus fortes que d'autres. Néanmoins, tout peut s'équilibrer en achetant des accessoires en mode Quest. De manière générale, il semble que ce soit le joueur "petit" qui fasse la différence. Certains équipes s'en traînent un qui n'est vraiment bon à rien, et devient un vrai point faible pendant les matches. En revanche, tous les joueurs peuvent marquer autant de buts s'ils sont en bonne position et qu'on les maîtrise bien. Leur carrure n'est vraiment avantageuse ou pénalisante que dans la construction des actions, et en défense.

Lorsqu'un joueur marque un but, la caméra passe en gros plan sur lui et il manifeste sa joie en revendiquant avec fierté ses origines, soutenu par une musique hilarante qui reprend un air traditionnel de son pays. Ces phases de jeu sont importantes, il ne faut pas les zapper (même si c'est possible). Elles permettent de faire connaissance avec des personnages qui deviennent après quelques heures de jeu très attachants, et contribuent à l'élaboration d'un petit univers dans lequel le joueur prend plaisir à se plonger (les joueurs - à la manière des jeux de combat - ont tous une biographie qu'on peut consulter dans les menus, et en cas de victoire dans le championnat, on nous raconte la suite de leur carrière avec à la clé une cinématique de fin différente pour chaque équipe). On peut apprécier ou pas, mais si on aime on devient vite accro, et rappelons-le : le jeu est totalement, définitivement conçu dans ce but, la preuve en étant que le mode Quest est plutôt court et prévu d'être recommencé avec chaque équipe, ce qui permet de découvrir la totalité des joueurs.

Deux exemples d'utilisation du boost : Les effets visuels envahissent l'écran.

Les stades sont aussi hauts en couleurs : situés aux quatre coins du monde, ils sont entièrement modélises en 3D, y compris le public, ce qui explique que ce dernier ne soit pas très nombreux (quelques dizaines de personnes). Certains stades qui se débloquent plus avant dans le jeu sont même complètement surréalistes, avec une texture du sol en pierre et des cages monumentales. La météo varie d'un match à l'autre : soleil, pluie ou neige sont au programme, mais il n'y a jamais de vent.

Réalisation

Il convient, chose rare pour un jeu récent multi-plates-formes, de bien différencier les trois versions. Celle sur Playstation 2 est un peu décevante. Les personnages sont grossièrement modélisés, les couleurs sont ternes, et les animations primaires. Il était possible de faire bien mieux sur la machine, et cette conversion bâclée à nui au succès du jeu, dont la communauté des possesseurs de PS2 n'a guère entendu parler en bien. Les versions Game Cube et Xbox sont beaucoup plus soignées et réussies, et atteignent un niveau graphique conforme à ce qu'on peut exiger d'un jeu en 2002. La version Xbox se permet même le luxe d'une animation à 60 images/secondes à tout instant. Visuellement, Soccer Slam est très réussi, pour peu qu'on apprécie l'esthétique BD. C'est très coloré, ça pète dans tous les sens, les effets visuels lors des phases de jeu surnaturelles exploitent bien les effets graphiques à la mode (même trop puisque parfois on ne voit plus le ballon !), et le travail de motion capture ne souffre aucun reproche (on se demande comment ils ont fait pour certains mouvements !). Il s'agit d'un très beau jeu, incontestablement.

Cette vue d'ensemble sur le stade (juste avant le match) et ce replay rendent compte de la qualité graphique du jeu

Côté bande sonore, c'est un sans faute : les musiques sont nombreuses et joviales, tout à fait dans le ton, les voix innombrables et hilarantes (les personnages se parlent pendant toute la partie avec l'accent de leur pays et ont tous en réserve plusieurs petits sketches différents pour les buts marqués), et surtout les commentaires sont un vrai bonheur : le commentateur a un accent british bien conventionnel dans le style BBC, qui surprend au début, mais à la moindre occasion il pète littéralement les plombs et multiplie les jeux de mots dignes des Monty Python ! Il faut bien comprendre l'anglais et connaître un minimum les personnages pour tout saisir, mais c'est très maîtrisé, jamais répétitif et franchement amusant. Peut-être le meilleur commentaire qu'on ait entendu dans un jeu de foot, il ne donne pas envie d'être coupé même après de nombreuses heures de jeu.

Tactique et mode solo

Après l'engagement, l'action est immédiate : on peut marquer un but en moins de 5 secondes.

On pourrait se contenter de dire que Sega Soccer Slam est avant tout, la présence de mini-jeux en atteste, calibré pour les soirées entre amis. Le jeu peut se jouer à quatre, et son humour fait figure de carburant pour ambiance festive. Néanmoins, le mode solo n'est pas du tout dénué d'intérêt, et révèle toute la richesse du jeu. Des parties à deux ou quatre en joueurs ayant bien en main le jeu en solo peuvent ainsi atteindre une grande intensité.

Les premières parties contre l'ordinateur sont cauchemardesques. On prend but sur but sans parvenir à en marquer, et on joue de façon si simpliste et répétitive qu'on pense que le jeu se rapproche d'une simulation de basket rétro du style NBA Jam. Un tour par le tutorial permet de chasser cette première impression : on découvre que les deux types de passe, les reprises de volée et l'utilisation du boost permettent de varier les attaques. On devine alors qu'il va falloir utiliser toutes les possibilités (centre/tir, une-deux, récupération au rebond, exploit personnel en utilisant le boost...) pour que le gardien adverse cesse enfin d'arrêter tous les tirs. De même, il faut tenir compte des caractéristiques de chaque joueur, notamment ses capacités à tirer ou défendre en fonction de son gabarit. Lorsqu'on y parvient, les parties sont déjà plus équilibrées, mais rien à faire, on perd toujours, surtout en fin de match ou l'ordinateur semble avoir un regain de puissance et de réussite.

C'est alors que Soccer Slam révèle une partie de son génie : La réussite passe par une parfaite maîtrise du jeu défensif. Beaucoup de jeux de foot orientés arcade, à commencer par Virtua Striker et ses suites, souffrent d'un cruel manque d'intérêt lorsqu'on n'a pas le ballon. Ici, on échappe à ce défaut par le fait qu'il n'y a que trois joueurs de champ. En général les attaques menées par l'ordinateur se feront à deux joueurs, l'un qui sème la panique dans la défense, et l'autre qui se place devant les cages adverses, attendant une passe décisive. Il faut alors prendre en main un joueur qui va venir malmener celui-ci. L'ordinateur dirigera alors celui qui poursuit le porteur du ballon, avec une certaine réussite. Cela perturbe le schéma "passe décisive-tir", et avorte la plupart des attaques. Le jeu devient beaucoup plus prenant dans la mesure où les buts se raréfient quelque peu, laissant la place à une succession de courtes phases de construction. On en vient même à régler la durée des parties sur 2x5mn voire 2x10mn au lieu du 2x2mn prévu par défaut, la tension monte, et le plaisir avec.

Pas toujours très clairs mais magnifiques, les menus permettent de réviser les commandes du jeu ou consulter les caractéristiques des équipes.

Cette tactique paraît assez simple à mettre en pratique, mais la très grande vitesse du jeu complique les choses, et si on prend aussi en compte la nécessité de se montrer créatif en attaque, on comprend que Soccer Slam est un jeu plutôt technique. De plus, le principe de la carapace du gardien qui s'amenuise lorsque celui ci stoppe un tir puissant est à prendre en compte : cela entraîne quelque fois l'impossibilité pour une équipe de mettre la tête hors de l'eau. On peut en profiter pour prendre le large en début de match, faire une remontée spectaculaire ou au contraire tâcher de se mettre à l'abri.

Tout ça n'est pas d'une folle complexité, mais il s'agit avant tout d'un jeu d'arcade, ne l'oublions pas : Le plaisir des yeux et des oreilles est tout aussi important que la mise à contribution de notre fibre footballistique, et la vitesse et les réflexes restent prépondérants même lorsqu'il faut agir de manière réfléchie. Même une fois le jeu solo maîtrisé, la durée de vie est au rendez-vous car il est possible d'augmenter la difficulté de deux crans successifs (Pro, et Expert), et les divers championnats, avec leur lot de choses à débloquer, sont encore là.

Conclusion

Sega Soccer Slam est une réussite. Un jeu sur lequel on peut se ruer sans risquer d'être déçu, et aussi une des meilleures productions du Sega de l'après Dreamcast. Comme on l'a vu, il emprunte des éléments de chacune des catégories de jeu de foot décrites en début d'article. Son côté arcade est évident, mais il s'agit aussi d'un jeu de foot partiellement "dinien" grâce à ses possibilité tactiques et aux sérieux avec lequel il gère les collisions, les mouvements des joueurs en fonction de leurs carrure, les différents types de passe, de tirs... Enfin, il emprunte au jeu de foot "synthétique" la nécessité de ne pas répéter les mêmes actions sous peine de voir celles-ci échouer systématiquement : on retrouve cet aspect scripté et combinatoire qui nous rappelle que malgré tout on a affaire à un programme dans lequel le hasard n'a pas totalement sa place.

Replay et tir dans un "spotlight"

Aurait-on là la formule idéale ? Certes pas, car on est bien loin de ce qu'il est convenu d'appeler une simulation. Les joueurs ont des attitudes qui défient toutes les lois de la physique et cherchent la frime avant tout : au lieu de tirer normalement, ils élèvent la balle au dessus d'eux et tirent de la tête avec une force incroyable, ou se retournent et font une talonnade, exécutent des contrôles sur une balle aérienne en faisant un saut à 360° trois mètres au dessus du sol, se dressent sur les mains et tapent dans la balle avec les semelles... Sans parler des boosts qui font plonger le jeu dans le n'importe quoi total. Il s'agit tout simplement d'un titre qu'on prendra plaisir à maîtriser progressivement en s'adaptant à ses impératifs de gameplay rigoureux dans un registre non-sensique, et offre en plus le plaisir de retrouver à chaque partie une galerie de portraits sympathique, réussie qui permet un début d'identification. Il convient ainsi aussi bien à une petite partie de temps en temps qu'à une période pendant laquelle on le pratiquera plus intensivement, sans oublier son efficacité à plusieurs, imparable.

Bien entendu, des défauts sont à énumérer (manque de clarté de certaines phases de jeu, effets visuels parfois envahissants, version PS2 aux graphismes décevants, textures de certains terrains trop chargées, menus un peu fouillis, absence totale de localisation, mini-jeux trop peu nombreux et pas vraiment géniaux,16/9 non géré...), mais ils ne parviennent pas à gâcher la fête. Keep on slammin'!

Laurent
(13 octobre 2003)
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