Lucasfilm Games, qui vient de s'appeler Lucasarts, commence à exploiter sa plus grosse licence, Star Wars. Quelques jeux sur le thème étaient bien sortis sur Atari 2600, ainsi qu'en arcade (Star Wars, mais pas par Lucasfilm), mais sur Pécé, support en pleine ascension ludique en 1992, rien.
Et voilà que l'on voit débarquer, presque sans prévenir, un projet ambitieux : un simulateur spatial sur l'univers de Luke, Yan, Leia et tous leurs amis. Attention, pas une simple tranchée de l'Etoile Noire, mais quelque chose de plus vaste. Lucasarts va fouler le terrain de chasse d'Origin, avec le fabuleux Wing Commander II, sorti l'année précédente et tellement adulé par la critique (100% dans Joystick), qu'aucun éditeur ne s'était plus risqué dans le domaine.
X-Wing, puisque c'est son petit nom, plonge le joueur au cœur des forces spatiales rebelles, sur le vaisseau mère Independance, en tant qu'apprenti pilote, et jeune recrue de la flotte insoumise. Le but de l'aventure est très bien présenté dans une intro en bitmap made in Lucasarts, où le Général Ackbar déploie une contre-attaque de chasseurs X-Wing pour éradiquer un assaut impérial surprise. Bien que sommairement animée, l'efficacité des images galvanise le joueur, car il va enfin pouvoir participer à une aventure grisante : se mettre aux commandes des vaisseaux mythiques de la Rébellion. Plus de dix ans après, je conserve un souvenir intact de cette intro.
Histoire d'immerger la bleusaille que vous êtes, tous les menus de X-Wing sont représentés sous la forme de différentes sections du vaisseau-mère : depuis l'inscription du héros dans les registres de la Rébellion, en passant par les briefings du Général Dodonna, jusqu'aux quais d'appontage : l'environnement visuel est très réussi, avec toujours ce coup de patte spécifique à Lucasarts dans la réalisation des décors et des personnages. À partir du pont principal, une foulée d'options sont proposées : l'entraînement, le tour of duty (mode carrière), les missions historiques, les salles de données techniques et de montage cinématographique (pour faire ses propres vidéos), et enfin le casier personnel. Ce dernier constitue la carotte du joueur, et par la même le point d'orgue, l'intérêt majeur du soft, puisque c'est ici que seront rassemblées toutes les récompenses accumulées à chaque succès. Le costume accroché dans le casier va s'étoffer, au fur et à mesure de la progression, de diverses médailles, qui feront également évoluer le grade du héros. Mais nous n'en sommes pas encore là.
Les forces rebelles disposent de quatre chasseurs pour mener à bien leur combat : le A-Wing, rapide mais peu résistant ; le Y-Wing, lent mais robuste ; le B-Wing (disponible à partir de l'add-on du même nom), aux formes étranges et à l'armement lourd ; et bien sûr le X-Wing, l'équilibre parfait, avec en prime une puissance de feu accrue avec ses quatre tirs. Le principe de fonctionnement est le même quel que soit le vaisseau : le pilote doit gérer une jauge d'énergie et répartir cette ressource entre les différents éléments que sont les boucliers, la vitesse et les tirs. Ainsi, si le joueur doit parcourir une grosse distance, ou échapper à une poursuite trop importante, il met toute la puissance sur les réacteurs ; en contrepartie, les tirs et les boucliers seront plus faibles. Si, au contraire, il a besoin de toute sa défense, il pourra charger les boucliers au maximum, mais sa vitesse de déplacement sera amoindrie, à moins qu'il n'économise également sur les tirs. Ces deux derniers paramètres proposent également des options d'utilisations particulières, avec une possibilité de répartition des boucliers à l'avant, à l'arrière (pratique en cas de poursuite), ou sur l'ensemble du vaisseau. À chaque impact, le bouclier baisse : lorsqu'il est percé, c'est la coque qui prend directement, et elle ne résiste pas longtemps, occasionnant par la même des dégâts souvent irréversibles, comme la destruction de certains indicateurs de bord ; des réparations sont tout de même possibles, gérées par le droïde astromécano de bord. Quant aux tirs, ils peuvent être utilisés simultanément, ou par alternance de canon ; sans oublier les roquettes, les torpilles, et les canons à ions pour désactiver les systèmes électroniques adverses.
Tous ces paramètres sont visibles sur le tableau de bord du cockpit, et se lisent très facilement. Le radar n'est pas non plus à négliger, on a vite fait de perdre de vue les ennemis en dogfight. En plus de ce système finalement très simple, surtout pour ceux à qui des simulateurs comme Falcon 3.0 ou US Navy Fighters ont donné de l'urticaire, on trouve une carte du coin, des ordres radio à donner aux coéquipiers, et le bouton d'hyperespace pour revenir au vaisseau-mère. Sans pour autant tomber dans la facilité du jeu d'arcade, comme le proposera plus tard la série Rogue Squadron, X-Wing se veut agréable à prendre en main, avec des concepts faciles à appréhender même pour celles et ceux qui ne sont pas diplômés de la NASA, et qui amènent une profondeur très intéressante au soft. On se prend très rapidement pour un pilote rebelle.
Avant de se plonger dans la bataille, le training s'impose, histoire de se familiariser avec les commandes de la bête. Un parcours de huit niveaux pour chaque vaisseau est proposé, qui consiste en un enchaînement de portes en temps très limité, avec, au fur et à mesure, des petites gâteries qui viennent bien compliquer la tâche, comme des tourelles de tir actives, et des portes à passer en sens inverse. Compléter ces phases permet non seulement de récupérer une médaille, mais aussi de s'assurer qu'on a bien pris en main l'appareil. La difficulté est imposante, mais reflète bien l'ampleur de la tâche qui nous attend. C'est vrai, quoi, la Rébellion a besoin de vaillants pilotes, pas de lopettes.
Mais le gros du travail se situe dans le Tour of Duty, avec sa salle de briefing, et ses trois quêtes (cinq avec les add-on B-Wing et Imperial Pursuit). C'est ici que l'aventure commence vraiment : missions de reconnaissance, escorte de frégates ou de corvettes corélliennes, assaut contre les forces de l'Empire, les objectifs varient à chaque niveau, tout en suivant un fil rouge qui conduit ni plus ni moins à l'assaut de l''Étoile Noire de l'épisode IV (Un Nouvel Espoir), et un peu au-delà. L'Empire est représenté par la panoplie des vaisseaux et des chasseurs emblématiques de la saga : les TIE Fighters, chasseurs rapides mais peu résistants (ils n'ont pas de boucliers) ; ou encore les TIE Bombers, lents mais lourdement armés ; et bien sûr, les Star Destroyers, de toute leur masse imposante. Il faudra d'ailleurs en descendre quelques-uns. Bonne chance. Les fans de la saga sont donc gâtés, puisque toute la mythologie spatiale de Star Wars est présent, un pur bonheur !
Les boucliers arrière du A-Wing faiblissent, je me fais canarder !
Le simple fait de proposer un simulateur sur le thème aurait déjà assuré à Lucasarts un certain succès ; mais ce qui va faire parler du jeu à sa sortie, c'est son moteur. En effet, alors que le prestigieux Wing Commander II se fonde sur un moteur bitmap, certes réussi, mais qui peine à rendre toute la profondeur spatiale nécessaire, X-Wing propose un moteur troidé révolutionnaire. Techniquement, c'est la grosse claque. Tous les vaisseaux sont modélisés en troidé non texturée, en VGA, le tout en 320x240. Si les graphismes paraissent de prime abord un peu dépouillés, non seulement tous les éléments se reconnaissent très facilement, mais l'ensemble reste très fluide, même sur un 386 DX 33 ! L'immersion dans le jeu devient alors totale, avec les attaques en piqués sur les Star Destroyers, pendant que les TIE Fighters frôlent le chasseur rebelle pour le prendre à revers, avec ce son si caractéristique. Si, en plus, vous possédez un joystick analogique digne de ce nom (le Sidewinder Pro, pour ne citer que lui), les batailles prennent un caractère épique, et la tranchée de l'Étoile Noire n'aura jamais été aussi réelle. De toute façon, c'est le seul moyen d'y jouer, vu que les contrôles au clavier sont impossibles car les déplacements par les flèches sont trop mal gérés (on dirait que les commandes sont buggées), et qu'à la souris, le nombre d'allers-retours à réaliser avec le mulot pour faire un tour complet est ahurissant, ce qui réduit sa durée de vie à quelques jours.
Par ailleurs, on ne pouvait décemment concevoir un jeu Lucasarts, et encore moins une licence Star Wars, sans un environnement sonore de qualité. On retrouve donc les thèmes de John Williams en samples midi excellents, bien qu'absents lors des missions ; en y ajoutant toute la palette sonore des affrontements spatiaux de la saga, avec la présence de voix digitalisées lors des scènes cinématiques et de certaines actions dans les menus, l'expérience est ultime. Les seules réserves concerneront la difficulté, franchement harassante, même si beaucoup affirment qu'elle contribue à faire de ce jeu un titre exceptionnel ; l'autre point négatif se manifeste dans l'absence de la corvette corélienne modifiée YT-1300 parmi les vaisseaux disponibles, même si elle apparaît au cours du jeu. Les spécialistes auront reconnu dans cette appellation technique le Faucon Millenium, la propriété de Yan Solo (bien que cette dernière fasse toujours l'objet d'une âpre discussion avec Lando Calrissian).
X-Wing est ressorti rapidement, avec l'avènement du support cédé, sous une forme collector, regroupant d'entrée la version de base agrémentée de ses add-on, de voix digitalisées pour tous les briefings, et surtout de graphismes de qualité supérieure, affichant des effets de Gouraud fort jolis sur les surfaces troidé, effets que l'on retrouve dans sa suite, TIE Fighter.