Profitant d'une promotion éclair sur Steam, je me suis offert
The Talos Principle, jeu d'énigmes à la première personne de Croteam, les créateurs de Serious Sam. Je l'ai terminé sous peu, et je le considère comme l'un des plus grands représentants du genre, bien meilleur même que
Portal 2 (eh oui !) et côtoyant l'intelligence d'
Antichamber, dont j'avais déjà dit beaucoup de bien
ici même.
Point philosophique : Talos est, dans la mythologie grecque, un automate créé par Héphaïstos et qui fut finalement détruit par les argonautes. Du sang coulait dans ses mécanismes, retenu par une vis dans le dos ; Jason ôta la vis, le vida de son sang et le tua finalement. Le "principe de Talos" renvoie à une idée selon laquelle tout est toujours réductible à la mort : une fois qu'on n'a plus de sang, tout intelligent et sage soit-on, on ne peut échapper à son destin...
TLP vous met dans la "peau" d'un androïde plongé dans un monde étrange empruntant, tour à tour, à la Grèce antique, à l'Égypte des Pharaons et aux cathédrales gothiques. Votre objectif, donné par une voix mystérieuse surgie du ciel et répondant au nom d'Elohim ("Dieu" en hébreu) qui ne cessera de vous interpeller, est de collecter des sigils (tétronimos) ouvrant diverses portes et conduisant notamment à une immense tour qu'Elohim, étrangement, vous déconseille fortement de grimper. Pour atteindre ces sceaux, vous devrez résoudre différents puzzles dans des labyrinthes délimités et faire appel à votre réflexion, à votre ingéniosité et à votre intelligence.
D'ores et déjà, un constat technique : le jeu est magnifique. Les environnements, dépeuplés ou presque, sont criant de lumière et de contraste et on jurerait par endroit revenir à l'époque de
Myst ou des anciens jeux Cryo. La bande son, de même, très belle et posée, peut s'écouter des heures entières sans le moindre mal et c'est tant mieux : car les énigmes, le cœur du jeu, seront rapidement machiavéliques.
Contrairement à de nombreux autres jeux du genre, le personnage que vous dirigerez ne possèdent aucune capacité spécifique : il peut courir, prendre des objets, les poser et sauter, rien de plus. Les énigmes, généralement, tournent autour de 6 grands mécanismes :
- Les cubes, qui peuvent servir autant de marche-pied que d'obstacles pour les (rares) éléments mouvants ;
- Les brouilleurs, qui désactivent tout ce qui est électrique, des barrières aux mines mobiles ;
- Les connecteurs, qui permettent de relier des faisceaux lasers à des récepteurs en ligne droite ;
- Les ventilateurs, qui vous propulsent ci et là ;
- Les plates-formes, sur lesquelles vous pouvez vous tenir et faire tenir des objets ;
- L'enregistreur, qui documente vos mouvements et la position des objets utilisés pour ensuite interagir avec votre double, à la façon du monde 5 de
Braid.
D'ores et déjà, la complétion du jeu et de ses trois fins vous demandera une vingtaine d'heures, et je peux vous garantir que si vous êtes friand d'énigmes, cela devrait largement vous plaire. Mais l'intérêt du jeu réside également dans son propos et dans l'orientation philosophique qu'il propose.
Effectivement, autant la narration n'est guère originale (des voix, des fichiers audio, des textes...), autant on interrogera rapidement la notion d'humanité et de divin, et ce qu'implique l'un comme l'autre. Je parlais de Talos plus haut, voilà le sujet : et quand bien même comprendrait-on assez rapidement, vers le tiers de l'aventure je dirais, ce pourquoi un robot doit résoudre des énigmes dans des environnements immenses et s'interroger sur ce qui le fonde en qualité de personne, j'avoue que ce sont là des thèmes rarement abordés dans le média du jeu vidéo.
Rien de particulier cependant : on suit là la progression habituelle de la quête ontologique de l'humanité, des socratiques et de leur réflexion sur la différence entre l'homme, l'animal et la machine jusqu'aux néo-socratiques et au doute cartésien touchant le divin en passant par les animistes pour lesquels l'âme était indissociable de la chair. Pour peu que vous ayez assisté à un cours de philosophie ou lu les grands noms du genre, rien ne vous surprendra : mais la chose est délivrée avec suffisamment de cynisme et d'honnêteté pour qu'on en soit convaincu.
Si vous êtes amateurs, foncez : il est vrai que le prix fort (40€...) peut faire peur, mais le jeu le mérite largement : et avec la promotion de ce WE de 75% (ce qui fait le jeu à 10€), j'ai été loin d'être volé, au contraire. J'espère, je ferai tout pour tout du moins, que ce jeu demeurera dans les mémoires comme l'un des meilleurs représentants de ce genre nouveau qui a fleuri depuis le premier
Portal : il le mérite largement !