Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
|
|||
|
Par Laurent (15 janvier 2001) Un standard de consolesLa guerre des 32-bits et du CD-ROM a fait beaucoup de victimes, parmi lesquelles on trouve la 3DO, système fabuleusement prometteur dont l'échec est regrettable. L'homme qui a voulu la 3DO s'appelle Trip Hawkins, fondateur d'Electronic Arts, un des plus grands noms de la création de jeux vidéo depuis le début des années 80. William M. "Trip" Hawkins est aussi le créateur de licences vidéo-ludiques extrêmement célèbres telles que Might & Magic, John Madden Football ou Army Men. Homme charismatique et soucieux de son apparence, le magazine américain People (qui a donné son nom à ce genre de presse) l'a même classé en 1995 dans les 50 plus beaux gosses du monde (jugez sur la photo). Mais en dépit de ce look très en décalage avec celui de ses collègues programmeurs, Hawkins est un authentique passionné de jeux vidéo et un développeur talentueux.En 1993, il quitte Electronic Arts, qui est devenu EA Games et s'est considérablement développé, pour fonder 3DO (Three Dimensional Objects), qui est plus qu'une entreprise : un concept. Son but est de créer la technologie d'une console 32-bits révolutionnaire (pour changer !) et d'en vendre la licence à divers fabricants, imposant ainsi un standard (pour chang...). "Ce sera le système le plus stimulant pour l'esprit humain depuis l'invention de l'imprimerie !". La technologie 3DO est conçue sur le papier par Dave Needle et RJ Mical, qui ont fait partie autrefois des équipes de développement de l'Amiga et de l'Atari Lynx, et New Technology Group réalise les premiers prototypes. Les premiers à signer pour la licence sont Matsushita et Goldstar, suivis de Samsung, AT&T et Toshiba. Comme actionnaires de l'entreprise, on trouve aussi EA, Kleiner Perkins Caufield & Byers, Time Warner, MCA et New Technology Group. Une liste impressionnante ! Panasonic et Goldstar vont chacun produire des consoles 3DO au look différent, mais totalement compatibles. On est pas loin du MSX, dont l'idée est adaptée ici au marché des consoles. La première 3DO à être commercialisée est la Panasonic FZ-1, en avril 1993, suivie de la Panasonic FZ-10 et de la Goldstar 3DO. Des rumeurs feront ensuite état du développement d'une 3DO par Sanyo et AT&T, mais seul un prototype en sera montré au Winter CES fin 1993. Finalement, elle ne sortira qu'au Japon, et à très peu d'exemplaires, dont la plupart présenteront un défaut de fabrication entrainant une grande fragilité du chariot à CD. Extérieurement, les 3DO sont probablement, à leur sortie, les plus belles consoles jamais fabriquées (avec la Neo Geo AES ). Noires, de forme très design, elles se rapprochent des appareils hi-fi les plus classieux. À l'intérieur, on trouve un patchwork de ce qui se fait de mieux en 1993 : le CPU est un 32-bits ARM60 RISC cadencé à 12,5 Mhz, fabriqué par Advanced RISC Machine. Le processeur graphique, cadencé à 25 Mhz, peut afficher une résolution maximum de 640x480 en 16 millions de couleurs, et gère certains effets 3D. Côté son, on trouve 16 voies en qualité CD, avec en plus un effet Dolby Surround. La console est équipée de 2 Mo de RAM, d'un Mo de RAM vidéo, d'1 Mo de ROM, et d'une barrette de 32 Ko alimentée par batterie pour les sauvegardes de jeux. Le lecteur de CD est un double vitesse. Toutes les 3DO sont équipées d'un unique port joystick, ceux fournis étant eux-mêmes équipés d'un port pour être branchés en série, permettant à un maximum de huit personnes de jouer simultanément. Le joystick 3DO standard est un gamepad doté de 5 boutons d'action - dont deux sur les tranches - et de deux boutons de fonction. On a souvent reproché à Nintendo de jouer petit bras avec le hardware de ses consoles, mais c'est oublier que celles-ci ont toujours été commercialisées à un prix ultra serré. On a ici une politique inverse, mais la facture fait mal : 700$ en moyenne comme prix de lancement, voilà un handicap que la 3DO ne parviendra jamais à surmonter. Le système 3DO va très vite, après sa sortie fin 93, profiter des services de nombreux fabricants de périphériques, dont la création la plus notable restera le Flight Stick analogique de CH Productions, qui améliore grandement la maniabilité des simulmation de vol. Panasonic propose aussi un très bon pad à six boutons, lancé en même temps que le jeu Street Fighter 2 Turbo, ainsi qu'un adaptateur pour le pad de la Super Nintendo permettant d'en brancher 5 en même temps. Le système 3DO ne va rester sur le marché que deux ans, de 1993 à 1995, durant lesquels une grande variété de jeux sortiront aux États-Unis et au Japon. Beaucoup ont vraiment cru au succès du système et la variété des styles de jeux proposés n'a rien à envier à ce que proposeront les 32-bits les plus populaires. La pléthore de logiciels pour 3DO ne s'arrête pas aux jeux puisqu'on y trouve aussi des titres éducatifs, des CD-ROM encyclopédiques, et même des CD-ROM pornos (ce qui n'est pas péché). Cette grande variété s'explique par le fait que la société 3DO n'exerce un contrôle que sur le hardware, et pas sur les logiciels qui sont quasiment libres de droits. Cette attitude va permettre l'apparition de daubes gluantes, mais aussi de petites perles. Le problème est qu'elle va, en fait, rendre la carrière de la 3DO totalement ingérable et précipiter son extinction. Après 1 an de commercialisation, les ventes des divers modèles n'atteignent pas les chiffres voulus, et Trip Hawkins sent qu'il est temps de quitter le navire. Il vend ses parts de la société à Matsushita et décide de se concentrer sur 3DO Studios, la branche développement de jeux de l'entreprise, retournant à ce qu'il sait le mieux faire. Ironie du sort, cela va entraîner l'apparition des meilleurs jeux pour 3DO alors que le système est sur le point de disparaître. Un projet d'implémentation d'un modem, appelé VoiceSpan, dans les futures 3DO sera envisagé, puis abandonné. La 3DO est la première console de l'histoire à proposer en nombre de véritables jeux 3D, il ne faut pas l'oublier (à part les timides tentatives de Nintendo avec le SuperFX sur certains jeux SuperNES et quelques polygones aperçus dans des jeux Neo Geo), et il n'est pas abusif de dire qu'elle préfigure les consoles en vogue aujourd'hui. Hélas, elle a subi durement la concurrence du raz-de-marée Playstation, et personne n'oserait prétendre que le hardware 3DO est aussi puissant que cette dernière ou que la Saturn, apparues peu après. Le système 3DO a été abandonné en 1995 dans l'indifférence générale, et les projets annoncés d'un système 64-bits successeur, le 3DO M2, n'aboutiront à rien, sinon à décourager les derniers acheteurs potentiels d'investir dans une 3DO. Les jeux 3DOLes jeux 3DO sont, répétons-le, très nombreux et souvent très bons. Hélas, peu d'entre eux exploitent vraiment pleinement les possibilités de la console d'en mettre plein la vue, et ceux le faisant sont sortis alors que le système était déjà condamné à disparaître. Voici quelques uns des titres produits, en piochant dans le bon et le mauvais. - Star Control 2 En dépit de graphismes pauvres, beaucoup de fans de la 3DO considèrent Star Control 2 comme un des meilleurs jeux sortis sur le système. Le jeu offre de nombreuses heures de pur plaisir de jeu et de phases de dialogues passionnantes avec divers aliens, alors que le joueur parcourt la galaxie avec pour mission de sauver la Terre. Les connaisseurs à la mémoire affûtée et aux idées larges reconnaîtront là le principe de jeu introduit par Philippe Ulrich et son Arche du Capitaine Blood de la grande époque des 16-bits. - Twisted, the Game Show Il existe peu d'équivalents à ce jeu sur d'autres systèmes de l'époque. Il s'agit d'un jeu télévisé absurde, ponctué de gags, de pauses publicitaires et des traditionnelles questions de culture générale, dans une ambiance surréaliste. Le jeu idéal pour une soirée entre amis. - Battlesports Créé par Cyclone Studios, ce jeu propose une sorte de match en 3D de hockey ultra-violent en hovercraft, à un contre un. Il s'agit simplement d'attraper la balle et de la lancer dans les buts de l'adversaire. L'action est rapide, et les graphismes excellents. Les hovercrafts peuvent être améliorés au moyen de power-ups. - Road Rash Titre bien connu des fous de consoles, ce jeu trouve ici sa meilleure version. Course de motos en ville rapide et très fun, Road Rash introduit le côté politiquement incorrect qui a plus tard été poussé à l'extrême avec des titres comme Carmageddon. La version 3DO est beaucoup plus rapide jouable que la version Playstation, profitons de l'occasion pour le clamer haut et fort. - FIFA International Soccer Encore une franchise amenée à rapporter énormément d'argent. On est loin des actuels FIFA, mais le jeu utilise les capacités multi-joueur de la 3DO et atteint un bon niveau dans le gameplay, les graphismes et l'animation. - Shadow : War of Succession Un clone de Mortal Kombat. Le pire des jeux de baston jamais réalisés : un exemple des faux-pas ludiques imputables à la politique d'édition libre sur 3DO. - Rise of the Robots Rappelez-vous, en 1994, ce fut un évènement très attendu sur PC. Un jeu de baston comparable à Killer Instinct, mais avec des robots sublimement animés en 3D. Au final, le jeu est superbe, mais n'offre aucun intérêt ludique. La version 3DO est supérieure à la version PC en 320x200 sur tous les points (note : pour un jeu de combat correct sur les PC de l'époque, mieux vaut se rabattre sur One Must Fall 2097). - Tetsujin Un jeu en vue subjective pour 3DO, première console à pouvoir en proposer de corrects (encore que la version 3DO de Doom fut complètement ratée). Le joueur se voit réincarné en robot, après qu'un savant fou ait implanté son cerveau dans une carcasse métallique. Le but du jeu est de le retrouver et de comprendre ce qu'il s'est réellement passé. Le jeu n'est pas très bien réalisé, mais le scénario, que le joueur découvre au fur et à mesure des niveaux, est superbe. - Ultraman Powered Un jeu de baston en 2D d'origine japonaise plutôt réussi, qui a le handicap d'obliger le joueur à incarner exclusivement Ultraman, alors qu'il y a une pléthore de personnages différents. ConclusionAprès la disparition commerciale du standard, la 3DO Company est devenu un simple éditeur de jeux PC, exploitant avec une insistance un peu exagérée les trouvailles ludiques passées de son fondateur, comme l'excellent Army Men. Vendre des consoles est autre chose que vendre des jeux ou des accessoires, on en a ici une nouvelle preuve, après le fiasco de la console Konix. La 3DO est peu présente sur le net, surtout à cause de 3DO Company qui semble tout faire pour que le public l'oublie, la mentionnant à peine dans son site officiel.Quant à l'émulation 3DO, elle est encore aux abonnés absents. Un projet est en cours de développement, nommé 3DOpen, mais le manque de documentation sur le hardware de la bête rend très difficile le travail des pros de l'émulation, et pour l'instant, aucun jeu ne tourne. Envie de réagir ? Cliquez ici pour accéder au forum |