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Condemned 2 : Bloodshot
Année : 2008
Système : Playstation 3, Xbox 360
Développeur : Monolith Studios
Éditeur : Sega
Genre : Survival Horror

S'il y a bien une chose que l'on ne peut reprocher à Bloodshot, c'est le fait d'être une suite trop frileuse, reprenant point par point la formule d'un premier épisode à succès. Non, Monolith n'a pas joué cette carte-là et il faut leur reconnaître une certaine audace au niveau du design de cet épisode. Cependant, en essayant de pousser un peu plus loin l'analyse de ce second opus et du contexte dans lequel il est sorti, on peut penser que ces modifications dans l'expérience de jeu sont certainement dues à ce qu'est devenue la licence Condemned. Le premier titre de la série était un jeu moins spectaculaire, jouant sur le huis clos et la solitude de ce héros traqué et complètement dépassé par les événements. Là, dans Condemned 2: Bloodshot, Ethan a déjà touché le fond et plus rien ne le surprend... De plus, les ficelles que tirent ici les développeurs pour mettre la pression sur le joueur diffèrent sensiblement dans cette séquelle. Dans Condemned 2, Ethan n'est que rarement seul (deux agents de la SCU l'accompagnent durant cette aventure) et il n'est plus aussi démuni face au danger. Pour faire l'analogie avec le cinéma, on pourrait voir le premier Condemned comme une interprétation vidéoludique de Seven (le flic qui combat un serial killer, le jeu d'échec entre la proie et le prédateur, etc.) alors que le second volet peut être perçu comme l'équivalent d'un cinéma d'épouvante plus direct, plus gore, basé sur la surenchère de violence et sur une mise en scène plus théâtrale des meurtres, un genre tout particulier dont Saw pourrait être l'un des représentants les plus significatifs... Là où Condemned: Criminal Origins était intimiste et introspectif, sa suite se veut plus « rentre-dedans » et plus visuellement spectaculaire. Une succession de scènes fortes, mieux rythmées, plus percutantes.... Bref, une vraie suite de jeu d'horreur, cherchant obligatoirement à surpasser le premier opus ! Cette nouvelle orientation de Condemned peut être mise en corrélation avec le nouveau statut de la série, statut qui fait écho au lancement en grand pompe de ce second opus comme nous l'avons vu au début de cet article. Condemned est à présent un blockbuster efficace ne pouvant plus compter sur l'effet de surprise pour convaincre, et Monolith l'assume en déplaçant sa série dans de nouvelles sphères, cherchant d'autres ressorts horrifiques pour effrayer le joueur.

Plus violent, plus sombre, plus spectaculaire, plus gore... Condemned 2 respecte à la lettre les codes que Wes Craven énumère dans Scream 2 : la suite d'un film d'horreur doit faire plus que l'original, et ce dans tous les domaines... Il en est souvent de même dans le jeu vidéo.

Une expérience de jeu profondément changée

En cherchant à chambouler pas mal de codes établis par le premier Condemned, Monolith a pris le risque de pervertir quelque peu sa série, et il faut bien le reconnaître, c'est un peu le cas. En effet, en jouant la surenchère sur de nombreux points, Condemned a un peu perdu de son ambiance, le côté spectaculaire de l'aventure ayant un peu dénaturé ce qui faisait le charme du premier jeu. D'une certaine manière, Condemned 2 est un peu moins "fin" et "subtil" que son prédécesseur au niveau de sa mise en scène : le jeu abuse du gore et de la violence crue pour effrayer le joueur alors que le premier Condemned arrivait à faire peur avec trois fois rien... De plus, en développant le côté bagarreur d'Ethan, le gameplay est certes devenu plus agréable et plus profond mais du coup, le joueur se sent moins faible, moins démuni. À présent, on a un peu plus de répondant face aux monstres que l'on croise durant l'aventure, ce qui amoindrit légèrement la peur ressentie manette en main. Ce sentiment est d'ailleurs renforcé par la présence plus marquée des armes à feu dans ce volet, comme nous le signalions auparavant. Armé d'un fusil d'assaut ou d'un fusil à lunette, on perd un peu l'esprit Condemned. D'ailleurs, en y réfléchissant bien, on peut remarquer que le sniper représente l'exact opposé, d'un point de vue game design, du système de combat si particulier du jeu : abattre de loin un ennemi dans un titre où le corps à corps est le cœur du gameplay, c'est assez contradictoire... Du coup, les armes à feu semblent un peu hors-sujet. Cependant, les combats au corps à corps représentent toujours la majeure partie des affrontements et il est évident que c'est là que le jeu fonctionne à merveille. En donnant l'impression au joueur qu'il contrôle un personnage plus puissant et moins passif, Monolith a un peu diminué le potentiel horrifique du jeu. Du coup, Condemned 2 prend aux tripes, installe une tension certaine tout en mettant mal à l'aise le joueur devant cette violence exacerbée, mais le jeu est tout de même moins effrayant que son illustre prédécesseur. Je n'ai pas retrouvé par exemple dans Bloodshot de scènes aussi fortes que la cultissime séquence du verger dans le premier Condemned, lorsque SKX traque le joueur apeuré dans une vieille bâtisse... Condemned a légèrement changé de créneau, c'est un fait, mais même si le premier opus reste inégalé au niveau de la peur provoquée, ce second volet réserve tout de même son lot de sueurs froides.

Une salle de torture que vous rencontrerez dans les bas-fonds de Metro City...

Cependant, même si la formule a quelque peu changé, Condemned reste Condemned, et les principales forces du jeu répondent à nouveau présent. Bien sûr, Condemned, c'est un gameplay de combat très original et extrêmement bien pensé... C'est également ces phases d'enquêtes si typiques ou encore cette ambiance inimitable, avec cette ville en pleine décrépitude et ces psychopathes imprévisibles... Mais la vraie force de Condemned, c'est surtout son utilisation si intelligente de la vue à la première personne. Et là, Condemned 2 fait encore plus fort que son ainé, en proposant tout au long de l'aventure d'innombrables utilisations originales de cette vue subjective. Cloué au sol après une chute, prisonnier dans un scanner médical ou encore rampant tant bien que mal après avoir eu une jambe perforée : les scènes fortes s'enchaînent, toutes magnifiquement mises en valeur par cette vue FPS. Le titre de Sega et de Monolith demeure certainement l'une des plus brillantes mises en pratique de ce type de visualisation, avec un certain Bioshock (2K Games, 2007). Et puisque l'on parle de ce grand jeu qu'est le titre de Ken Levine et de son équipe, impossible de ne pas revenir sur les liens entre Condemned et ce dernier. En effet, en parcourant les jeux de ces deux séries, on se rend compte qu'elles partagent ce goût pour la mise en scène, ce talent pour jouer avec la caméra (et indirectement avec ce qui est montré et ce qui ne l'est pas), ainsi que cette grande rigueur de travail sur le son (au niveau des musiques bien sûr, mais aussi au niveau des bruitages et de la spatialisation de ces derniers). D'ailleurs, Paul Hellquist, lead design sur Bioshock, avait confié lors d'une interview en août 2007 que parmi les titres que lui et son équipe avaient observés en particulier lors des premiers temps de développement de leur jeu, il y avait surtout Condemned: Criminal Origins. Ce n'est d'ailleurs pas une coïncidence si ces séries excellent toutes les deux dans leur capacité à immerger le joueur dans leur univers respectif.

Un niveau de Condemned 2, le théâtre de Magicman, paraît avoir été conçu pour souligner le lien fort qui existe entre la série de Monolith et Bioshock. Dans ce grand théâtre au style architectural proche de celui si particulier de Rapture, Ethan sera guidé par la voix du Magicman jusqu'à une grande scène. Impossible de ne pas penser au passage mettant en scène Sander Cohen dans le chef-d'œuvre de 2K Games...

On signalera pour finir la présence de deux nouveautés apportées par Condemned 2, à savoir le « Clodo Fight Club » (une sorte d'arène libre entièrement configurable dans laquelle on affronte des vagues d'ennemis suivant des règles particulières) et un mode multijoueurs jouable en ligne. Autant le premier mode est largement dispensable, autant le mode multijoueurs n'est pas si négligeable que ca... Si l'idée d'un mode multi dans Condemned peut paraître saugrenue et complètement hors de propos, cela fonctionne en réalité plutôt bien, d'autant que le jeu est encore assez fréquenté au moment où j'écris ces lignes (c'est-à-dire en Septembre 2009). On retiendra du multi de Bloodshot deux modes plutôt efficaces, à savoir la « Ruée des Clodos » (une poignée de joueurs incarnant les SCU doivent résister aux assauts des autres joueurs, les voyous, ces derniers respawnant à l'infini) et la « Scène de Crime ». Dans ce mode de jeu-là, les Clodos ont en leur possession deux preuves d'une scène de crime et l'autre équipe, les membres des SCU, doivent les scanner. Bien sûr, les Clodos peuvent bouger et cacher les objets en question, alors que les soldats peuvent utiliser leur spectromètre pour localiser les preuves. Cependant, ils ne peuvent pas se défendre lorsque cet outil est activé... Alors certes, on n'est très loin de l'esprit du jeu initial (plus de sentiment de peur du tout) mais c'est assez efficace et ce mode de jeu qui semblait être une hérésie quand on connait et apprécie la série est en réalité une bonne surprise. Bien sûr, le gros de l'expérience de jeu demeure le mode solo, mais ce mode multijoueurs est un bonus non négligeable.

Des voyous qui se mettent sur la tronche avec des pieds de biche ou des marteaux... Bienvenue sur le Xbox Live ou sur le Playstation Network !

Parmi les Grands...

Comme nous l'avons vu, Condemned 2: Bloodshot est un épisode assez particulier, une suite plutôt atypique. Cependant, en ayant ses qualités propres, il a le mérite de placer la franchise de Sega parmi les grandes licences du survival horror... Condemned joue donc à présent dans la cour des Resident Evil ou des Silent Hill et ne se résume plus à un jeu unique et isolé. Bien sûr, en arrivant au bout de l'aventure proposée par Condemned 2, impossible de ne pas penser à une éventuelle suite. Il parait évident que Sega doit avoir envie de mettre sur les rails un Condemned 3, étant donné la réussite critique et commerciale de ce second opus (le site vgchartz annonce environ 800000 copies vendues pour cette séquelle sur les deux plates-formes confondues). Il n'était en outre pas facile de passer après le brillant premier volet, mais Monolith a brillamment relevé le défi. Condemned 2: Bloodshot est un jeu qui a ses défauts, comme en particulier un level design toujours aussi pauvre, chose qui est malheureusement la marque de fabrique de Monolith Productions (c'est particulièrement flagrant dans le niveau de l'hôtel au début du jeu, niveau durant lequel on visite des dizaines de chambres ayant exactement la même disposition), ou encore le fait que le jeu ait tendance à abuser de l'obscurité au détriment de la visibilité. Mais le jeu innove là où on ne l'attendait pas et propose une relecture toute particulière des codes établis par le premier opus... Alors oui, même si j'ai toujours tendance à préférer le volet initial, plus percutant et plus efficace en terme de jeu d'horreur pur, ce Condemned 2 est une suite réussie qui mérite que les amoureux du survival horror s'y essaient. Sega et Monolith tiennent là une licence en or et une série admirablement bien mise sur les rails avec ces deux épisodes différents mais complémentaires (d'ailleurs, les scénarios des deux jeux se complètent à merveille, Condemned 2 expliquant les événements de son prédécesseur). Tout comme la série dont il est le protagoniste principal, Ethan Thomas est maintenant un nom connu et reconnu dans le domaine du jeu d'épouvante, et du coup, il y a fort à parier qu'on le revoit très prochainement dans un autre de ses savoureux cauchemars...

Seule véritable alliée d'Ethan durant les deux épisodes, Rosa est son meilleur soutien tout au long de l'aventure. La reverra-t-on dans l'hypothétique Condemned 3 ?
Jika
(17 novembre 2009)
Sources, remerciements, liens supplémentaires :
Quelques liens relatifs à Condemned 2: Bloodshot :

- La publicité de Condemned 2 diffusée sur les chaines de télévision aux États-Unis, disponible à cette adresse, est d'une efficacité rare... Pendant ce temps-là, au Royaume-Uni, deux publicités télé durent être supprimées par Sega sous la pression du Advertising Standards Authority.

- Alors que les publicités à la télévision étaient très crues et faisaient l'étalage de la violence qui caractérise Condemned 2, Sega joua la carte de la dérision pour la campagne marketing sur le web. L'idée était de mélanger l'univers du jeu à celui de... petits poneys ou de clowns joyeux. Un résultat surprenant, complètement barré, et visible ici et . Dans la grande tradition du marketing à la Sega...
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