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Enduro
Année : 1983
Système : Atari VCS
Développeur : Activision
Éditeur : Activision
Genre : Jeu de Course
Par David (28 mai 2005)

Lorsqu'on est un gastronome en culottes courtes qui mange du Kiri tout en regardant les poursuites infernales de Starsky et Hutch à la télé, on n'a qu'une obsession: se mettre au volant de la voiture de papa et partir, pied au plancher, défier la mort en enchaînant les épingles à cheveux du quartier comme les deux flics américains en pattes d'ef'. Seul hic: à seulement 6 ans, de tels souhaits paraissent totalement illusoires, et l'on a vite fait de comprendre qu'il faudra attendre longtemps, très longtemps, avant d'espérer aller se faire flasher à 236 kilomètres à l'heure dans le virage à angle droit en bas de la maison.
Alors, on regarde Starsky et Hutch. Encore, et encore. Et on boit de la soupe. Beaucoup de soupe, car à ce qui paraît, ça aide à grandir. En cette année 1978, alors que certains ne trouvent d'autre passe-temps que de tester la conductivité de l'eau dans leur baignoire, d'autres testent les toute nouvelles séries télé : Starsky et Hutch, donc, mais aussi les trois Drôles de Dames (premier coup de foudre amoureux pour Kate Jackson, la moins Barbie des trois) et les très français Médecins de Nuit ; trois séries ayant pour point commun d'accroître un peu plus chaque jour mon intérêt déraisonnable pour les voitures-qui-vont-vite. Car soyons honnêtes : comment, si jeune, m'aurait-il été possible de ne pas me sentir subjugué par l'hypnotique « pinponpin » de la R5 de Georges Beller, ou encore par la célèbre rayure blanche de la guimbarde rouge de David Soul et Paul Michael Glaser?

1976 – Grey cars drive automatically

Afin d'oublier toutes ces bêtes obsessions citadines, ma sœur et moi allions régulièrement revivifier nos poumons à Condette, un petit village situé en pleine campagne, chez notre grand-mère qui possédait alors une ferme de taille si imposante qu'il nous était impossible de ne pas terminer la journée éreintés à force de sillonner son terrain en long, en large et en travers. Chaque mercredi après-midi donc, nous passions notre temps à courir en tous sens, occupés que nous étions à jouer au foot avec les voisins du coin, ou à imiter, avec une pointe d'anachronisme il est vrai, le redoutable Solid Snake dans les hautes herbes de Metal Gear Solid 3 lors de parties de cache-cache dantesques. De temps en temps, nous marchions jusqu'au petit parc d'attraction du village qui, en raison de la modernité toute relative de ses équipements, nous rapprochait le temps de quelques minutes de la civilisation. Outre son train électrique qui parcourait un trépidant circuit d'au moins 20 mètres de long, ce centre disposait, à côté de sa buvette et de son célèbre Lac des Miroirs, d'une salle de jeux. Grande de 10 mètres carrés, cette « salle » ne pouvait évidemment pas rivaliser avec celle du centre commercial Auchan de la ville voisine. Cette dernière, dont la superficie lui permettait d'accueillir une vingtaine de machines, interdisait hélas, comme c'était souvent le cas, tout accès au jeune enfant que j'étais. À Condette toutefois, la salle de jeux était ouverte à tous. La joie n'était hélas que rarement au rendez-vous, puisque cette salle ne renfermait... qu'une borne. Pas n'importe laquelle, certes, mais toujours la même: Pong. Pas de quoi s'extasier des heures.

Non que je déteste Pong. Mais après des mois et des mois passés à regarder ces deux petits traits hystériques se renvoyer inlassablement le même gros carré blanc, on en vient à rêver secrètement d'un peu de changement.

N'écoutant que mon courage, je me suis rendu, quelques 27 ans plus tard, sur les lieux qui furent ceux de ma dépravation. À gauche, le Lac des Miroirs ; à droite, la buvette avec, à côté de la poubelle, l'entrée de la salle de jeux miniature. Le parc d'attraction est, hélas, à l'abandon depuis quelques années.

C'est alors qu'un beau jour de 1978, le rêve se réalise. Pong disparaît pour céder sa place à un monstre. Deux fois plus gros, deux fois plus beau, le meuble flambant neuf arbore deux volants gigantesques et un grand écran sur lequel quatre petites voitures parcourent à une vitesse sidérante un circuit qui, ô miracle, voit son tracé se métamorphoser à intervalles réguliers. La borne aurait pu s'appeler « Starsky & Hutch: The Video Game », je n'aurais pas vu la différence. Dans ce cas précis, cette grosse nouveauté condettoise, pourtant déjà vieille de deux ans puisque sortie en 1976, s'appelle Sprint 2. Qu'importe: je n'avais jamais rien vu de tel de toute ma vie.

Jusqu'alors, les quelques jeux vidéo que j'avais pu observer en arcade se résumaient à un affichage très sommaire de points ou de traits verticaux ou horizontaux en deux couleurs : le noir et le blanc. Dans Sprint 2, non seulement l'écran se composait de quatre couleurs (le noir, le blanc, ainsi que deux teintes de gris), mais ce qui s'y passait dépassait l'entendement : des petites voitures vues de haut, parfaitement représentées, accéléraient, freinaient et se dépassaient avec une fluidité sidérante. On était loin de l'animation saccadée de l'ancêtre d'Atari, Gran Trak 10, qui, en 1974, posait déjà l'intégralité des bases de gameplay d'une foultitude de jeux de voiture à venir : un volant sans butée, une pédale d'accélérateur ainsi qu'une pédale de frein, un levier à 4 vitesses, un choix conséquent de circuits à parcourir le plus de fois possibles en un temps limité, des voitures adverses, et des taches d'huile provoquant moult carambolages. Sprint 2, développé par Kee Games – société avec laquelle Atari avait fusionné en 1974 -, se contentait de profiter des derniers progrès technologiques pour rendre plus agréable un jeu dont le succès lui avait permis de faire le tour de la planète. L'usage du premier microprocesseur bon marché, le MOS 6502, permit principalement de progresser de façon considérable dans le domaine du graphisme. Exit donc la lourdeur de Gran Trak 10 : dans Sprint 2, tout paraissait fluide et, de fait, plus souple et jouable.

L'un des grands progrès du MOS 6502 fut, aussi anodin que cela pût paraître, d'afficher à l'écran des polices de caractères. Grâce à ces polices, les célèbres mentions telles que « score » ou « credits » firent leur apparition. Plus important : elles permirent aux concepteurs d'afficher à l'écran diverses instructions, comme le très explicite « grey cars drive automatically » de Sprint 2.

Gran Trak 10 et Sprint 2. Malgré une très grande ressemblance, un fossé sépare ces deux titres en terme de réalisation.

De façon étonnante, j'attachai, pendant très longtemps, une importance toute particulière à la présence ou non de textes sur un écran de jeu. En ces temps reculés où la moindre avancée technologique était synonyme de révolution, de simples lettres comme le désormais très commun « game over » constituaient pour moi l'indéniable marque du bond en avant d'une industrie qui me passionnait et que je voulais voir grandir.

Lorsque, bien plus tard, l'Atari VCS s'installa sous mon toit, je mis beaucoup de temps à digérer un cruel retour en arrière.

Sprint, Space Race, Tank... Autant de machines qui m'ont fait rêver et m'ont décidé à répondre à la petite annonce de recrutement d'Atari. Ce matin, j'ai rencontré Larry Wagner, le gars à la tête du département software. Il s'est montré réellement intéressé par mes talents de programmeur, et compte à l'évidence sur moi pour développer le marché de leur nouvelle console, le VCS.

Je commence demain. On m'a déjà assigné un projet : un clone du hit d'arcade Blockade, nommé Surround.

1977 – Have you played Atari today?

Il est évident que l'arrivée de la console d'Atari sous le téléviseur noir et blanc de mes parents bouleversa ma vie de joueur pantouflard. Jusqu'alors habitué à renvoyer le petit carré blanc de Pong dans 2 variantes aussi inoubliables que le Squash (Pong contre un mur) ou le Football (Pong avec deux séries de raquettes pour chaque joueur), je n'imaginais pas à quel point balancer des pruneaux dans un tank rouge ou dans une escadrille d'avions noirs pouvait être jouissif. Combat fut la première cartouche qu'Atari développa pour l'Atari VCS, et fut sans aucun doute l'une des plus réussies. Jouable en binôme uniquement, Combat ne présentait pas grand intérêt seul face à son écran ; à deux, en revanche, les 27 jeux – le terme « variantes » serait plus approprié - que la cartouche incluait se révélait d'une telle richesse qu'elle pouvait rester enfichée dans la console des heures entières.

Du fun à l'état pur avec la première cartouche VCS développée en 1977 par Atari.

Cela fait quatre mois que je bosse chez les concepteurs d'un de mes jeux favoris, Combat. Mon rythme de travail a été jusqu'à présent des plus anarchiques. À l'image de Bushnell, je n'ai de cesse d'arriver en retard et de repartir du boulot à des heures indues, le soir. Et que dire des fêtes organisées par les uns et les autres après une journée de travail déjà bien chargée ? Pour sûr, l'ambiance chez Atari est très relax.
Ce qui ne m'empêche pas de terminer, comme l'ensemble des collègues, mes tâches en temps et en heures. Surround est, d'ailleurs, quasiment terminé. J'ai tout fait de A à Z, graphisme et son compris. Mes supérieurs sont satisfaits du résultat, et m'ont donné carte blanche pour mon prochain jeu. Je vais enfin pouvoir me lancer dans l'adaptation vidéo du jeu de pendu dont j'ai toujours rêvé : Hangman.

D'un point de vue technique pure, il fallait bien admettre que ma console Atari, seulement arrivée en France en 1981, faisait pâle figure face à la concurrence féroce des salles d'arcade. Alors qu'un an plus tôt, Pac-Man affichait déjà une profusion de couleurs et une résolution graphique de grande finesse, Combat se contentait de tracer péniblement des pixels gros comme le poing dans des tons particulièrement mal choisis – la faute au délicat passage du NTSC au PAL. Et puis surtout, j'avais beau chercher, mais fut-ce dans Combat ou dans toutes les cartouches qu'on m'offrit au début de la vie de ma console, jamais ne pus-je lire sur mon écran quelque texte que ce fût. Rien ! Pas même un 1up. Ce n'est pourtant pas bien compliqué d'écrire « 1up ». Eh bien pour l'Atari, apparemment si.

Mes travaux sur Hangman se sont accompagnés de deux changements majeurs : grâce à moi, le VCS affiche désormais au sein d'un vrai jeu une police de caractères entière avec laquelle le joueur peut interagir. Je crains hélas qu'en raison de l'éternelle barrière de la langue, ma création ne soit jamais vendue ailleurs que sur le continent américain – tout au plus la verra-t-on aussi chez les Brits et autres Wallabies. L'autre changement, c'est l'arrivée de Ray Kassar à la tête d'Atari. Le rachat de la compagnie par Warner a été fatal à Nolan Bushnell, qui ne s'était de toute façon jamais vraiment entendu avec ses nouveaux patrons.

Tout le monde déteste Kassar. Ses méthodes de travail très strictes, ainsi que son look très costard-cravate, ont eu raison de la douce anarchie qui régnait dans les bureaux de la boîte. Depuis que je possède mon badge électronique, obligatoire depuis l'installation du système de sécurité dans tous les bureaux, je me sens épié.

En attendant, je travaille sur mon prochain jeu : une simulation de basket qui, en toute modestie, risque bien de redonner au VCS un coup de jeune spectaculaire.

L'Atari VCS, donc, n'était pas toute neuve. Sortie fin 1977 aux États-Unis, la console accusait, face à la concurrence, déjà son âge. Quatre ans d'existence ! Dans le domaine du jeu vidéo, cela paraissait, même à l'époque, une éternité.

À l'évidence, je n'allais pas, avec l'Atari, profiter des dernières avancées technologiques, mais qu'importe : qu'elle fut vieille ou laide (ou les deux), l'Atari allait pouvoir assouvir ma soif de jeux de voitures. Cela faisait des années que j'attendais cela ; je n'allais donc pas me laisser décourager si près du but. D'autant qu'à la télé, Magnum et tous ses potes venaient de débarquer et n'en finissaient plus de frimer au volant de leurs Ferrari.

Aaaah, Thomas Magnum... Que de souvenirs !

Je ne suis pas peu fier de ma dernière production, Basketball. Bien que le hardware du VCS ait été, à la base, conçu pour programmer des Combat-like, je suis parvenu à développer un jeu de sport d'un réalisme tout simplement inconcevable pour cette machine.

Il serait peut-être temps que je discute d'une éventuelle augmentation de salaire avec Kassar. La console marche de mieux en mieux ; cela me semble être un juste retour des choses.

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