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Sega Mega Drive
1988 - 1997
Coup de maître pour Sega avec cette console 16-bits qui a damé le pion à Nintendo. Retour sur une réussite.
Par Laurent (27 octobre 2000)

L'histoire

Nous sommes en 1987 et cela fait 3 ans environ que la NES de Nintendo règne sur le marché des consoles de jeu. Il est temps qu'un autre système lui succède sur le trône, et la Sega Master System, son concurrent direct, bien que supérieure sur le plan des possibilités graphiques, n'a pas réussi à percer suffisamment (sauf peut-être en Europe). Chez Sega, on sait que la console 16-bits prochainement produite par le constructeur, doit surpasser tout ce qui existe, et que le nombre de jeux disponibles à l'occasion de sa sortie sera une donnée déterminante.

Après deux ans de développement, Sega lance son système de "nouvelle génération" en octobre 1988. Appelée Genesis aux USA, et Mega Drive au Japon et en Europe, la console (vendue 1890frs en France) fait l'objet d'un marketing agressif aussi bien auprès des utilisateurs que des développeurs de jeux, qui sont censés assurer son succès par le nombre et la qualités de leurs créations. Bien que la NEC PC Engine (ou TurboGrafx-16) l'ait devancée de quatre mois sur le marché naissant des consoles 16-bits, la Mega Drive prend vite la tête des ventes grâce à ses conversions de jeux d'arcade de qualité, ses jeux de sport et le support assidu d'Electronic Arts, dont le patron Trip Hawkins se montre très dynamique pour dégotter des licences de qualité, pour la plupart venues de la production sur Atari ST et Amiga, systèmes leaders du jeu vidéo sur micro-ordinateurs. La Mega Drive est dotée d'un micro-processeur Motorola MC 68000 à l'instar des micros 16-bits les plus en vue et des bornes d'arcade Sega de l'époque, est capable d'afficher une résolution de 320x224 en 64 couleurs simultanées sur 512, 90 sprites de 32x32 en même temps, et son prix de lancement est de 200$. Malgré le prix réputé élevé du kit de développement fourni par Sega aux programmeurs et sa difficulté d'utilisation, ce sont dès la fin 1989 plus de 30 sociétés de développement de jeux qui enrichissent le catalogue ludique de la Mega Drive, contre 4 seulement qui officient sur NEC PC Engine.

Exemples de succès sur Mega Drive : Altered Beast (livré avec la console) et Road Rash.

De 1990 à fin 1991, la Mega Drive est la star des consoles. La PC Engine, malgré l'excellente qualité de ses jeux, ne peut lutter contre le succès remporté par Sega, qui profite de l'absence temporaire de Nintendo sur le marché des 16-bits : la NES est en fin de carrière et la Super NES sans cesse repoussée. Des bruits prétendent même que Nintendo attend que la "Segamania" se calme un peu avant de sortir sa console, de peur de ne trouver aucun éditeur tiers, la plupart étant débordés de travail.

Quand la Super NES est enfin lancée au Japon en septembre 1990, Sega prend très au sérieux la menace et dépense sans compter pour la promotion de sa console, mettant en avant son nombre de jeux disponibles pour faire oublier que la console de Nintendo est globalement plus puissante. L'extension Mega-CD est annoncée, mais il faudra attendre encore un an avant de la voir arriver sur le marché. Toutefois, la tactique s'avère payante, et à Noël 90 les ventes de la Mega Drive n'accusent qu'une légère baisse du fait de l'arrivée de la Super NES.

Earthworm Jim et Mortal Kombat.

1991 et 92 sont des années riches en évènements dans le monde des consoles 16-bits. NEC annonce que la production et la vente de ses consoles PC Engine vont être reprises par une nouvelle entreprise du nom de Turbo Technologies Inc. (TTI), fondée par des anciens membres de NEC et Hudson Soft (le développeur le plus productif sur PC Engine). Pendant ce temps, Sega et Nintendo se battent en tête de peloton, et confirment que les consoles sont maintenant une valeur stable sur le marché du jeu vidéo.

La Super NES, en dépit de ses graphismes et sons magnifiques, est critiquée pour la lenteur de son micro-processeur, Nintendo ayant une fois de plus lésiné sur les composants pour lancer sa console à un prix imbattable. Celui de la Mega Drive, cadencé à 7 Mhz, est réputé être deux fois plus rapide, une donnée que Sega va utiliser habilement dans son marketing. A l'été 1991, Sega sort son arme secrète : Sonic the Hedgehog. Ce jeu, présentant des graphismes étonnants, un gameplay attractif et surtout une vitesse d'action époustouflante, devient le fer de lance de Sega.

Sonic The Hegehog.

L'arrivée de Sonic est un coup dur pour Nintendo. Le jeu remplit parfaitement sa mission, à savoir que la Mega Drive, bien que plus ancienne de deux ans et dotée d'un hardware moins puissant que la Super NES, est tout à fait capable de rivaliser avec elle sur le plan technique tout en se targuant à juste titre d'un catalogue de jeux plus fourni et plus original. En 1992, peu de jeux nouveaux sortent sur Super NES, et la plupart sont de nouvelles versions ou des suites de jeux apparus sur NES. La Mega Drive, dont le parc ludique est toujours aussi bien soutenu par son constructeur et les éditeurs tiers, se présente comme un produit plus adulte et plus branché, et le retard de sortie du Mega-CD (qui n'est lancé au Japon qu'en décembre 91, soit plus d'un an après la sortie de la SNES) ne nuit pas à l'image de Sega.

C'est à partir de 1993 que la situation va peu à peu se retourner. La ludothèque SNES atteint une taille respectable et quelques jeux excellents sont apparus dont Nintendo s'est assuré l'exclusivité, sans parler de ses hits maison. Sega lance, fin 91 au Japon, fin 92 aux USA et début 93 en Europe, le Sega Mega-CD (ou Sega CD pour les Américains), lecteur de CD qui s'ajoute à la Mega Drive. L'engin n'obtient qu'un succès d'estime au Japon et se plante partout ailleurs. Il faut dire que son prix de vente est élevé (300$), et que les jeux développés spécifiquement sur support CD sont rares et dans l'ensemble décevants. Noël 93 voit l'avènement de la Super NES, qui à atteint son niveau de croisière, et c'est cette fois Sega qui est sur la touche, la Mega Drive commençant à s'essouffler. En 1993 toujours apparaît la Mega Drive II. Moins coûteuse et plus petite que le modèle d'origine, elle est dépourvue de prise casque et de sortie RF mais se voit équipée d'une sortie vidéo de très bonne qualité qui permet d'avoir le son en stéréo sur les télévisions équipées. Elle dispose de sa propre version du Mega-CD, le Mega-CD 2, également moins coûteux que le précédent.

Le Mega-CD : La console (ici une Genesis) se pose sur un support contenant le lecteur de CD. A gauche, le Sega CD 2, prévu pour être utilisé avec une Mega Drive II.

1994 verra l'apparition des premiers systèmes 32-bits. Trip Hawkins, qui a quitté Electronic Arts en 1993 pour fonder 3DO Company, lance la console 3DO Interactive Multiplayer. Bien qu'étant beaucoup moins puissante que les autres consoles 32-bits sorties ultérieurement (PlayStation et Saturn), elle donne un aperçu de l'après Super NES, à savoir des jeux pour consoles ou la 3d est prépondérante. Sega et Nintendo sentent que la 3DO pourrait faire très mal si elle reste sans concurrence, mais si Nintendo ne révèle rien de ses projets, Sega réagit avec précipitation. Deux projets parallèles (donc concurrents) sont développés simultanément, l'un par Sega of Japan, et l'autre par Sega of America. Au Japon, la nouvelle console Sega à l'étude est la Saturn, une console 32-bits entièrement nouvelle. Aux USA, c'est le 32X, une extension prétendant transformer la Mega Drive en système 32-bits qui est développé. Les deux systèmes seront commercialisés en même temps, fin 94.

Le 32X s'insère dans le port cartouche de la Mega Drive, et contient lui même un port cartouche destiné à accueillir les jeux 32-bits, ainsi que toute la ludothèque Mega Drive existante. Si l'ensemble est couplé à l'extension Sega CD, il est possible de lancer des jeux 32-bits stockés sur CD-ROM. A droite, Virtua Racing Deluxe, conversion améliorée du hit de Sega en salles d'arcade, est un des meilleurs jeux 32x édités.

Le 32X est une bonne idée dans la mesure où il pourrait permettre aux utilisateurs de continuer à utiliser les jeux Mega Drive tout en leur donnant accès à des jeux next-gen sur cartouche ou CD-ROM, sans dépenser le prix d'une console complète. Hélas, à sa sortie, il s'avère encore une fois trop cher, fait double emploi avec la Saturn sur le marché des 32-bits, et les premiers jeux utilisant ses capacités graphiques sont très décevants. Sa sortie se soldera par un autre fiasco, seulement une vingtaine de jeux spécifiques édités, et la disparition progressive de la Mega Drive, dont la carrière était déjà déclinante après un superbe parcours de 6 ans. Sega finira par abandonner totalement le Mega-CD et le support 32X pour se concentrer sur la Saturn.

Fin 1994 toujours, Nintendo lance en grandes pompes Donkey Kong Country, un jeu pour Super NES qui propose une réalisation bluffante sans l'adjonction d'un quelconque extension. Avec ce jeu, qui fait un malheur, Nintendo prouve que la Super NES peut encore faire bonne figure face aux consoles 32-bits ou 64-bits alors présentes sur le marché, comme la 3DO ou la Jaguar d'Atari. Sega, de son côté, passe tout près de la faillite avec les échecs consécutifs du Mega-CD et du 32X, dont on peut penser qu'ils ont saboté la carrière de la Saturn en faisant passer Sega du côté des losers dans l'esprit des joueurs.

Plus tard sortira le Nomad, une version portable de la Mega Drive vendue 180$, dont l'exploitation ne se fera qu'au Japon et aux USA, et qui subira la concurrence fatale de la Game Boy de la même manière que la Lynx d'Atari.

La console Nomad.

De 1994 à 1997, les systèmes 32-bits, après avoir pris la place des 16-bits dans les priorités des constructeur, l'on concrètement fait sur le marché avec le décollage progressif des ventes de PlayStation et Saturn (seulement au Japon pour cette dernière, les autres pays lui préférant la console de Sony). Les 3DO, Jaguar et CDi de Philips seront victimes de l'écrémage progressif du marché, et les 16-bits disparaîtront peu à peu. 1997 marque l'arrêt de la production de la Mega Drive. Environ 35 millions d'exemplaires auront trouvé preneur sur les deux versions de la console.

Les jeux

Lost Vikings et Fifa International Soccer.

Si vous ne connaissez pas du tout la Mega Drive, le mieux est encore d'attaquer directement par la série des Sonic the Hedgehog. Sonic 1, 2 et 3 et Sonic & Knuckles sont des jeux de plate-forme à scrolling horizontal exaltants, qui n'ont pas d'équivalent. La Mega Drive fut également réputée pour son abondance de jeux de sport, dont la plupart sont sortis des ateliers EA Sports, qui s'y est fait la main. Les jeux de rôle sur Mega Drive sont un peu les parents pauvres, non pas qu'il n'y en ait pas eu suffisamment, mais la plupart ne furent pas traduits du japonais (le phénomène est aussi vrai sur SNES). Ceci dit, les séries Phantasy Star et Shining (Shining in the Darkness, Shining Force 1 & 2) sont disponibles en anglais et considérés comme faisant partie des meilleurs jeux de rôle sur console 16-bits.

Phantasy Star et Shining Force 2.

Conclusion

La Mega Drive est le plus gros et durable succès qu'ait connu Sega dans le domaine des consoles. Grâce à un exceptionnel parc de jeux, elle s'est longtemps présentée comme la meilleure alternative à l'achat plus coûteux d'un Atari ST ou d'un Amiga pour jouer aux meilleurs jeux du moment, et à même réussi à ramener vers les consoles des joueurs qui ne juraient plus que par la micro. Face à la suprématie arrogante de Nintendo, dont la réussite systématique apparaît tout au long de l'histoire des consoles de jeux comme une sorte de fatalité, Sega est longtemps resté grâce à la Mega Drive l'outsider branché, un peu à la manière d'Apple contre Microsoft, avant de se faire souffler ce poste par Sony.

Pour les possesseurs de PC, bien sûr, il est possible de juger tout cela sur pièces grâce à l'émulation de la Mega Drive qui est proche du zéro défaut, et aux centaines de ROMS qui jalonnent les recoins du net où seuls les nostalgiques indécrottables s'aventurent (pour faire court : Planet Emulation). Bien entendu, il est aussi aisé de trouver une Mega Drive et de nombreux jeux dans des brocantes ou marchés aux puces pour une somme très raisonnable. La console résiste bien mieux aux outrages du temps que la Saturn ou la Dreamcast, grâce notamment à son port cartouche plus endurant qu'un lecteur de CD-ROM, et les jeux sont en général bien conservés grâce aux superbes boîtes en plastique dur dans lesquelles ils étaient vendus par chez nous.

Laurent
(27 octobre 2000)