Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Lyle (03 août 2002)
En plus d'offrir aux nostalgiques la possibilité de revivre les moments les plus forts de leur vie de joueur, l'émulation a une autre vertu : elle permet de corriger les erreurs de jugement commises par le passé. À sa sortie il y a bientôt dix ans, Gunstar Heroes fut considéré au mieux comme un honnête jeu d'action parmi d'autres par une partie de la presse, et pas la moins compétente. L'adulation dont il fait aujourd'hui l'objet dépasse le cadre des communautés de retrogamers. Tel fut le destin de bien des titres réalisés par Treasure : sortis dans l'indifférence quasi-générale puis objets de toutes les convoitises quelques années plus tard. Quant à l'éditeur, il est aujourd'hui devenu l'un des derniers représentants encore en activité de la résistance « old-school ». Avant de faire partie d'un développeur plus ou moins indépendant, les programmeurs travaillaient chez Konami, éditeur pour lequel ils ont entre autre conçu la série des Contra. Gunstar Heroes est leur premier titre réalisé sous le nom de Treasure. La filiation entre Contra Spirit/Super Probotector (Snes) et Gunstar Heroes est d'ailleurs assez évidente. C'est à sept niveaux d'action haletante et ininterrompue que vous convie cet énorme hit de la Megadrive. La meilleure façon d'appréhender son intensité est de le commencer directement en Expert, le niveau de difficulté maximal. C'est également le seul moyen d'affronter tous les boss dans leur intégralité. Avant de se plonger dans l'action elle-même, on a le choix entre deux modes de maniement : dans le premier, à conseiller aux débutants, le personnage peut se déplacer et orienter son tir en même temps. Dans le second, plus contraignant mais plus précis, le déplacement du personnage est bloqué dès le moment où il utilise son tir. On dispose alors d'une meilleure visée. En contrepartie on est plus vulnérable aux attaques ennemies. En définitive, les deux modes se valent et dépendent surtout de votre façon de jouer. On doit aussi choisir son niveau parmi les quatre premiers proposés. On a tout intérêt à différer la traversée des plus difficiles puisqu'à chaque niveau terminé, on se voit octroyer 20 unités d'énergie supplémentaire en plus des 100 de départ. Reste alors le choix des armes. Le système d'armement reprend celui de Contra Spirit tout en le développant : il existe quatre armes de base, un tir rapide classique, un laser, un lance-flammes et un tir à tête chercheuse. On peut en collecter un maximum de deux dans les niveaux et passer de l'une à l'autre à volonté. Mais là où Gunstar Heroes va plus loin que Contra, c'est dans la possibilité qu'il offre au joueur de combiner et de « croiser » ses deux armes pour en faire une nouvelle. Le joueur a ainsi accès à un total d'une douzaine d'armes. Quelques exemples : le double lance-flammes est très puissant et fournit une couverture infaillible à proximité du joueur. Le tir rapide combiné au laser est lui un peu moins puissant mais fournit un excellent arc de tir, très ample, et suffisamment destructeur pour couvrir efficacement tout l'écran. Une arme très polyvalente, donc. Il y a aussi le croisement tir rapide + lance-flammes, très puissant à toute distance. Si la cadence de tir est assez faible, les explosions causées au moment de l'impact sont ravageuses. Très pratique quand on doit garder ses distances face à un boss. D'autres combinaisons sont en revanche à utiliser avec la plus extrême prudence : tir à tête chercheuse + lance-flammes, carrément suicidaire dans certaines circonstances, ou laser + lance-flammes, limité et inutile, du moins comparé aux autres armes. Bien entendu, un système d'armement efficace ne mènerait à rien sans des niveaux conçus en conséquence. Et là le constat est sans appel : Treasure a frappé très fort. C'est bien simple, Gunstar Heroes enchaîne les morceaux de bravoure, à la fois sur un plan technique, en terme d'originalité et en tant que jeu d'action. Il faut dire que les programmeurs se sont obligés à respecter certains principes qu'on aurait toujours aimé élémentaires : concevoir des niveaux avec des idées, des vraies, plutôt qu'avec des réflexes de programmeurs, et pas questions de tomber dans les poncifs du genre. Dans le premier niveau, il s'agit de défendre une forêt, et de gravir puis de redescendre à toute allure une montagne. Le deuxième stage vous lance à l'assault d'un train dans une mine à bord d'une sorte de chariot monté sur rails. Dans le troisième, le joueur poursuit une énorme forteresse volante au décollage. Quant au quatrième, point d'orgue de la première partie du jeu, c'est en fait un grand jeu de l'oie dans lequel chaque case correspond à une épreuve qui requiert des compétences variables : agilité, rapidité, combat (il y en a même un où l'usage des armes est prohibé !). Heureusement, il y a parfois des cases bonus. En effet, le rythme de l'action est très fortement marqué par l'omniprésence d'innombrables bosses. Plusieurs fois par niveau, le scrolling s'arrête sur un décors le temps d'un combat d'envergure variable. C'est souvent pendant ces affrontements qu'on en vient à se demander comment Treasure s'y est pris pour programmer tout ça : autant de rotations, de zooms, de déformations ou d'accumulations d'explosions, ça ne s'est tout bonnement jamais vu sur Megadrive. Le plus troublant, c'est que les programmeurs y sont parvenus sans mode 7. On sait que Psygnosis, à cette époque, était aussi doué pour ce genre d'exploit (jetez un œil à Misadventures of Flink ou Mickey Mania). Mais attention, chez Treasure, le tour de force visuel n'est jamais une entrave au gameplay. Il fait au contraire partie intégrante de l'expérience ludique. Impossible, à titre d'illustration, de ne pas évoquer les fameuses Seven Forces du deuxième niveau : un giganteque boss qui se transforme sept fois, chacune des transformations imposant une cadence et des schémas d'attaques précis. Une seule de ses formes pourrait faire honte à bien d'autres jeux d'action. Comme si cela ne suffisait pas, on peut aussi jouer à deux. Au prix, certes, de ralentissements largement excusables. En plus de leurs armes, les personnages sont capables de quelques mouvements très utiles, quand ils ne sont pas plus efficaces que le tir lui-même. Il y a le « tackle », pratique pour se débarasser d'une rangée entière de soldats, l'étreinte, dévastatrice quand infligée aux ennemis humains. À noter qu'à deux, on a la possibilité de la faire à son coéquipier et de l'envoyer ainsi valser à travers l'écran, sans toutefois lui faire perdre d'énergie (à moins qu'il ne tombe dans un gouffre). Amusant pour régler ses comptes. On peut aussi s'accrocher à tout ce qui ressemble à une plate-forme et une fois dans cette position envoyer un magistral coup de pied. On peut prendre appui sur un mur ou sur l'extrêmité de l'écran pour doubler son saut, mouvement salutaire lorsqu'on est coincé par un boss prêt à en finir. Enfin, il y a le « plongeon », pour foncer tête baissée sur un ennemi après un saut. Pour la réalisation, on a parlé de l'animation, quasi-surréaliste pour une Megadrive. Il reste à rendre justice à la qualité graphique du jeu, toujours au rendez-vous avec un style à la fois simple, très coloré et vif. Les mimiques des soldats ennemis sont d'ailleurs plutôt amusantes. Bien qu'étant un jeu d'action, Gunstar Heroes garde un ton très bon enfant et n’exclut pas l’humour. Les musiques sont d'une qualité difficile à évaluer : insignifiantes en elles-mêmes, leur dynamisme sert à merveille l'ambiance frénétique du jeu. Même chose pour les bruitages, violents et hystériques. Compte tenu de ses nombreuses « pauses boss », Gunstar Heroes est assez long pour un jeu d'action. Et comme on ne se repose qu'entre les niveaux, on finit par le trouver épuisant. En Expert, on finit carrément le jeu lessivé. Gunstar Heroes serait parfois presque trop intense ! Gunstar Heroes représente à lui seul ce qu'est l'action japonaise à son meilleur niveau : démesuré, fou furieux et éprouvant. C'est aussi un exemple tout à fait révélateur de ce qu'est progressivement devenu le jeu d'action au début des année 90 : un « produit de luxe » en plus d'être un genre axé sur le plaisir de jeu immédiat. Une brêve période de l'Histoire vidéoludique pendant laquelle prouesses techniques et gameplay savaient coexister en une symbiose parfaite, même s'il est vrai que les meilleurs représentants de cette école sont en fait assez peu nombreux. Reste qu'en tant que joueur, on y prit goût volontier. Et dans les pages de Joypad ou autres Console +, on se mit rapidement à guetter le boss époustouflant, l'effet graphique inédit ou l'idée qui ferait que tel ou tel titre sortirait du lot. Rien ne fut plus comme avant, mais qui s'en plaindrait ? Car, une fois n'est pas coutume, ce fut une avancée pour le jeu vidéo... Assurément l'un des plus grands jeux d'action de l'ère 16 bits. Lyle (03 août 2002) Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (42 réactions) |