Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Tonton Ben (08 octobre 2007)
Microprose, on les connaît principalement pour leurs fameuses simulations aériennes (Falcon 3.0, F-15 Strike Eagle, B17 Flying Fortress...) et globales, avec bien sûr l’incontournable Civilization. On pourrait également rajouter F1 Grand Prix, Pirates !, la série des X-COM, j’en passe et des meilleurs. Alors, lorsque l’éditeur californien ose sortir en 1993 une simulation d’épouvante, qu’est-ce que ça donne ? The Legacy ! Replaçons-nous un instant dans le contexte. 1987, FTL sort Dungeon Master, et le genre jeu de rôle avec déplacements par case connaît un succès retentissant. Puis, à partir de 1989, Horrosoft, une modeste boite de développement éditée par Accolade, va s’employer à pondre à un rythme régulier des jeux de rôle calqués sur le modèle précité mais à la sauce horreur/épouvante/gore, avec Personal Nightmare, Elvira 1&2, et le fameux Waxworks. En 1992, Infogrames révolutionne le monde du jeu vidéo de façon définitive avec Alone in the Dark, le titre qui m’aura permis de marcher la tête haute dans la cour de l’école devant les possesseurs d’Amiga et d’Atari ST. Le genre est de plus en plus représenté. Il n’en fallait pas plus à Microprose pour comprendre que les joueurs réclament du frisson, de l’angoisse, bref de la peur ! C’est ainsi qu’en 1993, année de parution de Shadow of the Comet, sort The Legacy, le cauchemar annoncé pour les possesseurs de Pécé... au sens propre comme au sens figuré. Les magazines spécialisés auront d’ailleurs à cœur de comparer les deux softs, qualifiant The Legacy de « 7th Guest du pauvre », en référence au hit de Trilobyte sorti la même année qui semble traiter du même univers. Ils ont bien tort. Car contrairement au puzzle-game de Trilobyte, The Legacy est un jeu de rôles Pécé case à case classique qui propose de nous immerger dans les affaires fort douteuses de la famille Winthrop, dont le dernier rejeton, héritier du manoir familial, a disparu dans de troubles circonstances. Un lointain parent de la famille a été retrouvé et va se payer une visite au manoir Winthrop, lot principal de l’héritage, un soir de tempête. Pourtant, une lumière éclaire la fenêtre du dernier étage de la maison ; quelqu’un se trouverait-il à l’intérieur ? Une fois la très belle introduction passée, qui semble narrer l’arrivée du sieur Winthrop dans la demeure (se déroulant en vue subjective, elle n’est pas très claire sur la personne concernée), le joueur va en fait être invité à choisir parmi l’un des huit profils candidats à l’investigation nocturne. Chaque protagoniste est caractérisé par des compétences très rôlesques, rappellant furieusement les fiches de personnage de l’Appel de Cthulhu, jeu de rôle édité par Descartes et tiré de l’univers de H.P. Lovecraft. Au-delà des simples états de vie, de magie et de force, on y trouve des compétences plus particulières comme la mécanique, l’utilisation d’armes à feu ou d’armes blanches, de méditation... Les profils sont prédéterminés, mais rien ne vous empêche de les recomposer comme bon vous semble. Et c’est parti pour l’aventure ! Une fois la porte d’entrée franchie, bienvenue dans le hall du manoir, une scène revue maintes fois depuis (Resident Evil entre autres). Mais ici, dès le début, on se sent seul, face à un territoire inconnu et mystérieux qui paraît immense, une sensation peut-être due à la perspective profonde du champ de vision. De très beaux graphismes en ray tracing confèrent à la maison une ambiance très photo-réaliste, et l’incrustation de détails tantôt bitmap, tantôt digitalisés se passe malgré tout harmonieusement. Quelques déplacements de cases plus tard, une porte, un couloir, un revolver au sol, la lumière se coupe, un bruit se rapproche... mais que serait un manoir sombre et lugubre sans zombies ? Allez, quelques clics de souris et on en parle plus. Ah bah il résiste ! Le flingue n’a déjà plus de balles et il est toujours agressif, celui-là ! Argh... Mort. Cela fait cinq minutes que je joue et je suis déjà mort. Voici, à peu près, la première expérience des trois-quarts des joueurs qui ont lancé un partie, et en toute franchise, beaucoup n’eurent pas le courage de recommencer. Les pétoches, peut-être ? Sûrement, mais aussi et surtout la DIFFICULTÉ et le mot est faible. Sans vouloir trop en dévoiler, l’aventure va mener le joueur à travers 12 niveaux de taille respectable, aux ambiances et à la faune résolument différentes, truffés de pièges, mécanismes et objets ésotériques divers et variés. Dans l’absolu, il est possible d’explorer le manoir dans quasiment n’importe quelle direction. Mais en pratique, chaque tâche doit être précisément accomplie dans un ordre spécifique, histoire de survivre suffisamment longtemps pour voir la fin. En fait, s’il y a une chose à retenir lors de ce périple fantastique, c’est que tous les ennemis de la demeure sont sensibles à un objet, ou vulnérables à une arme spécifique ; au joueur de trouver lesquels. Il est ainsi possible de se balader au beau milieu des zombies du rez-de-chaussée si l’on a l’objet adéquat ; quant aux serviteurs poulpes du troisième sous-sol, ils se laisseront facilement berner si l’on porte une certaine tenue. Ce ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres, le jeu en est littéralement truffé. The Legacy est faisable à partir du moment où l’on sait quoi faire, et l’on sait où aller, en prenant le bon chemin. Amateurs de la sauvegarde facile, vous vous en donnerez à cœur joie. Il suffit de prendre le jeu par le mauvais bout, et l’on gaspillera ses balles, ses trousses de soin, ses cristaux de méditation et sa nourriture alors qu’il suffit d’utiliser les bons objets aux endroits adéquats. Tout l’intérêt de The Legacy découle de ce principe : la volonté de progresser et de surmonter les obstacles. L’environnement est totalement hostile et l’on peut être terrassé en quelques coups ; en cela, le jeu réussit parfaitement là où d’autres, qualifiés de survival horror, échouent. Les protagonistes principaux sont d’aspect totalement ordinaires, seules quelques connaissances dans les arcanes des sciences obscures les distinguent du quidam moyen. Le manoir paraît anodin, étonnamment bien entretenu, mais le lieu ouvre vers une dimension horrifique dominée par des dieux grotesques et terrifiants que ne renierait pas H.P. Lovecraft tant ce que nous propose Microprose est proche de ses nouvelles. Au milieu de tout ça, l’on survit, l’on apprend au fur et à mesure les règles qui régissent l’endroit, les nombreuses notes éparpillées çà et là donnent quelques pistes sur l’intrigue, le pourquoi et le comment. Certaines pièces sont difficiles à ouvrir, d’autres renferment des pièges pour les trop curieux ; certaines ne s’ouvriront jamais, d’autres nous empêchent d’entrer. On passe alors du temps à essayer de trouver le quelque chose qui nous ferait réussir, même s’il faut bien avouer que les programmeurs ont fait exprès d’inclure des éléments inutiles, voire vainement dangereux. Juste comme ça, par sadisme. Quelques mots sur l’interface, la spécialité de Magnetic Scrolls, la boite de développement à l’origine de The Legacy, qui est leur dernier jeu et certainement le plus abouti. Celle-ci s’affirme comme l’accomplissement d’une recherche constante de leur part de l’interface de jeu parfaite. Malheureusement, je dois bien avouer qu’elle ne l’est pas totalement. Pour expliquer le concept, chaque module de l’écran est une espèce de fenêtre Windows redimensionnable (enfin sauf certaines) et déplaçable. Ce qui, en théorie, permet de proposer un paramétrage personnalisé pour chaque joueur. En pratique, l’on garde toujours l’agencement par défaut, puisque l’on ne peut se passer d’un quelconque élément du gameplay, et qu’en agrandir une revient à en cacher une autre. De toute façon, étant donné la résolution du jeu, l’agrandissement de la fenêtre de vue pixellise considérablement les graphismes. Pour le reste du gameplay, c’est du tout bon. Tout se fait à la souris, les deux boutons sont très fortement mis à contributions, avec une judicieuse utilisation du bouton droit pour afficher un menu contextuel fort pratique. On peut faire du glisser-déplacer sur les objets trouvés vers l’inventaire (limité en taille), on peut habiller son personnage comme une poupée Barbie et placer armes et artefacts dans ses mains façon Playmobil. On gagne de l’expérience au fur et à mesure de sa progression, sous la forme d’une réserve de points à distribuer sur la ou les compétences choisies, un excellent système qui s’affranchit de tout levelling chiffré ou mesuré par palier. L’ambiance sonore se veut très réussie grâce à ses nombreuses interventions sonores digitalisées qui produisent leur petit effet malgré leur faible qualité. Les thèmes musicaux sont excellents : ils distillent une ambiance pesante et oppressante, accentuant le côté étrange et interdit de ce qui se trame dans ces lieux. Les programmeurs ont su finement en jouer, histoire de briser ce qu’il reste de nos nerfs. Les effets sonores incongrus sont nombreux et toujours inattendus. C’est très clair, The Legacy est une réussite totale de Microprose. L’ayant connu à sa sortie (pour l’anecdote, un des mes amis m’avait donné ce jeu, pour à peu près toutes les raisons précédemment citées !), il m’aura fallu attendre treize ans pour le maîtriser, The Legacy exerçant chez moi une espèce de fascination malsaine pour ce qu’il renferme. Il faut, je crois, y voir surtout la frustration d’un joueur déclenchée par cette difficulté harassante, qui fait que sans un minimum de préparation et de suivi, on ne peut progresser très loin dans l’aventure. Et pour faciliter la prise en main du soft, on pourra toujours se rabattre sur le guide officiel rédigé par les développeurs eux-mêmes, trouvable très facilement sur le ouaibe. Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? 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