Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Laurent (12 mars 2002) Le parcours de Konami est des plus déroutants, mais avec un peu de mémoire on peut facilement constituer une liste conséquente de jeux géniaux à mettre à son actif. Il faut néanmoins admettre qu'après avoir largement contribué à populariser le savoir faire japonais en matière de jeux vidéo et fait preuve d'une inventivité hors du commun, cet éditeur s'est peu à peu enfoncé, au début des années 90, dans la production en série de titres prévisibles basés sur des thèmes ultra-exploités. Peu nous en chaut pour l'heure, car Penguin Adventure (titre original : Yume Tairiku Adobencha) date de la période dorée, celle où Konami éblouissait par la qualité, l'originalité, et le haut degré de finition technique de ses jeux. Celle aussi où le support qui lui réussissait le mieux était encore le MSX. Plutôt que d'essayer d'imiter les jeux d'arcade, ce qui sur les micros 8-bits aboutissait bien souvent à un pis-aller, Konami a toujours préféré utiliser le meilleur atout du standard, à savoir son port cartouche. C'est ainsi qu'on a vu apparaître des cartouches contenant des jeux largement plus gros que ne l'était la RAM de la machine. C'est le cas de Penguin Adventure qui était une Megarom, à savoir une cartouche de 1 Megabyte (128 Ko) utilisable même sur les plus petits MSX, ceux dont la RAM n'excédait pas 16 Ko. Un vrai miracle qui ne s'arrête pas à cette astuce technologique. Penguin Adventure est probablement le jeu d'action le plus original, étonnant et riche qu'on ait vu sur la première version du standard lancé par ASCII et Matsuchita, et il se situe très haut dans la production globale tous 8-bits confondus. Il s'agit de la suite de Antarctic Adventure, un jeu sympathique mais pas inoubliable sorti fin 1983 (sur MSX, Colecovision, ainsi que NES mais uniquement au Japon) , dont le concept se voit ici complètement dopé par l'apport des 128 Ko de la Megarom (attention, ne vous fiez pas au screenshot de Antarctic Adventure qui semble montrer un jeu aux graphismes similaires, en réalité un monde sépare les deux titres). Le joueur incarne Penta, jeune palmipède noir et blanc que les habitués de Parodius (shoot'em up parodique et all-star de Konami) reconnaitront immédiatement puisque son fils Pentarou y figure. Penta est parti à la recherche de Penguette, sa douce fiancée disparue, et doit traverser à pied, ou plutôt à palmes, l'Antarctique d'un bout à l'autre. Il s'agit d'un pur jeu d'action, mais la grande originalité provient de la représentation en fausse 3d, comparable à celle d'un jeu de course de l'époque. Le....(roulements de tambours).... manchot (eh oui : il vit en Antarctique dont c'est forcément un manchot, qui se traduit par "penguin", tandis que le pingouin, qui vit en Atlantique nord et peut voler, s'appelle en anglais "razorbill") est vu de dos, et les multiples dangers arrivent aussi bien par devant que sur les côtés. De nombreuses crevasses apparaissent, et si Penta les heurte, il trébuche et perd un peu de temps. Chacun des 24 niveaux, qui sont de plus en plus longs, doit être terminé avant la limite de temps, et ces piétinements deviennent vite le principal problème à gérer, d'autant qu'à chaque fois le héros est incontrôlable pendant 1 à 2 secondes, ce qui peut suffire à être heurté par un ennemi et perdre une vie. Penta peut ramasser des poissons qui sautent de trous jonchant le sol (y compris sur la terre ferme, c'est n'importe quoi, je sais, mais dans l'ambiance du jeu ça passe sans problème), et ces poissons vont lui servir de monnaie d'échange. Il faut savoir que certaines crevasses, plus étroites, gagnent à ce que Penta y tombe puisqu'elles renferment des raccourcis permettant de gagner du temps ou des boutiques dans lesquelles on peut acheter quelques uns des mille et un objets que le jeu comprend : casquette à hélice permettant de faire de longs sauts plannants (très pratique pour éviter plusieurs crevasses d'un coup), pistolet pour tirer sur les ennemis, vies, baskets permettant d'avancer plus vite etc... Il est également possible dans ces boutiques de jouer au jackpot en pariant son stock de poissons. On gagne assez souvent, et cela peut suffire à engranger les quelques poissons manquant à l'achat du bonus souhaité. Par moments pendant les phases extérieures de jeu, un coeur apparait et traverse l'écran de gauche à droite. Quand Penta saute, le coeur change de couleur, et à chaque couleur il attribue un bonus différent : invincibilité temporaire, vol pendant quelques secondes sur un petit nuage permettant de traverser une partie du niveau en gagnant du temps et sans prendre de risque (en cas de contact avec un ennemi, on redescend simplement du nuage sans être tué), et autres... Ce type de bonus qu'il faut choisir (quitte à prendre quelques risques en cumulant les sauts pour lui faire avoir la couleur souhaitée) est un classique des jeux Konami de cette époque. La plus grande variété, l'élément qui relance sans cesse l'intérêt du jeu, c'est la diversité étonnante des décors, dont chacun apporte son lot de changements dans le gameplay. Il y a des niveaux sur sol non glissant, puis d'autres sur glace, des niveaux ou Penta nage (on ne voit que sa tête qui sort de l'eau) et même des niveaux ou il vole (belle revanche contre une si injuste nature !). Sur les 24 niveaux, il faut bien arriver au 15e pour avoir vu tout ce qu'il y a à voir. A partir de là, les environnements et dangers se répètent un peu, mais la difficulté va crescendo et on ne s'en rend plus compte. A noter que le fait d'arriver à la fin du dernier niveau ne suffit pas à la réussite du jeu. Il faut en plus avoir une certaine combinaison d'objets dans son inventaire (je ne me souviens plus lesquels, si quelqu'un peut me le dire, ça complètera l'article...), sans quoi la victoire ne se solde que par une déception pour le pauvre Penta qui se rend compte qu'il est arrivé trop tard. L'arrivée au bout de chaque niveau se solde par une saynette hilarante et chaque fois différente lors de laquelle Penta affiche une grande quantité d'attitudes rendues avec une efficacité incroyable malgré la résolution graphique un peu limitée du MSX (256x192). Tous les quatre niveaux, un combat contre un boss est au programme. La vue en simili 3d et l'espace très restreint sur lequel le manchot se déplace (il ne bouge que sur l'axe horizontal) n'empêche pas ces combats d'être très jouables et intéressants grâce à l'imagination des développeurs. La réalisation est absolument extraordinaire, une sorte de transcendance pour le MSX1. On appréciera à sa juste valeur le fait que Konami ait à l'époque continué à sortir des jeux sur MSX1 d'une telle qualité alors que le MSX2, aux modes graphiques proches de ceux du ST et de l'Amiga, était déjà disponible. Le fait qu'au Japon la deuxième mouture du standard n'ait pas eu le succès de la première n'y est pas pour rien. En tout cas, le possesseur de MSX1 ou 2 est, à l'époque de la sortie de Penguin Adventure, totalement conquis pas le jeu, même si certains sprites sont monochromes et très peu détaillés. La bande sonore est fabuleuse, bourrée de thèmes très accrocheurs qui n'empêchent pas la présence de nombreux effets sonores. On regrettera simplement que la cartouche n'ait pas été équipée de la fameuse puce SCC (voir article sur le MSX) qui aurait permis encore plus de délires sonores à un compositeur (Yoshinori Sasaki) manifestement très inspiré dont les mélodies sont rythmées en fonction de la démarche du manchot sur les différentes surfaces, tantôt percutantes (sur la terre), tantôt gracieuses (sur la glace, en vol et dans l'eau). Comme pour tous les jeux Konami sur MSX, l'emballage rutilant ne signifie pas que le contenu est sans intérêt. Penguin Adventure est un jeu légèrement répétitif mais passionnant, très amusant et si mignon qu'on ne peut en décrocher avant d'être venu à bout du parcours, ce qui est possible mais requiert de très longues séances de jeu, puisque la sauvegarde des parties sur cassette n'est pas prévue (elle le sera un peu plus tard, dans Metal Gear et King Kong 2 sur MSX2). Il suffit simplement, pour être conquis, de ne pas être trop rebuté par les graphismes des 8-bits (généralement en 16 couleurs) qui commencent de façon générale à dater sérieusement. A noter que Penguin Adventure a été développé par une équipe dont le chef, Hiroyuki Fukui, était secondé par un certain Hideo Kojima, 23 ans, fraîchement embauché comme "game planner" chez Konami. Piètre programmeur, metteur en scène raté, écrivain en panne, illustrateur hésitant, mais concepteur de jeux vidéo dynamique et débordant d'idées, Kojima sera promu chef de projet sur son titre suivant, Metal Gear, début d'une saga qui le fera entrer dans la légende. Y a-t-il déjà des traces du style Kojima dans Penguin Adventure ? Pas vraiment, sinon le fait que le jeu propose de très nombreux objets qui modifient le gameplay et permettent de rejouer les niveaux en tentant diverses approches, idée récurrente dans les Metal Gear et Metal Gear Solid. Mais nul ne saurait dire si Kojima en est à l'origine ou si c'est un enseignement qu'il a tiré de ce premier job... Sa présence dans les credits du jeu était un fait plus ou moins oublié, mais elle a refait surface en 2008 grâce à un gag-hommage concernant Penguin Adventure dans son titre Metal Gear Solid 4, sur Playstation 3. F-MSX en version DOS (en attendant que la version Windows cesse d'être payante), ParaMSX, NLMSX ou encore mieux BlueMSX vous permettront de goûter à cette sucrerie un peu oubliée dont on peut se demander pourquoi elle n'a été adaptée sur aucun autre système par ses auteurs (contrairement à Antarctic Adventure). Pour faire fonctionner le jeu avec FMSX, il faut s'assurer de régler le type de cartouche sur 1 dans le fichier FMSX-DOS.CFG, et le jeu se joue avec les touches fléchées, la barre espace pour sauter et la touche ? (ou N sur un clavier anglais) pour tirer. Une astuce : lorsque le choix du niveau de jeu apparait (level 1 ou 2), taper NORIKO sur le clavier (en qwerty ça donne ?oriko), et le jeu sera enrichi d'une fonction continue fort utile. Si l'envie d'enfiler un smoking vous prend et que vous commencez à vous balancer légèrement en marchant, alors méfiez vous, on ne guérit pas facilement de ce virus là... Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (8 réactions) |