Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par François Grandjean (12 février 2004) Introduction (ou "C'est quoi Planescape? Ca se mange?")Lorsque Black Isle a annoncé, peu après la sortie du best-seller Baldur's Gate en 1998, s'être mis au travail sur un jeu utilisant le même moteur (le fameux Infinity Engine) et situé dans l'univers de Planescape, beaucoup de gens se sont demandé à quoi allait bien pouvoir ressembler le produit fini. Car si adapter l'univers des Forgotten Realms (comme l'ont fait Bioware et Black Isle avec Baldur's Gate) est assez facile, pour Planescape c'est une autre histoire. En effet, les Forgotten Realms représentent l'heroic-fantasy dans tous ses clichés tolkiennesques : les humains, les nains, elfes, hobbits, les vilains orcs, les donjons piégés, les combats à l'épée, le débitage de gobelins, les liches hargneuses dans leur tombeau et j'en passe. Faire une campagne Pen&Paper ou un jeu basé dessus, c'est facile : tout le monde (enfin presque) connaît. Planescape, par contre, est une entité gigantesque et monstrueusement compliquée. Rares sont les personnes qui sont capable de faire une bonne campagne tant le sujet est vaste. Planescape résulte d'une volonté de la part de TSR (les créateurs de Dungeons & Dragons, avant qu'ils ne soient repris par Wizards of the Coast) de donner un peu plus de volume à leur monde. Au départ, c'est parti comme une explication du fonctionnement d'un sort de conjuration : un Mage lance un sort de conjuration de créature, qui apparaît et se montre prête à lui obéir pendant une certaine période (ou jusqu'à ce qu'elle se fasse embrocher par un ennemi). La question que personne ne se pose, mais à laquelle TSR a voulu répondre, est: "Mais d'où vient donc la créature conjurée ?". Pour cela, il faut expliquer à quoi ressemble l'univers, ou plutôt le multivers : Le multivers est séparé en plusieurs plans d'existences, chacun appartenant à un des neuf alignements possibles (combinaisons entre bon, neutre, mauvais et loyal, neutre, chaotique). A côté, on trouve les Prime Worlds, comme Thoril qu'on trouve dans les Forgotten Realms. Les Prime Worlds ne sont pas soumis aux mêmes lois que les plans du multivers : ainsi n'importe qui dans le multivers est susceptible d'être appelé par n'importe quel lanceur de sort, alors qu'il est impossible pour quelqu'un des Prime Worlds de se faire enlever de la sorte. En contrepartie, le multivers a une propriété que les Prime Worlds n'ont pas : là-bas, un mot est plus fort qu'une épée. Les croyances y sont des pouvoirs et les émotions des forces. Le multivers est donc régi par les croyances des gens qui y vivent. Tout ce qui s'y trouve n'existe que parce que des gens y croient. Cela peut causer des catastrophes, comme par exemple si la population d'un plan change d'alignement, de croyance et de philosophie globale. Elle risque alors de faire basculer ce plan dans un autre alignement et donc le fusionner à un plan existant. C'est très rare, mais le risque est là si personne n'y prend garde. Au centre du multivers se trouve un lieu tout aussi étonnant : Sigil, la Cage, la Cité des Portes. Sigil n'est qu'une immense cité qui du fait de son emplacement est très cosmopolite. Il n'est pas rare d'y croiser des démons (qui heureusement respectent une trêve tant qu'ils ne sont pas provoqués), des tieflings (des gens dont les parents, parfois lointains, ont un jour eu un moment d'intimité avec un démon - on voit le résultat chez eux à leurs cornes et autres appendices surprenants), des aasimars (même principe qu'un tiefling sauf que leur lignée n'est pas corrompue par un démon mais anoblie par la présence d'un deva, à savoir un être supérieur et représentant du Bien) ou des créatures étranges. Et à l'inverse des Prime Worlds où un demi-elfe est tout ce qu'il y a de plus commun, ces derniers sont une véritable curiosité à Sigil. La cité est dirigée par un être énigmatique d'une grande puissance : la Lady of Pain. Cette dernière a jadis volé Sigil a un dieu, tombé dans l'oubli depuis, et surveille de près sa précieuse possession. Bien des dieux ont tenté de la lui prendre de force, car qui contrôle Sigil contrôle le multivers. En effet, Sigil est remplie de portails permettant de se rendre dans n'importe quel plan à n'importe quel endroit, d'où son surnom de Cité des Portes. Mais c'est aussi une cage. Ces portails sont invisibles pour la plupart et ne sont activés que dans des conditions bien précises : un objet, un signe de main, un air qu'on siffle, une pensée ou une sensation... Si certains portails sont connus et facilement activables, d'autres sont inconnus et bien plus dangereux : vous vous promenez dans la rue et vous vous mouchez le nez en pensant à vôtre dîner alors que vous avez une pièce de cuivre dans la poche... Sans le savoir, vous activez un portail et entrez dedans, ce qui peut vous amener dans un des plans, et même un plan inférieur si vous n'êtes pas chanceux. Et généralement, si un portail fonctionne dans un sens, il n'est pas actif dans l'autre. Beaucoup de gens se sont retrouvés coincés dans un monde étrange sans jamais pouvoir revenir chez eux, simplement parce qu'ils étaient au mauvais endroit, faisant les mauvaises choses... Ceci n'est qu'une brève explication de ce qu'est Planescape (je n'ai même pas abordé la Blood War !). Vous aurez plus d'informations dans le jeu Planescape: Torment (ce qui en plus peut vous permettre de voir les choses "de l'intérieur" : même si Torment n'aborde pas tous les concepts de Planescape, il peut moins vous en donner une bonne vision) et sur le site Planewalker. Après le rachat de TSR par Wizards of the Coast, Planescape a été abandonné (trop compliqué, sans doute) et des fans ont décidé d'assurer eux-même un support non officiel via ce site. Vous y trouverez énormément d'informations sur ce monde haut en couleurs mais dites vous bien qu'il peut être assez dur à aborder à certains moments. Planescape: Torment, un CRPG pas comme les autresPlanescape: Torment est donc le bébé (et je dirai même le chef-d'oeuvre) de Black Isle (R.I.P.), un studio de production d'Interplay dédié à la création de CRPG (Computer Role Playing Game) et dont pratiquement tous les titres ont fortement marqué le public : Fallout 2, Baldur's Gate, Baldur's Gate 2: Shadows of Amn et Throne of Bhaal, Icewind Dale et sa suite et surtout Planescape: Torment. Nous sommes donc en 1998. Le genre du CRPG sur PC vient quasiment de renaître de ses cendres grâce à Baldur's Gate (de Bioware et Black Isle) et son aventure riche en rebondissements, ses quêtes, ses bandits de grands chemins, ses donjons et dragons (plutôt des wyverns dans le cas de ce jeu), ses magiciens, ses villes pleines de paysans crasseux, de mendiants ivrognes et d'enfants mal éduqués. Le jeu tentait de revenir aux sources du RPG en utilisant des règles adaptées de AD&D et en laissant une bonne part de liberté au joueur (bien moins cependant que dans des titres tels que Fallout ou Daggerfall) et ce fût un beau succès. Bien entendu, un CRPG n'a pas grand chose en commun avec un RPG mais au moins le feeling y était et après tout Bioware ne tentait pas de concurrencer le bon vieux RPG Pen&Paper. Il faut dire qu'avant ça, le CRPG semblait plutôt mort : pour la majorité, le genre se résumait à Diablo et ses divers clones (qui sont en fait, pour ceux qui ne le savent toujours pas, des jeux d'action qui n'ont pratiquement rien de commun avec un CRPG). Il y a bien eu Fallout qui avait montré que le CRPG n'était décidément pas mort et qu'il était possible de fournir une aventure où le joueur a vraiment l'impression d'avoir le choix et que ses actions ont des répercussions sur le monde qui l'entoure, mais, allez savoir pourquoi, certaines personnes ne le considéraient pas comme un CRPG parce que l'univers décrit était post-apocalyptique et non pas heroic-fantasy... Au moins avec Baldur's Gate, on avait un contexte médiéval-fantastique des plus classiques, rigide même. Et donc, Black Isle annonce la création d'un jeu inspiré par Planescape qui réutilisera l'Infinity Engine de Bioware. Le premier à utiliser Planescape comme contexte. Le seul, même. L'histoire elle-même est assez singulière : on y joue un être immortel, qu'on présume humain, et qui est désigné comme étant le Nameless One. Au début de l'aventure, le Nameless One se réveille sur une table dans un mortuaire, ne se souvenant ni de son passé ni même de son nom (d'où sa désignation de Nameless One). Arrive alors un crâne flottant qui semble reconnaître notre "héros" et affirme même être un de ses plus fidèles compagnons. Morte, puisque c'est son nom, observe sur le dos du Nameless One des tatouages lui conseillant de trouver son journal et un certain Pharod, et voilà le début d'une longue quête où le Nameless One tentera de découvrir qui il est vraiment et pourquoi il ne peut pas mourir. Vous visiterez donc Sigil pour trouver des indices sur votre réelle identité. Le fait que le Nameless One soit complètement amnésique renforce l'identification : il ne sait rien de Sigil et doit tout apprendre sur le sujet, comme le joueur. Il faudra donc poser toutes sortes de questions à vos compagnons et aux gens que vous rencontrerez. Le Nameless One n'a pas non plus de personnalité définie au début du jeu, ce sera à vous de lui en forger une qui ressemble au rôle que vous avez envie de jouer. Planescape: Torment a été fait en prenant tout cela en compte et le jeu se révélera riche en émotions et expériences. A tout moment, le joueur se sent immergé dans l'univers atypique de Planescape. Le fait que Torment utilise l'Infinity Engine le rend plus simple d'utilisation pour les joueurs familiers des jeux l'utilisant. On y trouve les mêmes concepts de mouvement, de combats, de création de personnage, de gestion et d'utilisation d'inventaire, etc. Mais ce jeu utilise certains points du moteur de manière assez différente. En premier lieu, la partie graphique : L'interface a été réduite à une barre dans la partie inférieure de l'écran et un menu circulaire apparaît en cliquant sur le bouton droit. Ce système permet d'avoir une zone de jeu plus large. En contrepartie, le menu en cercle est un peu plus difficile à utiliser, les raccourcis clavier se révèlant au final plus pratiques. Ensuite, Torment à une caméra placée bien plus près du sol que les autres jeu Infinity Engine, ce qui permet de montrer des décors, personnages ou sorts très détaillés et fort bien animés. On regrettera malgré tout que la taille d'écran reste bloquée en 640x480x16 (Baldur's Gate proposait au moins la possibilité de passer en couleurs 32-bits) et que la caméra soit si proche du sol : ça limite sérieusement le champ de vision et empêche l'utilisation d'armes de jet et de sorts à large zone d'effet. Le temps que le sort soit lancé, l'ennemi aura bougé et vous risquez de blesser un de vos compagnons. L'équipe de développement à pensé à ça et c'est pour cela que seul un personnage dans tout le jeu peut utiliser des armes de jet. De même, la plupart des sorts sont faits pour être utilisés dans des espaces réduits. Cela enlève une bonne part de tactique aux combats mais comme on le verra, Torment n'est pas entièrement axé sur les combats. Quoi qu'il en soit, tout est incroyablement détaillé et animé et c'est un véritable bonheur pour les yeux. Les sorts les plus puissants bénéficient même d'un petit film, principe inspiré de jeux comme les Final Fantasy. Torment reprends plusieurs concepts AD&D mais les modifie pour rendre leur utilisation moins pénible et l'expérience plus enrichissante. Ainsi lors de la "création" du Nameless One, vous ne devez pas lancer de dés virtuels et choisir une classe ou un alignement. Le héros commence toujours en Fighter lvl 3 et vous avez un certain nombre de points à attribuer à ses différentes caractéristiques. Côté alignement, c'est obligatoirement du True Neutral en début de partie. Le Nameless One est un immortel amnésique mais à certains moments il peut tenter de se rappeler de ses vies passées, comme d'avoir été magicien ou voleur. C'est ainsi que certaines personnes peuvent vous remémorer ces occupations et vous permettent de devenir un Mage ou Thief à volonté, mais vous ne pouvez jouer qu'avec une classe en même temps et il est plus intéressant de ne se concentrer que sur une seule plutôt que de changer continuellement. Votre alignement reflète votre tendance naturelle à être bon, mauvais ou sans réelle préférence (Good, Evil ou Neutral) et votre tendance à vous conformer à l'ordre ou agir de manière impulsive et ne pas respecter les règles, ou encore ne pas avoir de réelle préférence (Lawful, Chaotic ou Neutral). Dans AD&D et les jeux qui s'en inspirent, vous choisissez votre alignement à la création du personnage et tentez normalement de vous y conformer, ce qui n'empêche pas de vous en écarter un peu à certains moments : un Paladin est Lawful Good et tente d'aider le maximum de personnes et faire régner la justice mais lui aussi peut avoir un mauvais jour et être désagréable avec quelqu'un qui lui demande de l'aide. Dans certains cas, donc, l'alignement d'un personnage peut changer : un personnage bon peut très bien commettre des actes criminels et devenir mauvais ou un personnage mauvais peut regretter ses actes et devenir meilleur. Le Nameless One commence donc en étant True Neutral et son alignement changera sur les deux axes tout au long du jeu selon ses actions. Par exemple: vous promettez à quelqu'un de lui rendre un objet que vous lui empruntez : le jeu vous propose de faire la promesse sincèrement (ce qui vous rend Lawful) ou de mentir (ce qui vous rend Chaotic). Si vous tenez votre promesse et rendez l'objet, vous devenez encore plus Lawful. Par contre si vous avez promis sincèrement mais ne rendez pas l'objet, vous devenez beaucoup plus Chaotic que si en fin de compte vous aviez fait une fausse promesse. Maintenant, toujours dans le même exemple, si vous empruntez le livre préféré de quelqu'un qui vous le prête de bon coeur, le lui rendre après vous rendra Good et faire une fausse promesse de le lui rendre ou briser une promesse sincère vous rendra plus Evil. Mais si cette personne est un mage maléfique qui vous prête sa baguette sans laquelle il ne peut lancer ses sorts et maudire les gens, la garder pour l'empêcher de faire du mal vous rendra plus Good (et donc en même temps Chaotic puisque vous mentez ou brisez une promesse) et la lui rendre vous rendra Evil (et aussi Lawful puisque vous tenez votre promesse). Vous aurez des tas de situations comme ça dans le jeu, qui seront intégrées de manière transparente. A part certains cas précis, votre alignement n'aura pas beaucoup d'influence sur le déroulement de l'histoire et vous pouvez donc jouer comme bon vous semble. Ce système vous encourage d'ailleurs à agir en toute liberté. Un Fighter gagne de temps à autre des points qui lui permettent de s'améliorer dans le maniement d'une arme. Dans les règles AD&D classiques, vous pouvez attribuer ce point dès que vous le gagnez. Dans Torment, c'est un autre personnage qui doit vous l'attribuer en vous entraînant. Avoir un point de Proficiency signifie que vous êtes prêt à en apprendre plus sur le maniement des armes et donc un instructeur peut vous aider à passer à ce niveau supérieur pour un type d'arme. Cela semble plus logique que d'attribuer vous même, par exemple, un point dans le maniement des haches alors que vous vous êtes battu au couteau depuis le début du jeu... En ce qui concerne les combats, n'oubliez pas que le Nameless One est immortel. S'il meurt, il se relève plus tard dans un endroit sûr (on présume alors que ses compagnons l'on traîné jusque là). Et si un de ses compagnons meurt, le Nameless One peut le ou la faire revivre facilement en raison d'un certain pouvoir qu'il dispose sur la vie et la mort. Cela ne rend pas les combats plus faciles mais ça enlève la pression de la mort comme fin du jeu et ne vous force pas à recharger votre sauvegarde toutes les cinq minutes. Si visuellement Planescape: Torment est impressionnant, le niveau sonore n'est pas en reste. Les musiques de Mark Morgan, qui a composé celles des deux Fallout, sont excellentes. Le thème principal revient souvent, orchestré de diverses manières : la version du Nameless One dépeint bien la souffrance d'un être en quête de son identité et celle de Deionarra est plus douce mais contient la tristesse infinie de celle qui aime et ne sera jamais aimée en retour. Torment a aussi de très bonnes voix (du moins dans sa version originale - fuyez la version française qui est tout bonnement horrible) : la superbe Jennifer Hale (Dynaheir dans Baldur's Gate, Mazzy dans Baldur's Gate 2, Naomi dans Metal Gear Solid, Bastilla dans Star Wars: Knights of the Old Republic et j'en passe), Rob Paulsen (Yakko dans les Animaniacs), Mitch Pileggi (Skinner dans la série X-Files), Charlie Adler (Harold dans les deux Fallout et Buster Bunny dans les Tiny Toons), Dan Castellaneta (Homer dans The Simpsons) ou encore Sheena Easton (la chanteuse à l'accent délicieusement scottish qui interpréta, entre autres, le générique de "For Your Eyes Only"). Je regrette juste que le jeu n'ait pas plus de dialogues parlés car certaines scènes profitent vraiment des talents vocaux des acteurs. Le face à face entre Fall-From-Grace et le Transcendant One en est un excellent exemple. Vous avez le choix (si vous aimez bien lire)La liberté, c'est le maître mot d'un RPG, et par extension d'un CRPG (même si on perd beaucoup de liberté dans l'adaptation). Vous avez le choix de faire ce que vous voulez, chaque action entraîne une réaction et si le système de jeu est bien conçu, vous pouvez voir les effets de vos choix sur le monde et les gens autour de vous. De ce côté, Torment a atteint un équilibre presque parfait pour un CRPG : il vous met sur un chemin linéaire mais vous donne l'illusion que vous êtes perdu dans un monde énorme et que vous pouvez choisir de faire ce que vous voulez. Le jeu n'est pas linéaire et vous choisissez l'ordre et la manière dont vous aller résoudre des quêtes, il vous laisse le choix de la classe (Fighter, Mage ou Thief) et vous laisse changer à tout moment (avec des avantages et inconvénients). Vous pouvez vous montrer gentil ou désagréable, faire le bien ou le mal volontairement, agir de manière instinctive ou juste servir vos intérêts. Vous pouvez parler (si la situation le permet) ou trancher la question avec une hache... Vous êtes libre d'agir comme bon vous semble. Le jeu récompense malgré tout une approche plus cérébrale. Dans la plupart des jeux de ce type, vous gagnez le plus d'expérience en combattant des ennemis puissants. Torment donne bien entendu de l'expérience pour chaque ennemi vaincu mais vous serez mieux récompensé en parlant avec les gens pour résoudre les problèmes d'une manière demandant moins d'efforts. Certains diront que le jeu est déséquilibré de cette manière... et ils auront raison car Planescape: Torment est très fortement axé sur les dialogues. D'un autre côté, considérez cette situation : deux voisins ne s'entendent pas du tout. Un des deux vous engage pour tuer l'autre. En discutant avec l'autre vous découvrez un moyen de régler la situation facilement, en parlant avec eux deux pour les réconcilier. Vous ne devez pas faire l'effort de tuer la personne, donc vous gagnez plus d'expérience. Et pour ceux qui trouvent que cette solution est trop axée vers le bien, il est aussi possible de convaincre cette personne de se tuer, d'une manière ou d'une autre. Là encore vous ne levez pas le petit doigt et votre tâche est accomplie. Ceux qui affectionnent une approche plus active s'ennuieront avec Planescape: Torment. Le jeu comporte énormément de textes. Il est même juste de dire que vous passerez la moitié du temps à faire du donjon crawling et vous battre et l'autre moitié à lire. Heureusement, la qualité des textes est exceptionnelle et chaque mot semble avoir été choisi avec soin. Beaucoup d'événement sont décrits de cette manière et on aimerait presque les voir illustrés par une vidéo... mais votre imagination reste encore le meilleur outil pour rendre réelles les images insufflées par Torment. Chris Avellone et Colin McComb (les rédacteurs du script) se sont surpassés et reprennent beaucoup d'éléments qui ont fait le succès des Interactive Fictions à l'époque (Zork et compagnie) : donner des images au joueur, le laisser imaginer et ressentir un événement et faire passer des émotions. Les dialogues proposent généralement plusieurs types de réponses, souvent redondants mais avec une variation plus ou moins importante à chaque fois : agréable ou tranché, mensonger ou sincère... Chaque dialogue rend l'univers encore plus crédible et présent en rajoutant divers détails à ce que vous savez déjà, ou en rendant un personnage plus vivant. De la même manière il vous renforce dans l'idée que vous êtes cet immortel en quête de son identité en vous laissant un choix impressionnant de manières pour répondre à quelqu'un (avec à chaque fois des variations subtiles sur votre alignement). Le style de jeu est donc fort différent d'un Baldur's Gate mais se montre au final plus enrichissant en apportant son lot d'émotions et de questions philosophiques. Les différents personnages principaux semblent tellement vivants que vous vous amuserez de voir certaines de leurs réactions à vos questions ou aux actions d'un autre personnage. Ils prendront part aux conversations et vous voudrez rapidement en apprendre plus sur eux. Aussi bien sur le plan technique que pour sa jouabilité, Planescape: Torment est une véritable réussite et un des jeux les plus enrichissants que je connaisse. Jouer un immortel amnésique perdu dans une ville située au centre d'un multivers, ça ne se trouve pas tous les jours ! Ce jeu ne demande qu'à être rejoué plusieurs fois avec un type de personnage différent. Beaucoup de combinaisons sont possibles. C'est aussi l'assurance que cette formidable histoire et son héros atypique, ainsi que ses compagnons, ne seront pas oubliés. J'ai volontairement omis de donner trop de détails sur le jeu même et les différents compagnons du Nameless One, bien que je pourrais en parler pendant des heures et sur des centaines de lignes. Torment doit se découvrir et se vivre pour être apprécié au maximum. J'ai donc plutôt évoqué les aspects techniques et donné quelques exemples de situations type que vous pourrez rencontrer. Si vous n'avez jamais joué à ce jeu, je vous conseille de vous le procurer (en VO, j'insiste, du moins si vous savez lire l'anglais facilement). Ceux qui l'ont déjà fini une ou plusieurs fois peuvent continuer à lire cet article, où je donne plus loin quelques détails et éclaircissements sur le jeu, ainsi que quelques réflexions sur des mystères volontairement laissés ouverts par Chris Avellone. Vous êtes prévenu que la suite contient des informations qui risquent de ruiner votre plaisir futur et que vous ne comprendrez peut-être pas si vous n'avez pas joué à Planescape: Torment. Un petit lien utile en guise de conclusion : Planescape: Torment Fix Pack est un petit site maintenu par Platter, qui propose quelques corrections de bugs pour Torment. Le patch 1.1 en supprimait une bonne partie mais il en restait encore quelques-uns, que Platter et d'autres personnes se sont amusés à corriger. Ce patch doit être installé après le patch officiel (sauf si vous disposez d'une version déjà patchée d'origine). Il s'agit uniquement de résolution de problèmes. Le gameplay n'est pas changé et les dialogues ne sont pas touchés, ça fonctionne donc avec n'importe quelle version du jeu. Les tatouages du Nameless OneLe Nameless One porte plusieurs tatouages, tous dessinés par Fell qui s'inspira des aventures de l'immortel. Cependant, un tatouage sur son bras est différent : le Symbole de Souffrance (ou Symbol of Torment). On ne sait pas comment il est apparu mais il signifie que le Nameless One est marqué par la Souffrance. Ce symbole est composé de plusieurs partie : Le Symbole de l'Angoisse (Symbol of Anguish) qui représente Deionarra. Son expression (cri et pleurs) montre clairement qu'elle est en détresse et sa tête se trouve sur l'épaule du Nameless One alors que sa chevelure est enroulée autour de son bras, signifiant que sa destinée est liée à celle du héros du jeu. Des runes sont inscrites sur ses cheveux. Aucune n'a de signification, il s'agit juste d'un détail esthétique, sauf la dernière mais j'y reviens après. On trouve ensuite la Rune de Souffrance (Rune of Torment) que l'on trouve très souvent dans le jeu (la Blade of the Immortal, forgée par Coaxmetal, a la forme de la Rune). Cette rune est en fait composée de deux parties symétriques qui s'imbriquent l'une dans l'autre et forment un tout indivisible : la première est en acier pur, l'autre en métal rouillé. La partie en acier représente le Transcendant One qui s'est libéré et a gagné en puissance, la partie rouillée représente le Nameless One et le déclin et la souffrance que lui a apporté son immortalité. Malgré la séparation, ces deux êtres restent unis à jamais. La combinaison de la Rune de Souffrance (le Nameless One et le Transcendant One) et du Symbole de l'Angoisse (Deionarra) forme le Symbole de Souffrance. Il renforce à la fois le lien entre le Nameless One et Deionarra mais Deionarra représente aussi tous les innocents dont la vie a été brisée à cause du Nameless One. Ceux dont il a entraîné la mort par ses actions ou son crime (n'oublions pas que le Nameless One a à l'origine commis un crime terrible qui bien des siècles plus tard continue de décomposer les Planes et finira par les détruire) et aussi ceux qui sont morts, tués par l'immortalité du Nameless One, et furent ainsi changés en ombres. Il y a enfin un dernier symbole, mieux dissimulé. On le trouve à la fin des cheveux de Deionarra et il se présente comme une double spirale (comme de l'ADN) qui se termine en bas par les deux spirales qui s'écartent l'une de l'autre et en haut par la jonction des deux spirales qui forment alors un diamant. L'ironie fait qu'il s'agit du Symbole d'Espoir (Symbol of Hope) et il est attribué au Transcendant One. La signification est simple : la partie basse se termine par du vide, la mort (le Nameless One) alors que la partie haute forme un diamant et symbolise le Transcendant One et la puissance qu'il a gagné de la Séparation. Le Symbole est une manifestion de la souffrance du Nameless One : sa chair s'en souvient même si son esprit l'oublie. De plus, le Symbole agit comme un aimant, attirant d'autres esprits tourmentés à lui. La prophétie de DeionarraLors de la première rencontre avec Deionarra, dans le Mortuary, elle donne une prophétie au Nameless One: "You shall meet enemies three, but none more dangerous than yourself in your full glory. They are shades of evil, of good, and of neutrality given life and twisted by the laws of the planes." Les trois ennemis, ombres du mal, du bien et de la neutralité, tordus par les plans, sont souvent pris pour les trois incarnations que le Nameless One rencontre à la fin de la Fortress of Regrets (Practical, Paranoid et Good Incarnation). A vrai dire, j'ai même fait cette erreur en me disant que quelque chose ne collait pas. Les trois ennemis sont en fait Fhjull Forked-Tongue (c'est un démon mais il est condamné à faire le bien à cause de sa promesse envers Trias, et pour cela il est recherché par les Baatezu), Trias (un deva qui s'est damné pour défendre ce qu'il imagine être le bien) et Ravel (elle représente la neutralité car elle n'agit ni pour le bien, ni pour le mal et bien qu'elle soit à la base maléfique, elle décide parfois d'agir pour aider les aider les gens). "(...) but none more dangerous than yourself in your full glory." : celui qui répond à cette description n'est autre que le Transcendant One. Le crime du Nameless One et son identitéIl y a eu plusieurs théories sur le sujet. Certains pensent qu'il s'agit de la destruction d'un pays, celle qui est relatée dans la seconde salle du Civic Festhall des Sensates. Il faut dire qu'une des pierres de cette salle concerne Deionarra et une autre est un piège laissée par la Paranoid Incarnation à l'intention du Nameless One. D'autres encore pensent que c'est le Nameless One qui a provoqué la Blood War en faisant se rencontrer les Tanar'ri et les Baatezu. Et une autre théorie serait que le Nameless One serait en fait Zerthimon et son crime a été de séparer sa race en deux (les githzerai et les githyanki). Il faut avant tout se rappeler de ce que l'on sait de son mystérieux crime : il s'agit d'un crime terrible, pire que tout ce qu'on peut imaginer, qui coûta la vie à des millions et à cause duquel, même maintenant encore les plans pourrissent et se décomposent lentement avant de finir par mourir. Et plus tard le Nameless One regrettera profondément son crime et se rendra compte qu'il devra servir dans la Blood War à jamais en punition. Il tentera alors de devenir immortel pour échapper à son destin et réparer le mal qu'il a fait... pour causer encore bien plus de mal en rompant l'équilibre lors de la Séparation avec sa mortalité par Ravel. La destruction d'un pays innocent alors qu'on obéit aux ordres injustes de son souverain est terrible mais ne semble pas répondre à la description du crime. Des innocents sont morts mais cette guerre n'a pas condamnés le multivers entier à une mort lente mais certaine. La Blood War est certes terrifiante et se répand même sur plusieurs plans, causant chaos et destruction mais... Il s'agit en fait d'une bonne chose ! Les Baatezu croient que le Mal doit être organisé, à l'image d'une bureaucratie et d'une logique inhumaine et kafkaïenne, afin de détruire le multivers. Les Tanar'ri s'opposent à cette vision du Mal, qui selon eux doit être totalement chaotique et n'avoir aucun semblant d'ordre. Et pour cela, les deux peuples de démons se battent depuis la nuit des temps. En fait, le jour où la Blood War s'arrêtera, ce sera la fin du monde et une armée de démons se répendra sur tous les plans pour conquérir le multivers. La Blood War sert à distraire les démons et même si elle est destructive et attire d'autres races dans ses conflits, elle garde les démons occupés à se battre entre eux. Et enfin, le Nameless One n'était déjà pas Zerthimon (c'est Chris Avellone qui l'a dit, alors...) et ici encore, si son peuple a été séparé en deux races qui se livrent une guerre sans merci, elle n'a pas causé la décomposition du multivers. Quant au véritable nom du Nameless One, on n'en sait pas plus. Il est possible, tout à la fin du jeu, avant la confrontation finale avec le Transcendant One, de retrouver son nom mais il n'est pas communiqué. Adahn n'est pas non plus le nom du Nameless One. C'est juste une option qu'on peut utiliser pour fournir un faux nom (toujours le même). La particularité est que si on utilise ce nom trop souvent, Adahn se mettre à exister réellement et se trouvera dans le Smoldering Corpse Bar ! Dans le multivers, un mot définit la réalité... Yemeth, que l'on associé au Nameless One dans divers endroits (comme dans sa tombe) n'est pas non plus son vrai nom. D'après certains sources (les descriptions d'objets qui n'apparaissent finalement pas dans le jeu), Yemeth aurait été un sorcier cruel obsédé par l'immortalité et qui imaginait voler les âmes des gens pour rallonger sa vie, un processus similaire à celui qui maintient notre "héros" en vie. Il semblerait que Yemeth et le Nameless One soient deux personnes différentes même si à certains endroits elles sont assimilées comme une seule personne. Beaucoup de questions restent sans réponses dans Torment et c'est aux joueurs de tirer leurs propres conclusions. On ne saura sans doute jamais ce qui arrivera au Nameless One après qu'il a finalement reçu son châtiment. Une chose est certaine cependant : il restera à jamais dans nos mémoires. Envie de réagir ? Cliquez ici pour accéder au forum |