Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par MTF (25 décembre 2017)
Fly me to the moon...Lorsque sort un épisode canonique de la saga Super Mario Bros., j'entends souvent le même son de cloche du côté de la presse vidéoludique et la récente sortie de Super Mario Odyssey, à l'heure où j'écris ces lignes, semble le confirmer. On dit qu'il s'agit là d'un excellent jeu vidéo, mettant toute la concurrence à l'amende... mais qu'il s'agit d'un Mario « décevant ». De mémoire, j'ai entendu dire cela de Super Mario Sunshine, de New Super Mario Bros. et de ses énièmes variations, de Super Mario 3D Land et 3D World. Ce n'est pas à dire que ces jeux n'ont pas leurs qualités, malgré leurs défauts : Sunshine a été analysé en long sur ce site, et est sans doute l'épisode le plus controversé de tous ; la série des New... souffre, à mon goût, d'un manque flagrant de renouvellement ; les 3D sont trop linéaires, alors que l'on espérait davantage de liberté. Le soin apporté par Nintendo à ces jeux vitrines, mettant en scène leur mascotte, les empêche d'être définitivement mauvais et nul doute qu'ils restent d'excellente facture : mais ces différents éléments ont pu, au moment de leurs sorties respectives, décevoir. Pourtant, Super Mario Galaxy semble avoir été épargné par ce phénomène répété. Ce n'est pas à dire que le jeu est, une fois encore, sans défaut et que ceux-ci n'ont pas été dûment relevés par les commentateurs ; mais que jamais ceux-ci n'ont été donnés en comparaison d'un épisode antérieur. Au contraire : Super Mario Galaxy est parvenu à créer sa propre mythologie et à s'ériger dans le panthéon des épisodes magistraux, parmi ceux auxquels tous les autres seront un jour comparés. Est-ce parce que Sunshine, qui le précéda directement dans la lignée, fut aussi polémique ? Est-ce parce qu'il sortit sur une console, la Wii, que l'on croyait incapable d'accueillir ce qui était perçu comme un « grand jeu vidéo », et qu'il mettait judicieusement à profit ses motion control ? Viser la luneLa genèse de Super Mario Galaxy, nous disent les spécialistes, est liée à une démonstration technique jadis dévoilée lors du « Nintendo Space World 2000 » et baptisée depuis « Super Mario 128 ». Dans ce programme exploitant les capacités techniques de la Game Cube alors sur le point de sortir, on pouvait voir une centaine de petits Mario allant et interagissant sur une sphère, soulevant des objets se déformant, se percutant et que sais-je. Cet exercice a déjà été à l'origine de Pikmin, de façon assez évidente ; mais ce concept sphérique fit progressivement son chemin auprès de Shigeru Miyamoto et de Yoshiaki Koizumi, véritables moteurs du projet qui fut alors confié à l'équipe EAD Tokyo, de récente création. En ce sens, Super Mario Galaxy se départ sensiblement de la formule instaurée par Super Mario 64, à plusieurs niveaux. Si nous retrouvons encore une structure en « hub », un environnement (ici un observatoire stellaire) distribuant différents mondes dans lesquels le joueur devra remplir des objectifs qui, en retour, débloqueront les niveaux subséquents et ce jusqu'au tout dernier boss, nous remarquerons d'une part que ces mondes sont bien plus nombreux, mais que les missions proposées sont moindres. Jadis, l'on avait entre dix et quinze mondes, et six ou huit missions à remplir à chaque fois. Ici, l'on a presque une quarantaine de « galaxies », dans lesquelles l'on va compter entre une et six missions au grand maximum, généralement trois principales et trois dissimulées. Avec le recul, voire avec le confort des années, la chose paraît surprenante ; mais à son époque, elle était loin d'être idiote. La plate-forme 3D, magistralement popularisée avec ce que l'on appelle la « cinquième génération de consoles » (N64, Playstation, Saturn) et encore solide avec la génération subséquente, s'essouflait malheureusement. Il y avait trop de prétendants ; les minis-jeux, comme dans Donkey Kong 64, prenaient souvent le pas de l'exploration ; la récolte démésurée d'objets divers, le gigantisme déraisonné comme dans Banjo-Tooie, alassaient les joueurs. Partant, si la linéarité revendiquée par Super Mario Galaxy peut apparaître anachronique aujourd'hui, un accident de parcours étrange, on la considérera plutôt comme une sorte de retours aux fondamentaux au genre, après élimination du superfétatoire. Toute ma vie, j'ai rêvé d'être une hôtesse de l'air...Ce qui a été présenté comme l'aspect le plus intéressant de Super Mario Galaxy, c'est ce principe de voyage stellaire. Se moquant passionnément des règles les plus élémentaires de la chimie et de la physique, notre valeureux plombier peut sans difficulté aucune respirer dans le vide intersidéral, arpenter des météores ou des objets célestes dépourvus d'atmosphères ou filant à toute berzingue sans en ressentir le moindre effet néfaste. Un seul paramètre néanmoins dirigera son aventure : la gravité. En effet, non seulement celle-ci permet à Mario d'être attiré, de ci, de là, par les différents objets flottants segmentant sa progression, mais elle lui permet également de rester généralement les pieds campés au sol et de tourner autour des volumes, comme Yoshi le faisait déjà dans le cinquième château de Yoshi's Island. Toutes les citer seraient inutiles, mais retenons ces forteresses de pierre pleines de pièges et de trous, qui exigent de nous de trouver le bon chemin en le détourant sur toutes ses surfaces ; ces lunes creuses que l'on explore de l'intérieur ; ces labyrinthes géants courant tout autour d'une sphère, et qui attendront de vous une excellente représentation spatiale — c'est le cas de le dire ! — pour en trouver l'issue. Même les environnements attendus dans une aventure du plombier, une forêt, une plage, une montagne glacée, prennent une toute autre tournure lorsque passés au tamis gravitationnel. Il est fascinant de nager au sein d'une boule d'eau claire en suspension, détachée de tout ; de faire du patin à glace sans interruption, au rythme d'un flocon de neige libéré de ses contraintes terrestres ; la lave coule parfois à la verticale ou à contre-courant. La relative rapidité des missions participe sans doute aucun à cet émerveillement, dans la mesure où les développeurs nous font rarement traverser par les mêmes planètes pour accéder aux objets de la quête principale. La plupart du temps certes, nous débutons dans le même espace, dans la même zone ; mais soit que l'objectif en cours ait fait évoluer la topographie, et ait dévoilé un endroit jadis caché comme dans les précédentes aventures du plombier ; soit que nous puissions dès le commencement partir dans cette direction ou dans cette autre ; il est rare que nous battions les mêmes sentiers. De plus, en se concentrant sur des missions simples, tournant qui autour d'un combat de boss, qui autour de l'ascension ou la traversée d'un environnement stéréotypé, les développeurs les autorisent à être bien plus intenses et, partant, moins monotones, mieux rythmées, plus intéressantes. Quand bien même rien de neuf n'aurait été inventé, la densité proposée est telle que l'ennui jamais n'arrive. Mario SuperstarLa remise en question est même plus forte qu'on ne l'imagine puisque, pour l'une des rares fois de son existence, l'histoire du jeu se fait un peu plus développée. Ne nous y trompons point : Bowser enlèvera encore la princesse, et ce sera à Mario d'aller la délivrer, après avoir récupéré un certain nombre d'étoiles de pouvoir qui segmentent, comme je le disais précédemment, notre progression dans le jeu. Notre héros fera cependant la connaissance d'une nouvelle héroïne, à présent parfaitement intégrée dans la mythologie du plombier : Harmonie (ou Rosalina ou Rosetta, selon les régions du globe). Il s'agit d'une sorte de « princesse des étoiles » dont le passé touchant sera progressivement révélé au cours de nos aventures, par l'intermédiaire de saynètes mignardes illustrées comme un livre pour enfants. Cette tendresse d'écriture, qui n'est pas sans rappeler celle de Link's Awakening, est évidemment du fait de Yoshiaki Koizumi et autant le dire, il s'agit d'une véritable merveille. L'histoire que nous relate Harmonie détonne certes dans le cadre d'un jeu de plates-formes Mario, qui ne nous avait guère habitués à autant de chair narrative, mais elle parvient à ne pas paraître pour autant déplacée ou étrangère à tout cet univers. Harmonie s'est moulée sans difficulté aucune aux côtés des Toads et des Goombas, et on peut très volontiers la voir comme une sorte de « princesse moderne ». Au moment où Nintendo s'éveille doucement aux causes féministes et commence à faire sortir Peach de son rôle officiel de « damoiselle en détresse », Harmonie propose aux joueuses et aux joueurs un modèle féminin plus affirmé et plus volontaire, au design moins daté. Quand bien même serait-elle, dans ce premier épisode, un personnage secondaire non-jouable, bien que d'importance, elle sera à ce moment-là bien souvent aux côtés de Mario dans ses aventures. Cette sorte de « guide à la carte » irradie plusieurs aspects du titre. Il en va ainsi de la progression, bien plus libre qu'auparavant dans la mesure où la multiplicité des galaxies permet au joueur de mieux choisir son chemin et les missions qui lui sont les plus accessibles, quand bien même lui faudrait-il affronter un gardien à la fin de chacune des étapes de l'observatoire pour progresser dans sa partie. Il en va également du pseudo-mode « deux joueurs », dans lequel un compagnon peut utiliser une autre Wiimote pour pointer l'écran et lancer des projectiles sur les ennemis et les pièges pour les ralentir, et libérer le passage pour son ami. Il en va encore de ce tourbillon dont nous parlions, tourbillon qui au sol agit presque à la façon d'un bouclier, devant se recharger certes, mais qui efface au contact ennemis et projectiles. Alors, finalement, que peut-on reprocher à Super Mario Galaxy ? À dire vrai, peu de choses une fois évoqué cette difficulté un peu relâchée. On pourra éventuellement grogner devant le peu d'intérêt du hub, reprocher à certaines missions des chemins peu clairs, parfois à certaines épreuves annexes, demandant d'employer la Wiimote d'une certaine façon, d'avoir une maniabilité capricieuse. Dans le grand ensemble des choses néanmoins, tout cela n'est rien. Cela n'est rien, car Super Mario Galaxy a ce goût sucré du cadeau de Noël inoubliable. On dira ce que l'on veut : mais Mario a le pouvoir d'instantanément nous mettre, me mettre tout du moins, d'excellente humeur. Les graphismes bonhommes, tout en rondeur et couleurs pastels, modèlent un univers doucereux dans lequel même les dragons ne parviennent point à effrayer. La mise en scène astrale, diaprée d'effets nombreux, rassure comme elle appelle à l'enchantement. La musique, de Mahito Yokota surtout que l'on connaît peu, et d'un Koji Kondo que l'on ne présente plus, habille le tout d'une maestria élégante, dans ce qui compose l'un des albums les plus élaborés de Nintendo. La jouabilité enfin, réduite à sa portion congrue, révèle son efficacité géniale et argumente intelligemment que le « plus est l'ennemi du mieux », à un moment où la concurrence multipliait absolument le nombre de commandes de leurs contrôleurs. Depuis la N64 et ce choix, abondamment commenté, de conserver les cartouches au détriment du support CD, on savait que Nintendo doucement s'éloignait de la concurrence, cherchait à développer sa propre voie comme détaché du reste, parfois solitaire ou sourd aux mouvements de la foule réclamant ceci ou cela. Pour beaucoup, la Wii consomme définitivement la rupture ; et même si, depuis, le constructeur est revenu à des projets moins extravagants, l'on ne peut s'empêcher de les décrire comme isolés du reste de l'industrie, progressant à leur rythme, croyant toujours avoir raison ou, du moins, donnant l'impression de le croire. Avec Super Mario Galaxy, tout le monde reconnut leur supériorité dans le domaine et même ceux qui, souvent à raison, dédaignaient la Wii pour sa puissance anachronique ou sa ludothèque peu intéressante, du moins faisant l'impasse sur des genres qui ailleurs florissaient, furent attentifs aux mouvements du plombier. L'on assistait, j'assistais, à un moment crucial de l'histoire moderne du jeu vidéo, sans y paraître : et quand bien même n'aurait-il pas été abondamment copié, Super Mario Galaxy a montré au moment idoine que l'émerveillement dans le jeu vidéo n'était pas mort.
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