Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par MTF (23 mai 2016)
Dans son dossier sur la saga Space Quest, Mickmils avait parlé de ces deux types d'Andromède ainsi que du tout premier épisode, que l'on appelle souvent « The Sarien Encounter ». Je vous propose de revenir ici sur cet épisode fondateur, dans ses deux versions les plus connues : celle de 1986 en EGA-16 couleurs, et celle de 1991 en VGA-256 couleurs qui fit partie des remake officiels de Sierra, après l'adoption de la nouvelle interface récemment évoquée dans l'article sur King's Quest V. Le premier épisode de la saga, aussi primitif semble-t-il pour des yeux modernes, comporte d'ores et déjà une nouveauté de taille : la jaquette de jeu annonce effectivement une aventure en trois dimensions. En réalité, si quelques écrans rendent bien une certaine impression de profondeur, le personnage animé peut surtout passer derrière certains éléments du décor, comme des rochers ou des bâtisses. Cela ne semble rien : et pourtant, c'était encore une fois une avancée nécessaire dans le monde du jeu d'aventure graphique pour complexifier un univers qui ne demande ici que cela. Notre premier épisode nous met aux commandes d'un balayeur (janitor) travaillant sur le vaisseau Arcada. Initialement, le jeu vous propose de rentrer votre propre nom pour ce personnage ; mais par défaut, et par la suite, il sera connu sous le nom de Roger Wilco, calembour que les anglicistes saisiront volontiers (c'est une abréviation de la formule militaire « Roger, Will Comply », autrement dit « Bien reçu, j'exécute l'ordre », ce qui est approprié pour un jeu d'aventure). Il vient de la planète Xenon, et se caractérise ni par sa beauté (encore qu'il ait une haute opinion de lui-même à ce propos...), ni par son courage, ni par son intelligence : c'est donc tout naturellement qu'on le retrouve, au début de la partie, en train de pioncer tranquillement dans un placard à balais. Les habitués des productions Sierra ne seront guère dépaysés en prenant les commandes de notre concierge. Le jeu, profitant des dernières avancées technologiques, vous autorise non seulement à vous déplacer avec les flèches du clavier mais également avec la souris, tandis que les commandes sont encore à rentrer en toutes lettres. L'interpréteur syntaxique est d'une assez bonne qualité et reconnaît bon nombre de mots et de verbes : tentez donc de lécher ceci ou cela, vous aurez de bonnes surprises ! Space Quest est un jeu difficile, aussi difficile que peuvent l'être les King's Quest. On y meurt souvent, encore que cela ne soit pas encore, ici, particulièrement injuste : pour peu que vous utilisiez la commande « Regarder » (Look), vous éviterez — j'espère — de faire un plongeon dans un précipice, de foncer tête bêche dans une araignée mécanique explosive ou de sortir dans l'espace glacial sans combinaison. L'intérêt principal du titre, bien évidemment, provient de la résolution des énigmes et même, puis-je dire, des échecs successifs : l'écriture est d'une belle qualité et fait la part belle aux jeux de mots, aux références choisies et à la parodie sympathique et bien que les King's Quest soient déjà, ce me semble, particulièrement plaisants, Space Quest se revendique parfaitement d'un second degré délicieux. J'irais plus loin encore, et je dirais qu'il est difficile de ne pas le croire modèle, même lointain, d'un Maniac Mansion ou d'un Monkey Island. Pour un premier épisode, Space Quest a ce goût, reconnaissable entre mille, de l'instant classic. Beaucoup de choses peuvent lui être reprochés pourtant, comme son ton sibyllin parfois et sa durée de vie finalement assez brève, quand on sait que faire et où aller. D'ailleurs, pour augmenter la durée de vie, les développeurs ont eu la — riche — idée de vous obliger à jouer à la machine à sous pour récupérer les buckazoids (la monnaie du jeu, que l'on pourra traduire par les Pognonzoids) nécessaires pour continuer l'aventure. Malheureusement, les gains sont dérisoires et la somme exigée colossale : je pense avoir passé près de trente minutes sur cette partie-là du jeu, chargeant et rechargeant encore ma partie après chaque perte. Quid de notre remake cependant, sorti en 1991 et bénéficiant non seulement de graphismes VGA, mais également d'une toute nouvelle interface ? Eh bien, celle-ci est d'une très bonne facture et les joueurs qui auraient, on le comprendra, des difficultés à se replonger dans l'original en auront sans doute pour leur argent. Graphiquement, le titre est véritablement magnifique ; et il est un grand plaisir de retrouver, sublimement amélioré, les lieux que l'on connaissait par ailleurs. Les développeurs ont pris aussi soin de modifier quelques endroits du jeu, comme la scène rocailleuse du désert qui devient un immense squelette de dragon dont on parcourt les vertèbres, ou à introduire davantage encore de droïdes chez le marchand : s'ils étaient auparavant assez génériques, on pourra à présent reconnaître B-9 de la série Lost in Space ou l'ED-209 de Robocop. Mais la véritable addition de ce remake à mon goût, ce sont ses musiques. Le premier Space Quest n'était compatible avec aucune carte son, et délivrait ses bips que par le haut-parleur interne du micro-ordinateur : avec ce remake, toute une bande-son a été composée pour l'occasion, et on s'aperçoit alors à quel point cela pouvait manquer au jeu original. Pour conclure, je ne dirais que ceci : avec Space Quest, Sierra poursuivait sa longue route vers le succès en élargissant le domaine des possibles. King's Quest représentait la belle aventure médiévale, gentiment drôle mais au fond grave ; Police Quest, dont le premier épisode sortit lui aussi en 1987, la simulation sérieuse et violente ; Leisure Suit Larry, la comédie légère et érotique. Space Quest explore la voie de la parodie futuriste et a durablement marqué, par son écriture et son humour, l'univers du jeu vidéo. Et tandis que les deux gars d'Andromède ont enfin livré, en 2022 et uniquement pour les backers de leur Kickstarter, SpaceVenture, suite spirituelle de Space Quest, il faudra être diligent et se replonger dans leur premier et immense succès. Envie de réagir ? Cliquez ici pour accéder au forum |