Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Julenstein (01 décembre 2008) En 1995, alors que le règne de la PlayStation n'est pas encore irrévocable, Konami publie un titre sans prétention aucune. Son nom ? Gensô Suikoden. Ce RPG, d'apparence ordinaire, connaît un succès surprenant qui lui vaut de nombreuses suites, sans parler des hors-séries. Avec ses allures traditionnelles –sa 2D tranche alors avec les productions 3D de plus en plus élaborées–, il réussit à surprendre grâce à la qualité de son histoire et son intéressant système de recrutement, calqué sur le roman Shui Hu Zhuan ("Au bord de l'eau"). Retour sur un classique du RPG nippon. 108 ÉtoilesL'empire de Scarlet Moon, gouverné par l'empereur Barbarossa, est paisible. Du moins, en apparence. Contrôlé par le joueur, le fils de Teo McDohl (un des cinq grands généraux de l'empire) se rend compte dès ses premières missions sous les ordres de sa Majesté qu'il y a un profond malaise dans la façon de régner du souverain. Barbarossa n'est plus l'empereur bon et juste qu'il était. Il est devenu cruel et impitoyable. Se constitue alors une armée rebelle, la « Liberation Army », menée par Lady Odessa, qui grandit à mesure que l'histoire se développe. Après un certain temps, c'est au joueur qu'il revient de tirer les rênes, et de recruter les 108 étoiles du destin. Ces 108 étoiles, qui viennent gonfler vos rangs, sont à enrôler partout dans le jeu. Certains rejoignent votre armée automatiquement, à cause du scénario. Pour d'autres, il suffit de les trouver. Dans le cas le plus intéressant, il faut remplir certaines conditions comme avoir un niveau assez élevé, parler à quelqu'un accompagné d'un personnage précis ou d'un objet défini... L'idée est bien sûr d'avoir le plus d'hommes sous son toit puisque ceux-ci vous rendent service du mieux qu'ils peuvent et la majorité est jouable en combat. Pour héberger tout ce beau monde, le héros s'installe dans un château qui évolue en même temps que l'armée. C'est-à-dire qu'au début, il est désert : il n'y a pas ou peu de boutiques, on ne peut pas y faire grand-chose. À mesure qu'on recrute des unités, le château se développe et une foule de petits bonhommes prêts à vous rendre service peuplent vos couloirs, qu'il s'agisse du forgeron, de l'armurier ou de la magicienne qui vous téléporte où vous le désirez. Il y a toutes sortes de personnes qui vivent dans les dédales du château, dont certaines exotiques, comme le gérant du bain thermal ou du joueur de dés. On a l'impression de construire son univers à mesure que le jeu progresse, une expérience troublante car le château n'est jamais tout à fait le même quand on y retourne. On regrette juste de ne pas pouvoir disposer les pièces et les parties de la forteresse comme on le désirerait. C'est de ce point central, le château, que s'articulent toutes les péripéties de Gensô Suikoden. À mesure que l'on embauche de nouveaux guerriers, on a accès à de nouvelles zones. On y recrute d'autres personnages, encore, qui donnent accès à d'autres régions. Et ainsi de suite. Il peut s'agir d'un marin qui équipe un moteur sur votre bateau, d'un fouineur qui vous montre un passage secret ou d'un chevalier dragon qui vous mène à des endroits inaccessibles grâce à son monture. Votre château est placé au centre du monde, de façon à ce qu'on y retourne toujours rapidement, il est donc toujours le point de départ de vos explorations. L'aventure est construite de façon très classique en s'appuyant sur le traditionnel schéma village – carte du monde – donjon. Tout ça est par ailleurs très conventionnel puisque la carte est toute simple, avec une vue éloignée et des combats aléatoires. Les donjons, eux, manquent franchement d'imagination : en général, il s'agit d'aller tout droit (il n'y a que très peu de ramifications, et celles-ci mènent le plus souvent à un coffre au contenu dispensable), de monter ses niveaux grâce aux combats aléatoires et d'affronter le boss au bout du chemin. Les énigmes se comptent sur les doigts de la main et à moins d'être un véritable pied, il n'est pas possible de se perdre. C'est dommage. Restent les villages où, finalement, on passe la majeure partie de son temps. Il est possible d'y faire plusieurs choses pour accroître la puissance de ses troupes. C'est classique, on y trouve des auberges pour sauvegarder et restaurer son équipe, des armureries pour choisir de nouvelles pièces d'équipement (pas d'arme !), un forgeron qui, lui, augmente la puissance de votre lame ou y incruste un fragment de rune (votre attaque devient alors élémentaire : feu, foudre, eau...) et un item shop où vous pouvez acheter les différents objets de soin, etc. On y trouve également des magasins où on attache les runes aux personnages : cela leur confère des pouvoirs en combat (possibilité d'utiliser des sorts de soin ou de feu...) ou des attributs (regain de HP à chaque tour, taux de coup critique qui augmente, etc.). Enfin, il y a quelques commerces ici et là un peu différents, comme l'antiquaire qui examine les objets dont vous ne connaissez pas la valeur marchande. Gensô Suikoden est loin d'être old-school et pourtant, on passe un temps fou à faire des combats sur la carte afin de s'acheter les meilleurs équipements possibles. À cela, il y a trois raisons : la première est que les prix dans ce jeu sont plutôt élevés. Dans les dernières heures de jeu, l'argent coule à flot mais au début, il n'est pas toujours facile de s'offrir l'armure de ses rêves. La deuxième raison est que l'équipe est composée de six combattants et que, par conséquent, il faut systématiquement multiplier l'achat de nouveaux équipements par six. Enfin, la dernière raison et qu'il y a beaucoup de va-et-vient dans les protagonistes obligatoires et, en général, les nouveaux personnages ne sont pas équipés. Il faut alors passer par la case « armurerie ». L'art de la guerreDans cette équipe de six combattants, il faut habilement choisir ses personnages en fonction des protagonistes imposés. En effet, dans les combats classiques (nous y reviendrons), il y a deux lignes d'attaque. Les personnages de la première ligne, grosso modo les tanks, sont ceux qui encaissent tout. Ceux qui sont en retrait ne peuvent subir que les attaques à distance ou les sorts. Il existe trois types de personnages :
Il faut donc créer une équipe variée avec des personnages capables d'attaquer sur n'importe quelle ligne. Prenons, par exemple, les deux schémas ci-dessous.
Dans le premier exemple, nous avons deux personnages S, deux M et deux L. Tout le monde peut attaquer puisque les deux S sont devant, un M est devant, un M est derrière et les deux L sont derrière. Sur le deuxième exemple, en revanche, avec un S derrière et un L devant, l'équipe n'est pas optimale puisque le L placé au front n'attaque pas, tout comme le S placé derrière. L'idéal est de toujours avoir des M sous la main qu'on peut glisser devant ou derrière selon les protagonistes imposés pour le scénario. Au pire des cas, ce n'est pas très grave puisqu'on peut très rapidement faire augmenter le niveau de ses partenaires. Même si vos combattants ne s'entraînent pas tout seul (comme c'est le cas dans quelques RPG), il y a un handicap pour l'expérience si votreéquipe est trop déséquilibrée. Il ne faut que quelques minutes pour qu'un personnage soit à jour au niveau de ses statistiques. C'est on ne peut plus agréable, surtout quand on considère le nombre de personnages jouables ! Au niveau des combats eux-mêmes, ils sont classiques avec plusieurs possibilités : attaque, fuite, pot-de-vin ou comportement libre. L'attaque, nous y reviendrons, permet de choisir l'action de chacun des personnages. La fuite et le pot-de-vin ont pour différence que dans le premier cas, le succès d'évasion n'est pas garanti alors que dans le deuxième cas, il l'est en échange d'une somme d'argent. Le comportement libre, lui, envoie les six personnages au casse pipe avec différents effets de zoom. C'est surtout l'occasion d'en mettre plein la vue au joueur, l'arène présentant un décor modélisé en 3D. Parmi les actions d'attaques, il y a certaines choses intéressantes, en dépit de l'utilisation d'objets et de l'attaque traditionnelle : il y a d'abord les runes qui sont des sorts (en nombre limité selon le niveau d'expérience) que peut lancer un personnage selon la rune équipée. Il y a ensuite l'union qui permet de faire une attaque groupée, comme c'était le cas dans Chrono Trigger. Les conditions tiennent ici aux affinités entre les combattants. En deuxième lieu, des batailles à plus grande échelle ont lieu. Ici, il s'agit de confronter votre armée à celle de l'adversaire, ainsi tout votre château est pris en compte. Plus vous aurez recruté de personnages, plus vos HP seront grands et plus les confrontations seront aisées. Il n'existe dans ce cas que trois types d'attaque, ainsi qu'une action spéciale. Les trois attaques qui ont une efficacité triangulaire sont les suivantes :
N.B. Dans le cas où le joueur et l'armée adverse lancent la même attaque (mêlée, par exemple), les deux perdent des HP. Celui qui a le plus de HP avant l'attaque porte néanmoins plus de dégâts à son adversaire. Les actions spéciales, enfin, permettent d'influer sur le combat de plusieurs manières. Par exemple, un personnage peut augmenter la puissance de votre attaque de mêlée alors qu'un autre accroît les sorts magiques. On peut faire appel à des individus qui tentent de convaincre certains fantassins adverses de vous rejoindre (ce qui revient à drainer une partie des HP de l'armée d'en face) ou encore certains de vos alliés peuvent espionner l'adversaire et décrire avec précision sa prochaine attaque, afin d'anticiper son offensive. Il existe un troisième type de confrontation : le duel. Celui-ci apparaît de façon très ponctuelle et oppose Teo McDohl à un adversaire dans un face à face. Le premier des deux à atteindre 0 HP a perdu. Il n'y a que trois actions possibles : attaque, défense ou attaque désespérée. Voici les différents cas possibles :
On ne peut bien sûr pas savoir à l'avance ce que l'adversaire mijote et ce genre de bataille ressemble finalement plus à un shifumi qu'autre chose. C'est un peu rageant de perdre à cause de malchance prolongée et de devoir recommencer, surtout que ces duels arrivent parfois après une succession de combats (dont des bosses ou des batailles d'armées). Heureusement, ils sont relativement rares. Techniquement simple mais efficaceSur le plan technique, Gensô Suikoden n'est pas bouleversant. Sa 2D reste plus belle que ce qu'on peut trouver sur des consoles de génération précédente, comme la Mega Drive ou la Super Famicom (pas encore enterrées en 1995) qui ont gonflé leurs ludothèques de chefs-d'œuvre tels Phantasy Star IV et Final Fantasy VI quelques mois auparavant. La barre était placée haute avec des titres de ce calibre mais le RPG de Konami s'en tire avec les honneurs. Plutôt qu'une 3D en carton – je rappelle qu'en 1995, la PlayStation est encore toute jeune et loin d'être maîtrisée – on a le droit ici à une 2D classique, mais efficace avec des décors détaillés – quelques plans remarquables, notamment certaines falaises qui offrent des panoramas saisissants – et de grands sprites. Les développeurs ont quand-même profité des capacités de la machine pour les batailles avec des effets de magie modélisés en 3D, vraiment réussis pour certains, et mis en valeur par le dynamisme des combats. Les arènes sont aussi modélisées même si, pour être franc, c'est un peu plat. La réputation du titre vient en partie de sa bande originale (composée par Miki Higashino, Tappy Iwase, Taniguchi, Mayuko Kageshita et Hiroshi Tamawari) qui a vraiment quelque chose de magique. La qualité des orchestrations – irréprochable – fait honneur aux compositions, qui ont ce goût exotique de l'Orient. Sincèrement, Gensô Suikoden montre le potentiel musical des RPG de la génération post-16-bits, même si dans les faits, tous les jeux de nos jours n'ont pas une bande sonore aussi léchée. Pour finir, le scénario – que j'ai déjà évoqué plus haut – est lui aussi mené de façon classique. Il y a pas mal de surprises dans l'histoire elle-même, mais rien de très original pour ce genre de jeu. Son véritable intérêt est qu'on sort ici des habituelles histoires où le sort de la planète toute entière dépend de vous ! Gensô Suikoden est beaucoup plus terre à terre et narre avant tout un combat politique, ce qui n'est pas une chose rare dans le RPG japonais (de nombreux Final Fantasy, par exemple, opposent un groupe rebelle à un empire) mais, trop souvent, ce n'est qu'une petite partie d'un problème beaucoup plus grave (destruction du monde ou je ne sais quelle horreur !). Ici, on ne rigole pas : assassinats, trahisons, complots politiques... Et ce, dès les premières minutes. Attention, cependant, n'espacez pas trop vos parties dans le temps, puisqu'étant donné le nombre de personnages présents dans l'aventure, vous risqueriez de perdre le fil si vos pauses étaient trop longues... Le premier d'une grande sérieGensô Suikoden reste un titre mythique, très apprécié des joueurs de RPG. Son succès à sa sortie ne se dément pas. D'ailleurs, il a connu deux portages : une version Saturn en 1998 et un portage PSP en 2006 aux côtés du second opus. Il sera également publié aux États-Unis en décembre 1996 puis en Europe en mars 1997, mais l'une et l'autre version, étant tirées à peu d'exemplaires, ne sont pas les plus faciles à trouver sur le marché de l'occasion... Difficile de savoir si son succès aurait été le même s'il était sorti après le raz-de-marée Final Fantasy VII. Quoiqu'il en soit, il a surtout connu des suites, dont l'incroyable Gensô Suikoden II, sans doute le meilleur épisode de la série et un des RPG les plus prisés. Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (34 réactions) |