Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par CBL (03 décembre 2007)
Vous ne connaissez sans doute pas Soren Johnson. Ce brave homme a travaillé chez Firaxis de 2000 à 2007. Il a programmé l’IA de Civilization III et une partie du jeu. Pour Civilization IV, il a été propulsé Lead Designer et on ne peut que saluer la décision de Firaxis car c’est le meilleur Civilization jamais créé. Bien plus qu’une simple évolution du III, c’est une révolution de la série. Pour la petite histoire, Soren a quitté Firaxis après Civ IV pour rejoindre Maxis et travailler avec Will Wright sur Spore. Dans le manuel de Civ IV (200 pages en français !), on trouve cinq pages de notes personnelles de Soren qui en apprend beaucoup sur le développement et la philosophie du jeu. C’est bien plus intéressant que les habituels making-of sur DVD. Le premier changement qui saute aux yeux est d’ordre graphique : Civilization est passé en 3D ! Il n’y a pas des masses de polygones et d’effets mais l’ensemble est chatoyant et coloré. En prime, on a le droit à des animations quand les unités s’affrontent ce qui donne un peu de suspense sur l’issue d’un combat. Les deux principaux intérêts de la 3D sont la possibilité de jouer dans la résolution de son choix et de zoomer. De manière fluide, on zoome et dézoome avec la molette en passant d’une vue proche des unités à une vue globale de la Terre. On peut s’apercevoir que cette dernière est bien ronde et la faire tourner. Avoir la Terre entière sur son écran et admirer son empire provoque une sensation mégalomaniaque assez grisante. Les merveilles et les constructions apparaissent directement sur la carte et on voit vraiment les villes grossir et se transformer au fur et à mesure des âges. Quand le bonheur est maximal dans une ville, les habitants tirent même un feu d’artifice. D'autre part la musique du jeu est excellente et il est possible d’utiliser ses MP3 pour la remplacer. L’interface générale du jeu a été complètement revue. Des fenêtres pop-up apparaissent quand une ville a fini de construire quelque chose pour demander ce qu’on veut faire après, idem pour la recherche. Dès qu’on a fini d’utiliser une unité, la caméra passe sur l’unité suivante libre afin de ne pas oublier un tank qui traine ou un ouvrier fainéant. Enfin, toute une série d’automatismes permettent... d’automatiser la production d’une ville, la construction d’aménagement par les ouvriers, la recherche, l’exploration etc. Tout cela a un peu desservi le jeu. Comme d’habitude, on a crié au loup et au noob alors que ces options sont parfaitement désactivables et que personne ne force à les utiliser. Leur utilité est d’amener de nouveaux joueurs à Civilization sans les surcharger dès le départ. Progressivement, ils désactiveront ces automatismes pour tout faire eux-mêmes. Cela complète un tutorial un peu maigre (malgré la présence de Sid Meier lui-même en chair et en polygones) et un manuel ultra-complet. Résultat : Civilization IV est à ce jour le Civilization le plus vendu de la série avec 1,5 millions d’exemplaires commercialisés sans compter les deux add-ons. On ne peut que saluer la performance, surtout devant un jeu d’une telle complexité. En effet, en terme de gameplay, ce Civ est de loin le plus complet. Commençons par aborder les changements par rapport au III. Les unités n’ont plus de caractéristiques attaque et défense séparées et les promotions suite à un combat ne sont plus automatiques : on peut ainsi spécialiser une unité pour la faire devenir "tueuse de ville" ou "médecin". L’option tours simultanés permet à tous les joueurs de jouer en même temps, ce qui diminue fortement la durée d’une partie tout en influant très peu sur la stratégie. La diplomatie est maintenant bien plus complète et permet d’échanger des ressources, des villes, de l’or, la carte du monde connu et d’imposer des embargos, des traités de paix... À l’aide de + et de -, on connait la position d’une civilisation ennemie par rapport à la nôtre. Par exemple, avoir une paix durable avec une autre civilisation offre un +1 tandis que commercer avec une civilisation ennemie à la première donne un -1. Cela permet un peu de prévoir les réactions de l’IA. Si une civilisation ennemie est juste à coté de vous et a un total de -4 à votre égard, la guerre est difficilement évitable. Le système de santé des villes a été refondu pour prendre en compte à la fois la taille de la ville et la pollution des industries. Si les points de pollution sont supérieurs aux points de santé, la ville consommera plus de nourriture pour compenser, ce qui réduira sa croissance. Quand les habitants d’une ville ne sont pas contents, cela ne provoque plus de révolte. Ils cessent simplement de bosser, ce qui diminue la production. L’arbre de recherche compte maintenant 85 découvertes même si certaines ne sont pas obligatoires pour avancer. Comble du geekisme, en VO, c’est Leonard Nimoy (de Star Trek) qui annonce le nom des découvertes faites ainsi qu’une citation célèbre associée à chaque découverte. La culture est toujours de la partie : chaque ville possède une zone d’influence (l’ensemble de ces zones définit vos frontières) qui grossit en fonction de la culture qu’elle produit. Il est même possible de voler des villes ennemies grâce à la culture. Le jeu comporte désormais 6 victoires différentes :
L’idéal est dès le départ de choisir celle qu’on veut obtenir pour spécialiser sa civilisation dans un domaine même si la plupart sont complémentaires. Par exemple il faut beaucoup de ville pour produire le plus vite possible le vaisseau spatial et donc il faut beaucoup de territoire. Mais ne comptez pas perdre du temps à faire la guerre si vous voulez la victoire culturelle. On remarque que sur les 6 victoires possibles, on peut en réaliser 5 en étant totalement pacifique. Certes, la première unité qu'on produit est généralement une unité guerrière mais pourtant le jeu se veut résolument pacifique et humaniste. Cela se voit surtout au niveau de deux éléments qui sont les deux principales nouveautés du jeu : les doctrines et la religion. Les doctrines sont une nouveauté et remplacent l’antique système politique qui consistait à choisir un régime (démocratie, monarchie...) et s’arrêter là. Elles permettent de choisir au mieux son type de régime et sont classées en 5 catégories : gouvernement, loi, travail, économie et religion. Cela permet une variété de gouvernements étonnante : libre à vous d’être une dictature fasciste laïque respectueuse de l’environnement ou une monarchie religieuse éclairée. On s'aperçoit rapidement que pour gagner autrement que par une victoire militaire, certaines doctrines marchent mieux que d'autres. En économie, la nationalisation (obtenue grâce à la découverte du Communisme) fonctionne mieux que l'économie de marché. Donc mis à part si vous voulez écraser les autres civilisations sous les chars, le meilleur moyen de gagner de mettre en place le plus rapidement possible les 5 doctrines ultimes : le suffrage universel, la liberté d'expression, l'émancipation, l'environnementalisme et la liberté de culte. Ainsi la meilleure façon de gagner est d'être une nation démocratique, laïque et écolo. De même, le joueur progressera bien plus vite si elle n'est jamais troublée par la guerre et la nécessité de construire et d'entretenir des unités militaires. Enfin on notera qu'aucune des conditions de victoire n'implique d'être le plus riche. Civilization IV, un vrai jeu de gauche ? Les religions sont la plus grande nouveauté du jeu. Les 7 religions que l'on retrouve dans le jeu sont on ne peut plus réelles (Bouddhisme, Judaïsme, Islam...) et ont exactement les mêmes effets. Aucune n'est supérieure à l'autre pour respecter la sensibilité de chacun. On les découvre grâce à certaines recherches et elles s’entendent automatiquement par les routes ou en envoyant des missionnaires. Elles ont des bâtiments et des merveilles dédiés (temples, Chapelle Sixtine...). Le génie de Firaxis a été de critiquer l'ensemble des religions tout en gardant ce coté neutre. En effet, ils présentent les religions comme un bon moyen de soutirer de l'argent au peuple et de les maintenir dans le bonheur (artificiel ?). Certaines découvertes scientifiques rendent les effets de vieux monuments caducs comme pour montrer que la science est le meilleur moyen de balayer l'obscurantisme. Avoir une religion d'état rendra les gens qui n'ont pas la même religion mécontents, ce qui peut les conduire à arrêter de travailler. Les temples des différentes religions permettent d'augmenter rapidement sa culture. Mais évidemment, les civilisations ennemies qui n'ont pas la même religion d'état chercheront à imposer la leur, généralement par la force. Ce ne sont que quelques exemples. Outre le côté quasiment éducatif du jeu montrant comment les inventions et les monuments se sont succédé, le message de Civilization IV est caché dans ces quelques règles de gameplay. Rarement un jeu n'aura véhiculé autant d'idéaux qui sont sans aucun doute le reflet de la philosophie des développeurs. Civilization IV introduit le concept de Personnages Illustres. En observant l’Histoire, on remarque qu’elle a avancé à pas de géant grâce à une poignée d’hommes. Peut-on imaginer la Grèce Antique sans Platon, l’Angleterre sans Shakespeare, la Pologne sans Copernic et Corbier sans sa barbe ? Grâce aux merveilles et aux spécialistes offerts par certains bâtiments, vous pouvez obtenir plusieurs de ces personnages illustres qui sont de cinq types : artistes, marchands, prophètes, ingénieurs et scientifiques. Ils vous permettent d’obtenir des bâtiments spéciaux, de trouver de nouvelles technologies, d’améliorer une ville, de faire une œuvre d’art pour booster la culture, de déclencher un âge d’or... Ces personnages ont tous des noms réels ce qui donne lieu à des situations cocasses avec un Elvis qui nait à Berlin ou un Mozart à Los Angeles. Les leaders sont les personnages que vous incarnez (Napoléon, Washington, Jules César...). Ces derniers ne sont désormais plus uniques à chaque civilisation et possède deux traits de caractère parmi 7 (Financier, Organisé, Créatif, Spirituel, Philosophe, Agressif, Expensif, Travailleur) qui influent énormément sur la manière de jouer. Ainsi, on ne choisit pas un leader Spirituel et Philosophe pour détruire la planète. De plus, chaque civilisation a une unité spéciale qui remplace une unité existante. Par exemple, les Cosaques remplacent la cavalerie pour les Russes. Comme si ça ne suffisait pas, le jeu est complètement modifiable de façon très simple grâce à la combinaison de scripts python et de fichiers XML. Tout le moteur du jeu tient même dans une seule DLL ! La communauté a produit des tonnes de mods ajoutant un bon paquet d’unités, de scénarios, de règles... Déjà très sympa en solo, le jeu est encore plus énorme en multi, que ce soit en coopératif ou en versus. Le moteur réseau est fabuleux et fonctionne en peer-to-peer : concrètement il n’y a pas réellement d’hôte ce qui permet de continuer une partie même quand un joueur la quitte. Toutes les options sont possibles : hot seat, LAN, Internet, Play By Mail et Pitboss. Le Pitboss permet à plusieurs joueurs de jouer de manière totalement désynchronisée. Un email est envoyé au joueur quand c’est à son tour de jouer. Il se connecte à la partie, fait son tour et peut rester ou repartir. Les parties de Civ étant longues, ça permet de jouer entre amis distants sans contraintes d’horaires. En combinant toutes les nouveautés (doctrines, religion, traits de caractère...) et les différentes victoires, on obtient une variété de jeu infinie et un plaisir sans cesse renouvelé. Mais Civilization IV offre bien plus que cela : il permet une compréhension limpide de l’humanité et son histoire dans tout ce qu’elle a de splendide (les merveilles, le pacifisme...) comme de pire (les guerres de religion, la pollution massive...). Pourtant, Firaxis a voulu aller encore plus loin avec deux add-ons. Civilization IV: Warlords
Système : PC - Mac Développeur : Firaxis Games Editeur : 2K Games Support : CD-ROM |