Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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15h00. Cas 2-2 : Dawn of the Dead (1978) (expiré)Après Night of the Living Dead, Romero réalise entre 1972 et 1976 quatre films qui n'obtiennent pas le succès escompté malgré leurs qualités (There's Always Vanilla, Season of the Witch,The Crazies et Martin), et ne donnent que modérément dans le gore et la satire sociale. Il est donc temps pour le réalisateur de revenir à sa formule initiale : des zombies, de l'action, du gore et un discours bien senti qui gratte là où ça fait mal. Il va alors frapper très fort et signer ce qui est considéré comme son meilleur film, Dawn of the Dead, qui sort en 1978, et dont Dead Rising est l'adaptation vidéoludique non officielle. L'idée du film est venue à Romero dès 1974, alors qu'il visite un centre commercial, le Monroeville Mall à Pittsburgh, géré par son ami Mark Mason. En observant les clients errant dans les rayonnages, à la fois apathiques et avides de gratification matérielle, il repense à ses morts-vivants. Et comme on est aux États-Unis des armes à feu sont en vente, ce qui fait de l'endroit un théâtre idéal pour une confrontation humains-zombies sur fond de critique du consumérisme. Le financement du film s'avèrera difficile à mettre en place, car Romero tient à rester indépendant et ne pas vendre son projet à un studio qui mettra son nez dans le scénario. Le salut viendra d'Europe en la personne de Dario Argento, metteur en scène spécialisé dans le giallo (thriller à l'italienne) et fan de Night of the Living Dead. Argento fournit la moitié des 500.000 dollars que nécessite la réalisation du film, Mark Mason met à disposition son centre commercial de 23h00 à 7h00 du matin autant de nuits que nécessaire pour le tournage moyennant un dédommagement modéré, et Romero part à Rome écrire le scénario (il est possible que Dario Argento l'ait aidé, mais celui-ci l'a toujours démenti). Le film est tourné entre novembre 77 et février 78, entièrement de nuit et dans des conditions difficiles. Entre alors en scène un des collaborateurs de Romero les plus précieux : Tom Savini, qui s'occupe des effets de maquillage, dix fois plus nombreux, sanglants et réalistes que ce qui avait été fait sur Night of the Living Dead. Savini, personnage haut en couleur, est capable de jouer la comédie, d'exécuter des cascades, et surtout de tartiner des trognes de zombie en série. Et il va en falloir, car cette fois c'est une invasion à l'échelle nationale que Romero entend montrer. Plus de 250 personnes seront donc grimées en cadavre, dont une bonne partie au moyen d'un simple fond de teint gris. Pour les zombies vedettes vus en gros plan, par contre, Savini réalise (aidé de ses 8 assistants) toutes sortes de mutilations, dont la plupart sont improvisées sur le tournage au gré de l'inspiration et du temps disponible : visages partiellement décomposés, tête qui explose sur un coup de fusil, crâne fendu par une machette, égorgements, éventrations, chairs arrachées à grands coups de dents, membres amputés, décapitation par une pâle d'hélicoptère, tournevis enfoncé dans l'oreille... Dawn of the Dead est le film le plus gore de son époque, une débauche de violence et de cannibalisme qui encore une fois est filmée sans emphase, banalisée par le visage inexpressif qu'affichent les zombies lorsqu'ils dévorent où se font charcuter. Le récit démarre peu après les évènements de Night of the Living Dead, autrement dit les zombies sont déjà partout et la panique est totale. Dans l'immeuble d'une chaîne de télévision, un pilote d'hélicoptère et sa fiancée décident de s'enfuir. Pendant ce temps des forces spéciales prennent d'assaut un immeuble plein de latinos qui refusent de livrer leurs morts aux autorités pour incinération, et c'est un vrai massacre, les immigrés mourant tous soit fauchés par les balles des SWATs, soit boulottés par leurs congénères zombifiés. Deux SWATs, constatant que les morts-vivants sont innombrables et la situation devenue incontrôlable en ville, décident de déserter et tombent sur les deux tourtereaux cités plus haut. Tous s'enfuient à bord d'un hélicoptère de la télévision et se posent sur le toit d'un centre commercial, endroit idéal pour tenir un siège, bourré de nourriture, d'armes et de moyens de se divertir. Arrivés sur place, ils constatent que des zombies errent partout, probablement parce "c'était l'endroit qui comptait le plus dans leur vie". Ils nettoient les lieux et se barricadent, mais au cours de l'opération un des deux SWATs est mordu par un zombie, et on assistera à sa lente et inéluctable zombification, enfermé dans un local technique. Constatant qu'ils sont plus prisonniers que vraiment en sécurité, les trois survivants tuent le temps en se laissant aller des semaines durant à tout ce qu'un consommateur peut rêver de faire dans un centre commercial déserté. C'est alors que débarque une bande de bikers venus se livrer au pillage (et dont le leader est interprété par Tom Savini). Leur arrivée permet aux zombies de pénétrer dans le centre commercial, ce qui oblige les survivants à entrer en guerre contre ces visiteurs irresponsables, se rangeant donc malgré eux du côté des zombies. Les bikers sont tous tués par balle ou dévorés, le SWAT qui avait été mordu a dû être achevé, bref la situation est de plus en plus désespérée. Les survivants se résignent à fuir de nouveau en hélicoptère, mais ils ne leur reste plus beaucoup de carburant... Le film s'achève lorsque l'appareil s'envole vers un sort incertain, pendant que les zombies investissent définitivement le centre commercial. Plus que jamais ce sont eux qui ont gagné la partie, malgré leur lenteur et leur idiotie, simplement parce que le citoyen tel que la société américaine l'a façonné est incapable de toute stratégie constructive de survie, ne sait résoudre les problèmes que par la violence. Comme l'écrira d'ailleurs fort justement Marc Toullec dans Mad Movies en mai 88 : "Les militaires exterminateurs, ou les éléments perturbateurs d'une tranquillité retrouvée (les Hell's Angels), toute solution définitive ou jouant sur des pulsions meurtrières sont condamnées par Romero qui autorisera les morts-vivants à commettre leurs crimes. Par contre, les personnages luttant uniquement pour leur survie pourront tuer les zombies sans pour autant être condamnés par le réalisateur. Pour Romero les zombies existent, personne n'y peut rien, seuls survivront ceux qui l'ont compris". La version européenne du film, intitulée Zombie, fera l'objet de quelques modifications opérées par Dario Argento, pour le meilleur à chaque fois. Il remplace les musiques d'origine par des morceaux du groupe de rock progressif italien Goblin (qui ne travaille que pour le cinéma), et coupe quelques scènes. Par respect pour Romero il se justifiera en disant simplement qu'il trouvait le montage initial de 126 mn trop long, mais en réalité les scènes qu'il a supprimées, des conversations pour la plupart, avaient tendance à rendre le film trop bavard et explicatif. Le montage d'Argento, de 117 minutes, est donc généralement considéré comme meilleur, plus rythmé et concis. Ça tombe bien, c'est cette version que vous pourrez trouver facilement en DVD. À noter que la sortie ciné du film en France n'aura lieu qu'en 1983, pour cause de censure giscardienne, et sera saluée par Christophe Gans dans le magazine Starfix comme l'avènement du "plus grand film d'horreur de tous les temps". Pour ce qui est du montage exploité au Japon, les choses sont plus simples : la totalité des plans gores y ont été coupés. Visiblement, ces messieurs de chez Capcom se sont débrouillés pour mettre la main sur une version occidentale, sans quoi Dead Rising ne serait pas ce qu'il est. Même s'il paraîtra cheap et visuellement désuet au spectateur d'aujourd'hui, Dawn of the Dead est le film de zombies le plus percutant et signifiant jamais réalisé. Outre ses scènes sanglantes à foison, qui auraient suffi à en faire une œuvre culte auprès des geeks de l'époque, c'est un excellent film d'action, sans temps mort et qui prend à la gorge dès les premières minutes grâce à une entame des plus abruptes mais pleinement justifiée. Sans cette idée lumineuse de situer l'action dans un centre commercial et ces protagonistes se montrant finalement aussi dangereux que le fléau qu'ils croient combattre (à ce propos les comédiens sont tous excellents, en particulier Ken Foree qui interprète le SWAT noir), ce serait déjà un très bon "zombie-flick", mais l'impertinence du propos de Romero le rend indispensable, au point que même Télérama salue l'intelligence du film à chacune de ses diffusions sur une chaîne satellite. Après ce chef-d'œuvre, nombre de films de zombies toujours plus gores ont été tournés, principalement en Italie. On retiendra en particulier la trilogie zombiesque de Lucio Fulci sortie entre 1980 et 1983, Frayeurs, L'Au-Delà et L'Enfer des Zombies, trois films bourrés de scènes gores hallucinantes avec des morts-vivants très décomposés dans toutes les scènes, une esthétique travaillée et des scénarios assez réussis. En 2004, Zack Snyder a réalisé un remake de Dawn of the Dead (intitulé L'Armée des Morts en France). Le film reprend la structure de l'original et y ajoute quelques très bonnes idées, notamment ce camion fortifié que les survivants construisent pour s'échapper du centre commercial. Le sous-texte politique à plus ou moins disparu, mais le film est incroyablement fun et a contribué à relancer la mode des zombies, ce qui a abouti au retour de George Romero aux affaires après une période de disgrâce. Prochain cas à 00h00. 21h00. Scoop : les zombies continuent, et s'épuisentAu début des années 80 George Romero est en état de grâce, Dawn of the Dead ayant rapporté 55 millions de dollars, mais ça ne durera pas. Il essuie d'abord un bide commercial avec Knightriders, sorti en 1981, avec Ed Harris. Le film suit une communauté de marginaux qui passent leur temps à faire des joutes sur des motos, habillés en chevaliers (c'est peut-être la seule adaptation filmique des jeux de rôle grandeur nature). Un concept trop bizarre pour intéresser le public, mais Romero enchaîne sur Creepshow, écrit par Stephen King, film d'horreur à sketches absolument génial qui rend hommage aux comics horrifiques des années 50, et qui entre dans ses frais sans pour autant être un vrai succès. Romero décide alors de s'atteler à un nouveau chapitre de son cycle des morts-vivants, Day of the Dead, qui sort en 1985. On ne s'étendra pas aussi longuement sur Day of the Dead dans la mesure où on n'en retrouve que peu de traces dans Dead Rising : alors que la terre entière semble envahie par les zombies, le récit démarre dans une base militaire souterraine où cohabitent les membres de ce qui est probablement la dernière communauté de survivants, divisée en trois clans : des militaires qui prônent le génocide zombiesque, des scientifiques qui ne jurent que par l'étude de cette nouvelle espèce terrestre dominante, et des civils qui estiment que tout espoir est perdu, que les derniers vivants devraient fuir vers un havre naturel encore préservé pour y finir leurs jours en paix. Pendant ce temps les zombies commencent à manifester quelques signes d'intelligence. L'un d'entre eux, surnommé Bub, est même apprivoisé par un scientifique et sera le seul personnage à évoluer dans le bon sens au cours du film. Évidemment, le but de Romero est de montrer que ces trois visions sont inconciliables, les hommes étant par nature incapables de vivre ensemble lorsque leurs vues divergent. On a donc droit à de longues scènes de dispute entre des personnages volontairement rendus antipathiques afin que l'inévitable moment où les zombies envahiront le complexe soit vécu comme une libération. S'ensuivent des scènes de massacre qui n'ont plus rien de fun, Romero ayant cette fois décidé de régler ses comptes dans la douleur avec la complicité d'un Tom Savini au sommet de son art. Mais à force de montrer sa haine de l'humanité celle-ci finit par vous retourner le compliment, et Day of the Dead s'est vautré au box-office pendant que les critiques en déploraient le côté démonstratif. Ce film, qui n'est pas mauvais loin s'en faut, a pour principal mérite de prouver que George Romero a encore des choses à dire, des pistes à explorer. En outre il se conclut sur une note d'espoir, et une ouverture vers l'avenir. Car là où il y a des vivants, il y aura forcément un jour des zombies... 22h30. Scoop : les zombies renaissentAprès l'échec de Day of the Dead, George Romero connaît une terrible traversée du désert, rejoignant les rangs des cinéastes maudits du fantastique, aux côtés de John Carpenter, Tobe Hooper et Joe Dante, tous pestiférés car pas assez disciplinés, pas fiables sur le plan des recettes, peu enclins à faire des concessions et toujours à vous mettre du poil à gratter là où on ne leur demande que de l'entertainment. Notre homme parvient tout de même à réaliser trois films, non plus en tant qu'indépendant mais pour le compte des studios (Orion Pictures, MGM...) : Monkey Shines (Accident de parcours) en 1988, qui raconte comment un paraplégique voit un petit singe censé lui servir d'aide-à-domicile capter ses pulsions meurtrières et les mettre en pratique de sa propre initiative (un excellent film, à découvrir), Two Evil Eyes en 1990, une adaptation de deux contes d'Edgar Poe, très anecdotique (Romero réalise un segment, Dario Argento l'autre), et The Dark Half (La Part des Ténèbres) en 1993, adaptation filmique d'un roman de son pote Stephen King, plutôt réussie mais visiblement bridée pour ne pas choquer la censure. Ensuite, Romero se lance dans divers projets (dont un comic et un livre pour enfants !) et se voit approcher en 1998 par Capcom pour réaliser la pub TV de Resident Evil 2. Ce spot de 30 secondes (qui montre Leon et Claire combattant une meute de zombies dans le commissariat de Rackoon City) ne sera diffusé qu'au Japon, mais en réalité Capcom, soutenu en cela par Sony, a une autre idée derrière la tête : confier à Romero la réalisation du film Resident Evil. Il refuse dans un premier temps, prétextant être incapable d'illustrer un concept qui ne vient pas de lui, mais finit par fournir à Capcom un scénario. Hélas celui-ci est très fidèle à l'ambiance glauque de RE2 alors que Capcom et Sony désirent faire un film d'action et de guerre avant tout, visible par les teenagers. Romero est donc détaché du projet au profit de Paul Anderson, qui livrera le film bourrin et sans prétention qu'on attendait de lui. Entre temps les films de zombies sont enfin revenus à la mode, grâce entre autres aux succès de Dawn of the Dead version Snyder, de 28 Days Later de Danny Boyle et du très geek Shaun of the Dead de Edgar Wright, sans oublier le carton réalisé par Resident Evil le film et sa suite. George Romero, que ses fans réclament et soutiennent via Internet depuis longtemps (malgré l'échec de son film Bruiser sorti en 2000), obtient alors le feu vert d'Universal et une enveloppe de 15 millions de dollars pour écrire et réaliser un nouveau zombie-flick contestataire. À l'été 2005 sort donc Land of the Dead, et revoir enfin le nom de George A. Romero sur une affiche pleine de zombies a de quoi faire frémir d'émotion (Guillermo Del Toro estimera même dans une interview que "c'est comme si Michel-Ange allait peindre un nouveau plafond" !). D'un point de vue écriture, le film tient ses promesses avec un récit original et ambitieux : la domination des zombies sur terre est à présent bien établie, et les derniers survivants vivent à Pittsburgh dans un ghetto fortifié au sein duquel ils se sont résignés à mettre en place un semblant de système social. Bien entendu celui-ci est archaïque et inégalitaire à souhait. Trois classes sont définies : l'une est constituée de riches oisifs qui vivent dans un immeuble de luxe appelé Fiddler's Green, la seconde gère l'intendance (énergie, maintien de l'ordre, nourriture), et la troisième vit dans la rue aux crochets des deux précédentes qui lui fournissent du pain (que des commandos partent chercher à l'extérieur dans un bus blindé 100% zombie-proof) et des jeux (sous la forme de combats de zombies organisés dans des arènes grillagées). De l'autre côté d'un rideau électrifié, les morts-vivants continuent à développer raisonnement et langage sur la base de réminiscences de leur vie antérieure, se hiérarchisent (l'un d'entre eux - surnommé Big Daddy - s'impose naturellement comme un leader car il sait utiliser une arme) et apprennent à franchir les barricades. Le système féodal des survivants tombera en pièces au cours du film lorsque les agents de la classe moyenne se révolteront contre les bourgeois qui leur font miroiter en vain l'accession à Fiddler's Green, et le "grand soir" aboutira à une rencontre hommes-zombies enfin marquée par un début d'espoir de paix. Le film est très correct, a reçu un accueil critique favorable, et a rapporté environ trois fois ce qu'il a coûté (seuil de rentabilité atteint, donc), mais il souffre de défauts dont Romero saura tirer les conclusions sur son projet suivant (Diary of the Dead, prévu pour fin 2008) en retournant au cinéma indépendant. En effet, Land of the Dead est en partie saboté par la présence d'acteurs connus qui en font trop (Simon "Mentalist" Baker, Dennis Hopper, John Leguizamo, Asia Argento), ainsi que par une multiplication de caméos des potes de Romero dans des rôles de zombies qui finit par insuffler du second degré à des scènes qui auraient été plus pertinentes filmées sérieusement. En définitive, et malgré de belles fulgurances gore, le film n'est pas tout à fait à la hauteur de son scénario sur le plan visuel, peut-être à cause de son budget à la fois trop important pour une œuvre expérimentale et trop restreint pour une production à grand spectacle. À présent, on attend Diary of the Dead (juin 2008 chez nous) pour être définitivement sûrs que Big George en a encore dans le calbute. On sait pour l'instant que le film a été tourné en vidéo numérique avec environ deux millions de dollars que Romero a collectés sans faire appel aux studios, qu'il se présente comme un équivalent de Cloverfield avec des zombies, et que les critiques US l'ont peu apprécié. Restez en ligne, nous enverrons un reporter sur place dès que possible !
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