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Doom et ses amis : L'évolution des FPS
Le FPS est devenu un des styles de jeux vidéo les plus prisés. Certains y voient même l'aboutissement du genre. Voici son histoire depuis ses origines.
Par Dr Curween (28 mai 2002)

Définition du FPS (extrait du lexique de GP) : Abréviation de "First Person Shooter", ou jeu d'action en vue subjective 3d dans lequel on passe beaucoup de temps à tirer sur tout ce qui bouge. Genre caractérisé par la vue subjective (la progression du jeu se fait à travers les yeux du personnage) et très en vogue sur PC, notamment pour des parties en réseau totalement homériques, le FPS jouit d'une belle notoriété dans le milieu des joueurs. Il est vrai qu'il propose bien souvent un environnement chiadé propice à moult combats, qu'il fait intervenir pour certains titres des événements scriptés de fort belle manière et qu'il propose un panel d'armes assez conséquent. La vue subjective renforçant évidemment l'immersion, on se surprendrait presque parfois à baisser la tête pour éviter les balles virtuelles. Très addictif, le FPS quand il est pratiqué en réseau, atteint des sommets de plaisir ludique. Evidemment le côté barbare des affrontements peut en rebuter plus d'un, mais aù delà de ça, on touche souvent à l'essence même du jeu, sa raison d'être : ENTERTAINMENT.

- AVANT 1992 -

Catacomb 3D

On dit souvent que Wolfenstein 3-D a été le premier pavé dans la mare des jeux de tirs en vue subjective. En fait, il n'en est rien. Il a été le premier à avoir un succès conséquent et à populariser le genre mais beaucoup de jeux avaient à l'époque déjà adopté la vue subjective, notamment les jeux de rôles. D'autre part, des jeux comme ceux de la série des Catacomb 3D publiés par Softdisk (pour qui ont travaillé les futurs Id Software), sont un mélange d'aventure et d'action mâtiné de 3D qui représente les prémisces du First Person Shooter tel qu'on le connait avec Wolfenstein 3-D.

- 1992 / 1993 -

En Septembre 1992 apparait donc Wolfenstein 3-D, un shoot en 3D subjective, suite plus ou moins officielle du jeu Castle Wolfenstein sorti notamment sur Apple II. Le jeu fait fureur mais défraie la chronique à cause de sa thématique : on incarne un soldat allié qui se retrouve dans un énorme chateau allemand lors de la Seconde guerre Mondiale et qui pour s'en échapper doit ventiler une collection fournie de soldats nazis en déambulant dans des couloirs et décors au goût artistique plus que douteux (croix gammées, aigles nazis et portraits du furher en pagaille). Le jeu est néanmoins novateur en bien des domaines : la prédominance de l'action, une thématique forte (mais contestable) et la méthode de distribution. Il est en effet distribué sous la forme de shareware (par Apogee qui est pionnier en la matière) c'est-à-dire que l'on peut tester un petit bout du jeu avant de l'acheter, ou avant de le copier (Wolfenstein 3-D doit avoir avec Doom la palme du jeu le plus piraté du monde).

Tom Hall

Les développeurs d'Id Software se font mondialement un nom grâce à ce jeu. A cette époque c'est une petite équipe composée de John Carmack, Adrian Carmack (aucun lien de parenté avec le premier), John Romero, Tom Hall et Kevin Cloud. Wolfenstein 3-D connait une suite : Spear Of Destiny qui est distribué par FormGen et qui ne brille pas par son lot de nouveautés apportées.

Wolfenstein 3-D

En Décembre 1993 sort la bombe Doom qui met tout le monde d'accord. Id Software devient très populaire et ses membres commencent à rouler sur l'or, et en Ferrari de surcroit. Doom, en plus d'apporter son nom au genre, le doom-like, apporte un nombre ahurissant de nouveautés : le balancement de l'arme (au début certains joueurs un peu sensible ont eu la nausée), l'environnement texturé intégralement, les touches pour le déplacement latéral gauche / droite, une ambiance malsaine à souhait, la carte 2D pour se repérer, etc... Doom est vraiment un des grands noms du jeux vidéos et Id Software qui avait ouvert la voie avec Wolfenstein 3-D, la consacre avec Doom et devient le maître incontesté du genre.

Rise of the Triad et Doom

Tom Hall, après avoir été un pillier dans le développement de Doom (lisez donc la bible Doom qu'il a écrite en 1992, c'est très instructif) quitte Id Software avant que Doom ne sorte, et rejoint Apogee où il commence à travailler sur ce qui devait à la base être la suite de Wolfenstein 3-D et qui devient Rise Of The Triad (1995), lui aussi un grand succès du shareware. Aujourd'hui encore, on peut voir avec les jumping pads de Quake 3 Arena l'influence qu'a pu avoir ce jeu.

- 1994 -

Heretic et Hexen

En plus des centaines de milliers de copies de Doom qui sont distribuées, Id Software licencie le moteur graphique de Doom à des sociétés tierces qui vont pouvoir profiter du raz-de-marée Doom et sortir leur propre "total conversion" de Doom. Raven software, en partenariat avec Id Software, développe ainsi Heretic puis sa suite Hexen (sortie en 1995) qui apporteront chacun leur lot de nouveautés (regard haut / bas et ambiance heroic-fantasy pour le premier ; niveaux organisés en hub, plusieurs classes de personnages et progression Jdr pour le second).

cyClones

A noter également le très bon mais méconnu cyClones, développé par Raven Software pour le compte de Strategic Simulations Inc. (SSI) et qui a la particularité d'avoir introduit le mouselook (le joueur utilise la souris pour regarder dans toutes les directions). La société Raven devient premier dauphin du roi Id Software dans le royaume des tueurs virtuels.

- 1995 / 1996 -

Notons d'abord les efforts de deux sociétés, Lucas Arts & Bethesda Softworks qui produisent chacune de leur côté, un jeu de grande qualité, issu du monde du cinéma. Le premier, Dark Forces sort fin 1995 et se déroule dans l'univers de Star Wars. C'est une véritable bouffée d'oxygène dans le monde bourrin des doom-likes : le jeu est divisé en missions et une partie non-négligeable du jeu est dédiée à la réflexion et à l'exploration. Le second, Terminator: Future Shock, est également très sympathique puisqu'il nous permet, en plus d'évoluer dans l'univers angoissant et post-apocalyptique du film Terminator, de piloter une panoplie de véhicules (Hovercraft & Jeep), ce qui apporte une diversité et une richesse certaines au gameplay.

Dark Forces et Future Shock

Parmi les génies du moteur 3D, si John Carmack n'est pas le moins manchot, il n'en est pas pour autant seul. Un jeune garçon du nom de Ken Silverman, qui après avoir développé dans son coin un Wolfenstein-like appelé Ken's Labyrinth (distribué par Epic, futurs créateurs d'Unreal) avec les textures et les sons réalisés par le petit frère - véridique !!! - se fait remarquer par 3D Realms avec la première mouture de son Build Engine (v1).

Ken's Labyrinth et son auteur Ken Silverman

3D Realms vendra la license du moteur à diverses sociétés pour qu'elles sortent leur Doom : la société Capstone (qui avait auparavant sorti les très médiocres Corridor 7 - publié par Gametek - et Operation Body Count - publié par Intracorp - à partir du moteur de Wolfenstein 3-D) créera ainsi Witchaven 1 & 2, William Shatner's Tekwar. Lobotomy Software développe le jeu Exhumed (appelé Powerslave aux USA) qui sortira sur Saturn, Playstation et plus tard (beaucoup trop tard) sur PC.

Witchaven et Tekwar

3D Realms garde pour lui la version 2 du Build Engine pour préparer la suite de la série des Duke Nukem, un jeu de plates-formes 2D qui avait connu un certain succès en shareware. Duke Nukem 3D est une véritable bombe qui va révolutionner le petit monde des FPS qui souffrait il est vrai depuis 3 bonnes années d'un sacré déficit créatif, entre les suites purement marketing (Spear Of Destiny, Doom II) et les jeux médiocres sortis uniquement pour profiter de l'effet Doom (par exemple Fortress Of Dr.Radiaki - 1994, Ashes To Ashes & Island Peril - 1996).

Duke Nukem' 2 et Duke Nukem' 3D

Juste après Duke, sort le très attendu Quake, qui ne fait pas l'unanimité, loin s'en faut. Surtout qu'il faudra attendre quasi un an avant que Quake prenne toute son ampleur grâce à son patch opengl. C'est vrai que l'intérêt principal du jeu, hormis l'ambiance oppressante, c'est sa beauté et son moteur 3D. La communauté Quake commence à se former et de nombreuses maps amateurs voient le jour. Le multijoueurs de Quake plait également énormément, notamment le mode CTF (Capture The Flag).

Trent Reznor (leader du groupe Nine Inch Nails qui a composé la musique de Quake) et John Carmack

Deux clans se sont dès lors constitués : les pro-Quake Vs. les pro-Duke. C'est vrai que Quake, comparé à Duke n'est pas le jeu le plus rigolo qui soit, mais à l'époque, il est le plus beau. Ce fut d'ailleurs le premier doom-like à utiliser les cartes 3D par le biais de l'api OpenGl. Il a par la suite surtout été un outil de benchmark (test de ressources) pour les possesseurs de cartes 3D (notamment la première 3dfx) avec la fameuse commande "timerefresh" (mesure du nombre de rafraichissements d'image par seconde, dont dépend la fluidité de l'animation) et surtout une véritable plate-forme de développement pour les jeux à venir.

Quake et Strife

Deux grandes tendances commencent à apparaître dans cette année 1996, année charnière de l'histoire des shoots 3D. La première, c'est l'hybridation des genres : Rogue Entertainment sort (malheureusement un peu tardivement) le très intéressant Strife, mélange de Doom (il lui emprunte d'ailleurs son moteur) et de jeu de rôle, qui, s'il remportera un succès d'estime, ne fera pas un carton chez les joueurs. La société Raven Software quant à elle, produit le très moyen Necrodome, qui tente de concilier conduite en char armé et mode à la Doom, dans des arènes.

La seconde tendance qui s'affirme, c'est le multi-joueurs : la plupart des jeux qui sortent après Doom 2 proposent un mode multi. Les développeurs accordent de plus en plus d'importance à ce mode de jeu, dans le budget et le temps alloué pour produire leurs jeux. Un bon doom-like doit dès lors combiner un mode solo intéressant et un mode multi pêchu et réussi. Le premier jeu à réaliser ce pari, fut à mon avis Duke Nukem 3D, qui en plus d'un jeu solo vraiment fun, a beaucoup apporté au mode multi-joueurs (le jetpack, les insultes en temps réel, les armes de fourbes de type mines, le côté très nerveux des déplacements...).

- 1997 -

Plusieurs jeux à ambiance utilisant le moteur de Duke Nukem 3D sont réalisés. Monolith nous sort Blood, le doom-like le plus sanglant jusqu'ici réalisé, avec une ambiance gothique très spéciale et un mauvais goût omniprésent; un jeu à ne pas mettre entre toutes les mains mais un jeu à découvrir. Un peu plus tard, Xatrix nous sort le sympathique Redneck Rampage, qui est en gros un simulateur de plouc américain, mais avec un flingue.

Blood et Redneck Rampage

3D Realms boucle la boucle avec le très bon Shadow Warrior (1997). Si ces jeux sont fun et de qualité, il faut bien avouer qu'au niveau graphique, ils ne cassent pas trois pattes à un canard. Surtout qu'ils n'utilisent pas les cartes 3D en natif et que les patches 3dfx, qui seront développés par la suite, ne feront que confirmer l'obsolescence certaine du moteur Build, accélérée il est vrai par l'effet Quake.

A côté, les jeux utilisant le moteur de Quake commencent alors à apparaître : le premier est le très beau Hexen 2 qui confirme la capacité de Raven Software à utiliser à bon escient la technologie fournie par Id. Mais le jeu, même s'il offre de très bons moments en solo, notamment grâce à son somptueux graphisme, laisse un peu les joueurs sur leur faim en multi avec des armes déséquilibrées.

Shadow Warrior et Hexen 2

John Romero, glandeur devant l'éternel (il préférait frimer devant les nénettes avec sa Ferrari plutôt que de designer des niveaux), se fait virer d'Id à coup de pompes dans l'entre-fesses. Pour se venger, il fonde avec Tom Hall Ion Storm, bien décidé à contrer Id sur son terrain. (voir article sur Daikatana pour en savoir plus sur cette longue et triste histoire)

John Romero

Quake 2 sort fin 1997, et est encore une fois le plus beau jeu existant sur le marché (enfin, avec une carte 3D parce que sans...) mais comme d'habitude avec Id, pas le plus cérébral. Par contre, on peut sciemment oublier le mode solo, qui est juste là pour faire joli, et s'attacher au mode multi qui est vraiment excellent (même si certains lui ont reproché d'être moins pêchu que celui du premier Quake). C'est encore l'émoi dans la communauté des Quakers fous, qui nous développent des niveaux et des mods à la pelle. Des perles telles que l'Eraser Bot sont développées et certaines réalisations sont tout simplement bluffantes au niveau de leur qualité. Les professionnels "chasseurs de têtes" ne s'y trompent pas et engagent dans ce vivier effervescent un bon nombre de futures "chairs-à-jeux 3d".

Quake II et Jedi Knight

Pour combler le vide intellectuel de Quake 2, sort à peu près au même moment l'excellent Jedi Knight, suite du non-moins excellent Dark Forces. Ce jeu même s'il n'est pas exempt de défauts, est un pur bohneur en solo.

- 1998 / 1999 -

En 1998 sort le très attendu Unreal, qui transcende par son graphisme vraiment magnifique qui justifie à lui seul l'achat du jeu. Mais tout n'est pas rose, le jeu est un peu mou, un peu trop pépère au niveau des déplacements et le mode multi s'en ressent. Il devient néanmoins l'économiseur d'écran préféré des benchers de carte 3D. C'est vrai que la première fois que j'ai vu Unreal chez un ami, j'ai pleuré tellement il était beau (et tellement ma machine le faisait ramer) !
Après une période de vaches maigres, sortent à Noël 1998 / début 1999 une floppée de quake-like : Half-Life, Sin, Shogo MAD, Blood 2 et quelques autres plus anecdotiques. S'il ne faut retenir qu'un seul jeu, c'est bien-sûr le génialissime Half-Life. Développé à partir du moteur de Quake premier du nom, celui-ci est tout simplement magnifique avec son scénario béton, une IA sans égale à l'époque, et une batterie de modes multijoueurs. Half-Life donnera naissance au non-moins génial Counter Strike, qui est encore à ce jour, en 2002, l'un des jeux les plus joués sur le Net.

Unreal et Half-life

Mi-99 sort Requiem, un shoot "intelligent", censé faire oublier Half-Life, qui est certes sympathique mais dix fois trop court. Half-Life reste la référence. Kingpin Life Of Crime sort en même temps et malgré un univers bien particulier et une bonne utilisation du moteur de Quake 2, n'arrive pas à réellement percer.

Requiem et Kingpin

Id Software voit sa suprémacie dans le monde du jeu 3D menacée par les moteur d'Unreal surtout, mais aussi par le Lithtech Engine (Shogo MAD & Blood 2) qui ont rendu le moteur de Quake 2 obsolète plus vite que prévu. Mais les petits gars d'Id nous préparaient dans l'ombre leur arme secrète delamorkitu, qui motorise le très (trop ?) deathmatchien Quake 3 Arena qui sort fin 1999. Le moteur 3D est exceptionnel et devient la nouvelle référence. Ouf ! Id a eu chaud. Même si beaucoup s'accordent à dire que le mode solo est aussi intéressant qu'un discours de Jospin, l'intérêt du soft est ailleurs. Id Software a clairement tranché entre le jeu solo et le jeu multijoueurs.

Quake 3 Arena et Unreal Tournament

D'ailleurs, il est suivi par le très bon Unreal Tournament, qui est basé sur le même principe : pas d'histoire, de l'action et encore de l'action. Une bonne partie des joueurs adhère, notamment les nouveaux joueurs.

- 2000 -

Et paf on est en 2000 ! Le bug de l'an 2000 n'empêche pas les développeurs de nous préparer des Quake en pagaille. La surprise de l'année, c'est la sortie du Daïkatana de John Romero, que l'on n'attendait plus. Le premier jeu de Ion Storm se fait pulvériser par la critique notamment à cause d'un système de sauvegarde débile et du nombre de bugs dont il souffre. Pourtant, le jeu a des qualités...Id Software peut néanmoins dormir sur ses deux oreilles.

Daikatana et Soldier of Fortune

Au milieu de l'année sort Soldier Of Fortune, le dernier jeu de Raven, qui fait un carton : c'est vrai que le jeu est bien bourrin, et ça n'a l'air de déranger personne qu'il se finisse en moins de 6 heures et qu'il utilise (très bien il faut le dire) une technologie d'un autre âge. La possibilité d'exploser des tronches au shotgun dans une gerbe de sang compense bien ces lacunes il est vrai.

A suivre...

Dr Curween
(28 mai 2002)
Sources, remerciements, liens supplémentaires :
Voir également le site de Dr Curween, Doom Encyclopedia