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Jungler
Année : 1981
Système : Arcade
Développeur : Konami
Éditeur : Konami / Stern
Genre : Arcade / Action
Par JPB (11 août 2025)
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Dans le Tilt n°3 de janvier-février 1983, était testé un jeu d'arcade que j'avais trouvé plutôt étrange, en regardant l'image accolée à l'article : une chenille qui tire à la mitraillette sur d'autres... WTF, même si je ne disais pas ça à l'époque...

[Mode Columbo ON]
J'avais déjà commencé ma carrière de joueur de jeux vidéo à Clermont-Ferrand depuis deux ans, aussi ai-je gardé son nom : Jungler, dans un coin de ma mémoire pour le jour où je le trouverais dans un café ou une salle de jeu. Faisant le tour de mes innombrables coins habituels, y découvrant les nouveaux-venus et parfois regrettant certaines disparitions, j'écumais donc les bistrots et autres troquets de Clermont sans chercher particulièrement Jungler, en me laissant porter par mes envies, mes découvertes ou mes déconvenues, mais en gardant les yeux ouverts... Je n'avais pas d'indics à interroger, vu que je ne connaissais personne qui avait plongé aussi profondément que moi dans ce milieu, et je faisais mes recherches en solo. Mais jamais je ne le trouvai.
[Mode Columbo OFF]
Je ne l'ai jamais vu ni à Clermont-Ferrand, ni en vacances à Meschers ou Royan, ni plus tard à Cannes ou Marseille (encore moins à Nancy : c'était en 1989, les jeux d'arcade étaient nettement plus évolués et aucun patron d'établissement n'aurait encore misé dessus).

Bref, j'ai par moments repensé à ce jeu, depuis des années, et chaque fois j'écrivais sur un autre. Mais cette fois, en 2025,
[Mode Columbo ON]
Ma femme me dit toujours qu'il ne faut pas sans cesse remettre à demain...
[Mode Columbo OFF]
Alors voilà, je vous fais profiter de ce jeu.

Chenille à laser ?

Dans Jungler, vous dirigez une chenille blanche, comportant : une tête avec des heu... on va dire des mandibules, 6 anneaux, et enfin une queue. Vous vous déplacez dans un petit labyrinthe, qui n'est pas sans rappeler celui de Digger, avec des blocs bleus disposés un peu n'importe comment, dans lequel rôdent d'autres chenilles que vous devez détruire. Dans cette zone, vous pouvez vous déplacer dans les quatre directions habituelles pour chasser, et vous arrêter en percutant un bloc. Vous pouvez changer de direction ou même faire demi-tour n'importe quand, pas forcément aux intersections. Vous pouvez enfin tirer vers l'avant, un tir à la fois, sur toute la longueur de l'écran (jusqu'à ce qu'il soit arrêté par un mur).

Le début de l'écran des scores.
Le tout début du jeu.
Votre chenille blanche est au centre.
La chasse est lancée.

Vos ennemis sont tous des chenilles, avec une forme identique à la vôtre : une tête, des anneaux, et une queue. Elles sont de trois couleurs :
- les rouges, qui ont plus d'anneaux que votre chenille, et qui ne doivent surtout pas être touchées ;
- les jaunes et les vertes, qui ont respectivement autant et moins d'anneaux que la vôtre, et qui peuvent être détruites au contact.

Avant tout, si vous regardez en haut à droite de l'écran, juste au-dessus du labyrinthe, vous verrez des petites formes jaunes triangulaires. C'est le nombre total de chenilles qui feront leur apparition dans le jeu quand vous aurez commencé à en éliminer. Parce qu'il ne peut y avoir que trois chenilles ennemies à l'écran en même temps - du moins aux premiers niveaux, donc quand vous en détruisez une, une chenille de réserve s'invite à la fête.

Laser à pattes ?

Que font exactement ces chenilles ennemies ? Elles apparaissent depuis les coins du labyrinthe, furètent un peu partout, mais ne vous prennent pas spécifiquement en chasse. Cependant, leurs trajectoires sont plus ou moins aléatoires et il n'est pas recommandé d'espérer prévoir leurs déplacements.

En cours de partie.
La chenille verte fait demi-tour.
Labyrinthe suivant. Ici, il y a 2 trous.

Il y a deux façons d'éliminer une chenille ennemie.

1/ Soit en la dévorant au contact avec vos mandibules (chenille jaune ou verte) : en touchant la tête, la chenille disparaît complètement. Dans ce cas, vous gagnez des points proportionnels à la longueur de la chenille éliminée : chaque bout vaut 80 points. Donc vous obtenez 640 pts pour une chenille de 8 éléments (6 anneaux plus la tête et la queue), et 80 points s'il ne lui restait plus que la tête.

2/ Soit en lui tirant à répétition dans la queue, la dernière partie de son corps. Cela implique qu'il faut normalement être derrière elle pour lui tirer dessus ; mais comme les tirs passent au-dessus de la tête et des anneaux, vous pouvez réussir à toucher la queue en lui tirant dessus de face, si vous êtes proche et que votre tir arrive à parcourir toute la distance avant qu'elle ne vous touche - manœuvre souvent suicidaire.
En touchant la queue, la chenille perd un anneau, mais garde toujours la queue au bout (comme disait Raymond Devos : "Prenons un bout de truc, vous coupez le bout du truc, il reste un bout au bout du truc !"). Donc, si vous tirez à nouveau immédiatement sur la queue, la chenille ennemie diminue à nouveau d'un anneau, et ainsi de suite... jusqu'à éradication totale. Chaque élément touché vous rapporte 60 points, et tirer sur la seule tête vous octroie 500 points ! Attention, plus une chenille est petite, plus elle va vite...

Si vous jouez le score à tout prix, il est donc plus rentable de tirer sur les chenilles sans les toucher physiquement, puisque dans ce cas vous obtiendrez 60x7 = 420 points pour tous les anneaux + 500 points pour la tête, ce qui monte le score à 920 points (à comparer des 640 si vous touchez la plus grande chenille possible).

Une chenille est bloquée devant le trou. Le temps que j'arrive, elle a déjà "explosé".

La plupart du temps, vous ferez moitié-moitié : tirer sur les chenilles rouges pour les rapetisser et pouvoir ainsi les gober, ou du moins éviter le risque de perdre une vie.

Labyrinthe ou potager ?

Dans le labyrinthe se trouvent des objets plus ou moins aléatoires.

Tout d'abord, dès le début, des trous. Réprésentés sous la forme d'un rond avec une croix au centre, de couleur violette, les trous sont des obstacles infranchissables. Il arrive fréquemment qu'une chenille ennemie, surtout au premier labyrinthe, aille jusque dans un trou et se retrouve bloquée. Au bout d'un moment, elle explose. Mais comme elle est immobilisée et ne peut pas faire demi-tour, c'est le moment idéal pour la plomber anneau par anneau et maximiser le score.
Attention, vous aussi êtes concerné : c'est un cul de sac qui peut vous faire perdre une vie, même sans arriver jusqu'au trou, si vous êtes poursuivi.

Une fraise vient d'apparaître...
En la gobant, toutes les chenilles
virent au jaune.
Ça se complique !

Ensuite, les fruits. Vous seul pouvez les gober, il n'y a pas de concurrence avec les autres pour qui sera le premier. Quand vous en ramassez un, vous gagnez 500 points, et toutes les chenilles rouges passent au jaune, ce qui vous permet de les croquer même si elles sont plus grandes que vous. Aux niveaux plus avancés, le changement de couleur ne se fera plus systématiquement.

Un peu de technique

Le flyer de Karateco (concurrent de Jeutel).
Il est bien plus marrant que celui de Stern !
Cliquez sur l'image pour une version plus grande.

Jungler tourne avec un Z80 principal à 3 Mhz, un second Z80 à 1.78 Mhz, et côté son il utilise 2 General Instrument AY8910 et 6 RC. Il a été créé par Konami, qui en a cédé la licence à Stern pour l'exploitation hors Japon à partir de 1982.

Visuellement, on est dans la norme de l'époque. Comme beaucoup d'autres jeux de cette période, la résolution est de 224x288 pixels, en 8 couleurs. Du coup, ces couleurs qu'on retrouvait dans tous les autres jeux sont ici bien exploitées, pas de risque de confusion dans le feu de l'action : si c'est rouge, on évite, et voilà. Le look des chenilles est un peu étrange, elles ont l'air assez méchantes mais on s'y fait vite.

L'animation est simple et fluide. Rien de particulier, bon vu ce qu'il y a à l'écran ç'aurait été embêtant que l'animation patine...

Le son est lui aussi des plus simples. En fait, à part les petits jingles au début et à la fin d'un tableau, on a une petite musique répétitive qui devient assez vite pénible, mais dans le feu de l'action on n'y fait plus attention. Les bruitages, eux, sont efficaces : piou, boum.

Enfin, le gameplay est intéressant. Il faut sans cesse faire attention à tout. Aux chenilles elles-mêmes, mais aussi au fait qu'elles tirent aléatoirement, et que si un de leurs tirs touche votre queue vous aussi allez perdre un anneau : ceci augmente la difficulté puisque vous devrez détruire plus de composants sur les chenilles ennemies pour rétablir votre suprématie. Comme pour leurs déplacements, on ne peut pas dire qu'elles s'acharnent sur vous, jamais vous ne vous ferez mitrailler ; mais c'est surtout le fait de perdre un anneau au mauvais moment - alors qu'on s'apprête à faire un festin - qui peut être pénalisant.

Si vous voulez un peu de challenge, le record est détenu par Joe Startz (et pas Joey Starr, hein !) qui a réalisé, en mai 1983, un score de 180 720 points.

Il n'y a pas eu de conversions directes sur les machines familiales de l'époque, à part un portage sur Tomy Tutor (que je ne connaissais même pas avant d'écrire cet article) et une adaptation en jeu électronique par Gakken.

Le jeu électronique de Gakken.

En revanche, il y a eu des inspirations : Squirm de Mastertronic, et surtout Serpentine de Broderbund (dont je me rappelle particulièrement la jaquette impressionnante).

Squirm.
Serpentine.

Conseil du jardinier

Jungler n'est pas très connu, mais il est un des dignes représentants de la période de l'âge d'or des jeux d'arcade où on expérimentait des concepts à tour de bras. Il mérite qu'on s'y attarde, et par conséquent il mérite aussi sa place sur Grospixels.
[Mode Columbo ON]
C'est ma femme qui le dit !
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JPB
(11 août 2025)