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Mystery House
Année : 1980
Système : Apple II
Développeur : Sierra (On-Line systems)
Éditeur : Sierra (On-Line systems)
Genre : Aventure / Fiction Interactive
Par Jean-Christian Verdez (07 janvier 2005)

Attention, jeu incontournable dans le parcours initiatique de tout rétrogamer qui se respecte ! Mystery House n'est rien de moins que le premier jeu d'aventure en graphismes haute résolution. Sorti sur Apple II en 1980, ce jeu illustre aussi les premiers pas d'une société fondamentale du monde vidéoludique en général et du jeu d'aventure en particulier, Sierra, alors connu sous le nom On-line Systems.

Une version pré-Sierra de la pochette du jeu. A côté, les fondateurs de On-line System/Sierra, Ken & Roberta Williams.

Tout commence vers la fin des années 70, lorsque Ken Williams récupère un jeu nommé Adventure, et décide de le montrer à sa femme Roberta Williams. Avec le temps, Roberta finit par éprouver une certaine lassitude avec tous ces jeux d'aventure purement textuels, et se met en tête l'idée qu'il y a moyen de faire bien mieux en ajoutant des graphismes pour illustrer les différents lieux que le joueur peut découvrir tout au long d'une partie. Elle ébauche donc le scénario de ce qui va devenir Mystery House, tandis que son mari programme des graphismes haute résolution en noir & blanc. Une fois le jeu achevé, les époux Williams parviennent à proposer le jeu dans quelques rares magasins (de Los Angeles, où ils résident alors) et passent aussi une petite publicité dans un magazine de micro-informatique... et là tout s'emballe. Contre toute attente, le jeu se vend très bien et les commandes s'accumulent, transformant la maison des Williams en une vraie petite société de deux personnes.

Réalisant qu'ils ont sans le vouloir répondu à une attente latente de nombreux joueurs, Ken et Roberta prennent la décision d'aller plus loin dans l'aventure et créent alors leur propre société de développement, On-line Systems. Ils déménagent pour une petite ville nommée Coarsegold située dans la Sierra Nevada, en Californie.

Le jeu vous plonge dans une intrigue à la cluedo. Vous êtes à la recherche de diamants, cachés dans une maison (mystérieuse, cela va sans dire). Mais vous n'êtes pas la seule personne sur l'affaire : sept autres personnages, que vous découvrez sitôt votre entrée dans la maison mais qui vont rapidement se disperser aux quatre coins de la demeure, recherchent eux aussi ces fameux diamants... Et malheureusement, parmi eux se cache un meurtrier qui va éliminer un à un tous les autres protagonistes de l'histoire, vous y compris si vous ne prenez pas garde ! Le but est donc de trouver le trésor et de se débarrasser de l'assassin avant qu'il ne vous trouve...

Niveau gameplay, Mystery House ressemble aux jeux d'aventure textuels qui ont précédé : une brève description d'une phrase ou deux de l'endroit où vous vous trouvez, et c'est à vous de taper les commandes nécessaires pour avancer dans l'histoire. L'analyseur syntaxique fonctionne avec deux mots, généralement un verbe et un nom. Ainsi si vous voulez par exemple ouvrir une porte il faudra taper "open door". La différence ici avec les autres jeux du genre, et qui fait le principal intérêt de Mystery House, c'est l'ajout de graphismes en haute résolution en plus de la description textuelle, dans la partie supérieure de l'écran. D'une part c'est un plus visuel indéniable (surtout dans un jeu dit "vidéo"), d'autre part les graphismes permettent d'en montrer beaucoup plus que ne peuvent le décrire une poignée de phrases, comme par exemple dans les pièces où il y a beaucoup d'objets et où il faudrait beaucoup de texte pour tout décrire, ce qui va justement à l'encontre du but que s'est initialement fixée Roberta Williams.

En fait c'est à ce moment que vont se distinguer deux écoles du jeu d'aventure: les jeux dits de Fiction Interactive, qui privilégient le texte au maximum grâce à des descriptions parfois assez longues (ce genre a aujourd'hui quasiment disparu et ne subsiste guère que par les productions amatrices mais néanmoins réussies de quelques irréductibles fans), et les jeux qui au contraire vont tout faire pour éliminer tout ce qui est textuel en privilégiant l'action graphique et qui mèneront aux jeux d'aventure tels qu'on les connait depuis l'avènement du point'n click.

Mais tout n'est pas rose dans Mystery House. En fait, le jeu souffre de défauts de conception dus autant à l'inexpérience en tant que développeurs des époux Williams, qu'au côté précurseur du soft. Certaines actions simples ne sont pas évidentes à valider. Par exemple: après avoir ouvert une porte, le bon sens nous incite à taper "Enter" ou à la rigueur "Go North" --si la porte est au nord--. Eh bien là ça ne fonctionnera pas. Il faut écrire "Go Door", ce qui est assez perturbant dans les pièces qui ont plusieurs issues et qui elles, acceptent les "GO + direction cardinale". Bref, l'interpréteur est assez rigide... Mais le plus perturbant reste le manque de cohérence dans les représentations de chaque pièce les unes par rapport aux autres. Explications: le personnage principal (vous) n'apparait jamais à l'écran (il faudra attendre 1984 et King's Quest pour que le héros se déplace sur l'écran d'un jeu d'aventure en haute résolution). Du coup sans point de repère on ne peut que considérer le jeu en vue subjective. L'inconvénient, c'est que certaines pièces ayant plusieurs entrées, une "vraie" vue subjective sous-entendrait de redessiner une même pièce sous des angles différents suivant la porte par laquelle on y accède. Les jeux d'aventure semi-graphiques ont donc dans un premier temps résolus le problème en dessinant le jeu de façon totalement objective (le Nord toujours face au joueur) et en adaptant les lieux à cette contrainte. Ici c'est plutôt l'anarchie, et tantôt on fait face à la porte par laquelle on vient d'entrer (qu'elle soit orientée nord, sud, ou autre), tantôt elle se situe "derrière" le joueur, on même à gauche ou à droite. Bref, la première difficulté quand on entre dans une nouvelle pièce est de comprendre d'où on vient, alors que ça devrait être une évidence !

Heureusement le jeu n'a rien d'un labyrinthe et l'on finit vite par s'y retrouver. Mais il est intéressant de se dire que ce genre de défaut, qui va vite devenir impardonnable dans les productions qui suivront, n'est alors pas du tout reproché à Mystery House du fait de son approche si novatrice du jeu d'aventure. De la même manière, on peut sourire en repensant au fait que le jeu s'est vendu grâce à ses graphismes alors que ceux-ci, soyons honnêtes, ne sont pas les plus beaux rencontrés dans un jeu d'aventure. On pourrait même aller jusqu'à s'indigner en apprenant qu'ils ont nécessité à leur auteur trois mois de travail... Seulement tous les graphismes ont été réalisés ligne par ligne car lors de la création du jeu, il n'existait pour ainsi dire pas encore de logiciel de dessin dédié. C'est dire à quel point personne n'avait pensé à faire un jeu agrémenté de graphismes 'réalistes'... A sa sortie, ce jeu a donc été une sorte de révolution et bien qu'il ait graphiquement beaucoup moins bien vieilli que la plupart de ses descendants, il n'en demeure pas moins un incontournable pour son côté historique. L'intrigue, elle, n'a pas pris une ride et c'est bien là l'essentiel. Autrement dit c'est toujours un régal de chercher l'assassin et les diamants, pour peu qu'on apprécie les jeux d'aventure à l'ancienne.

Même s'il a beaucoup vieilli, Mystery House reste donc une référence, un passage quasi-obligatoire pour tout rétrogamer s'intéressant à l'histoire du Jeu d'Aventure. Concernant On-line Systems, Ken & Roberta Williams vont rapidement changer le nom de leur société. Comme ils vivent à proximité du Yosemite National Park ils adoptent son fameux demi-dome comme logo, et se renomment Sierra On-line (on peut aussi noter que Yosemite deviendra bien plus tard le nom d'une filiale développement de Sierra).

Mais ceci est une autre histoire...

Jean-Christian Verdez
(07 janvier 2005)
Sources, remerciements, liens supplémentaires :
- Quelques détails concernant l'émulation : Mystery House a clairement été conçu pour des écrans monochromes (les screenshots de cet article simulent le rendu d'un écran monochrome vert Apple IIe original). Si vous y jouez avec un émulateur, pensez à régler ce dernier pour un écran monochrome sous peine de voir certains traits des dessins apparaître avec des bavures vertes ou violettes assez disgracieuses. De même, les éventuels textes tels que les "notes" seront bien plus lisibles sans ces 'bugs' de couleur. Notez que ces remarques sur les couleurs sont vraies pour beaucoup d'autres jeux Apple II, comme Le Vampire Fou.

- Télécharger : Mystery House - Apple II (58ko)
Il est important de signaler que les droits commerciaux de Mystery House ont été abandonnés par Sierra en 1987 à l'occasion des 7 ans de la firme, ce qui rend toute copie de ce jeu parfaitement légale depuis cette date. N'hésitez pas à télécharger le jeu via le lien ci-dessus, puisque comme tout programme appartenant au domaine public, c'est encouragé par les auteurs eux-mêmes (certains éditeurs devraient en prendre de la graine).
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