Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Laurent (14 avril 2005) En matière de jeu vidéo, les Américains n'ont pas forcément tout inventé. Nous ne nous étendrons pas sur le principe de Space Invaders, sorti en 1978, que tout le monde connaît. À la seule vision d'une image du jeu, on comprend tout. C'est avec lui que le jeu de tir devient un genre à part entière, que l'on nommera par la suite "shoot'em up" en Occident et "shooting game" au Japon. Parmi les règles qu'introduit Space Invaders concernant la conception d'un tel jeu, on retiendra particulièrement le fait de miser, pour intéresser et motiver le joueur, sur la hiérarchisation des ennemis et la gestion du rythme, plutôt que sur la maîtrise des commandes de jeu, qui sont donc volontairement simplifiées : deux boutons pour déplacer le vaisseau -qui seront ensuite remplacées par un joystick- et un troisième pour tirer, voilà une interface bien plus simple que ce que les jeux d'arcade des seventies - très portés sur les commandes de type "simulation" différentes pour chaque jeu - ont en général proposé. Space Invaders est l'œuvre d'un jeune ingénieur employé par Taito, Tomohiro Nishikado. La légende dit que Space Invaders lui aurait été inspiré par un rêve : la veille de Noël, des enfants, sur un parking de supermarché, attendent les yeux vers le ciel que le père Noël arrive. Soudain, des extra-terrestres venus de Vénus descendent et commencent à bombarder notre bonne vieille Terre. Les enfants ouvrent le capot des voitures garées sur le parking et en transforment les batteries en canons à électrons pour repousser l'invasion... Bon, l'histoire est bien entendue totalement fausse, alors soyons sérieux : tout comme Pac-Man un peu plus tard, Space Invaders est distribué par Taito au Japon et Midway aux USA, et connaît à sa sortie un triomphe mondial. En 1980, la licence est achetée par Atari, qui fournit pendant un temps le jeu avec sa console, l'Atari VCS. Là encore, Space Invaders casse la baraque. La borne d'arcade originale est fondée sur un processeur 8080 d'Intel (le premier jeu ainsi conçu était Gun Fight, précédent succès de Taito, qui avait aussi été le premier jeu d'arcade japonais diffusé en Occident), un hardware sonore analogique et un affichage en noir et blanc, colorisé et enrichi artificiellement par un cellophane (ou "artwork") collé sur la vitre qui est placée devant l'écran, une pratique très courante avant que les jeux d'arcade accèdent à la couleur. Du fait de son accessibilité au joueur débutant, Space Invaders est le premier jeu d'arcade à avoir été exploité en dehors des seules salles de jeu. On le trouve à l'époque dans les supermarchés, les pizzérias, les fast-foods, et même les casinos dans une version équipée d'un système qui récompense les meilleurs scores en crachant des pièces de monnaie. Le phénomène est d'une telle ampleur que beaucoup taxent le jeu de subversion et y voient un danger pour la santé mentale des enfants, polémique récurrente à partir de cette période. Dans la ville (très pieuse) de Mesquite, Texas, une association porte même l'affaire devant la Cour Suprème et parvient à faire interdire le jeu dans toute la commune. Au Japon, le jeu est si populaire à sa sortie qu'il entraîne une rupture des stocks de pièces de 100 yens, et de nombreuses salles d'arcade s'ouvrent sur la seule demande du hit de Taito. On raconte d'autres histoires, moins drôles et plus difficilement vérifiables, sur Space Invaders, comme ces cas de délinquance juvénile provoquée par la passion de ce jeu : enfants volant leurs parents, ou dévalisant des personnes âgées pour nourrir la borne d'arcade en menue monnaie... Space Invaders a été suivi de plusieurs séquelles, comme Space Invaders Part II, Space Invaders Deluxe, Super Space Invaders 91, jusqu'en 99 avec la version Activision, nouveau propriétaire de la licence. Peu après sa sortie, de très nombreux clones du jeu comprenant le mot "Invaders" dans leur titre sortent, la plupart japonais. Il faudra attendre la sortie d'Asteroids, d'Atari, en 1979, pour qu'un jeu de tir important propose enfin un concept neuf et ose se démarquer du hit de Taito. Peu après sort Galaxian, de Namco qui, lui, reprend le gameplay de Space Invaders mais y introduit suffisamment d'idées pour qu'on puisse parler d'évolution d'un genre. On vit alors une époque où les éditeurs américains et japonais font encore jeu égal sur le marché mondial de l'arcade, et font avancer les choses, chacun à sa façon. L'article de David sur la série Gradius vous donnera plus de détails sur cette période dite "classique" et l'évolution ultérieure des shoot'em up. D'un point de vue artistique, Space Invaders est aussi considéré comme le jeu vidéo séminal par excellence, le premier peut-être dont l'apparence des protagonistes -les aliens principalement- se soit imprimée dans l'inconscient collectif. Chaque fois qu'une œuvre d'art fait référence au jeu vidéo, chaque fois que quelqu'un essaie de dresser le bilan de leur évolution graphique, on les retrouve. Et ils ont figuré sur des millions de t-shirts... Plus le temps passe et plus ils s'imposent comme un symbole, sans pour autant avoir jamais -contrairement à Pac-Man ou Mario- été développés, en tant que personnages, ailleurs que dans le jeu vidéo qui les a vus naître. En ce sens, l'importance de Space Invaders est inestimable. Envie de réagir ? Cliquez ici pour accéder au forum |