Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Le système de jeuL'équipement des personnages est assez fourni : arme, armure, bouclier, casque, gants, plus deux accessoires au choix qu'il ne faut surtout pas négliger tant il sont déterminants dans les combats. Diviser par deux le temps requis pour lancer un sort ou sa consommation de TP, absorber un élément, immuniser contre la paralysie (état qui dans Tales of Phantasia peut conduire au game over en quelques secondes)... Voilà les fonctions de quelques objets qui vous sauveront la mise à maintes reprises. D'autres ne servent que sur des terrains précis (se protéger contre un sort, contre toute source de chaleur...) ou bien s'avèrent de bonnes idées de gadget (faire apparaître au hasard des objets...). À chaque objet ou équipement est associé un petit commentaire sur sa provenance, son aspect ou ses capacités. Ce sont souvent des détails sans conséquences sur le gameplay. Pourtant, curieusement, voilà le genre de petites choses qui renforce involontairement la crédibilité de l'univers. Les objets ont une origine, une raison d'être et ne sont plus seulement les instruments d'un système de jeu. Chacun d'entre eux a également sa petite illustration, un détail que les non-japonisants possesseurs de l'original ont dû tout particulièrement apprécier. Bien entendu, certaines armes et armures ont des propriétés élémentales. C'est pourquoi il ne faut pas uniquement se fier à leur influence sur les caractéristiques des persos en les équipant. Entre équipement et caractéristiques, le lien est d'ailleurs étroit. Les persos sont définis par huit paramètres au total. D'un côté, la force, la constitution, l'agilité et la chance, soit les données dépendant uniquement du personnage lui-même. De l'autre, l'attaque, la défense, la précision et la vitesse de fuite, quatre caractéristiques déterminées par son équipement. Les qualités et défauts des objets obligent parfois le joueur à faire des concessions. Si l'on veut pouvoir fuir rapidement un combat défavorable, on choisira une armure légère mais qui protège peu. Chez Cless, certaines armes tranchent bien mais sont à proscrire pour poignarder, et inversement. On peut aussi compter sur les gants pour améliorer la précision, et pas seulement la défense... Quant aux caractéristiques propres aux personnages, il y a deux moyens de les augmenter : l'expérience gagnée au combat et des aliments spéciaux que l'on trouve au fil de l'aventure. La prise de niveau est relativement fréquente dans Tales of Phantasia, si bien que les séances de « leveling » nécessaires pour tenir tête aux ennemis dans une zone difficile ne sont que rarement longues. En limitant le nombre maximum d'objets d'un même type à quinze, le menu oblige le joueur à gérer ses réserves d'aliments servant à récupérer HP et TP. Mais il s'agit en fait d'une gestion assez clémente. D'abord parce qu'à l'issue de chaque combat, les persos récupèrent une petite partie de leurs TP manquants. Ensuite parce que le jeu propose un système de récupération de HP plutôt original. On dispose d'un sac à provision dans lequel on peut ranger toute sorte d'aliments achetés ou trouvés. La valeur nutritive d'un aliment est fonction de son prix en magasin ou de sa rareté. Pour récupérer des points de vie, il suffit de remplir régulièrement son sac et de marcher sur la carte ou le terrain. On trouve au fur et à mesure de l'aventure des sacs de plus en plus grands. Tard dans le jeu, on a même la possibilité de collecter des aliments précieux pour se faire préparer des recettes à très haute valeur nutritive (une idée de cuisine reprise et enrichie par d'autres RPG depuis, dont les Tales of suivants). À condition d'être un tant soit peu économe, ce système permet de s'enfoncer dans les grands donjons sans risquer la panne sèche HP / TP en cours de route. Il existe un objet servant à diminuer la fréquence des combats (de même qu'un autre permettant de l'augmenter, pour les masochistes) et celui-là par contre, on regrette vraiment de ne pas pouvoir le stocker à plus de quinze exemplaires... L'interface des menus est vraiment exemplaire. Les objets sont très nombreux – on peut en posséder jusqu'à cent soixante différents – et les concepteurs ont tout fait pour qu'on puisse s'y retrouver facilement. On peut classer son attirail de toutes les façons (même par ordre d'obtention, très pratique), on prend vite ses repères, on navigue simplement et surtout très rapidement. C'est très important, mine de rien. L'interface d'un RPG étant la plupart du temps très élaborée, elle peut, si sa conception comporte des lourdeurs, affecter le gameplay dans sa globalité. À l'inverse, une interface travaillée permet de conserver une sorte de fluidité entre combats, terrain et menus. Passer de l'un à l'autre devient un plaisir en soi. Dans Tales of Phantasia, le rythme de jeu conserve en toutes circonstances une spontanéité qui met en évidence les faiblesses du RPG moderne dans ce domaine (déjà handicapé, il est vrai, par des temps de chargement nécessaires). Tout va très vite, voilà une chose que le genre a perdu aujourd'hui. La finition des grandsAvant d'entrer en détails dans l'accomplissement technique et esthétique que représente Tales of Phantasia, il est indispensable de garder à l'esprit qu'il s'agit d'une performance relative. Entendez par là qu'on ne peut l'apprécier qu'en connaissant bien les capacités et les limites du hardware exploité, ainsi que ce qui a existé avant et après sur la même machine (5). Entre les premiers et les derniers titres Super Famicom, il y a souvent un grand écart technique. Avec un peu d'expérience, il devient même possible de dater un jeu à l'année près rien qu'en évaluant son aspect visuel. La maturité technique est d'ailleurs un bon indicateur pour mesurer le degrés d'exploitation d'un support. En 1995, après quatre années de succès éclatant et durable, la 16-bits de Nintendo entamme sa fin de carrière avec une insolente sérénité. On a beau annoncer une nouvelle génération de consoles, elle reste pour tout éditeur la plus solide des plates-formes de développement. Ainsi ses meilleurs titres, à plus forte raison ses meilleurs RPG, bénéficient d'années d'expérience technique et d'acquis de programmations. Chez les développeurs les plus ambitieux, la finition graphique implique alors un minimum qualitatif. En premier lieu, il s'agit d'éviter autant que possible l'élément vide ou monochrome. Comme Square avec Final Fantasy 6 et Chrono Trigger, Wolf Team a fait l'effort de « texturer » tout élément présent à l'écran, même ceux censés être par nature dépouillés, comme les parterres ou le ciel. Il en résulte une impression de densité graphique très équilibrée, encore relativement nouvelle à cette époque. Il est rare que l'on éprouve une impression de vide en évoluant dans un décor. Seule exception notable, le design des cavernes (ainsi que d‘un ou deux donjons peu inspirés), assez pauvre. Il semble que la nature générique de ce type d'environnement, indispensable à tout RPG, ait bridé la créativité des graphistes, comme s'ils s'étaient dit : « une grotte ne peut ressembler qu'à une grotte, on ne peut rien y faire », d'où l'écart de richesse graphique avec le reste du jeu. La grande variété des lieux, en particulier dans les villes et les villages, est générée par d'ingénieux mélanges d'éléments identiques, un peu comme dans une construction de Lego. Bien sûr, énormément de jeux ont recours à ce procédé bien pratique, et plus japonais qu'occidental (6). Mais dans Tales of Phantasia, il est exploité plus subtilement que d'habitude. Même fréquente, la réutilisation d'un même élément ne franchit jamais le seuil de la répétition, écueil que Final Fantasy 6 lui-même n'a pas su éviter (peut-être aussi par manque de place sur la cartouche). Au besoin, on modifie simplement les couleurs de l'élément – les tuiles d'un toit, la texture d'un mur - d'un lieu à l'autre. En fait, les graphistes se sont à chaque fois arrangés pour que les décors paraissent toujours nouveaux, et que les composants réutilisés se fondent discrètement dans le rendu global. Bien entendu, il y a aussi de nombreux décors à « usage unique », souvent associés à des moments marquants de l'aventure. Mais les futurs programmeurs de Tri-Ace n'ont pas fait que respecter scrupuleusement des règles de conceptions. Ils se sont avant tout servi de leur talent. On sent que comme chez Square, les bons graphistes sont d'abord de bons dessinateurs. Là, il n'y a pas de secret, il faut aimer la contemplation du détail pour ce qu'il est : le feuillage d'un buisson, l'usure d'une colonne ou d'une pierre de taille, les flèches d'une cathédrale ou le mobilier d'un château. Vers la fin du jeu, avec le village caché, les fresques murales et les cyclages de couleurs des derniers donjons, on accède au sublime. Il y a très peu de jeux Super Famicom qui atteignent ce niveau de maîtrise et de virtuosité. Ce sont tous des RPG : Chrono Trigger, Seiken Densetsu 3 ou Star Ocean, dans lequel Tri-Ace a poussé encore un peu plus loin la minutie (7). Le choix des couleurs est irréprochable, excepté peut-être dans un petit nombre d'intérieurs, et les décors utilisent fréquemment le jeu d'ombre, ce qui leur donne d'autant plus de relief et de consistance. Les villes sont les endroits les plus vivants du jeu, grâce notamment à de nombreuses animations aléatoires. Des pigeons traversent l'écran, se promènent sur la place de Venezzia, chaque mare à ses poissons, chaque village champêtre ses insectes virevoltants... On trouve le même souci d'application dans les phases de combat. Les décors de profil, parfois sur deux plans de scrolling, sont l'occasion de préciser encore le détail d'un décor vu de dessus. Il faut aussi évoquer l'indispensable carte en mode 7, très réussie et qu'on apprécie vraiment de parcourir une fois équipé de véhicules volants. Reste le character design, qui ne dépareille pas que ce soit pour les personnages (avec un effort de diversité pour la galerie de personnages non-joueurs) ou le bestiaire. La représentation des combats oblige le respect d'une échelle « humaine ». C'est pourquoi il ne faut pas s'attendre à des boss aux dimensions titanesques, comme on en voit parfois dans les RPG pourvu d'une représentation traditionnelle. Et que l'on affronte des créatures plausibles ou au contraire complètement farfelues, la décomposition de leurs animations fait toujours plaisir à voir. Le style graphique donne à Tales of Phantasia une atmosphère innocente et bon enfant, atmosphère qui se révèle souvent trompeuse : le propos et les dialogues descendent volontiers en dessous de la ceinture. La présence d'Arche dans l'équipe, qui ne cache pas son attirance immodérée pour Cless, y est pour beaucoup. Chipie dévergondée, moins dans ses actes que dans ses mots, elle est à plusieurs reprises impliquée dans des scènes humoristiques mémorables. La séquence de beuverie pendant un voyage en navire, désopilante, est à ce titre un grand moment. Celle du bain au village Japon, facultative, en est un autre. Les choses du sexe étant toujours traitées sur le ton de la légèreté, ça ne va jamais bien loin. Et comme souvent dans la fiction japonaise, cela fonctionne aussi à coups d'allusions plus ou moins évidentes. Mais en définitive ce qui surprend, c'est plus le vocabulaire, dépourvu de la moindre retenue, que le propos. On pourra même trouver le contraste entre dialogues salaces et style graphique de dessin animé un peu bancal, d'autant que Tales of Phantasia est le seul grand RPG à avoir fait un choix aussi audacieux. Cela semble presque suspect : les traducteurs de chez DeJap ont-ils été fidèles au texte original ou auraient-ils surtraduit les dialogues en question ? D'un autre côté, un motif souvent invoqué pour expliquer la non-localisation de Tales of Phantasia en américain est précisément la crudité de certaines de ses répliques. Seul un traducteur maîtrisant parfaitement japonais et anglais pourrait apporter des réponses probantes. Niveau bande sonore, on devine rapidement la patte de Sakuraba, l'un des trois membres de Wolf Team chargés des musiques et des bruitages, et qui a trouvé avec Tales of Phantasia une occasion de se surpasser et d'exprimer pleinement son talent. Certains des sons synthétiques qui constituent les morceaux semblent être des déformations plus ou moins prononcées d'instruments à vent (flûte, clarinette, hautbois). Que cela soit délibéré ou simplement dû aux limites du SPC-7000, le processeur sonore de la console, cela contribue à donner une grande personnalité musicale au jeu. Les claviers ont toujours ce côté un peu cheap caractéristique du format midi, mais on ne peut exiger d'une 16-bits qu'elle restitue à la perfection le son d'un piano. C'est au niveau des percussions que la restitution est la plus réaliste. Certains morceaux d'ambiance permettent d'apprécier des cymbales tout à fait convaincantes (Tasteful, Good Wine Makes a Good Blood), et les morceaux à la tonalité épique (The Stream of Time, Who is Good or Evil?...) doivent autant leur réussite à leurs sons de batterie qu'à leur mélodie. Avec Tales of Phantasia, Sakuraba révèle aussi ses « tics », des manies qu'on retrouve dans ses travaux plus récents : accompagnements en arpèges qui parfois ressortent plus que la mélodie elle-même, insistance sur l'effet de reverb' ou mélodie occasionnellement criarde et obsédante (cf. le thème d'Arche ou Burning Tower). La grande performance technique, c'est bien évidemment le chanson que l'on peut entendre pendant la démo de l'écran titre, The Dream Will Never Die, un thème pop entraînant au possible et interprêté par une chanteuse japonaise. Wolf Team ne sont pas les premiers à s'y être essayés sur Super Famicom (ASCII l'a fait avec Down the World, un obscur RPG sorti en 1994), mais le tour de force reste remarquable et justifie les 48 Mb de la cartouche, un record avec celle de Star Ocean. Tout aussi remarquable, la voix humaine est omni-présente dans le jeu lui-même. Les personnages de l'équipe ont un cri spécifique à chaque sort, invocation ou technique de combat. D'une manière générale, les bruitages sont corrects et jamais envahissants. C'est toujours la musique qui reste au premier plan du paysage sonore. En plus de la richesse orchestrale, il faut saluer la qualité des compositions. Les morceaux respectent à la lettre la « charte situationelle » propre aux RPG japonais, plantant un décor, ponctuant l'intervention d'un personnage dans la narration ou servant de leitmotiv à un type d'ambiance précis. Tous remplissent à merveille leur fonction. En dehors d'une poignée de thèmes irritants, tous sont excellents et un nombre non négligeable d'entre eux sont de grandes compositions de jeu vidéo, dignes d'être écoutées et appréciées en dehors d'une partie. Le premier annonce la couleur : The Stream of Time, joué pendant les crédits d'introduction, à la fois mystérieux et mélancolique, qui amène très lentement son thème principal. Les morceaux entendus lors des déplacement sur la carte (Rising a Curtain, The Second Act, Final Act) sont si plaisants qu'on ne peut résister à la tentation de faire des pauses dans l'aventure pour les écouter en entier. Les harmonies très élaborées de Freeze, joué dans le village de Freezekill, fendent littéralement le cœur. On est impressionné par la richesse mélodique de Triumph, pompeux et superbe, chargé de célébrer les victoires des héros. Et puis il y a Mystic Forest, une sorte de rêverie tout en échos et en délicatesse que tout connaisseur identifiera immédiatement comme étant l'oeuvre de Sakuraba, ou encore Desolate Road et Mysterious Japon, magnifiques d'exotisme. On pourrait encore en ajouter bien d'autres, mais ceux évoqués ici donnent déjà un bon aperçu du niveau sonore du jeu. Les musiques de Tales of Phantasia sont aux oreilles ce que ses graphismes sont aux yeux, un émerveillement quasi-constant. Comme les graphistes, les musiciens ont eu cette même volonté de faire dans l'opulant, le touffu, le grandiose. Il est certain qu'on appréciera d'autant plus leur travail dans le cadre du jeu lui-même. Mais ceux qui ne voudrait pas s'investir dans une si longue aventure peuvent tout à fait se satisfaire d'une écoute ponctuelle. Rien de tel pour se faire une idée du talent de Tri-Ace (8). Et une série vit le jour...Que faut-il retenir du premier Tales of sur Super Famicom ? D'abord que c'est un chef-d'œuvre, mais pas n'importe quel type de chef-d'œuvre. Tout au long de cet article, il a souvent été question de le comparer aux deux classiques « institutionnalisés » de la machine, Final Fantasy 6 et Chrono Trigger. Ces deux-là sont en quelque sorte des miracles : miracle d'inspiration, miracle d'originalité, miracle de cohésion entre les différents départements de conception. Comme si toutes les personnes impliquées, du chef de projet ou musicien, avaient été au même moment dans le même état de grâce, et avaient pu rassembler leurs idées de la meilleure manière possible et imaginable. Rien de moins que des miracle d'alchimie. La valeur de Tales of Phantasia ne se situe pas sur le même plan. C'est un chef-d'œuvre massif, qui cherche farouchement la performance à tout prix et assume complètement le fait de reposer en partie sur l'acquis, le communément accepté, le réflexe de concepteur. En ce sens, ce n'est pas un miracle, mais plutôt le résultat d'un amour du travail bien fait. Car Tri-Ace nous ont depuis prouvé que chez eux, faire des jeux est un sacerdoce. Ça n'est pas tout à fait aussi bien, mais la différence n'est au bout du compte pas bien grande. Dans le domaine du RPG pur et dur sur Snes, Tales of Phantasia vient se placer juste derrière les deux monstres sacrés de Square et mérite amplement son statut de classique. Enfin, que retient-on après avoir consacré le temps qu'il faut à l'aventure ? Une multitude de petites choses, des couleurs, des sons, des mélodies, des séquences... Un vécu : des épisodes de persévérance récompensée, de découvertes, de recherches, mais aussi des moments de ras-le-bol dans ces foutus donjons parfois infernaux. Car il faut savoir accepter d'un jeu vidéo qu'il se fasse haïr un peu de temps à autre, qu'il nous fasse souffrir pour ensuite mieux reconquérir notre affection. Tales of Phantasia souffle le froid et le chaud, conforte et met le doute, modifie au moment propice sa courbe de tension narrative et sa difficulté. À la fois le moyen le plus risqué et potentiellement le plus efficace pour marquer un joueur à vie. Et on peut évaluer la valeur d'un jeu au nombre de souvenirs qu'il nous laisse, surtout après des mois, des années de recul (9)... Tales of Phantasia, c'est la naissance d'une série omni-présente dans le RPG moderne. Si ces suites sont de qualité, elles n'ont pas exactement la prestance et la grandeur de l'original. Ce n'est pas uniquement parce qu'ils ont la lourde tâche de lui succéder : Tri-Ace étant définitivement implanté chez Enix dès 1996, c'est Namco qui conserve la licence et charge ses propres développeurs de faire vivre la série. Même si le travail est compétent, il manque ce petit côté magique qui fait de l'épisode Super Famicom un monument et de Tri-Ace un développeur d'exception. Il y a d'abord deux épisodes sur Playsation : Tales of Destiny (1997), honnête sans plus, Tales of Eternia (2000), très beau et plus réussi que son prédécesseur. En 2002 sort Tales of Destiny 2 sur Playstation 2. On prend les mêmes et on recommence. La série se refuse à céder aux sirènes de la 3D et conserve le précalculé des épisodes Playstation ainsi que la représentation originale des combats. Le jeu a donc un aspect vieille école qui le destine aux inconditionnels du genre et de la série, tout en demeurant une valeur sûre à une époque où le RPG japonais n'est pas au meilleur de sa forme. Une précision sur un détail qui prête à confusion : le nom Tales of Destiny 2 désigne à la fois l'épisode PS2 et Tales of Eternia en version japonaise sur PS. Allez savoir pourquoi. Pour la suite, on attend un Tales of Symphonia en cell-shading sur Gamecube et un Tales of Destiny 3 sur PS2. En marge de tous ces volets, inscrits dans le sillage de l'original, il existe une sous-branche de la série aux ambitions plutôt expérimentales, les Narikiri Dungeon. Il y a Tales of Phantasia – Narikiri Dungeon sur Gameboy Color (2000) et Tales of the World – Narikiri Dungeon 2 sur Gameboy Advance (2002). Bien qu'ils reprennent l'univers des Tales of, ce ne sont pas des RPG traditionnels mais des « dungeon-crawlers » ou « dongeon-RPG ». C'est une catégorie de RPG qui met l'accent sur l'exploration de donjons et les combats, mais aussi sur le changement de classes et l'acquisition d'une multitude d'équipements. Un genre axé sur la caractérisation des personnages, aux possibilités plus ouvertes que le RPG narratif, par nature relativement figé. Un genre assez peu représenté, très ciblé et peu pratiqué par les occidentaux, ce qui explique qu'aucun des deux épisodes existants n'ait été traduit. Également sur Gameboy Advance, Tales of the World – Summoner's Lineage (2003) semble lui pencher du côté du RPG tactique. Bientôt une décennie après sa sortie, Tales of Phantasia est donc père de famille nombreuse. Les Tales of sont devenus un fond de commerce plutôt lucratif pour Namco. Tant que la qualité suit, ce qui jusqu'à maintenant a été à peu près le cas, on ne s'en plaindra guère. Terminons sur une initiative louable de Namco. En 1998, l'éditeur sort un remake de Tales of Phantasia sur Playstation. Le jeu est intégralement retravaillé. Les graphismes, sans être aussi réussis que ceux de Tales of Eternia, sont agréables pour de la 2D 32-bits. Pour le réarrangement musical, le bilan est plus mitigé. Quand il s'agit de sons « réalistes » (imitant de véritables instruments), l'apport technologique du nouveau support ne peut être que bénéfique, et certains morceaux sont effectivement améliorés. Mais on trouve aussi des modifications sonores qui sabordent complètement l'atmosphère des morceaux originaux. La carte du monde a été reconstruite en vrai 3D, des cinématiques et des doublages ont été ajoutés, et le système de combat enrichi. Bref, les changements sont suffisamment nombreux pour inciter le joueur à faire une seconde fois l'aventure. Malheureusement, une fois encore, le jeu ne sort qu'au Japon et s'avère aujourd'hui relativement difficile à trouver. La version Gameboy Advance, prévue pour l'été 2003, devrait être intéressante même pour ceux ayant déjà fait le tour du jeu sur Super Famicom : elle doit conserver les acquis de la version Playstation, et les screenshots de preview montrent un visuel très modifié comparé à l'original. C'est une bonne et une mauvaise nouvelle à la fois. Une bonne, parce que pour une fois un éditeur ne cèdera pas à la paresse du portage identique (phénomène trop courant sur GBA), apportant ainsi un peu de nouveau, au moins dans la forme. Une mauvaise parce qu'au lieu de voir Namco s'approprier et modifier une fois de plus le Tales of Phantasia original, on aurait préféré voir Tri-Ace se charger eux-mêmes de convertir une œuvre qui n'appartient qu'à eux seuls et rendre enfin justice à un titre qui, dès le milieu des années 90, aurait dû devenir un classique pour les joueurs du monde entier. Notes de bas de page- Une partie des screenshots Super Famicom vient du site http://www.fantasyanime.com. Les autres ont été réalisés avec l'émulateur Zsnes par JC, que je remercie au passage. - AVERTISSEMENT IMPORTANT À CEUX QUI VOUDRAIENT SE LANCER DANS TALES OF PHANTASIA SUR ÉMULATEUR : le jeu souffre d'un bug pouvant bloquer définitivement toute progression du joueur. Personne ne l'ayant jamais signalé sur la version originale, on en déduira qu'il s'agit d'un problème propre soit à l'émulation, soit au hacking nécessaire aux traductions. Voici ce qui peut arriver. Dans le menu, des dizaines d'objets sont soudainement remplacés par l'objet « chicken ». Il devient impossible d'en faire quoi que ce soit, et le bug semble irréversible. Si ce sont des objets essentiels (objets de soin, équipements) qui sont affectés, le jeu peut devenir injouable. Et si l'on a le malheur de sauvegarder après que le bug ait fait son apparition, on n'a plus qu'à abandonner la partie. On n'a pas identifié avec certitude le facteur déclencheur. D'après certains auteurs de walkthroughs, cela peut arriver quand le menu contient un très grand nombre d'objets. Plusieurs joueurs (dont moi) ont vu le bug apparaître à un moment précis de l'aventure : après environ 20 heures de jeu, au début de la campagne destinée à repousser l'armée de Dhaos sur les plaines de Valhalla... Seule parade efficace, toujours vérifier l'état de son menu avant de faire une sauvegarde. Éventuellement, profiter des possibilités de l'émulation en mettant régulièrement de côté des fichiers de sauvegarde « garde-fou » pour pouvoir les utiliser et revenir en arrière si l'on constate qu'on a franchi un point de non-retour, c'est-à-dire si le bug apparaît systématiquement à un moment précis, même en recommençant plusieurs fois. (1) Pour plus d'informations sur l'âge d'or du RPG sur SNES, consultez le dossier écrit par Bruno sur le sujet. (2) Quelques liens intéressants pour la traduction de roms. http://terminus.romhack.net/ pour des versions françaises et http://www.dejap.com/ pour des jeux en anglais. The Whirlpool, http://donut.parodius.com/, suit l'évolution des traductions tous supports confondus. Les mises à jour sont assez peu fréquentes, mais il y a une foule de liens vers d'autres sites spécialisés dans la traduction. Rien de plus facile que d'intégrer un patch de traduction à une rom Snes. Il existe des programmes prévus à cet effet, mais en fait on peut s'en passer dans la plupart des cas. Une méthode très fiable : donner au patch téléchargé (au format .ips) exactement le nom de la rom, puis zipper les deux fichiers ensembles. (3) En d'autres termes, explorer un lieu revient à se l'approprier. (4) Attention, spoilers. Dans cette séquence, alors que Cless et Arche se battent dans les airs aidés par Pégase, une grande ville nommée Midgar tente de repousser une armée de créatures volantes avec un énorme canon qui pour fonctionner puise l'énergie mana de la planète. Ça ne vous rappelle rien ? Bien sûr, les RPG ont toujours eu tendance à se repomper les uns les autres. Mais ici, les points communs entre ce passage et l'une des dernières séquences spectaculaires de Final Fantasy 7 sont suffisamment nombreux pour qu'il faille se rendre à l'évidence : Square s'est largement inspiré de Tales of Phantasia pour cette scène, et pour certains éléments de l'histoire. C'est de bonne guerre. Et cela montre une fois de plus l'avance de Tales of Phantasia sur nombre de ses contemporains dans le domaine narratif. (5) Voilà peut-être une bonne manière d'expliquer l'incompréhension entre les joueurs « rétro » et ceux qui ne jurent que par la nouveauté. (6) Tendance que j'ai personnellement observé dans les jeux vidéo. Ou peut-être est-ce simplement plus apparent que chez les occidentaux. Un spécialiste de la culture japonaise pourrait-il la généraliser à d'autres domaines ? (7) Profitons-en pour signaler que bien qu'appartenant à deux séries différentes, Star Ocean et Tales of Phantasia sont, au niveau de leur aspect visuel et sonore, de très proches cousins. Quelques minutes de jeu suffisent pour établir la parenté technique et esthétique. (8) Il est très facile d'écouter la bande son de Tales of Phantasia. Il faut d'abord télécharger un rip au format .spc. Il en existe plusieurs pour ce jeu, disponible ici http://www.alpha-ii.com/snesmusic/spcsets/ ou ici http://www.zophar.net/zsnes/spc/. Puis, téléchargez ici http://www.zophar.net/utilities/spc.php soit un lecteur spc, soit un plugin à installer sur un lecteur classique (comme Winamp). Dans l'ensemble, les rips sont très fidèles aux musiques originales, sachant que leur qualité dépend d'abord du choix du lecteur ou de plugin. Il y a juste un petit nombre de morceaux qui posent problème, comme le thème du premier village ou la voix de The Dream Will Never Die. Il existe un OST très difficile à trouver autre part qu'au Japon. C'est en fait la bande son à peu près complète du remake Playstation. (9) Un aveu important. Découvrir Tales of Phantasia ne m'a fait regretter qu'une seule chose : ne pas l'avoir découvert et terminé à sa sortie en 1995. Même si tel que je l'ai connu (avec huit ans de retard), c'est définitivement l'un de mes jeux culte, même si en tant que joueur rétro, je sais apprécier les qualités d'un jeu indépendamment de sa valeur technique absolue, je reste convaincu que mon appréciation du jeu aurait été encore cent fois plus importante si cela avait été le cas. Pour tout dire, j'ai dans cet article presque essayé par moments d'adopter le point de vue du joueur qui a découvert le jeu à sa sortie, qui ne s'en est jamais remis et qui a dû par la suite comparer ce Tales of Phantasia original si pur, épousant si joliment le hardware du support sur lequel il tourne, avec ce que Namco a fait de la série après, c'est-à-dire quelque chose de très bon mais qui n'a en aucun cas l'éclat et la pureté de l'épisode Snes. Un état d'esprit sans doute à l'origine du conflit entre les deux générations de joueurs pratiquant le RPG japonais, puisque le phénomène est dans une grande mesure celui qui caractérise, entre autre, l'évolution des Final Fantasy selon une majorité de joueurs de RPG « pré 32-bits ». Peut-on découvrir un jeu au-delà d'un certain nombre d'années de retard et l'apprécier comme s'il venait de paraître ? Ma découverte de Tales of Phantasia me contraint à répondre que non. Avec toute la raison, la connaissance et la bonne volonté du monde, on ne le pourra jamais totalement. Ce qui fait la différence, c'est une forme de rapport affectif et d'appartenance à un contexte et une époque. Mais à vrai dire, c'est bien difficile à définir car cela dépend d'abord du vécu de chaque joueur, et de tout ce qu'il y a autour du jeu lui-même. Lyle (05 juin 2003)
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