Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par JPB (06 février 2006)
Autrefois, les jeux de rôle sur micro étaient nombreux, de grandes sagas appelées Bard's Tale, Phantasie, Ultima (et bien d'autres encore !). La représentation graphique de ces jeux divisait l'écran en une petite fenêtre pour l'affichage des cartes, des lieux ou des rencontres, et le reste (la plus grande partie) pour les informations utiles, les dialogues...
Mais la représentation de Dungeon Master changea la donne. Pour la première fois, la plus grande partie de l'écran montrait ce que voyait le groupe d'aventuriers, et le reste de l'écran proposait les icônes de combat, de magie, d'état des personnages... En plus, tout était animé, les monstres bougeaient, quand on leur lançait des objets on voyait ceux-ci voler jusqu'à la créature... Les torches s'épuisaient doucement, tout comme les réserves de nourriture des personnages... Fantastique ! Dungeon Master fut une véritable révolution, et de nombreux jeux basés sur ce principe virent le jour en quelques années. Les plus connus sont sans aucun doute Chaos Strikes Back (la suite de Dungeon Master), les trois titres de la saga Eye of the Beholder, Bloodwych (qui permettait à deux joueurs d'explorer ensemble le donjon de Trazère), Captive (avec son univers hi-tech), plus tard Hired Guns dans lequel on pouvait jouer à 4, Lands of Lore uniquement sur PC... Je ne vais pas les énumérer tous, par manque de place et parce que j'en oublierai certainement. Parmi tous ces jeux, il en fut un qui reprenait très fortement l'ambiance de Dungeon Master, que j'ai fini et particulièrement apprécié : Black Crypt. L'histoireIl y a longtemps, à Astera, vivait Estoroth. C'était un des plus brillants étudiants de l'Académie des Ecclésiastiques. À 19 ans à peine, il était plus instruit que tous les autres élèves, avait étudié toutes les potions et incantations que ses professeurs lui avaient enseigné, s'était plongé dans tous les ouvrages de la bibliothèque. Ainsi, ses professeurs lui donnèrent son diplôme, et il quitta l'Académie.
Mais à partir de là, il tourna mal. Il commença à faire des expériences, et il s'adonna aux magies noires, ce qui était interdit par le Code des Ecclésiastiques. Alors la Confrérie des Quatre Ordres fut convoquée d'urgence pour le juger : Estoroth, nullement décontenancé, nargua les 25 membres du Conseil en leur annonçant qu'il n'était pas un simple mortel, puis d'un claquement de mains, il disparut. La Confrérie décida alors d'allier les compétences des quatre ordres : hormis les Combattants qui ne jetaient pas de sorts, Ecclésiastiques, Druides et Magiciens créèrent une nouvelle magie bien plus puissante qu'auparavant. Après plusieurs mois, chaque guilde apporta un objet sacré ensorcelé et nomma son champion : pour les Combattants, ce fut Runetek à qui on donna le Vortex, une épée en argent capable de couper la trame du temps ; pour les Ecclésiastiques, Kaolic reçut le Forcehammer, marteau de guerre aux pouvoirs télékinésiques ; le Magicien Dvergar prit le Soulfreezer, bâton en cristal lançant des sorts paralysants ; quant au champion des Druides, Oak Raven, il récupéra le Protector, un bouclier doté d'une barrière protectrice. Ces quatre hommes, accompagnés d'une petite armée, réussirent à profiter du repos de l'armée d'Estoroth (et aussi du fait que celui-ci ne pensait pas que quelqu'un serait assez brave - ou stupide - pour s'attaquer à lui) pour détruire une grande partie de ses gardes, durant une longue bataille magique de 40 heures autour d'un château profané : la Guerre Noire. Finalement, les quatre champions parvinrent à acculer Estoroth et ses lieutenants dans le château en ruines, dans le dernier niveau d'une crypte se trouvant tout au fond d'un immense labyrinthe : grâce à leurs objets ensorcelés, ils bannirent Estoroth dans une autre dimension. Puis, remontant d'un niveau vers la sortie, ils firent disparaître tout le niveau inférieur dans le vide. Cependant, exténués par le long et difficile combat, et surtout affaiblis et infectés par la magie noire de leur ennemi, ils ne parvinrent pas à remonter à l'air libre et moururent dans le labyrinthe. En leur honneur, le cachot tout entier fut scellé, et une grande plaque commémorative fut érigée à l'extérieur. Hélas, 20 ans plus tard, il semble que les sorts qui avaient servi à bannir Estoroth hors de ce plan d'existence commencent à faiblir... Il est maintenant temps de détruire Estoroth Paingiver pour de bon, grâce à de nouvelles armes, de nouvelles magies, et de nouveaux champions. Les personnagesBlack Crypt propose de diriger un groupe de 4 personnages. Il faut obligatoirement prendre les quatre, sachant que chacun d'eux appartient à une caste : guerrier, clerc, magicien, druide. Contrairement à Dungeon Master par exemple, il est donc impossible de ne prendre que 2 ou même un seul aventurier pour "la jouer hard" : ici, c'est uniquement la combinaison de ces 4 ordres qui permettra de vaincre Estoroth Paingiver, chacun ayant une spécificité et une arme bien précises.
Le joueur pourra donc choisir le nom, le portrait et la redistribution de 25 points parmi les caractéristiques de chaque personnage (force, dextérité, intelligence, constitution, sagesse). Les portraits sont assez moyens, 12 par classe avec quelques doublons, mais ce n'est pas bien grave. Il est évident qu'ici, il est intéressant de ne gonfler les performances que dans la classe du personnage, déjà lors de la création mais aussi au cours de l'aventure. Par ailleurs, les gains de caractéristiques se font avec des éléments trouvés dans le donjon, et bien souvent ces objets vont justement augmenter une caractéristique préétablie, spécifique à la classe du personnage (ce sont principalement grâce aux tablettes, qui existent en 4 formes, correspondant chacune à une seule classe associée). Bien évidemment, les personnages gagnent des niveaux en fonction de leurs réussites aux combats.
En cours de jeu, les personnages ont une fiche qui donne accès aux fonctions de base. Tout d'abord : les barres de points de vie, d'endurance et de nourriture. Ensuite, on a accès à leur équipement, réparti sur trois niveaux (armure/arme, vêtements, anneaux/ceinture), on passe de l'un à l'autre en cliquant sur une icône. Les personnages peuvent porter de nombreux objets, répartis dans des sacs, coffrets, coffres, carquois... jusqu'à ce que ce qu'ils ne puissent pas porter plus car leur équipement complet pèse trop lourd. Le fait qu'ils soient fatigués leur donne un malus pour le transport des objets. En cours de jeu toujours, les quatre champions peuvent être affectés par certaines conditions. Ainsi, ils peuvent avoir faim ou soif (hungry / thirsty) : la nourriture et l'eau sont toutes deux prises en compte séparément (même si elles sont regroupées sur une même barre). Ils doivent dormir, pour ne pas être fatigués (tired) ; il est possible d'établir des gardes, et de faire dormir autant de personnes qu'on veut - tout comme ils peuvent dormir tous ensemble, mais dans ce cas ils peuvent être à la merci d'une attaque surprise. Ils peuvent être atteints par des pièges, des sorts ou des monstres, et ainsi tomber malades (diseased) ou être empoisonnés (poisoned) ; dans ces deux cas, il est possible de les soigner, en trouvant une potion ou un sort de soin approprié. Petite remarque : dans Black Crypt, les champions ne foncent pas tête baissée dans les murs : quand on essaie de les faire avancer contre une paroi, ils la touchent pour voir si elle est solide ou fictive, et ils ne perdent pas de points de vie comme dans les premières versions de Dungeon Master... Toutes ces petites attentions portées aux quatre personnages sont très agréables, on se sent obligé d'en prendre soin. Surtout que s'il est possible de ressusciter un mort, encore faut-il posséder sa Gemme de Mort, et connaître le sort approprié... Les niveaux et énigmes
Basés - comme c'est le cas dans ce type de jeu - sur le principe de portes à ouvrir grâce à des clés ou des leviers, les 28 niveaux de Black Crypt sont liés par groupes de deux ou trois, proposant une quête pour franchir ce passage... et ainsi de suite. Ce regroupement permet d'avancer de façon plus précise dans l'histoire, par étapes, contrairement à une simple suite de niveaux à franchir sans explication. Les énigmes proposées sont parfois coriaces. Disons que vous aurez à bien cogiter pour comprendre la signification de certains passages. Un gros avantage vient du fait des groupes de niveaux dont je vous parlais plus haut, ce qui évite d'aller activer le levier au niveau 3 pour ouvrir la porte du niveau 25. En contrepartie, je vous promets que vous allez faire du chemin : les niveaux sont très linéaires et vous n'en oublierez aucun recoin. Par exemple, à un endroit vous allez appuyer sur un bouton, qui enlève un pilier qui bloquait un passage ; empruntant ce passage, vous allez marcher sur une dalle qui enlève une portion de mur, laquelle cache un minuscule bouton ; en appuyant sur ce dernier, vous allez enlever un autre pilier qui bloquait un autre passage... Tout ceci dans une petite partie d'un niveau ! Tout l'espace est utilisé par le labyrinthe et il n'y a pratiquement aucun passage facultatif. Vous serez conduit tout au long de l'aventure à comprendre quel est l'effet de tel mécanisme, afin de pouvoir passer au suivant. Cette linéarité est toutefois agréable, sachant qu'elle prend place dans une des nombreuses quêtes (l'Ogreblade, le Masque de la Vraie Vue, la Porte de la Lune et du Soleil...) à propos de laquelle on trouve toujours des indications, avec en plus la variété provenant des objets à trouver et des décors. Je dirai pour terminer sur le chapitre des énigmes, en titre de comparaison avec Dungeon Master, que les mécanismes ne me paraissent pas réellement plus variés mais surtout beaucoup plus nombreux. Heureusement, un automap (tant que le sort est actif) vous donnera un sérieux coup de main pour vous repérer... Une aide bien utile, croyez-moi ! Les labyrinthes eux-mêmes sont bien représentés et étudiés, suffisamment retors pour qu'on puisse se mettre à douter de la direction prise à certains moments : des plaques tournantes, des téléporteurs, des trappes et autres joyeusetés se feront une joie de vous embrouiller... Sans parler des zones d'obscurité, de celles où la magie est inopérante... Contrairement à Dungeon Master, il existe des différences dans la représentation visuelle des murs : parfois en briques marron, rouges (représentant le jour et le soleil) ou bleues (pour la nuit et la lune), des niveaux sous l'eau, d'autres aux murs rocailleux... La variété est très agréable et fort bienvenue, elle permet de briser la monotonie même si elle n'apporte rien en terme de jouabilité. À noter que, dans la documentation, se trouvent tous les plans déjà inscrits et expliqués (les mêmes que ceux que je vous propose plus bas et qui viennent du site officiel) : une soluce avant l'heure... Les monstres et les combatsLes monstres sont bien représentés, variés et intéressants. Ils ne disposent que de peu d'animations, comme il se doit dans ce type de jeu : un sprite pour chaque vue (côtés, face et dos) décliné en plusieurs tailles pour l'éloignement, et un sprite particulier, de face, pour l'attaque. Certains ennemis sont impressionnants, je me rappelle que la première fois que j'ai vu l'ogre bicéphale j'étais déjà emballé... Mais celui qui m'a le plus impressionné est sans conteste le dragon-liche, qui vous attaque par surprise dans un recoin du donjon ! Si certains monstres semblent sortis du pire cauchemar d'un des développeurs et ne ressemblent pas à grand chose (je pense à l'œil volant du premier niveau), en général ils font partie du bestiaire traditionnel des jeux de rôle, et adaptés au milieu qui les entoure (mention spéciale aux créatures aquatiques, superbes et originales). En tout cas, il existe un type de créature que je n'avais jamais vue dans un jeu de ce genre. Imaginez : vous êtes en train d'avancer prudemment dans un couloir sombre aux pierres vermoulues... quand soudain vous vous faites attaquer ! Demi-tour : personne ! Et là, vous vous refaites attaquer ! Qu'est-ce donc, un ennemi invisible ? Que nenni : c'est en fait une portion de passage qui a été utilisée par un monstre qui prend l'aspect du mur, on n'y voit que du feu jusqu'à ce qu'il vous morde... Une fois détruit, le passage apparaît. Excellent !
Les combats sont assez simples, en tout cas le maniement est plus basique que dans Dungeon Master. On clique sur le portrait du personnage avec le bouton gauche pour qu'il utilise l'arme dans sa main principale, et avec le bouton droit pour qu'il se serve du pouvoir spécial de l'arme (si celle-ci en a un). L'intelligence des monstres est standard. Une fois qu'ils ont repéré le groupe, ils avancent jusqu'à lui ; s'ils sont bloqués par le groupe, ils l'attaquent ; si le groupe s'écarte, ils le pourchassent. On revient à la bonne vieille technique des combats "je tape et je me pousse", chère à ce type de jeu que sont les Dungeon Crawlers : on attend que le monstre soit en face, on lui cogne dessus et on fait un pas de côté avant qu'il n'attaque ; ensuite on se tourne pour l'attendre et dès qu'il se représente devant le groupe, on recogne... Dans Black Crypt, j'ai noté que certaines créatures sont retorses, et changent de direction si on s'écarte trop souvent dans le même sens, bien plus souvent que dans d'autres jeux. Les quatre Lieutenants intermédiaires sont assez coriaces (la Méduse nécessite par exemple un objet particulier pour espérer la détruire), et le vrai boss final conclut l'apothéose de monstres (d'ailleurs, au début, il n'est pas celui qu'on croit...) : seules les armes magiques des quatre ordres seront capables de le détruire. C'est d'ailleurs, je vous le rappelle, le but de l'aventure... Techniquement et historiquement parlantSur Amiga, Black Crypt utilise le mode Half-Bright (ou Halfbrite) : 64 couleurs à l'écran, avec en fait 32 couleurs avec en plus une nuance assombrie de ces 32 couleurs. Le résultat est superbe : des couleurs lumineuses pour les sorts et les monstres, qui tranchent sur des décors plus sombres mais très fins. La palette de couleurs est parfaitement choisie, du beau boulot. On pourra cependant regretter le design de certains monstres, un peu pauvres, et d'autres qui auraient mérité une taille plus imposante. Mais en dehors de ces deux petites remarques, visuellement Black Crypt est très réussi. Au niveau animations, j'en ai déjà parlé plus tôt. Les monstres semblent un peu moins vivants que dans Dungeon Master par exemple, du fait des quelques sprites supplémentaires de ce dernier (quelques attaques symétriques, petit déplacement du personnage à l'écran...). Toutefois, ce n'est pas grave, et dans le feu de l'action ça n'a pas d'importance. Le son est standard, avec des bruits bien reconnaissables en fonction des sorts, des attaques, des dégâts... Je pense qu'un effort aurait pu être fait à ce niveau. La musique de présentation est sympa mais ne casse pas des briques... L'ergonomie est correcte, mais quelques rares fois un peu lourde, notamment quand on s'emmêle un peu les pinceaux avec le bouton droit (passage à l'inventaire ou utilisation secondaire de l'arme). Heureusement, il est possible de redéfinir les touches de jeu, grande idée aujourd'hui répandue. En dehors de ça, le jeu est bien réalisé au niveau programmation, et la protection est réalisée en cours de jeu : il s'agit de quelques petites questions, dont la réponse est dans le livret fourni avec le jeu. De cette manière, comme il n'y a pas de protection physique sur les disquettes, il est possible d'installer le jeu sur disque dur pour un confort d'utilisation accru. Ce fait est rare à l'époque et mérite d'être souligné.
Que dire sur les créateurs du jeu ? Pourquoi en parler ? Parce qu'ils sont encore présents de nos jours sur la scène des jeux PC.. Et c'est assez intéressant pour être signalé. Mais commençons par le début.
Black Crypt fut leur premier jeu, en 1992 sur Amiga comme vous l'avez vu. Les programmeurs furent Ben Gokey et Rick Johnson ; Brian et Steve Raffel se chargèrent des graphismes, et Kevin Schilder de la musique. Les versions Megadrive et PC furent annoncées mais hélas annulées, malgré le fait que Black Crypt connut un succès mérité. Seuls les deux premiers niveaux du jeu furent disponibles sur PC en 1998, via une démo téléchargeable. Pour que vous puissiez constater par vous-mêmes que Raven Software est toujours bien présent, voici une petite liste (non exhaustive) de jeux qu'ils ont sortis depuis Black Crypt, je suis certain que vous les connaissez à peu près tous vu que ce sont des titres incontournables dans le monde des doom-like : ShadowCaster, Heretic, Hexen, Hexen II, Heretic II, Soldier of Fortune, Star Wars Jedi Outcast, Soldier of Fortune II, Star Wars Jedi Academy, et tout récemment Quake IV. Au final, Black Crypt est un jeu de rôle varié, beau, agréable à pratiquer, dont l'architecture des niveaux est très réussie et dont les énigmes retorses restent toutefois logiques. Si, pour moi, il ne surpasse pas Dungeon Master (qui reste à mon sens la référence), Black Crypt se place plus qu'honorablement dans le panthéon de tête pour ce type de jeu.
Black Crypt fut testé :
Black Crypt reçut les prix suivants : Bonus !Ci-dessous, vous trouverez en bonus l'histoire, ainsi que la documentation complète en anglais. Vous trouverez également une petite galerie de monstres rencontrés en cours de jeu, et les plans des 28 niveaux au format .png. Il est toujours intéressant d'y jeter un coup d'œil pour voir la complexité du jeu... Mais si vous voulez parcourir la Crypte Noire et éliminer Estoroth, ne trichez pas, et profitez de l'aventure ! Les docs - l'histoire traduite en français.
- la documentation complète en anglais en trois fichiers zippés : -> le manuel de jeu (1,91 Mo) ; - la solution, le déroulement du jeu expliqué étape par étape (148 Ko). Quelques écrans de fin de jeu Les 28 niveaux de Black Crypt (cliquez sur une image pour l'agrandir dans une fenêtre à part) Le bestiaire complet (pour compléter les créatures présentées dans l'article) Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (16 réactions) |