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Le retro-gaming, qu'est-ce-que c'est ?
Ce dossier se veut très utile pour tout nouvel arrivant sur le site, ou personne qui voudrait comprendre en quoi consiste exactement la passion que nous portons aux jeux vidéo anciens. Les autres pourront lire ou relire les avis des Grospixeliens, glanés sur le forum.
Par Laurent (30 juin 2003)

...avec l'aide des membres du forum...

Ce dossier pourra être utile au nouvel arrivant, peu familier du terme retro-gaming, mais il peut aussi être l’occasion pour les habitués de faire le point sur les différents aspects de leur passion. Aussi, nous avons recueilli les témoignages des grospixeliens, qui seront intercalés tout au long de l’article. Nous leur avons également demandé de citer leurs 5 jeux rétro préférés, dont des captures d’écran serviront d’illustration. Partant de l'idée que "communauté" n'est pas forcement synonyme de "pensée unique", cet article contient des interventions qui reflètent parfois des opinions contradictoires ou sujettes à discussion. Il pourra être remanié si d'autres points de vue intéressants nous parviennent.

Les Anglo-Saxons ont le chic pour résumer tout un univers en une expression générique. Cette capacité de synthèse appliquée au langage est fascinante, et rend les anglicismes bien difficiles à éviter. L’expression « retro-gaming », afin qu’on puisse l’utiliser librement, mérite qu’on en explore toute la signification, car elle ne désigne pas un simple violon d’ingre, mais une approche très particulière des jeux vidéo.

Le retro-gamer : Une espèce en voie de matérialisation

Le retro-gaming consiste à la base à se passionner pour les jeux vidéo anciens, considérés comme rétro (nous verrons plus loin quelles sont les limites de ce terme). Notons tout d’abord que l’Internet a toujours joué un rôle décisif dans le phénomène retro-gaming, en tant qu’outil de communication mais aussi pour se transmettre une partie de la matière première, à savoir les jeux anciens, grâce à l’émulation. Nous ne reviendrons pas sur ce qu’est l’émulation (voir le lexique si vous ne savez pas vraiment ce que c’est), mais il faut savoir qu’elle trouve toute sa légitimité dans le cadre du retro-gaming.

A l’heure où ces lignes sont écrites, les éditeurs de jeu vidéo et la presse commencent à s’intéresser de près au retro-gaming, lui permettant du même coup de quitter les contrées impersonnelles et gratuites de l’Internet. Le retro-gaming n’est plus considéré comme une simple tendance nostalgique. Il fait partie intégrante des genres que certains acteurs prestigieux du marché considèrent comme porteurs. Il est donc devenu une donnée commerciale. Mais avant de vendre du retro-gaming, il s’agit de comprendre exactement de quoi il s’agit, et en toute honnêteté, certains spécialistes en marketing ont des progrès à faire sur ce point.

(cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Cette publicité pour le remake modernisé de Defender (sur Playstation 2 et GBA, les deux consoles qui accueillent le plus de réactualisations de ce type) nous montre comment les éditeurs tentent de cerner le retro-gamer pour mieux l'appater. Plusieurs clichés sont ici visibles : A gauche, les joueurs de 1982 portent les cheveux longs, mais s'habillent un peu "coincé" (cravate, chemise bien repassée). Les joueurs de 2002 sont beaucoup plus branchés, et ils ne jouent qu'entre copains (même quand le jeu est exclusivement solo, comme celui-ci), bière et pop-corn à portée de la main. La sortie de ce jeu entre dans une tentative de récupération commerciale d'un phénomène né chez les joueurs et dans la gratuité. Le fait que ces jeux soient vendus au prix fort indique que les éditeurs sont sûrs de leur coup.

Les différentes catégories de retro-gamers

La fréquentation assidue du milieu retro-gaming permet de définir certains courants. Les retro-gamers, s’ils sont tous d’accord sur un point, à savoir leur attirance pour les jeux anciens, ne voient pas forcement tous les choses de la même façon. Voyons quels sont les types de comportement ou d’individus qu’on rencontre le plus souvent, et qui ne sont pas incompatibles (beaucoup de retro-gamers se reconnaîtront dans plusieurs de ces définitions, qui sont voulues exemptes de toute péjoration gratuite).

Le passéiste

Il existe des retro-gamers qui se révèlent, même s’ils s’en défendent parfois, incapables de porter un jugement positif sur les jeux récent, quand il ne les ignorent pas carrément. Ils ont en eux la conviction profonde qu’en matière de jeu vidéo tout était mieux avant. Il serait trop facile de considérer ces joueurs comme des conservateurs bornés et rejeter leur argumentation, qui n’est pas dénuée de fondement. Il suffit par exemple de jeter un coup d’oeil aux listings de tests de tous les sites rétro pour s’apercevoir que par le passé, les jeux vidéo étaient plus variés, et souvent plus audacieux dans leur concept, pour des raisons tenant à la quantité de consoles et micro-ordinateurs en vente simultanément, et au fait que le marché des juegos vidéo, moins axé sur le grand public, brassait moins d’argent et n’avait pas les allures de jungle économique qui sont les siennes aujourd’hui. Les développeurs, dont le travail était moins coûteux pour les éditeurs, pouvaient se permettre plus de choses sur une gamme de machines plus étendue, et ne s’en privaient pas.

Zulios : J'aurais du mal à dire ce qui m'attire véritablement dans le rétro gaming, c'est une foule de choses. Je crois que j'y suis resté scotché à cause du passage à la 3D, à partir de ce moment les jeux ne m'ont plus tellement attiré. Ce qui m'y plaisait c'était vraiment ce côté dessin animé interactif, et les délires parfois poussés des créateurs. Plus on remonte loin dans le temps, plus la création de jeux étaient ouverts à tous et plus on peut trouver de jeux originaux, qui seraient inéditables aujourd'hui car pas assez rentables. J'aime bien aussi ce côté "fait à la maison avec les moyens du bord" qui ressort parfois, et le fait que si on demande à un retro-gamer 3 bons jeux rétros chacun aura sa propre opinion et ses arguments. Le rétro gaming est quelque chose de subjectif selon moi, il commence la où nos souvenirs personnels à ce sujet remontent.

LVD : comme Zulios, il y a eu le probleme du passage a la 3d, que je n'ai jamais aimée pour de pures raisons esthétiques (meme si depuis Soulcalibur ou DOA3, j'ai revisé mon jugement la-dessus, mais bon, ca date de l'an passé !). Moi aussi, je recherchais beaucoup plus un côté dessin animé. Ensuite, un amour total et immoderé pour la Super Famicom, dont j'ai continué a suivre l'actualité jusqu'au dernier jeu sorti (en 2001 si ma mémoire est bonne), et que j'ai toujours bien plus pratiquée que les PS et Saturn, que je possédais egalement. En fait, pour être franc, la PS n'a presque jamais tourné a la maison, excepté Street EX et Super Robot Taisen Complete Box (qui étaient des remakes de jeux SFC !). Un gameplay parfois très simple, je saute (Mario) ou je saute-je frappe (Castlevania) mais efficace, qui correspond davantage a ce que je recherche. Je n'aime pas manipuler quatre-mille boutons a la fois. Si j'excepte la baston, 4 boutons pour un jeu me semblent LARGEMENT suffisants. Il y a évidemment un côté nostalgique indéniable. Enfin, comme on le repète souvent ici, la qualité d'un jeu n'est pas proportionnelle a son âge. Je m'eclate toujours autant sur Mario, Double Dragon 2, ou Zelda 1, meme 15 ans apres.

Par ailleurs, les jeux vidéo commercialisés couvraient auparavant des genres qui désormais sont relégués dans le domaine public ou semi-public (shareware), comme les jeux de société, les jeux de réflexion, de cartes, les wargames et même les jeux d’échec qui sont dix fois moins nombreux à être édités aujourd’hui qu’il y a 7 ou 8 ans. Sans oublier la 2d, bien sûr ! Des genres issus à 100% de la créativité vidéo-ludique des années 70-80, comme les jeux d’aventure graphiques, les shoot’em’ups, les beat’em’up et autres jeux de combats voient leur représentation en titres 2d de plus en plus réduite à une portion congrue, mal distribuée (souvent non importée lorsqu’il s’agit de jeux japonais), peu soutenue par les éditeurs et vue d’un oeil condescendant par une part non négligeable de la critique spécialisée. Il est clair que la 2d est systématiquement assimilée au style rétro, ce qui n'est pas forcément justifié. Toutes ces raisons, qui font qu’on peut légitimement considérer que les jeux vidéo sont menacés de tomber dans une sorte d’entonnoir créatif, ont poussé certains joueurs à se réfugier dans l’adoration exclusive du passé. Cette démarche est paradoxale sur plus d’un point. Quand commence le passé ? Au bout de combien de temps ce qui est actuel fait-il partie du passé, et sa valeur change-t-elle pour autant ?

Gamerphil : Je ne vois pas forçément de limite entre retro-gaming et modern-gaming. Je pense que ça dépend aussi du jeu auquel on joue. Tout ce qui est en 2D pourrait être considéré comme rétro. On pourrait ainsi dire que Ikaruga, c'est du retro-gaming, puisque c'est un shoot à la jouabilité 2D, avec un concept "old-school", en fait. Même chose pour le dernier Contra sur PS2, dont la réalisation est "moderne", alors que le principe de jeu n'a pas changé d'un iota depuis le premier épisode en 1986 (si je me souviens bien de la date). Il n'y a donc pas de limite précise au retro-gaming !

Phil : Il faut être lucide, depuis que quelques compagnies ont décidé de faire dans le jeu vidéo pour des raisons financières, celles-ci ont rapidement pris la place de celles qui en faisaient pour des raisons passionnelle. Aujourd'hui (2003), le marché des JV est pressé comme un citron, et tant qu'il en restera une goutte à tirer, il n'y a aucune raison que la situation s'améliore, mais je ne suis pas inquiet, une fois qu'il n'y aura plus d'argent à gagner, le ménage va se faire tout seul, et je pense que la créativité sera de nouveau de mise, au travers des gens qui ont toujours été passionnés.

Bien souvent, les retro-gamers se réfugient dans la subjectivité lorsqu'on les interroge sur leur passéisme, et une partie d’entre eux placent la frontière entre rétro et actuel au milieu des années 90. Il est vrai que c’est là une période charnière, avec le passage de Sony dans le clan des fabricants de consoles, où les jeux vidéo sont entrés dans leur phase de conquête acharnée du grand public. C’est aussi l’époque du retrait de certains acteurs (3DO, Atari, NEC, Phillips), du regroupement partiel de certains autres sous la bannière Playstation (Konami, Namco, Capcom, Psygnosis), de la mise en veille commerciale de tous les micro-ordinateurs appréciés des joueurs au profit du PC, de la disparition d’une foule de développeurs et studios qui avaient excellé sur ST et Amiga, de l’explosion du jeu en 3d en tant que fossoyeur d’une certaine culture vidéo-ludique, et d’un passage à vide notable pour Sega, Nintendo (autrefois détenteur de 90% des parts de marché, une position encore plus dominante que celle de Sony aujourd'hui) et SNK. Ce fut une véritable série noire pour ceux qui voyaient dans la pluralité le salut des jeux vidéo, et certains en ont stoppé net l’horloge de leur passion.

Ikari : Pour moi, le retro-gaming n'existe pas. C'est juste que, quand un jeu est bon, j'y joue. Il se trouve que j'ai découvert beaucoup de bons jeux sur Amstrad CPC parce que jusqu'en 1994-95 environ, c'est la seule machine que j'avais (j'ai eu un 286 CGA écran vert, après). J'étais fier de voir la qualité des jeux qu'on arrivait à sortir sur cette machine à l'heure du 16-bits. J'étais capable de juger le talent des programmeurs et graphistes car je connaissais bien les limites de ladite machine. De ce fait, jusqu'en 1995-1996, je jouais (et programmais) encore sur mon Amstrad CPC 6128, après quoi il est tombé en panne (lecteur disquette). De plus, c'est sur Amstrad que j'ai découvert tous ces jeux qui ont une âme. Des oeuvres d'art qui ne ressemblent pas à du cinéma, mais bien à un jeu au concept simple, à la maniabilité infaillible, aux graphismes simples mais optimisés et aux mélodies toujours simples mais inoubliables. En fait, c'est le PC 486 avec son Doom et ses autres merveilles qui m'ont fait "oublier" un court instant les jeux Amstrad, mais j'ai très vite eu envie d'essayer CPC-Emu, avec mes propres ROMS (transférées directement depuis mon CPC vers le PC). J'ai du attendre d'avoir un accès internet à la maison pour pouvoir jouer à tous les jeux que je possédais déjà sur mon CPC.

CHAZumaru : Je joue aux jeux d'à peu près toutes les époques jusqu'à la première (en remontant vers le passé) qui me fut vraiment contemporaine, c'est à dire ST / Amiga / Dos / MSX / consoles jap 8-bit. Les jeux plus vieux que cela, j'avoue n'y jouer que par curiosité, quand je ne connais pas un titre. La plupart ont de toutes façons été refaits ou repompés sur les machines de "ma" période. Le premier jeu auquel j'ai joué (dont je ne me souviens ni du nom ni de la machine, juste de l'expérience) était un jeu en 8 couleurs avec cassette se chargeant pendant des plombes. C'est cela qui me permet je pense de relativiser quand je découvre aujourd'hui un jeu Master System et que je dois composer avec ses graphismes ou sa maniabilité, jeu que la génération "actuelle" peut moins facilement appréhender (et je la comprend).

Zefy : La 3D était prometteuse du temps de Doom et System shock, hélas la montée en puissance des PC, la faillite de Commodore et d'Atari du côté des ordis, l'arrivée de Sony et sa précipitation dans le tout 3D et l'épate technologique qu'il en résulte (aussi surfaite soit-elle, d'infâmes cubes 3D aux déplacements hasardeux) dans le milieu des consoles dominés alors par de vrais créateurs imbattables sur le terrain de la 2D, ont profondément bouleversé le paysage vidéoludique et m'ont profondément écoeuré. Dorénavant les développeurs passionnés ne feront plus de jeux pour des éditeurs dont la production est calibrée pour des joueurs passionnés. A présent règnent le grand public, le grand spectacle avant tout, des jeux faits spécialement pour ces gens qui crachaient sur le jeu vidéo quelques années auparavant et qui sont venus polluer la communauté vidéoludique à partir du moment où les jeux ne demandaient plus d'imagination pour que l'on puisse s'y immerger. Des millions dépensés, des Go disponibles, des graphismes fin et précis, des manettes analogiques toutes faites de finesse technologique tout ça pour des pseudo-jeux à la jouabilité douteuse du fait d'une caméra bourrée, quelques rares idées diluées dans un grand monde 3D obligeant à de sempiternels allers-retours (la soi-disante liberté de la 3D). Restait dans cette âge sombre la Saturn et la Dreamcast sur lesquels on pouvait voir des réminiscences de l'âge d'or, malgré cela et malgré le respect que j'ai pour ces machines elles ne font pas parti pour moi du retro-gaming, comme toutes les machines à venir et à mourir commercialement. Le retro-gaming s'arrête donc pour moi aux 16 bits. L'ambiance du milieu n'est plus la même non plus, je ne me sens pas du tout sur la même longueur d'ondes que les nouveaux venus. Avant on parlait de rivalité Nintendo/Sega, Amiga/Atari, micro/consoles, mais reste que passée la longue tirade à montrer la supériorité de sa machine pour déstabiliser l'adversaire, on en venait à lui poser pleins de question sur sa ludothèque. Le contact était facile et agréable car il n'y avait pas de notion de gamer, hardcore gamer, retro-gamer, on était des joueurs s'amusant sur des jeux créés pour nous par des développeurs qui prenaient du plaisir à les faire. Il y avait une multitude de standards mais on était unis par une vision commune du jeu vidéo.

Cependant, même s'il est de fait que les retro-gamers n'ont pas tous bien digéré le passage au "tout 3d" qui coïncide avec l'arrivée de Sony sur le marché, il ne faut pas en déduire pour autant qu'ils sont tous réfractaires à la Playstation et la génération de machines qu'elle représente. D'ailleurs les autres consoles sorties à son époque sont pratiquement toutes conçues de façon similaire, mais le fait qu'elles aient eu moins de succès leur épargne le statut symbolique de la console de Sony. Il faut aussi se dire qu'avec près de dix ans de carrière derrière elle et une foule de jeux dont le prix à chuté avec le temps, la Playstation peut aussi passer pour une console rétro, ou par laquelle on s'initie au rétro. D'ailleurs, sa petite soeur la PS2 compte à son catalogue beaucoup de jeux typés retro-gaming qui ne sont pas adaptés sur les consoles concurrentes dont la ludothèque accorde peu d'espace à la 2d.

Twipol : Je pense que la première étape qui m'a fait me pencher sur les anciens jeux, c'est d'avoir vécu en hard-core gamer l'âge d'or de la Playstation première du nom, que j'ai acquis en octobre 95 et possède toujours. Ca peut surprendre, mais la raison est simple. N'en déplaise à certains, cette machine s'est rapidement mise à accumuler les excellents jeux à un rythme effreiné. Je jouais beaucoup à cette époque mais je n'ai jamais été un "geek" comme on dit par ici, et mes possibilités budgétaires n'étaient pas non plus infinies, je ne pouvais donc pas jouer à tout, et j'ai laissé passer pas mal de jeux imortants. Je ne devais pas être le seul dans ce cas, Sony ayant apparemment flairé le coup avec sa gamme Platinum, qui proposait des "anciens" hits à environ 150 francs. Et d'un seul coup m'est apparue l'idée que jouer à ancien jeu n'était pas forcément une perte de temps. En effet, l'habitude de lire la presse spécialisée a tendance à ne vous faire raisonner qu'en termes de nouveautés. Je me suis donc mis à jouer à d'excellents jeux un an, deux ans, voire trois ans après leur sortie sans me sentir frustré de ne pas être au fait de l'actualité de la PS, ce qui paraît tout bête avec le recul, mais qui n'était pas une évidence jusque là. Dans le désordre, Final Fantasy VII, L'Odyssée et l'Exode d'Abe, Rayman, Tomb Raider 1 puis 2, Resident Evil (les 3), Tenchu ou Bushido Blade font partie des perles que j'ai découvertes au moins un an après leur sortie pour maximum 150 francs pièce (moins la somme de ce que je revendais à chaque fois). Il m'est même arrivé de racheter Soul Blade, que je ne possédais plus, bien après sa sortie, parce que j'avais vraiment envie d'y rejouer. Voilà, ce n'était pas encore vraiment du retro-gaming, mais c'est probablement par là que j'y suis venu, puisque ça m'a fait accepter l'idée qu'un jeu existait encore après un an d'existence ! Mine de rien, je m'y suis attaché à ma vieille Play. C'est un peu devenu l'objet culte d'une génération d'étudiants que je vais très bientôt quitter. Toute une époque qui s'achève déjà trop vite pour moi. La vieille Play, cette bougresse qu'on retourne dans tous les sens (euh...) pour la faire fonctionner correctemment. Cette vieille coque grise adossée à un flanc de la petite télé d'une étroite chambre d'étudiant enfumée, le bruit de fond d'une partie d'ISS Pro ou d'un jeu de baston, comme une discrète musique d'ambiance qui accompagne les discussions environnantes... L'odeur de la pizza qui cuit (dans le four que le règlement intérieur interdit, mais que tout le monde a), une copine qui passe, se moque tendrement des gaillards faisant mumuse avant de s'essayer, hilare, au maniment d'un personnage de Tekken... Les jeux, cartes mémoires, manettes, câbles péritel voire parfois consoles elles-mêmes qui circulaient sans qu'on ne se préoccupe plus vraiment de quoi appartenait à qui... La vieille Play à l'envers qui nous dépannait avec ses sorties RCA quand la platine CD de la chaîne rendait l'âme. D'ailleurs, chez moi, ça marche encore comme ainsi, ça fait trois ans que je dois réparer ma chaîne, mais finalement c'est bien comme ça. Et je crois bien que la prochaine fois qu'un bout de pizza tombera dessus, je le laisserai. Et pour tout ça, ça m'exaspère, cette tendance hype genre "je suis un puriste, un vrai gamer" qui tend à descendre cette machine en flamme parce qu'elle a été populaire et fabriquée par Sony. Bref (c'était la séquence émotion), je garde précieusement cette bonne vieille coque grise, tout comme mes WipEout, et au moins un ISS Pro.

L’expérience prouve aussi qu’il existe des retro-gamers passéistes dont la vision est assez restrictive, ne s’intéressant qu’à la période précédant la montée en puissance commerciale de la NES et le "vidéo game crash" (1984-85). Les américains désignent cette branche du retro-gaming par le terme de « classic-gaming », et en sont les plus fervents adeptes, ce qui est logique puisque la période qu'il couvre est celle où leur pays régnait sur les jeux vidéo, les Japonais n'étant encore que sur le point de prendre le train en marche. Il existe des sites web américains très importants, qui attirent des milliers de visiteurs quotidiemment et font un travail journalistique professionnel, mais sur le net francophone l’expérience prouve que ce genre de site n’obtient qu’un succès limité, les retro-gamers français étant plus volontiers attirés par la période 85 - 95.

CHAZumaru : Je joue aux jeux d'à peu près toutes les époques jusqu'à la première (en remontant dans le passé) qui me fut vraiment contemporaine, c'est à dire ST / Amiga / Dos / MSX / consoles jap 8-bit. Les jeux plus vieux que cela j'avoue n'y jouer que par curiosité, quand je ne connais pas un titre. La plupart ont de toutes façons été refaits ou repompés sur les machines de "ma" période. Le premier jeu auquel j'ai joué (dont je ne me souviens ni du nom ni de la machine, juste de l'expérience) était un jeu en 8 couleurs avec cassette se chargeant pendant des plombes. C'est cela qui me permet je penpense de relativiser quand je découvre aujourd'hui un jeu Master System et que je dois composer avec ses graphismes ou sa maniabilité, jeu que la génération "actuelle" peut moins facilement appréhender (et je la comprend).

Il existe toute de même des classic-gamers bien de chez nous, des gens qui ont souvent démarré sur des Pong-clones et des consoles comme la VCS et l'Intellivision et n'ont pas oublié de quelle manière ces machines ont fait découvrir les jeux vidéo aux Européens, avant de céder la place aux micro-ordinateurs 8-bits et l'explosion créative qu'ils ont permise. Ces années (82 - 86) ou le jeu vidéo s'épanouissait sur des machines comme le C64, le Spectrum, l'Oric, le MSX ou l'Amstrad CPC ne marquent pas seulement l'avènement de la micro-informatique familiale. C'est aussi (et avant tout, diront certains retro-gamers) l'époque où les jeux vidéo se sont affranchis de certaines limites, sont devenus plus ambitieux, riches et imaginatifs. Une période charnière qui précède de peu la main-mise progressive des créateurs japonais sur bon nombre de genres vidéo-ludiques, et qui constitue les fondations de tout (ou presque) ce qui s'est bâti par la suite. Hélas, bien des noms prestigieux de l'époque sont aujourd'hui tombés en désuétude, incapables de trouver une place dans la production moderne. Les Raffaele Cecco, Bitmap Brothers, Steve Bak, Pete Lyon, David Whittaker et autres Rémi Herbulot ont pour la plupart laissé tomber les jeux vidéo ou végètent dans des projets sans envergure.

Atari Frog : Bien qu'ayant possédé (ou possédant encore) quelques machines plus modernes, c'est vraiment l'ère des premières consoles (VCS, Coleco, IntelliVision..) et des ordinateurs 8-bits (Atari, C64, Apple, Spectrum, MSX...) qui m'attire, avec toujours en toile de fond ce sentiment de faire partie d'une certaine histoire. C'est à cette période que tout a véritablement commencé et ça marque à vie, même si, en parallèle, je me suis aussi régalé pendant des années sur Game Boy ou Megadrive par exemple. En conclusion, disons donc que je consacre 90% de ma pause retrogaming à ce qui se situe avant 1985... Ensuite, il y a quelques coups de coeur sur d'assez nombreuses machines (dont le PC) mais c'est surtout le temps qui me manque pour me plonger dans des jeux plus complexes. Le retrogaming, selon moi, commence aux origines grand public du jeu vidéo, donc avec la VCS et l'Apple ][. Par contre, il ne peut pas aller plus loin que la fin de l'ère des 16-bits (ordinateurs et consoles). J'ai même parfois du mal à me dire que la SNES est rétro (elle, une gamine de douze ans...) alors que l'Atari 800 a été conçu il y a vingt-cinq ans !

Tout cela nous prouve que la notion de rétro, en matière de jeu vidéo, peut couvrir des époques différentes et revêtir plusieurs aspects bien distincts, qui peuvent être parfois difficiles à concilier. En réalité, la tendance au passéisme qui caractérise certains retro-gamers est surtout provoqué par leur passion, leur joie ou leur désarroi face à certains des évènements qui ont fait l'histoire récente des jeux vidéo.

Yoshi : Le retro-gaming, ce n'est pas un besoin de vieux jeux mais un besoin de jeux tout court. Je ne peux pas ne pas jouer à des jeux récents. Les "vieux" jeux et les jeux récents sont indissociables. Le jeu d'aujourd'hui est le retro-gaming de demain.

Le collectionneur

Seb a bien du mal à tout montrer en une seule photo

La majeure partie des retro-gamers joue aux jeux rétro, sérieusement, passionnément, et ne se contente pas d’en parler ou d’y repenser avec plaisir. Néanmoins, on en rencontre qui occupent l’essentiel du temps consacré à leur passion par la fréquentation assidue des brocantes, vide greniers, marchés aux puces, voire même des boutiques de troc. Les sites de ventes aux enchères de particulier à particulier font partie de leur tour d’horizon quotidien sur le web, et le retro-gaming, en plus d’être une passion, est aussi pour eux un budget à gérer, parfois tant bien que mal (sans parler des problèmes d’encombrement qui peuvent être un sérieux frein).

Atari Frog : Ma collectionnite se pratiquant sur un seul système (ordinateurs Atari 8-bits), le décompte des programmes originaux est assez vite fait : environ 200 cartouches et quelque 500 cassettes et disquettes (mais je ne joue régulièrement qu'à une trentaine de ces titres, pas plus). Après, il y a les centaines de jeux copiés et "images" de disquettes. Pour le reste, j'ai une Atari 7800 qui me sert surtout à jouer à la dizaine de cartouches VCS que je possède et un C64 (des tonnes de disquettes mais aucun original). Malheureusement, plus aucune console 16-bits, seulement une PS2 et une Dreamcast. Je n'ai aucun "full set", me contentant de télécharger ce qui me plaît ou ce que j'ai envie de découvrir et je fais le tri après coup... Au niveau des dépenses retrogaming, j'ai eu des périodes assez folles. Aujourd'hui, surtout à cause de ma situation
financière plus précaire, ça ne dépasse jamais €50 par mois. J'ai tendance à me concentrer un peu plus sur la collection de certains magazines à l'heure actuelle. Mes fournisseurs de came(lote) ? EBay, des contacts ou des revendeurs spécialisés.

Gamerphil : Concernant le matériel et les jeux auxquels je joue, comme je l'ai dit, je n'ai malheureusement pas les moyens de collectionner tout ce que je voudrais. Pour autant, je possède tout de même 16 machines en tout (dont quatre récentes) et environ 250 jeux originaux, que je garderai toujours, et auxquels je joue encore. Je possède plus de jeux sur émulateur, c'est logique. J'en utilise cinq, mais je possède dans les 4000 ROMs... Je sais c'est pas bien !

Ces retro-gamers collectionneurs ont en commun une fascination pour le jeu rétro en tant qu’objet. Bien sûr, ils jouent aussi, même si souvent le nombre de jeux acquis leur rend impossible l’exploration exhaustive de tous, mais rien ne leur procure autant de plaisir que de voir la partie de leur domicile qu’ils consacrent à leur passion toujours plus remplie et colorée.

Une partie de la collection de vovo
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