Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par MTF (06 octobre 2014)
On a souvent tendance à associer la famille des 32-bits, et notamment la Playstation, à l'arrivée massive des jeux en trois dimensions dans nos foyers. S'il est vrai que des jeux de tous bords, les Croc, les Spyro, les Crash Bandicoot pour rester sur la plateforme, ou encore les Battle Arena Toshinden, les Final Fantasy VII et consorts pour le reste étaient régulièrement sur le devant de la scène, l'on oublie trop souvent que ce fut également l'occasion pour la deux dimensions de reprendre du poil de la bête. Le nouveau support CD-Rom permettait d'emmagasiner un grand nombre d'informations et les jeux, progressivement, d'en tirer parti, à l'instar des sprites tout en nuance d'Abe's Oddysee ou de la pâte à modeler de Skullmonkeys, sans même parler des dessins animés (presque) interactifs de Broken Sword, de Discworld ou de Rayman... Aussi, plutôt qu'une « mort » de l'esprit d'auparavant, il convient de parler alors, pour cette deuxième moitié des années 1990, de « renaissance ». Heart of Darkness, de là, représente peut-être à lui seul non seulement les nombreuses qualités, mais également les nombreux défauts de cette approche, que d'aucuns diront « datée », du jeu vidéo. Suivez-moi alors, mais n'oubliez pas de prendre une lampe-torche... Ça peut servir. On n'y voit rien...Tous les enfants, moi le premier, ont eu peur du noir. Dans le cas d'Andy, notre héros, cela est cependant bien compréhensible : son odieux professeur prend un malin plaisir à enfermer dans une sorte de soute sombre les bavards dont il fait, hélas, partie. Mais ce jour-là, Andy est « sauvé par le gong » : et il profite alors de sa victoire et du beau temps avec son chien Whiskey. Une éclipse étrange obscurcit cependant rapidement le soleil et une porte menant vers une autre dimension s'ouvre : des monstres en profitent alors pour fondre sur le toutou et l'embarquent avec eux. Avant de parler plus en détail du jeu, de sa fort longue production et de son gameplay, j'aimerais m'appesantir d'abord sur son univers. À l'époque, lorsque le jeu fut pour la première fois montré au CES 1994 (soit lors de la dernière organisation de ce genre avant la naissance de l'E3, en 1995), les magazines disaient que Steven Spielberg, intrigué et aimant les images qu'il voyait, s'était proposé d'en réaliser une adaptation filmique. Si je n'ai su retrouver l'origine de ces rumeurs, et s'il s'agit sans doute aucun de propos déformés, elles témoignent cependant de la filiation de l'univers du jeu avec certains films des années 1980, E.T. et Les Goonies en premier lieu. On retrouve là, notamment, cet univers très américanisé à base de jeunes en casquette de base-ball, de cabanes dans les arbres, de mécanismes et d'objets bricolés avec ce que l'on trouve, d'aventures qui se dissimulent dans le parc municipal ou au coin de la rue. Il ne manquerait peut-être à Andy qu'un BMX pour compléter le tableau : mais l'introduction seule du jeu permet de tracer un parallèle évident entre ces œuvres. Où est l'interrupteur ?Sept ans séparent donc Another World de Heart of Darkness, et comme d'autres jeux avant ou après lui, il fut l'une des arlésiennes du jeu vidéo. Effectivement, et après l'immense succès du premier jeu d'Éric Chahi, sa nouvelle compagnie Amazing Studio se mit alors au travail. Je passerai fort volontiers sur les nombreux problèmes techniques ayant émaillé le développement du jeu, d'une part car je n'y comprends pas grand chose, d'autre part car on n'aura peine à les retrouver dans les ouvrages consacrés, et je ne retiendrai que l'essentiel et, notamment, qu'une douzaine de personnes seulement travaillèrent sur le jeu. Inutile de dire que cela fait incroyablement peu, surtout lorsqu'on se replace au moment de sa sortie : si, de nos jours, les productions indépendantes n'emploient qu'un petit groupe de passionnés, ce n'était pas encore le cas à l'époque et il fallait souvent compter vingt, trente voire quarante personnes au minimum pour mener un projet à bien. À l'inverse, il est tout aussi possible d'arguer que pour une équipe de douze personnes, le travail effectué est exceptionnel : il y a, en réalité, plusieurs couches de génie et de dessin qu'il nous faut explorer. De prime abord, le jeu se présente, je l'ai déjà dit et vous le voyez sur ces captures d'écran, comme un jeu de plateformes/action en deux dimensions et à déroulement par écran, à la Another World ou à la Prince of Persia. Contrairement à ces derniers, la technique utilisée pour les personnages et les éléments mouvants ne fut pas la rotoscopie, mais le sprite, seul et uniquement : aussi, tout a été patiemment fait à la main, une étape d'animation après l'autre. L'on dit que pour le seul personnage d'Andy, c'est plus de 2000 sprites distincts qui ont été réalisés : à voir la souplesse et la variété de ses mouvements, sans même compter toutes ses morts et ses nombreuses mimiques, je pense qu'on n'est pas loin du compte. Le vice, apparemment et de ce que l'on sait, a même été poussé, dans les derniers mois de production et alors que les développeurs étaient contents du rendu, jusqu'à rajouter des animations supplémentaires, « pour s'amuser ». Après tout, vous connaissez le dicton : « la perfection est atteinte non quand il n'est plus rien à ajouter, mais bien quand il n'est plus rien à enlever ». Occasionnellement par ailleurs, la trois dimensions est mise à profit non pas directement pour les cinématiques - celles-ci, assez nombreuses, sont peut-être le point faible du jeu tant elles ont mal vieilli et font penser aux premières heures de la 3D à la Reboot, pour ceux qui s'en rappellent - mais bien pour insérer, ci et là, des événements divers, des arrière-plans dynamiques, des effets d'eau ou de lumière impossibles à réaliser par ailleurs. Par exemple, chaque écran du jeu possède sa propre source lumineuse qui vient agir en temps réel sur les sprites et les colore d'une façon unique : inutile de dire que sans le secours de la technique, il aurait fallu bien volontiers doubler le temps de production pour arriver au même résultat. Ouïe ! L'andouille a mis son doigt dans mon œil !Si je m'attarde très volontiers sur les aspects techniques du jeu, c'est qu'ils ont sans doute, à l'instar de Rayman, contribué à en faire un succès : mais science sans conscience n'est que ruine de l'âme, et graphismes sans gameplay ne font qu'un jeu creux. Fort heureusement pour nous, Heart of Darkness n'oublie pas de se jouer même s'il faudra bien de l'abnégation pour en faire ce qu'on en veut. C'est peut-être une fois la manette en main que la ressemblance avec Another World se fait la plus patente. De la même façon que Lester, Andy saute lourdement et retombe vite au sol, et il ne bondit guère loin : contrairement à un Mario ou à tout autre héros du média, l'on ne saurait que trop se rappeler qu'il n'est là qu'un enfant, et que même Carl Lewis ne saurait enchaîner les sauts de trois mètres sans s'essouffler rapidement. Aussi, il convient tout d'abord de s'habituer tout en douceur à la maniabilité du personnage, fort lourde : même si Abe était déjà moins leste que nos héros habituels, Andy fait sans doute figure à ses côtés de héraut de la gravité et de la pesanteur. Globalement cependant, il convient de comprendre qu'Andy, encore une fois tout comme Lester et contrairement à Abe, n'est pas un athlète. Oubliez immédiatement les courses folles, les sauts multipliés, les roulades épiques : un niveau de Heart of Darkness se traverse entre le piano et l'allegro et impose son rythme plus que vous ne le lui imposerez. Chaque écran sera dédié à un obstacle ou à une énigme qui nécessitera, dans tous les cas, la bonne combinaison de sauts et un placement aux petits oignons : un peu plus sur la gauche, et vous n'aurez pas le temps d'éviter les projectiles, un peu trop sur la droite et cet ennemi qui surgit toujours au même moment vous dévorera instantanément. Il s'agit là réellement, et univoquement, de die & retry, du plus pur qui puisse être : mais contrairement à certains qui cachent en fait, derrière ce terme et à l'instar des I Wanna Be The Guy, des obstacles que l'on ne saurait outrepasser la fois première tant on ne peut deviner leur existence, Heart of Darkness, s'il n'est pas totalement exempt de ce piège, préfère plutôt vous présenter d'office tous les éléments au moment où vous découvrez un écran mais exige de répéter jusqu'à sa réussite un schéma précis, un pattern qu'il faut découvrir progressivement, douloureusement, échec après échec, mort après mort. Ici, c'est un caillou ou une pierre qu'il fallait déplacer pour ralentir l'arrivée de tel ou tel ennemi ; là, c'est se positionner précisément au centre de l'écran pour avoir le temps de détruire les hordes d'ombres qui nous foncent dessus ; ailleurs encore, c'est passer tout d'abord par la voie du haut pour débloquer le chemin et revenir ensuite, sous peine d'être bloqué plus loin, et ainsi de suite. Je vois la lumière !Le jeu fut pourtant une réussite commerciale certaine pour Interplay, qui l'édita, et bien évidemment le nom d'Éric Chahi est encore pour beaucoup dans l'aura qu'il peut avoir. À le refaire aujourd'hui, et nonobstant quelques éléments qui trahissent son âge (dont les cinématiques, et sa faible résolution qui fait quémander un remake en haute définition) et à condition, bien entendu, d'accepter son principe premier, je m'aperçois volontiers qu'Heart of Darkness, contrairement à ce que je croyais, a remarquablement bien vieilli. Il n'a aucun temps mort, il est aussi retors que dans mes souvenirs : et s'il ne fait aucune concession, il sait pourtant récompenser les efforts du joueur. Annexe : visite guidée des DarklandsIl n'y a, peu ou prou, que sept grands niveaux dans Heart of Darkness. Cependant, et comme on y meurt souvent, le jeu paraît dix fois plus long ! Voici, sans en dire trop bien sûr, quelques images de ce qui vous attend. Le CanyonLe début de l'aventure. Andy perdra rapidement son fusil-laser et devra alors fuir autant qu'il le pourra. Un genre de tutoriel, déjà musclé certes, mais fort facile en comparaison de la suite. Les MarécagesL'un de mes niveaux favoris, pour son ambiance particulière et l'inventivité de ses énigmes. Andy y fera la connaissance des Amigos, des êtres volants et étranges. Le Lac magiqueAu fond du lac, Andy trouve une pierre lui permettant de lancer des rayons d'énergie aux nombreux effets. J'ai longtemps été bloqué dans ce monde, très difficile selon moi. L'Île volanteLe village des Amigos est attaqué ! Vite, à Andy de les secourir ! La Rivière de feuAfin de récupérer la pierre magique et sauver les Amigos, il faut à Andy passer par un volcan en furie. Les CavernesLe Seigneur brise la pierre, mais Andy récupère son fusil laser et son toutou ! La fin du jeu est proche... L'Antre des ténèbresAfin de tuer le Seigneur, il faut à Andy récupérer les morceaux épars de la Pierre Magique au travers de son antre. Il s'agit du seul niveau non-linéaire du jeu. Le Cœur des ténèbresEnfin, le Seigneur des Ténèbres est là... Mais vous devrez l'affronter sur son terrain. Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (38 réactions) |