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Flight Simulator II
Année : 1983
Système : Amiga, Apple II, Atari 8-bits, Atari ST, C64, MSX, DOS
Développeur : SubLOGIC
Éditeur : SubLOGIC puis Microsoft
Genre : Simulation
Par JPB (24 septembre 2020)

En 1986, j'étais au lycée DAUMIER de Marseille. J'étais en classe de seconde indéterminée, pour ceux qui ne savent pas encore quoi faire dans le monde du travail, et du coup j'avais des cours de dactylo, de gestion et de programmation sur des ordinateurs GOUPIL. Ces machines n'avaient rien de glamour : rouges, avec une coque en ferraille, on y faisait des petits programmes en BASIC pour nous faire découvrir l'informatique. Mais je connaissais un peu : avec mon Adam je programmais déjà, et du coup je finissais rapidement les exercices que je trouvais très faciles. Alors, en attendant la fin de l'heure de cours et pour que je n'aille pas faire le fou dans les couloirs, le prof me laissait m'installer sur le seul PC, tout au fond de la salle, avec son écran monochrome jaune... et je jouais à FS1 Flight Simulator pendant que les autres finissaient leur programme ! Au départ de l'aéroport Merril C. Meigs Field de Chicago, je m'élançais dans le ciel et je m'entraînais à passer entre les deux antennes du John Hancock Center. Ensuite je contournais la Sears Tower, puis je finissais mon petit périple en atterrissant tranquillement à mon point de départ... Le rêve !

Simulateur un jour, simulateur toujours

Bruce Artwick et Stu Moment se sont rencontrés en 1970 à l'université de l'Illinois (Bruce Artwick y étudie l’informatique et l’électronique, Stu Moment y fait ses études d’aviateur au sein de l’institut d’aviation). L'aviation tient une place prépondérante pour les deux hommes, Bruce Artwick écrit d'ailleurs une thèse sur un projet de simulateur de vol en temps réel sur un ordinateur central PDP-11. Ils décident de fonder SubLOGIC en 1977 ; après avoir travaillé sur des machines "confidentielles", ils se tournent vers l'Apple II et le Tandy TRS-80 en 1978. Leur premier simulateur de vol est FS1 Flight Simulator, qui sort sur ces deux machines fin 1979 / début 1980.

SubLOGIC continue ensuite à développer le produit pour d'autres plateformes. En 1982, ils accordent une licence de développement à Microsoft pour l'IBM PC, commercialisée sous le nom de Microsoft Flight Simulator 1.00. Une version améliorée, appelée Flight Simulator II, est ensuite portée sur Apple II en 1983, sur Commodore 64, MSX et Atari 800 en 1984, et sur Commodore Amiga et Atari ST en 1986.

La boîte du jeu. Merci au site Mobygames !
Cliquez sur une image pour une version plus grande.

En 1988, Bruce Artwick quitte SubLOGIC avec la licence de Flight Simulator pour fonder la Bruce Artwick Organisation, dans le but de travailler directement pour Microsoft. Le premier simulateur qui sort sous cette nouvelle collaboration est Microsoft Flight Simulator 3.0, la même année. Ensuite, les versions se succèdent, en gros une tous les deux ou trois ans ; chacune apporte son lot d'innovations, tant graphiques qu'environnementales ou physiques (dans les dernières sont gérés la météo en temps réel et le trafic aérien). Pour info, Microsoft rachète la Bruce Artwick Organisation en 1995.

Vous trouverez des infos plus complètes sur la série à cette adresse.

On peut noter en petite parenthèse qu'un autre simulateur de vol fut développé par SubLOGIC : Jet, sorti entre 1985 et 1989 sur PC, Apple II, Commodore 64, Commodore Amiga, Atari ST et Macintosh. C'est un logiciel intéressant, bénéficiant des scenery disks de Flight Simulator, mais à mon sens moins simulateur dès le départ que son grand frère et à la réalisation moins impressionnante. Je dirais que sur Amiga par exemple, il fut vite détrôné par F/A-18 Interceptor, encore plus arcade mais tout de même plus accrocheur.

"Décoller, oui, atterrir, non !" (Indiana Jones)

Mon premier contact avec la série des Flight Simulator, ce fut la lecture du dossier consacré à Flight Simulator II, version C64 dans le Tilt n°16, en octobre 1984. J'avais lu et relu les 4 pages écrites par Jacques HARBONN en me disant qu'il fallait absolument qu'un jour, je puisse l'essayer.

Le test dans Tilt. J'étais accro même sans avoir pu y jouer !
Cliquez sur une image pour une version plus grande.

Quand j'ai découvert la version du PC du lycée, j'ai immédiatement retrouvé ce que j'avais lu quelques années plus tôt, même si ce n'était pas exactement la même version. C'était fantastique, enfin je mettais la main sur ce simulateur ! Le fait qu'il soit monochrome ne gênait pas vraiment, même si c'était moins impressionnant visuellement que les captures du Tilt, au moins je jouais ! Évidemment, avant d'arriver à faire mon petit circuit décrit plus haut, j'en ai bavé : déjà, découvrir les touches ; ensuite, arriver à contrôler l'appareil... J'ai mis plusieurs séances avant d'arriver à faire quelque chose de correct !
Lorsque j'ai acheté mon Atari 520 STF l'année suivante, le dernier modèle d'expo qu'il restait à la FNAC avec son lecteur de disquettes simple face (hé oui : rupture de stock des Atari ST ce Noël 1987), le seul jeu que j'ai pris avec était Flight Simulator II de SubLOGIC.

Décollage de raison

Flight Simulator II propose le pilotage de deux avions civils modernes, haut-de-gamme en 1987 : le Cessna Turbo Skylane RG II et le Gates Learjet 25G. Le premier est un monomoteur à hélice, le second est un jet d'affaires à deux réacteurs. Même si la physique de vol est la même pour les deux, le jet permet de traverser de bien plus grandes distances grâce à sa vitesse et son réservoir. Du coup, si au début je découvre le pilotage grâce au Cessna, je finis vite par préférer le Learjet pour mes trajets. Ci-dessous, des photos cliquables pour plus de détails.

Le Cessna. Merci au site Thabet Aeroplus !
Le Learjet. Merci au site Jetphotos.com !

Je vais juste rappeler les bases de l'aviation, qui sont indispensables pour piloter dans Flight Simulator II.

Vous serez d'accord avec moi, un avion immobile ne vole pas ; je dirais même qu'un avion immobile, posé sur l'eau sans flotteurs, coule. Heureusement, la particularité d'un avion pour qu'on ne le confonde pas avec un sous-marin, c'est qu'il n'a pas de périscope ; mais en contrepartie, il a des ailes.

Leur forme est spécifiquement dessinée pour permettre à l'avion de voler, grâce au dessus plus bombé que le dessous : ainsi l'air passe plus vite sous l'aile (petite surpression) que dessus (grande dépression), et cela génère ce qu'on appelle la portance, qui fait tout simplement que l'aile s'élève dès que l'air qu'elle rencontre dépasse une certaine vitesse. Par conséquent, l'avion étant attaché aux ailes, il s'élève également dès que la vitesse de l'air est suffisante pour que la portance soit plus importante que son poids.
C'est le principe inverse des ailerons et du fond d'une Formule 1, qui la plaquent littéralement sur la piste : des ingénieurs expliquaient qu'une F1 pourrait rouler au plafond sans souci à condition d'avoir pris assez de vitesse, tellement les forces de surpression sur les ailerons et de dépression sous la caisse sont fortes. Mais revenons à nos moutons.

Donc pour qu'un avion vole, il faut que de l'air passe rapidement autour des ailes pour générer cette portance. Et pour cela, il n'y a pas trente-six solutions. Soit un énorme ventilateur en face de l'avion projette de l'air directement sur lui, et l'avion s'envole verticalement ; mais vous avouerez que pour aller d'un point A à un point B situé plus loin, ce n'est pas l'idéal. Soit l'avion doit avancer pour générer le flux d'air nécessaire à la portance, donc il lui faut un moyen de propulsion assez puissant pour arriver à tirer / pousser l'avion et son poids. Cependant, le fait d'avancer dans l'air génère un phénomène appelée traînée qui s'oppose à la traction / poussée du moteur et freine l'appareil. Voici comment les quatre forces agissent sur l'avion :

Au décollage, il faut donc lancer le moteur à fond pour obtenir une grande portance (on s'aide des volets en général).
Une fois à une altitude suffisamment haute, on referme les volets et on diminue la puissance du moteur, et de cette façon on réduit progressivement la portance pour arriver au final au vol en palier : les quatre forces s'annulent deux à deux. Chaque avion a son propre vol en palier défini par son poids, son Cx, etc. Les conditions météo, notamment le vent, ont également leur rôle à jouer lors du vol et peuvent modifier énormément les paramètres standard.
Pour atterrir, on vise la piste en se mettant dans l'axe plusieurs kilomètres à l'avance, on réduit la vitesse pour ne pas arriver comme un obus, on augmente la portance grâce aux volets, et on joue délicatement avec l'altitude et le moteur pour ne pas voler trop lentement (sinon on décroche et c'est le drame).

Il y a donc deux choses qu'il ne faut JAMAIS oublier : la vitesse à ne pas dépasser, sinon la stucture de l'avion risque de ne pas supporter les forces qui s'exercent sur elle, et l'avion peut se disloquer ; et la vitesse de décrochage, à laquelle la portance est brutalement coupée à cause de turbulences qui se forment autour de l'aile (enfin c'est un peu plus compliqué que ça mais je résume). Chaque avion a ses propres vitesses à connaître.

Dernier point : un avion se pilote sur trois axes :
- axe de tangage : géré par la gouverne de profondeur, en principe à l'arrière de part et d'autre de la dérive. On plonge en poussant le manche, on s'élève en le tirant vers soi. L'exemple le plus courant du tangage, c'est le looping où on tire le manche jusqu'à faire une boucle et revenir à son point de départ (attention, prévoir une altitude largement suffisante).
- axe de roulis : géré par les ailerons, de chaque côté de l'aile. On utilise les déplacements droite/gauche du manche (en fonction des modèles, soit on incline le manche, soit on le tourne comme un volant de voiture, ce qui est le cas des deux appareils du jeu).
- axe de lacet : géré par la gouverne de direction, située sur l'empennage vertical, à l'arrière de la dérive. On l'actionne avec le palonnier, deux pédales placées sous le tableau de bord. L'action du lacet est le même déplacement qu'en voiture lorsqu'on tourne à droite ou à gauche.
Chacun des mouvements d'un axe a bien évidemment des incidences sur les deux autres.

Je vous conseille de lire ces quelques pages si vous voulez approfondir ces notions. Mais je serai déjà content si vous avez réussi à ne pas confondre un avion et un sous-marin. ;)

Un avion dans ma chambre !

Premier contact avec le jeu : dans la grosse boîte, autant il n'y a qu'une disquette 3"1/2, autant la doc est imposante ! Et puis, il y a des cartes fournies avec... Elles montrent quelques zones aux États-Unis, avec leurs aéroports : Chicago, New-York, Seattle, San Francisco et Los Angeles... Je ne comprends pas trop ce qu'elles indiquent, visiblement on voit l'orientation des pistes, mais les autres chiffres ne me disent rien. Bah, on verra ça plus tard, j'ai trop hâte de lancer le jeu. La carte de référence est complexe, il y a de nombreuses touches pour pouvoir espérer piloter correctement, mais heureusement elles sont plus ou moins identiques à celles que j'avais réussi à associer sur PC ; c'est quand même plus clair avec cette fiche sous les yeux ! Avec tout ça, je devrais arriver à me débrouiller, après tout je l'ai déjà fait... Je mets la disquette, je lance le jeu, écran noir et crachotements du lecteur de disquettes...

Et puis tout à coup je me retrouve en face d'un tableau de bord très complet, identique à celui que j'avais lu dans Tilt et expérimenté sur la version PC du lycée... Mais au-dessus, je vois un ciel bleu clair, si je regarde de côté l'herbe est verte, et croyez-moi ça fait une sacrée différence avec juste du noir et jaune. Juste après je constate que je ne vois pas en face de moi, dans le lointain, le John Hancock Center que je connaissais... J'en déduis que je ne suis pas à Chicago, mais où ? Visiblement il y a une différence entre la version 1.0 et la II, je me demande si je vais en trouver d'autres. Côté sonore, le moteur tourne au ralenti et n'attend plus que moi pour se déchaîner.

Sur la piste 27/9 R d'Oakland, par défaut au démarrage du jeu sur les versions Atari ST / Amiga.

Je lance les gaz à fond, je mets les volets au premier cran (10°). L'avion commence à rouler, accélère, puis s'élève doucement. Je rentre le train et les volets, je continue un peu à prendre de l'altitude, et je regarde autour de moi. Je passe au-dessus du Bay Bridge, et je me dirige vers le Golden Gate au loin. Sur le chemin je vois San Francisco sur la gauche, et Alcatraz au milieu de l'eau à droite... et puis finalement, j'arrive perpendiculairement au Golden Gate, et j'essaie de passer dessous, parce que bon, quoi.
[MODE SOUS-MARIN ON]
Plouf.
[MODE SOUS-MARIN OFF]

Vue de San Francisco depuis la vitre de gauche.
Alcatraz, "le Rocher".

Changement d'ambiance : il existe des situations pré-enregistrées, comme la Statue de la Liberté à New-York, Marina del Rey à Los Angeles, ou Chicago Meigs. Je lance celle-ci : enfin je retrouve mes marques, c'est bien de là que je décollais au lycée. Allez, je vais voir si j'arrive à réitérer mes exploits... Je décolle, je file droit sur le John Hancock Center et je vise l'espace entre les deux antennes... Ça passe, j'entame un demi-tour et je regarde le paysage... Tout est comme dans mon souvenir, en plus coloré.

Au départ de l'aéroport Merril C. Meigs
à Chicago.
Vers le John Hancock Center,
avec la Sears Tower à gauche.

Quelques jours plus tard, après avoir commencé à bien potasser la documentation du jeu, je trouve étonnant qu'une carte fournie soit celle de Seattle, alors qu'il n'y a pas de sélection pré-enregistrée. Alors, je regarde les infos sur la carte pour tenter de placer mon avion sur la piste de l'aéroport, et je valide les coordonnées : bon, c'est pas exactement le bout de la piste mais je suis au bon endroit : la zone a bien été chargée. Je prends le jet, je décolle, et en faisant un petit demi-tour au bout de quelques kilomètres je peux survoler la fameuse Space Needle, mais je n'arrive pas à voir s'il y a une Manticore assise dessus.
Autre fonction, le balayage ("slew") permet d'utiliser la souris pour se déplacer à grande vitesse et rejoindre un point précis. On a donc plusieurs manières d'aller quelque part, et de plus dans Flight Simulator II on peut enregistrer à tout moment sa position et la recharger plus tard.

À Seattle, je survole la Space Needle
et je vois le Mont Rainier au loin.
Survol des champs de maïs du côté de Chicago,
je me dirige vers la balise Dwight (ADF 344).

Le commandant est heureux de vous accueillir à bord.

Les possibilités de Flight Simulator II sont immenses. On gère le passage de l'heure, avec cycle aube/jour/crépuscule/nuit, mais aussi les saisons (juste pour changer l'heure où la nuit tombe, ça n'affecte pas les couleurs du sol), et surtout on peut changer la météo. On peut ajouter deux niveaux de nuages avec altitudes mini et maxi pour chacun : quand on vole dedans tout est blanc, pas la moindre visibilité. On peut aussi ajouter du brouillard, qui part du sol jusqu'à une certaine hauteur.

Bien entendu, ce ne serait pas amusant s'il n'y avait pas moyen de gérer également les vents. Là aussi on a plusieurs niveaux (en surface et 3 zones plus hautes) avec pour chacun d'eux, paramétrage de l'altitude de début et de fin, direction et force du vent. Apprendre à piloter est déjà délicat sans vent, mais voler dans les nuages et tenter une approche sur une piste avec brouillard et fort vent latéral, juste en volant aux instruments (VOR/ILS), c'est franchement flippant !

La carte, qu'on peut réduire ou agrandir selon les envies.
On peut même masquer le tableau de bord.

Flight Simulator II propose de voler dans des "petites" zones par défaut, liées aux cinq cartes fournies dans le jeu - dont je parlais plus haut. On peut aussi tenter de plus grands voyages : en me servant des deux cartes des régions de San Francisco et Los Angeles, et en vérifiant l'orientation sur une vraie carte des États-Unis, j'avais réussi à faire le trajet depuis l'aéroport de Los Angeles INTL jusqu'à celui de San Francisco INTL avec le jet. Le vol a duré plus d'une heure, pendant laquelle les 4/5èmes du temps, j'avais juste du bleu à gauche et du vert à droite, vu que les scènes connues dans Flight Simulator II ne couvrent que les zones représentées par les cartes... Mais j'ai réussi à trouver ma destination et l'autopilotage m'a évité de me crasher en gardant un cap, une altitude et une vitesse constantes. J'étais quand même bien content d'arriver !
Sachant qu'on peut altérer le réalisme du jeu, et la fiabilité de l'avion... Pour ce vol, j'avais laissé les paramètres par défaut, soit un jet flambant neuf sans le moindre risque de panne. Un appareil à seulement 30% de fiabilité est un vrai désastre potentiel !

Le jeu propose aussi un combat dans un appareil de la 1ère Guerre Mondiale, mais bon, on pilote le Cessna.
On doit éliminer des appareils ennemis dans un décor fictif. C'est rigolo, mais anecdotique à mon sens.

Réalisation

Barre de menus en haut, multi-fenêtrages, fenêtres redimensionnables, utilisation de la souris à l'écran pour manipuler les cadrans ou piloter l'avion, les fonctionnalités du ST (et de l'Amiga) sont parfaitement associées au jeu. C'est un excellent travail, car après avoir appris comment gérer un instrument, son utilisation est réellement ergonomique. De plus les menus permettent d'accéder rapidement à des fonctionnalités du simulateur, on les utilise régulièrement. Vues internes, externe, depuis la tour de contrôle, on passe de l'une à l'autre très facilement.

Graphiquement, je rappelle tout d'abord qu'on est avec une résolution de 320x200 pixels. Malgré ça, le tableau de bord de Flight Simulator II est une merveille. Il est identique pour les deux appareils, et ressemble beaucoup à celui du Cessna ; mais avec la meilleure volonté du monde, je ne vois pas comment à l'époque on aurait pu faire pour reproduire celui du Learjet ! Les indicateurs indispensables sont cependant bien tous présents et permettent de piloter les deux avions sans souci, même si à cause du manque de place, on peut choisir de remplacer le VOR2 par l'ADF afin de pointer les balises non-directionnelles (voir certaines captures écran). Tout bouge en temps réel (normal me direz-vous, mais c'était du jamais vu) et il faut avoir l'œil sur tous les cadrans... C'est déjà impressionnant de devoir surveiller les contrôles de l'avion lors d'un vol par temps clair... mais plus encore de s'en remettre uniquement aux instruments en vol sans visibilité !

Et pour les décors ? C'est vrai que de nos jours, ils peuvent parfois sembler très pauvres - surtout si on vole en dehors des zones gérées par le logiciel. Mais pendant des années, les villes dans les simulateurs étaient représentées de la même manière, avec juste quelques lignes verticales représentant les buildings les plus importants vus de loin, lignes remplacées par des modèles plus détaillés une fois à proximité. C'est vrai qu'avec la meilleure volonté du monde, on n'arrive pas à voir la densité des immeubles à Manhattan dans Flight Simulator II. Mais encore une fois, c'était du jamais vu sur un écran, et l'imagination permettait de combler les trous - on avait les repères importants, on imaginait tout ce qu'il y avait autour, et c'était très bien comme ça.
N'oubliez pas que Flight Simulator II n'est pas un jeu en pure 3D, cette technologie n'est pas encore arrivée à l'époque. Certains éléments du décor sont bien en trois dimensions, mais d'autres sont juste des blocs sans épaisseur, comme la Statue de la Liberté reconnaissable de face, et qui n'est qu'un mince trait de profil - pareil pour les montagnes sur la carte de combat aérien.

Les Tours Jumelles du World Trade Center... Souvenir de ces gratte-ciels emblématiques de New-York.
Derrière on distingue l'Empire State Building, et le rectangle vert dans le noir de Manhattan, c'est Central Park.

Côté animation, sur les 16/32 bits c'est par moments assez saccadé, comme d'habitude cela dépend du nombre d'éléments affichés à l'écran. En cas de manœuvre délicate, il est parfois difficile de corriger le cap ou l'inertie de l'appareil ; mais comme il s'agit d'un simulateur de vol civil, on peut supposer que les vols effectués devraient être assez calmes... Rien n'empêche de faire des figures acrobatiques mais ce n'est pas la vocation première du simulateur.

Les bruitages sont très réalistes - dans les capacités de la machine. Le bruit du moteur du Learjet est identique sur les deux 16/32 bits, une espèce de souffle bien fait mais qui n'a rien d'exceptionnel. En revanche, le moteur du Cessna est déjà plus agréable à l'oreille sur Atari ST, mais il est incroyable sur Amiga. On a vraiment l'impression d'avoir l'avion chez soi, la digitalisation du son est exceptionnelle. D'ailleurs je n'en ai pas cru mes oreilles la première fois que j'ai lancé le jeu sur mon Amiga, habitué que j'étais à la version ST ! En dehors des moteurs, pas grand chose, quelques bips pour les passages à proximité d'aéroports, le bruit du train qui touche le sol (même quand on se crashe), et pas de musique.

Et alors, qu'en est-il du réalisme, du gameplay ? Je dirais que c'est presque un sans-faute. Les réactions de l'avion, la gestion du monde, l'utilisation de l'avionique, c'est vraiment du grand art. D'ailleurs, la simulation était considérée comme tellement réussie qu'aux États-Unis, il était possible de convertir les heures de vol sur Flight Simulator II en heures réelles, pour pouvoir conserver sa licence de pilotage sans avoir besoin de payer fort cher l'heure de vol. Légende urbaine ? Je n'ai pas trouvé de textes "officiels" permettant d'en savoir plus, mais c'était un fait connu au moment de la sortie du jeu.
De nombreuses disquettes additionnelles (les Scenery Disks) sont sorties, couvrant de nombreuses zones supplémentaires aux États-Unis, mais aussi Hawaï, le Japon, ou l'Europe. Vous en saurez plus sur cette page.

Le Learjet devant la Statue de la Liberté, sous les nuages.

La seule chose qui n'est pas réussie, d'ailleurs des livres de l'époque le mentionnent, c'est une mauvaise gestion de l'altitude lorsque l'avion lève le nez à basse vitesse - et la gestion du décrochage. Dans Flight Simulator II, si le nez est au-dessus de l'horizon, alors l'appareil monte ; si la vitesse tombe trop bas, l'avion décroche, pique du nez et tombe. Mais il est impossible d'atterrir en perdant de l'altitude avec le nez de l'avion vers le haut, pour que le train principal touche le sol en premier - ce que font les avions en vrai, regardez un Airbus atterrir. Pour réussir un atterrisage dans ce jeu, il faut arriver à poser le train avant en premier sur le sol en étant pratiquement à l'horizontale (le jeu est tout de même assez permissif sur ce point) ; ou alors, lever le nez au maximum juste avant de toucher la piste pour décrocher et faire poser le train arrière en premier. Bref, ce n'est pas évident, mais avec l'habitude on finit par y arriver.
Ah oui, les appareils n'ont pas d'ombre. Pas pratique pour bien voir l'altitude surtout à l'atterrissage...

Si vous voulez essayer de retrouver l'ambiance et les sensations de ce qui était quand même le meilleur simulateur de vol de son époque, il vous reste l'émulation : Steem et WinUAE pour Atari ST et Amiga, ou alors plus simple : essayez ce lien pour tester plusieurs versions PC !

Conclusion

Flight Simulator II est sorti entre 1983 et 1986. Flight Simulator X date de 2006. Si on ne compte pas Microsoft Flight, cela faisait donc 14 ans qu'on n'avait pas eu droit à une nouvelle version de la série Flight Simulator. Il est vrai que la mode des simulateurs de vol était plutôt passée, les sorties de titres tels que X-Plane étant plutôt réservées à un public de passionnés. On avait eu des logiciels libres comme Flight Gear 2018, mais malgré la grande mobilisation de la communauté pour offrir des territoires à survoler et des appareils, je trouve qu'il manquait un petit quelque chose. Alors, la sortie du nouveau Microsoft Flight Simulator en 2020 a été attendue plus qu'impatiemment par les joueurs, et même s'il semble y avoir eu des engorgements pour le télécharger lors des premiers jours, et qu'il reste encore des soucis techniques (notamment d'installation), ceux qui l'utilisent semblent unanimes pour louer la grande qualité du travail fourni par Asobo (The Crew 2, A Plague Tale : Innocence). L'amélioration de la puissance des machines et par extension, le rendu désormais photo-réaliste des images via la récupération des photos satellites de Bing ont permis la réalisation d'un vrai petit bijou, accessible à tous.

Si vous voulez avoir une idée de ce qu'on peut faire comme voyages avec Microsoft Flight Simulator 2020, je vous conseille d'aller voir le tour du monde de Fredodata en 37 escales. C'est impressionnant, j'ai vu des paysages absolument superbes pendant ces vols - et accessoirement j'ai découvert et complètement adopté le TBM930, avion mono-hélice français de haute technologie.

Le Golden Gate en 1987.
Le même en 2020. Cliquez sur l'image
pour une version FullHD.

Le jour où j'achèterai Microsoft Flight Simulator 2020, je ne pourrai plus faire la même chose qu'en 1986. L'aéroport Meigs Field a été fermé en 2002, puis démoli et remplacé par un parc... Les deux gratte-ciels dont je parlais sont toujours là, mais ils s'appellent maintenant respectivement 875 North Michigan Avenue et Willis Tower... Il s'en est passé des choses en 33 ans !

JPB
(24 septembre 2020)
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