Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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4e partie : Demon's Souls- Le début d'une époque Si vous demandez à un fan des Souls quel est son épisode préféré, il citera certainement le premier auquel il a joué, donc le plus souvent Demon's Souls. Ce premier opus présente tout ce qui caractérise la série, à quelques détails près. C'est aussi un jeu développé sous pression et soutenu par un éditeur sceptique, ce qui a conduit ses développeurs à tailler dans le contenu.L'aventure est découpée en phases de jeu thématiques d'une grande densité, reliées par des artifices très apparents. Un tutoriel de 15-20 min, un univers parallèle d'où l'on accède à cinq niveaux et un combat final qui tient plus de la récompense que du challenge, voilà tout ce que le jeu a à offrir sur le papier. Dans la pratique la progression est si morcelée, laborieuse, l'action si intense et les allers-retours si fréquents qu'il faudra beaucoup d'acharnement et de capacité d'adaptation pour en voir le bout. Mais une fois les niveaux mémorisés, on ne peut que réaliser leur brièveté et on gardera le souvenir d'un bon gros jeu d'arcade, débordant d'idées et doté de multiples options qu'on ne peut toutes exploiter en une seule partie. Le refaire entièrement, avec un autre personnage ou en New Game+, s'envisagera naturellement sans même avoir marqué une pause, ne serait-ce que pour le plaisir revanchard de progresser bien plus vite que la première fois. - L'âme des guerriers Depuis bien longtemps, le royaume de Boletaria vit sous la menace de l'Ancien, entité d'origine divine capable de lever des armées de démons. Lors d'une crise antérieure, ceux qu'on nomme les Monumentals, moines versés dans l'art du transport d'âmes, parvinrent à mettre l'Ancien en sommeil. Depuis ils travaillent à la réunification du royaume grâce à des Archipierres qui téléportent des corps et des âmes dans cinq régions dirigées par des alliés. Mais aujourd'hui la situation est critique : un seul Monumental est encore en vie et l'Ancien s'est réveillé depuis que le Roi Allant lui a fait allégeance, espérant en retour pouvoir et prospérité. Au lieu de ça, Boletaria est encerclé par un brouillard impénétrable. Les dirigeants des cinq régions ont été renversés ou damnés, une nouvelle invasion de démons fait rage et la plupart des habitants sont devenus fous. Le Roi Allant règne sur un chaos. Lorsque l'histoire débute, vous mourrez (inévitablement) lors d'une scène d'évasion de prison où les commandes de jeu sont introduites. Vous voilà dans le Nexus, zone tampon entre la vie et la mort où transitent des âmes de défunts. Vous y retrouvez le dernier Monumental qui vous a choisi pour rétablir l'ordre dans les cinq régions, avant de défier le Roi Allant, puis l'Ancien lui-même sous une forme surprenante qui réserve un petit twist scénaristique. Dans Demon's Souls, le personnage peut évoluer sous trois formes : humaine, forme d'âme (le corps apparaît avec un voile translucide) ou spectrale en cas d'interaction avec un autre joueur. La forme d'âme, dans laquelle on passe le plus de temps, inhibe toutes les fonctions en ligne et entraîne une restriction sur les points de vie : -50% par défaut, -25% si on porte un anneau particulier (découvert dès le premier niveau). Pour retrouver sa forme humaine et une barre de vie complète, il faut soit utiliser un item rare et coûteux, soit absorber l'âme d'un être vivant qui peut être un boss de fin de zone ou un joueur qu'on aura envahi et vaincu. A chaque mort on ressuscite dans le Nexus sous forme d'âme. Le Nexus est une sorte de temple, assez étendu (surtout verticalement) et sécurisé mais dont on ne peut sortir qu'en empruntant une des Archipierres qui s'y trouvent. Toutes les évolutions importantes du personnage ont lieu dans cet endroit. Divers personnages y stationnent : - Une jeune fille sans yeux vêtue de haillons noirs, qu'on consulte pour augmenter ses compétences et son niveau. Liée à l'Ancien de quelque manière, elle a de grands pouvoirs et servira de guide tout au long du jeu. - Des commerçants : marchand, forgeron, formateurs en sortilèges et miracles, et un garde-coffre chez qui on peut stocker de l'équipement, l'inventaire étant sévèrement limité en poids. - Un chevalier stoïque, assis, dont le rôle se limite à donner quelques indications sur l'histoire et certains concepts de gameplay. Baptisé Crestfallen Warrior (guerrier déconfit), il commente tout ce qui se passe avec cynisme mais ses dialogues deviennent peu à peu décousus, comme s'il perdait progressivement la raison. C'est l'archétype du NPC dans les Souls et on le retrouvera dans les jeux suivants.D'autres NPC, rencontrés dans les cinq niveaux du jeu, se déplaceront vers le Nexus si vous les aidez. Certains deviendront très utiles, d'autres vous joueront de vilains tours. Dans le Nexus se trouve également l'Ancien, enfermé au sous-sol jusqu'à la fin du jeu. Lorsque vous aurez bouclé les cinq niveaux, ce qui représente 16 zones à explorer (4 pour le premier niveau, 3 pour les suivants), le plancher du Nexus s'ouvrira et vous aurez accès au endgame pour le combat final. - Boletaria Chaque zone commence par une Archipierre utilisable pour retourner au Nexus en conservant toutes ses âmes, et se termine par un combat contre un boss. Une fois celui-ci vaincu, le personnage retrouve sa forme humaine et débloque à la zone suivante. On se retrouve alors devant une nouvelle Archipierre, c'est le moment idéal pour aller au Nexus dépenser le pactole d'âmes qu'on vient d'encaisser.>Vers la fin du jeu, lorsque la plupart des zones sont terminées, on découvre que le niveau 1 dispose d'une quatrième zone, presque aussi longue que les trois précédentes réunies. Mais avant cela, on aura écumé les zones 1-1, 1-2, 1-3 etc. jusqu'à 5-3, non pas dans un ordre numérique mais selon une logique de retours constants vers le Nexus et de percées plus ou moins couronnées de succès dans toutes les zones à la fois. - Le niveau 1 se déroule dans le palais de Boletaria, une cité fortifiée médiévale bourrée de tunnels, de remparts, d'échafaudages et de tours dans lesquels on combat une garde royale en proie à la folie. La zone 1-1, qui avait médusé les journalistes au TGS de 2008, est à elle seule un petit classique du jeu vidéo : on démarre devant des escaliers qui mènent à l'entrée principale, et chaque pas se fait au prix d'une lutte acharnée contre des soldats déchaînés. Le boss est tout près, mais avant de l'affronter on devra parcourir tout un réseau d'escaliers et de tunnels jusqu'à débloquer un raccourci qui permet d'aller droit au but en 20 secondes. On aura également rencontré deux dragons qui planent au dessus la mêlée et peuvent griller d'un souffle aussi bien le joueur que les ennemis. Les trois autres zones sont dans le même esprit, mais la dernière est épique et marquée par un face-à-face qui n'aurait pas dépareillé dans un Castlevania. Tous les boss de ce niveau sont exceptionnels quoi qu'il en soit. Les châteaux forts sont une grande source d'inspiration pour From Software qui en a placé dans les trois Souls, chaque fois pour le meilleur. - Le niveau 2 est une zone minière où l'on peut collecter différentes titanites pour améliorer ses armes chez deux forgerons, l'un sur place et l'autre dans le Nexus, selon un système d'avancement d'une complexité agaçante (heureusement on trouvera des armes déjà améliorées pour divers profils de personnages). On explore les entrailles d'une montagne où des mineurs, qui ressemblent plus à des zombies qu'autre chose, ont creusé et aménagé d'immenses galeries. Plus profond, on rencontrera de la lave, des monstres qui semblent s'en nourrir, et sur le bord d'une falaise un certain Patches, personnage facétieux qui aime bien vous envoyer au casse-pipe à sa place (encore une figure récurrente des Souls). Le premier boss n'est pas excessivement retors mais le suivant est une vraie plaie. Le troisième, en revanche, se résume à la résolution d'une énigme. - Le niveau 3 commence par la douloureuse exploration d'une prison conçue façon Alcatraz, avec un très grand volume rectangulaire entouré de cellules et de coursives sur quatre étages. On tente de se frayer un chemin en récupérant des clés qui débloquent peu à peu toute la zone (les portes déverrouillées le restent en cas de mort). Les prisonniers décharnés poussent des cris déchirants à votre passage, mais si vous avez pitié d'eux et les libérez, les conséquences sont aussi glauques qu'inattendues. L'endroit est bien sûr gardé par de terribles mages à tête de poulpe signalant leur arrivée par une cloche. Cette zone, passionnante à explorer et dotée d'un design sonore remarquable, illustre bien la manière dont les Souls parviennent à faire tolérer des échecs répétés par un intérêt indiscutable et une atmosphère fascinante. Après un boss orienté magie qui se combat dans une chapelle, le reste du niveau concerne les alentours de la prison et la Tour d'Ivoire, lieu où résidait autrefois la Reine de Boletaria. Au sommet du bâtiment, on combattra deux boss qui introduisent de nouveaux mécanismes : le premier est double (oui double) et donc assez difficile même si la seconde créature n'intervient pas immédiatement, le second est un moine fou qui peut, grâce aux fonctions online du jeu, être dirigé par un autre joueur (l'opération se substitue à une invasion pour cette zone). - Le niveau 4 vous conduit sur une île constamment fouettée par des tempêtes et infestée de squelettes vivants dont certains, armés d'une paire de katanas, semblent prendre votre tête pour une branche de laurier qui dépasse. Des mages, capables de lancer une sorte de rayon très délicat à esquiver, sont aussi présents. C'est un niveau tendu mais aussi très court, qu'on trouve rapidement le moyen de traverser en s'épargnant des combats répétitifs. L'ambiance est très particulière, mêlant à la représentation crédible d'une île nordique des visions fantastiques très décalées, comme ces raies volantes qui projettent leur dard depuis le rivage. On rencontre également, pour la première fois, un personnage récurrent des Souls : le corbeau qui fait du troc. Celui-ci ne sera jamais visible en personne, seul son nid est représenté. De sa voix enjouée et affublée d'un accent très prononcé, il nous enjoint à lui donner des objets. Il suffit alors d'en déposer un dans le nid, et au prochain chargement de la zone l'oiseau l'aura remplacé par autre chose. Des dizaines de combinaisons sont possibles, toutes répertoriées dans les guides de jeu (rien d'indispensable toutefois). Le premier boss a une allure très particulière, plus comique qu'autre chose, mais il est très intéressant à combattre et pas trop résistant. Le second est plus pathétique : aveugle, il est incapable de détecter le joueur tant que celui-ci évite à peu près toutes les actions qui vident la barre d'endurance. Mais après chaque assaut contre lui, il se montre très dangereux le temps qu'on redevienne discret. Il est possible de le tuer à l'arc sans aucun risque, encore faut-il le savoir (et avoir envie de saboter un moment très réussi du jeu). Le dernier boss est sublime à observer et se combat avec une action contextuelle qui montre tout le goût et l'imagination dont peuvent faire preuve les développeurs de From Software. - Le niveau 5 est un souterrain humide, écoeurant, où vivent tous les êtres difformes que la population de Boletaria a rejetés, ainsi que toute une gamme de bestioles. Une large part de l'exploration se déroule dans cinquante centimètres de vase, avec une mobilité réduite pour le héros mais pas forcément pour les abominations qui veulent l'étriper ou simplement lui donner la peste, forme d'empoisonnement très radicale incluse au système de jeu. Le Marais Fangieux, tel que les développeurs l'ont nommé, est aussi un endroit mal éclairé où on se perd facilement, surtout dans sa seconde partie. On souffrira plus que d'habitude des retours à l'Archipierre après chaque échec. Les ennemis sont des parias disponibles en taille normale ou "XXL option one-shot", des rats, des tiques géantes, des moustiques (géants aussi) qui vous détectent de très loin et des machins gluants qui vivent dans la vase. Quelques spectres sombres gérés par l'IA traînent également dans le coin. Le premier boss ne cause guère de souci, le second est très intéressant car il fait intervenir dans le gameplay des nuées de mouches dont il faut se débarrasser en s'approchant de sources de feu, et le troisième constitue un des moments les plus chéris des fans : on rencontre la personne qui règne sur les lieux, non pas un monstre mais quelqu'un de plein de compassion pour les êtres mis au ban et qui, au lieu de vous attaquer à vue, tente de vous faire renoncer par le dialogue. Elle est accompagnée d'un garde du corps muni d'une massue forgée dans au bas mot 250 kilos de métal. Peu avant la conclusion du combat, vous découvrirez que ce boss est flanqué de créatures qui constituent ce qu'on a vu de plus dérangeant, et de loin, dans les Souls. - Tendances A la fin du jeu, deux actions sont possibles avant de relancer l'aventure : l'une fait du joueur le sauveur d'un monde dans lequel les forces du mal resteront en sommeil, l'autre le pousse sur le trône en tant qu'être suprêmement malfaisant. Si les choses devaient se limiter à un simple choix de cinématique après le boss final, cela n'aurait pas grand intérêt. Pour offrir au joueur un peu mieux que cela ont été mises en place des tendances, noire ou blanche, qui s'appliquent au personnage et à chacun des cinq niveaux. Elles varient en fonction d'actions effectuées en solo ou en multijoueur et culminent lorsque le statut "pur blanc" ou "pur noir" est atteint. Les tendances permettent de renforcer l'identité de son personnage et donnent un sens à ses choix, mais elles agissent aussi en tant que régulateur de difficulté et permettent de débloquer du contenu. A tout moment il est possible de consulter la tendance des niveaux et celle de son personnage, mais les actions qui les affectent ne sont pas indiquées car elles relèvent d'une logique assez simple. On peut même dire qu'elles s'imposent d'elles-mêmes si on agit de manière cohérente. - Le personnage tend vers le blanc s'il tue des spectres sombres de joueurs, dans son monde ou celui d'un joueur qui l'aurait invoqué comme spectre blanc. Cela lui offre un bonus d'attaque. - Le personnage tend vers le noir s'il tue des NPC amicaux, ou d'autres joueurs après les avoir envahis. Cela réduit légèrement sa barre de vie. - Les niveaux tendent vers le blanc lorsqu'on y tue un boss ou un spectre sombre (envahisseur ou IA). Cela rend les ennemis moins puissants mais affecte négativement la quantité d'âmes et d'objets qu'ils délivrent en mourant. - Les niveaux tendent vers le noir lorsqu'on y meurt sous forme humaine. Les ennemis deviennent plus puissants et le gain d'âmes et d'objets est renforcé. Une tendance "pur blanc" ou "pur noir" dans un niveau ouvre des portions de zone jusque-là inaccessibles et entraîne l'apparition de nouveaux NPC ou d'ennemis inédits dont la mort est fortement récompensée. Quant au personnage, le fait d'être "pur blanc" ou "pur noir" lui donnera un bonus d'attaque en multijoueur amical (pour le blanc) ou hostile (pour le noir). En solo, les tendances noires rendent le jeu plus difficile mais on n'y viendra pas par hasard car les actions "blanches" correspondent à ce que fait un joueur normalement constitué lorsqu'il découvre un RPG, surtout s'il est difficile : quérir l'aide des NPC plutôt que les tuer, faire équipe avec les autres joueurs plutôt que les assassiner. On peut ainsi voir dans le "pur noir" une sorte de mode hard à essayer pour tenter un nouveau défi et obtenir des items uniques, et dans le "pur blanc" l'accomplissement d'une exploration normale mais exhaustive, donc également récompensée. Si l'on joue sans se préoccuper des tendances, elles seront certainement neutres ou légèrement blanches donc on apercevra régulièrement des objets ou des plateformes impossibles à atteindre et on passera à côté de certains événements sans en être informé. D'autres subtilités existent (comme ces armes dont la capacité d'attaque varie avec la tendance du personnage) et le système peut paraître déroutant. Il a d'ailleurs été abandonné sur les deux jeux suivants au profit de quelque chose de plus souple, clair et qui permet d'autres alignements. - On récapitule Demon's Souls est bien réalisé, assez propre techniquement, et ne saccade quasiment jamais. C'est aussi un jeu relativement coloré malgré les ambiances délétères qui ont sa préférence. La violence y est très présente mais pas exagérément graphique. Ceci dit, beaucoup considèrent que c'est le jeu le plus sombre de la série, le musée des horreurs constitué par les niveaux 3 et 5 y étant sans doute pour quelque chose. Même si le contenu est encore assez limité avec seulement une dizaine de catégories d'armes de corps-à-corps, un panel de sorts très classique, une vingtaine de boss et une trentaine de types d'ennemis (les deux Dark Souls doubleront ces chiffres), il y a de quoi s'amuser et découvrir pendant des dizaines d'heures, même une fois la difficulté ambiante surmontée. Demon's Souls est avant tout, peut-être davantage que ses suivants, truffé d'éléments qui "font jeu vidéo". Il y a en lui quelque chose de délicieusement rétro qui augmente son capital sympathie. C'est sans doute ce qui fait que tant de joueurs y reviennent, régulièrement, malgré la fermeture progressive des serveurs qui finira par rendre impossibles les invasions et invocations.
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