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Breakout
Année : 1976
Système : Arcade ...
Développeur : Atari
Éditeur : Atari
Genre : Casse-briques
Par Laurent (17 avril 2007)
Les flyers, cliquez sur une image pour une version plus grande (merci au site Arcade Flyer Archive !).

Pour nous Français, Breakout porte le plus souvent le nom de "mur de briques" et représente un concept de jeu qui nous est familier, sans pour autant que l’on soit en mesure de définir ses origines et l’époque de son apparition. Pourtant, Breakout est bel et bien le nom d’un jeu d’arcade sorti en 1976, époque où la plupart des avancées en la matière sont encore liées à Atari. Le plus incroyable dans l’affaire est que derrière le jeu en question se cachent les débuts d’une collaboration qu’il fait bon évoquer dans les rétrospectives, celle de Steve Jobs et Steve Wozniak, fondateurs d’Apple.

Wozniak et Jobs en 1976, devant un prototype d'Apple I.

L’histoire d’Apple nous apprend que les deux hommes se fréquentent dès le début des années 70, bien que leur cursus universitaire soit différent et Wozniak plus âgé que Jobs de 5 ans. Wozniak, pas avare d’infos sur cette époque, ne manque jamais de rappeler combien son amitié avec Jobs fut forte et productive, les deux hommes ayant eu l’intelligence de former une association complémentaire plutôt que de se mettre en concurrence.

En 1974, Steve Jobs entre chez Atari, à Los Gatos, où il fait forte impression malgré ses 18 ans par son look de hippie et l'énergie qu'il manifeste. Son travail consiste alors à tester et apporter des améliorations de dernière minute aux jeux d’arcade de l'éditeur, mais il aspire à un poste d'ingénieur. Son ami Steve Wozniak, en plus d’être un petit génie de l’électronique, est un fan de jeux vidéo depuis qu’il a découvert Pong et s’est même essayé à en créer un clone - remarqué par Nolan Bushnell, le patron d'Atari - pendant ses heures perdues (il travaille à l’époque chez Hewlett-Packard). Jobs, tous les soirs après le départ des autres employés, le fait pénétrer dans les locaux d’Atari afin qu'il découvre avant tout le monde les futures merveilles qui vont envahir les salles d’arcade, notamment le jeu de course Gran Trak 10 (développé par Cyan Engineering pour Atari), premier de l'histoire à utiliser des sprites et un contrôle au volant.

Nolan Bushnell et Al Alcorn de nos jours.

En 1975, Nolan Bushnell, boss d'Atari, imagine une variante de Pong et trouve avec l'aide de Steve Bristow un nouveau concept : un jeu figurant toujours une raquette faisant rebondir une balle, mais cette fois opposée à un mur qui se désagrègerait peu à peu au contact de la balle, l'ensemble symbolisant l'attitude d'Atari ("breaking new grounds", autrement dit "repousser les limites"). Le jeu est rapidement développé, mais des employés d'Atari quittent la société pour former une start-up nommée Fun Games et en dérobent les plans, ainsi que ceux de plusieurs autres projets. Un procès démarre, qui aboutira en 1976 au démantèlement de Fun Games, mais retardera d'un an la sortie de Breakout et de quelques autres titres (dont Tank et Jet Fighter), provoquant des pertes sérieuses pour Atari. Pour y remédier, Nolan Bushnell et son complice Al Alcorn (co-fondateur et ingénieur en chef d'Atari) lancent une offre auprès des 40 employés que compte l'entreprise : le hardware des jeux est alors constitué non pas d'un microprocesseur et de roms (il ne le sera qu'à partir de 1979), mais de circuits appelés TTL (Transistor-Transistor Logic) au prix de revient assez élevé. Bushnell propose une prime à tout employé qui proposerait un prototype de jeu comportant moins de TTL que ceux mis au point l'année précédente. Celle-ci s'élève à 700$, plus 100$ par TTL économisé. Steve Jobs se propose, son choix s'est porté sur Breakout et il assure qu'il livrera un nouveau propotype dans un délai de 4 jours. Incapable en réalité de tenir une telle gageure, il appelle à la rescousse son ami Woz, lui promettant la moitié de la prime de 700$, mais sans lui parler du bonus ! Pire : il lui fait aussi croire que le délai de 4 jours est imposé par Atari, alors qu'en fait c'est lui qui a un avion à prendre pour partir en vacances dans l'Oregon.

Wozniak va s’atteler à la tâche avec une détermination incroyable (et probablement désintéressée sur le plan pécuniaire) sans pour autant renoncer à ses activités personnelles. 4 nuits durant il travaille d’arrache-pied, tout en arrivant à l’heure le matin chez HP. Pendant la journée, c'est Jobs qui prend la relève. Pour faire fonctionner le jeu, ils se fondent sur les circuits créés par Woz pour son clone de Pong, et parviennent à un total de 46 TTL, alors que les jeux de l'époque en utilisent en général environ 150. Arrivé à échéance du délai, Jobs présente le prototype à ses supérieurs et empoche au total environ 5700$ (en liquide).

Breakout, comme la plupart des jeux produits par Atari dans les années 70, est un énorme succès. La machine d’arcade se vend à 15 000 exemplaires, et le jeu va devenir un classique indémodable, dont d’innombrables versions seront programmées sur tous les micro-ordinateurs et consoles (à commencer bien sûr par la version VCS développée par Brad Stewart et sortie en 1978), aussi bien par des pros que des amateurs. Dans les années 80, période bénie des micros et du BASIC, le "mur de briques" devient même un passage obligé pour l’apprenti développeur, sorte de "jeux interdits" de la programmation.

Comme tout les Apple-maniacs le savent, Jobs a menti à Wozniak en lui disant que la prime promise n’était que de 700$, lui reversant sans rougir 350$ au moment de la livraison du jeu, et gardant le reste. De même, après la sortie du jeu et devant son énorme succès, Jobs n’a rien fait pour que la participation de son ami soit reconnue, que ce soit financièrement ou d’un point de vue historique. C’est le genre de choses qui a abouti (bien plus tard certes) à la fin de l’amitié entre les deux compères et au départ de Woz d’Apple. D’ailleurs, les relations entre Jobs et Woz sont un des romans-feuilletons les plus à la mode auprès des passionnés d'Histoire de l’informatique (un téléfilm a même été tourné sur le sujet).

Breakout version Atari VCS et Super Breakout.

Bien qu'il ait ensuite refusé - au grand dam de Bushnell et Alcorn - un job chez Atari, la contribution de Woz au développement du hardware de Breakout ne lui a pas servi à rien, bien au contraire. Tout cela a abouti, on le sait, à la création du premier prototype d’Apple I. Par ailleurs, les relations de Nolan Bushnell dans la Silicon Valley ont été utiles à Jobs et Wozniak dans leur quête de soutiens financiers, même s’il refusa lui-même le projet.

En 1978, Breakout a fait l’objet d’une suite, Super Breakout, plus difficile et plus joli, développé par Ed Logg, futur auteur d’Asteroids. En dehors des innombrables versions et remakes que l’on connaît (et dont le plus célèbre est certainement Arkanoïd, mais il convient également de citer DX-Ball, un excellent shareware, et Pop-Corn qui révéla notre Frédérick Raynal national), la dernière apparition du jeu sur une console Atari est Super Breakout 2000, sur Jaguar, développé par Telegames en 1998. On compte aussi une version PC en 3d éditée par Hasbro sous le label Atari, juste avant que celui-ci devienne la propriété d'Infogrames.

Laurent
(17 avril 2007)